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^ 4 T —
t
BULLETIN
DE LA
f r
SOCIETE DE GEOGRAPHIE.
Cinquième Série.
r
VOMS I.
LISTB DES PRÉSIDENTS HONORAIRES DE LÀ SOCIÉTÉ.
MM*
Marquis de Laplace.
Marquis de Pastoeet.
Y*^ de Chateaubbiand.
C*' Chabbol db Yolyic.
Becquet
C* Chabrol de Croc sol.
Baron Georges Cuyier.
B*" Htde de Neuville.
Duc de DouDEAU ville.
C** d'Argout.
J.-B. Etriès.
Le vice-amiral de Rignt,
LecoDt.-ainir. d'Urville
Duc Decazes.
MM.
Comte de Montalivet.
Baron de Barante.
Le général baron Pelet.
GUIZOT.
De Salvandt.
Baron Topinibr.
C*" Jaubert.
Baron de Las Cases.
VlLLEMAlN.
Cunin-Gridaine.
L*amiral baron Roussin.
L'amir. baron de Mackad
B"" Alex, de Humboldt.
Le Yice-amiral Halgan.
MM.
Baron Walckenaer.
C« MOLÉ.
JOMARD.
Dumas.
Le contre-ami r. Mathieu.
Le vice-amiral La Place.
Hipp. FORTOUL.
Lefebvre-Duruflé.
guigniaut.
Bausst.
Le général Daumas.
Élie de Bbaumont.
LISTE DES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS
DANS l'ordre de LEUR NOMINATION.
MM.
H. S. Tanner, à Philadelphie.
W WooDBRiDGE, à Boston.
Le général Edward Sabine, à Londres.
Le docteur J. Richardson, à Londres.
Le professeur Rafn, à Copenhague.
W. AiNswoRTH, à Londres.
Le colonel Long, à Louisville. Ky.
Le capitaine Magonochie, à Sydney.
Le conseiller Macedo, à Lisbonne.
Feu le profess. Karl Ritter, à Berlin.
Le cap. John Washington, à Londres.
Feu P. DE Angelis, à Bucnos-Ayres.
Le docteur Kriegk, à Francfort.
Adolphe Erman, à Berlin.
Le docteur Wappaîjs, à Goettingue.
Ferdinand de Luca, à Naples.
L docteur Baruffi, à Turin.
MM.
Le colonel Fr. Coello, à Madrid.
Le professeur Munch, à Christiania.
Legén. C'*A. DeLAMARMORA,àTurin.
Le profess. Paul Chaix, à Genève.
J.*S. Abert, colonel des ingénieurs to-
pographes des États-Unis.
Le profess. Alex. Bâche, surintendant
du Coast'Survey, aux États-Unis.
Lepsius (Richard), de TAcadémie des
sciences de Berlin, à Berlin.
De Martius, secret, perpét. de TAcad.
des sciences de Bavière, à Munich.
Riepert (Henri), à Berlin.
Petermann (Augustus), à Gotha.
E. Lamanskt, à Saint-Pétersbourg.
Hermann Schlagentweit, à Berlin.
LISTE DES CORRESPONDANTS ÉTRANGERS
QUI ONT OBTENU LA GRANDE MÉDAILLE.
MM.
Feu lecapit. sir J. Franklin, à Londres.
Le capitaine Graah, à Copenhague.
Feule capit. sir John Ross, à Londres.
Le capitaine G. Back.
L*amiral James Clark Roos,à Londres.
MM.
Le docteur Henri Barth, à Berlin.
Le rév. DavidLiviNOSTONB, à Londres.
Le docteur E. K. Kane.
Les frères Schlagentweit, à Berlin.
Lecapit. Richard F. Burton, à Londres.
Le capit. R. Mac-Clure, à Londres. | Le capit. J.-H. Speke, à Londres.
Paris. — Imprimerie de L. MaetIMBT,
rae Mignon, i.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE
RÉDIGÉ PAR LÀ SECTION DE PUBLICATION
ET MM. V. A. MALTE - BRUN,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMISSION CENTRALE,
ET
V. A. BARBIE DU BOCAGE,
SECRÉTAIRE ADJOINT.
CINQUIÈME SÉRIE. — TOME PREMIER
ANNÉE 1861.
JANVIER —JUIN.
PARIS,
CHEZ ARTHUS-BERTRAND,
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE,
RUE HAUTEFEUILLE, N<> 21.
' 1861.
COMPOSITION DU BUREAU DE LA SOGIÉT&
pouii 1860-1861.
Président. S. Exe. M. Roulano, ministre de l'inslraction publique et
des cultes.
D / '/f #« I ^'* ramiral Romain des Fossés, sénateur.
1 tce-Prestaents, | ^ j^ ^^^^ ^^ Geossolles-Flamahens, sénateur.'
j M. Alfred Mauby, membre de Tlnstitut.
Acrwlaleur». | jj y^^^^^^ ^^^ Saint-Maiitin.
Secrétaire, M. Himly, profess. de géographie à la Faculté des lettres.
COMPOSITION DU BUREAU ET DES SECTIONS
DE LA COMMISSION CENTRALE.
Président. M. Johard, membre de Tlnstitut.
Vice-Présidents, M. D'Avezac.
M. Alfred Màijut, membrede l'Institut.
Secrétaire général. M. V.-A. Malte-Brun.
Secrétaire adjoint. M. Y.- A. Barbie du Bocage.
Section île Correspondance.
MM. A.d'Abbadie,corr.dcnnstitQt.
Alex. Bonneau.
Ed. ChartoD.
C** d'Escayrac de Lauture.
E. de Froidefonds des Farges.
Victor Guérin« „_
Adjoint : M. Lejean.
MM. Aug. Himly.
Gabriel Lafond.
De la Roquette.
Ernest Morin.
Noël des Vergers, corr. de l'Inst.
Section de Publication.
MM. Buisson.
E. Cortambert,
Alfred Demersay. .
Guigniaut« de TlnstituL
Lourmand.
Jules Duval.
Adjoint : M. Alfred Jacobs.
Section de Comptabilité
MM. Albert-Montémont.
Bouillct.
F.-A. Garnier.
Adjoint : M. Fabre.
j4rchiviste'bibliothécaire.
M
Trésorier de la Société,
M.Meignen, notaire, rue Saint-Honoré, 370.
Agent de la Sociétés
M. Noirot, rue Christine, 3.
MM. Morel-Fatio.
DeQuatrefages, de Tlnstitut.
. Élkée Reclus.
Sédillot.
Trémaux.
Vivien de Saint-Martin.
MM. S. Jacobs.
Lefebvre-Duruflé.
Poulain de Bossa y.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE.
UNYIER 1861.
Mémoires 9 Motieeii» e|c«
EXTRAIT
D'UN VOYAGE EXÉCUTÉ, EN 1860,
DANS LE SAHARA OCCIDENTAL.
PAR M. LE CAPITAINE D'ÉTAT-MAJOR VINCEHT.
Notre colonie du Sénégal attire tous les jours davau-
tage rattention de la mère-patrie ; naguère c'était le
pays aux événements fabuleux, au climat meurtrier;
aujourd'hui il n'a conservé de son ancienne réputation
qu'une chaleur exceptionnelle, il est vrai, et l'insalu-
brité inévitable dans une zone inter tropicale, basse,
baignée par les pluies torrentielles de l'hivernage et
les débordements du fleuve.
Le gouverneur, M. Faidherbe, après avoir inauguré
une politique nouvelle, obtenu une tranquillité qui
n'est plus achetée au prix des nombreuses coutumes
payées aux indigènes, après avoir fait craindre et res-
pecter le nom français par de glorieux combats, ne se
(«)
contente plus d'une influence localisée sur les bords
du Sénégal, mais T étend en même temps que nos
relations commerciales sur un immense espace de ter-
rain, au milieu duquel coule le fleuve servant de base
et d'appui.
Hier encore, la géographie de ces contrées était
pour ainsi dire inconnue ; en peu d'années, la carte se
couvre des noms que l'on entend à chaque instant
dans la bouche des indigènes.
M. Faidherbe communique à tous son audace et son
initiative. Le commerce ne craint plus de faire les
voyages si redoutés du haut fleuve; une poignée
d'hommes maintient l'ordre sur une ligne de plus de
200 lieues, tient tête à un fanatique mulsulman dont
la parole éloquente entraîne des populations entières
et qui, bientôt fatigué d'une lutte inutile, viendra nous
demander la paix; nos établissements ne sont plus
isolés, des postes sont échelonnés le long du fleuve et
se prêtent un mutuel secours.
Enfin l'œuvre de pacification est à peu près terminée,
des officiers sont lancés dans toutes les directions à la
découverte des pays sur lesquels devra s'étendre peu
à peu le réseau de nos relations commerciales, le bien-
fait de notre influence civilisatrice. Les documents
épars jusqu'aujourd'hui, les renseignements produits
par ces explorateurs, le tout groupé, forme un ensemble
qui enrichit là géographie et contribue à dissiper les
ténèbres, qui récemment couvraient encore la mysté-
rieuse Afrique.
Je passe au récit abrégé du voyage que j'ai exécuté
de mars en juin 1860 dans le Sahara occidental. Je
(7)
m'attacherai à faire connaître en quelques mots l'aspect
du terrain parcouru et les principales coutumes des
populations que j*ai visitées ; je m'abstiendrai d'appuyer
sur les souffrances, les privations et les fatigues que
nous avons éprouvées, et les difficultés qui se dressent
à chaque pas devant le voyageur, difficultés plus
sérieuses de la part des hommes que de celle des élé-
ments.
Le 5 mars, un bateau à vapeur nous transportait de
Saint-Louis à Dagana, poste commercial français, à
25 lieues dans l'intérieur, j'emmenai avec moi un inter-
prète noir, Bou-el-Moghdad, fort versé dans la science
des livres arabes, ayant la réputation d'un marabout
savant et respecté, le brigadier de spahis Gangel, qui,
ailleurs, avait donné la preuve d'un grand courage
militaire,*enfin le spahis noir David, rompu aux fati-
gues et aux dangers des expéditions. J'avais pour deux
mois de vivres et des marchandises pour environ deux
mille francs.
Un trarza de la tribu des Zomboti se charge de
nous conduire au camp du roi Mohammed-el-Habib,
nos bagages sont installés sur des bœufs porteurs, nous
montons nos chevaux jusqu'au camp du roi.
Nous quittons Dagana et nous nous engageons dans
la partie du pays nommée Chamâma (pays des noirs),
dont la végétation et les productions sont les mêmes
que celles de la rive gauche, exclusivement réservée à
la race noire. (Le fleuve est imposé aux Maures par
nos traités, comme limite entre eux et les nègres.)
Nous longeons le Marigot de Sokam, déversoir du
lac Cayar dont les eaux, quoique soumises à l'action du
(8)
flux et du reflux, sont constamment douces ; elles ^ont
peuplées de nombreux crocodiles, d'hippopotames,
elles entretiennent le long des bords une verdure dont
la fraîcheur attire le gibier de toutes sortes, le san-
glier, la biche, le lièvre, la pintade, la perdrix, etc. , et
à la suite de tous ces animaux, le lion, le guépard, le
chat-tigre et plusieurs espèces de serpents, entre autres
le boa qui ^atteint pas une grande taille, le serpent
noir, mince et effilé, dont la morsure est si venimeuse,
enfin le terrible trîgonocéphale.
Le voisinage de l'eau douce attire une visite beau-
coup plus désagréable que celle des animaux dange-
reux, je veux parler des nuées de moustiques dont le
. bruissement et les piqûres sont insupportables. J'ai
rencontré non loin du fleuve des champs cultivés par
les Maures. Depuis que nous ne laissons plus passer
le fleuve aux guerriers pour aller Commettre leurs bri-
gandages sur la rive gauche, les marabouts q^ii s'éloi-
gnent peu des parages du Sénégal se sont mis à la
culture du mil, ce qui ne les empêche pas, une fois la
récolte faite, de continuer leur genre de vie nomade.
Le terrain est légèrement ondulé, les éminences sont
sablonneuses, couronnées d'arbres épineux et de buis-
sons épais, les bas-fonds argileux, complètement des-
séchés en mars, sont couverts sur de grandes étendues
d'herbes fort élevées; puis des lacs plus ou moins con-
sidérables dont les bords ne sont pas bien tranchés,
garni3 de hautes herbes, au milieu desquelles se tien-
nent de nombreux échassiers. Ces lacs déversent les
eaux de pluie de l'hiveriiage, par des canaux auxquels
on donne le nom général de maiîgots.
(9)
Le 12 mars, no^e route est N. , Taapect change, les
réservoirs d'eau ont disparu pour faire place aux col-
lines sablonneuses couvertes d'herbes ; ici commence
le terrain brûlant du Sahara, parcouru dans tous les
sens par le Maure nomade, fier de sa liberté et confiant
dans la monture qui lui permet de franchir impuné^
ment l'immensité des déserts.
De loin en loin, comme des oasis apparabsent des
dépressions dont la verdure repose l'œil fatigué par
l'éclat du sable rouge, et par la sécheresse du vent
d'est.
Là se rencontrent de préférence de nombreux camps
qui y trouvent des puits peu profonds, de l'eau en
abondance et d'excellents pâturage. Les tentes sont
dissimulées derrière des bouquets de pin maritime;
notre arrivée cause une grande sensation.
La population du premier camp vient nous voir, les
hommes mi le haut du corps nu, la peau rouge,
l'œil intelligent, le nez aquilin, les cheveux plutôt
crépus que bouclés ; les femmes, vêtues d'une longue
tunique tombant des épaules sur les talons, ont les
bras dégagés et les pieds nus; elles n'ont pas le visage
voilé, portent presque toutes sur les bras de jeunes
enfants qu'elles ne craignent pas d'exposer au soleil.
Ces Maures paraissent très doux, sont du reste mara-
bouts, c'est-à-dire qu'ils pe portent pas d'armes et
pratiquent assidûment la religion de Mahomet.
Issus de la race berbère et habitant le pays avant
les guerriers Trarza, ils ont adopté la langue et la
religion imposées par leurs vainqueurs et ont échappé
par là à leurs ^léprédatiouset.à leurs pillages. Us dhé-
( 10)
rissent avant tout leur vie pastorale et contemplative.
Le 15 mars, nous sommes chez le cheikh de la tribu
guerrière des Trarza, le roi Mohammed-el-Habid, qui
s'est engagé, par une lettre au gouverneur, à nous
donner sa protection ; il nous la refuse en présence de
tous les princes et les guerriers qui font partie de son
camp, prétend que le voyage que nous entreprenons
est impossible pour des Européens, et que c'est le com-
ble de la folie que d'y songer.
Tous les Maures à qui nous parlons de notre voyage
nous répètent la même chose; il semblerait que tous
se sont entendus.
Le camp de Mohammed-el-Habib est composé
d'environ cent cinquante tentes largement espacées
entre elles ; chaque tente a son troupeau de chameaux
et de moutons. Les guerriers qui parcourent de grands
espaces n'ont jamais de bœufs, parce qu'il faudrait les
mener aux puits tous les jours ; les moutons peuvent
rester deux jours sans boire, et les chameaux huit
jours par le temps le plus sec.
L'animation du camp est grande, nous ne pouvons
sortir sans être suivis par une foule de curieux, les
femmes surtout sont acharnées à notre poursuite ; et
quand nous sommes rentrés dans notre tente, elles
viennent délicatement soulever le rideau et nous regar-
der pendant des heures entières. Toutes portent aux bras
et à la cheville des bracelets en cuivre et en argent ;
tout l'argent français qui pénètre dans le Sahara est
immédiatement transformé en bijoux. Les filles des
chets importants ont les oreilles percées de plusieurs
trous superposés et surchargés d'anneaux d'or fort
( 11)
lourds, dont la suspension est aidée par une lanière
de cuir passant par-dessus la tête.
L'ambre, le corail, la cornaline, les verroteries sont
disposés en ornement dans les cheveux ou en collier.
La .coiffure des jeunes filles consiste efa tresses fines et
tombantes, celle^des femmes est différente : les cheveux,
enroulés avec beaucoup de soin, sont ramenés en cou-
ronne sur le haut de la tête ; le tout est recouvert de
rétemelle toile bleue de Guinée qui compose le seul
vêtement des Maures, à Texception du calicot blanc
porté par les chefs. La couleur blanche est le signe du
commandement.
On fait absorber de gré ou de force aux jeunes filles
des meilleures familles, des quantités énormes de lait
et de bemTe, elles acquièrent de la sorte un embon-
point souvent monstrueux, qui contraste avec la mai-
greur des hommes. Comme dans tous les pays musul-
mans, le mari donne une dot à la jeune fille, qui
devient pour ainsi dire son esclave.
Chez toutes les tribus que j'ai visitées, je n'ai pas vu
un seul Maure avoir plusieurs femmes; celles-ci ne
souffrent pas le partage et elles ont un immense ascen-
dant sur leur mari, dont tous les actes semblent
dénoter le désir de leur plaire.
Ajoutons que le divorce estsi commun, surtout quand
la dot n'est pas considérable, que les Maures n'ont
pas le regret de ne pouvoir appliquer cette règle du
Coran qui accorde quatre femmes à celui qui peut les
nourrir. La femme libre est exempte de toute espèce
de travail ;- toujours sous la tente, elle ne marche jamais,
et quand on change de campement elle est mollement
(1?)
transportée à chameau dans un riche palanquin où
elle est assise à la turque, ayant à côté d'elle ses
enfants en bas âge que le doux balancement du cha-
meau tient endormis pendant tout le trajet.
Les hommes, toujours exposés au grand soleil, ont la
peau basanée, les femmes seraient presque blanches, si
elles n'avaient sur tout le corps une couche de crasse
qu'elles paraissent ne pas remarquer. Au contraire,
elles sont heureuses d'avoir un vêtement neuf qui déteint
plus facilement et qui laisse sur leur peau une teinte d'in*
digo dont elles semblent s'enorgueillir. Une femme de
guerrier que j'ai questionnée m'a avoué ne s'être pas
lavée depuis sept années.
Toute cette population vit du produit de ses trou-
peaux, le lait de chamelle est très substantiel ; de plus
les moutons se reproduisent avec une abondance
extraordinaire. Je ferai remarquer, en passant, que les
moutons des Trarza n'ont pas de laine et qu'ils ont à
peu près le poil de la chèvre, quoique beaucoup plus
fin. Les captifs qui jsont des nègres pris sur la rive
gauche ou dans le haut Sénégal, sont commis à la
garde et à l'entretien de ces nombreux et riches trou-
peaux.
Les hommes libres et les guerriei-s tributaires ont
quelques bons petits chevaux d'un fond excellent,
portent tous des fusils doubles à pierre, légers et qu'ils
manient avec une adresse rare.
Après un séjour de quatre longues journées, iMoha-
med-el-Habib , à la suite de plusieurs entretiens
empreints d'un caractère évident de fausseté, se décide
enfin à nous laisser partk en nous faisant accouipa-
(13)
gner par quelques hommes de sa tribu, que nous pren-
drons chez les Aleb, fraction des Trarza la plus éloi-
gnée dans le nord ; nous ayons fait achat de quatre
chameaux, destinés à remplacer nos chevaux que nous
quittons à regret, mais que nous ne pouvons emmener
à ^ause du manque d'eau et de nos faibles moyens de
transport.
Le 19 mars toute la population du camp assiste à
nos préparatifs de départ. Un griot (nom donné à ceux
qui font le niétier de célébrer les louanges des chefs
qui les récompensent généreusement) chante notre
départ pour avoir quelques feuilles de tabac. Il y a
deux sortes de griots, les poètes et les musiciens. Les
premiers font aussi Toffice de bouffons ; ils ont un chant
qui, orné de figures vives, rappelle les principaux
exploits, et souvent les détails les plus intimes de la vie
du chef.
Les autres ont pour instrument une petite guitare,
dont les sons doux et prolongés se font entendre fort
avant dans la nuit, endonnent peu à peu le guerrier
qui se trouve transporté dans la sphère des songes.
Mais au réveil il a oublié la poésie de la nuit pour
ne penser qu'à la rapine, ce qui constitue pour le
Maure deux existences bien distinctes, la vie du rêve
et de la coiilemplation, et la vie matérielle.
Bientôt nous montons à chameau, chose toute nou-
velle pour nous; nous partons accompagnés par les
vœux de quelques Maures qui nous connaissent, et
aussi par les malédictions de la masse pour laquelle
nous sommes des infidèles, et qui n'a pas encore oublié
ce que notre dernière guerre avec eux leur a fait souffrir.
( U)
Le même jour pous recevons Thospitalité dans une
tente de Tiyab, anciens guerriers faits marabouts;
nous buvions le reste de notre provisions de vin, lors-
que tous les Maures présents, excepté nos hôtes, se
retirent en faisant des gestes de dégoût. Je demande
aussitôt si nous les contrarions en buvant du vin
devant eux. Le chef de la famille me répond par ces
mots : 0 Non-seulement tu ne nous contraries pas, mais
tu aurais même avec toi des serpents, du moment que
tu es sous ma tente, nous te voyons avec plaisir. »
L'hospitalité sous la tente est sacrée.
Nous sommes dans le pays d'iguidi, dans lequel se
trouve la forêt de gommiers qui alimente notre poste
commercial de Dagana. Ces mimosas sont peu élevés
et assez distants les uns des autres.
La récolte de la gomme se fait en mars et en avril,
époque où ont lieu les vents d'est dont la sécheresse
fait éclater Técorce. Les crevasses se remplissent bien-
tôt de gomme qui se solidifie peu à peu.
Outre le travail de la tente, les esclaves sont chargés
de recueillir la gomme qu'ils font tomber avec un
bâton fourchu ; ils ne peuvent pas se présenter à leur
maître, s'ils n'ont pas à en fournir chaque jour 2 kilo-
grammes. Le pays d'iguidi est assez peu riche en
pâturages, mais, faute d'herbes, les chameaux mangent
les épines des arbresXes ancêtres des marabouts trarza,
les ouled Deihman qui y séjournent de préférence,
disaient à leurs enfants en style oriental : « Habitez
toujours ce pays, il n'a pour maladie que la faim, poiu*
lion que le chacal. »
Les puits deviennent profonds, le creusement de
(15)
beaucoup d'entre eux a coûté plusieurs années aux
Maures qui n'ont pas T habitude de travailler la terre.
Ils se servent de petites pointes de fer entamant diffi-
cilement les couches rocheuses qu'il faut traverser pour
atteindre l'eau.
Les parois en terre sont soutenues au moyen de
paille appuyée de cercles de bois et quelquefois de fer.
Nous avons pour nous conduire jusque chez les
Aleb, le fils du ministre des Trarza, Sidi, jeune homme
qui, sous l'administration de M. Protêt, a passé un an
à Paris. Il parle assez bien le français, mais il est d'une
pusillanimité indigne d'un nomade. Il est difficile de
reconnaître sous l'habit du Maure, un homme qui a
pu admirer les merveilles de notre capitale.
De tous côtés l'on nous annonce des dangers insur-
montables ; à entendre les Maures, les pillards sont à
deux journées de marche dans le nord ; nous conti-
nuons notre route pour entrer dans le pays de Dahar,
remarquable par ses collines sablonneuses couvertes
d'herbes et de haies d'euphorbe. Nous y rencontrons
des puits nombreux et une énorme quantité' de
troupeaux de chameaux, de moutons et de bœufs,
appartenant aux riches tributaires guerriers des
Trarza.
La tribu est en mouvement vers le sud : guerriers,
marabouts, tributaires et captifs, marchent parallèle-
ment et se remplacent successivement pour se rappro-
cher du Sénégal, où les herbes ne sont pas trop des-
séchées ; au mois de juin, au contraire, ce mouvement
a cessé pour devenir ascendant, les nomades du Sahara
occidental se concentrent du côté du Tiris, vaste pays.
(16)
situé dans le N.-E. du cap Blanc, et renommé par la
bonté de ses pâturages.
Nous arrivons à la plantation de palmiers et aux puits
de Tiourourt à 7 kilomètres de l'Océan, dans une
plaine située entre les collines sablonneuses citées plus
haut, et les dunes du bord de la mer. Cette plaine, du
nom d'Afthouth, variant de 10 à 20 kilomètres de
largeur, longe le littoral depuis l'ancienne escale
anglaise (le Portendîk, jusqu'aux environs de Saint-
Louis. On y remarque de grands espaces vaseux nom-
més Sebkha, qui retiennent longtemps les pluies et qui
ne se dessèchent jamais complètement. Plusieurs lois
nous avons essayé de les traverser, presque toujours
il a fallu revenir sur nos pas pour les contourner. A
côté de ces marécages se trouvent des pâturages salins
fort estimés des chameaux, des dépôts de coquilles
marines et de nombreuses haies d'euphorbe.
Ce qui caractérise cette zone basse et voisine de la
mer, ce sont les eaux que l'on retire des puits de
2"*, 50 de profondeur. Elles sont jaunâtres, ammonia-
cales, néanmoins les chamaux la boivent sans dégoût, il
en est de même des Maures qui sont peu exigeants sous
ce rapport. Quant à nous, je dois dire que si nous en
avonstu, c'est que nous étions haletants ; nous y avons
mouillé plus d'une fois les lèvres avant de nous déci-
der à en avaler.
Sidi nous quitte bientôt, il est remplacé par le fils
du chef des Aleb, Hàméïada, jeune guerrier inexpéri-
menté, et non moins avide que les plus vieux pillards.
Le !•' avril nous arrivons à la hauteur de Portendik,
où les Anglais, jaloux de la prospérité de notre com-
(17)
merce du Sénégal, ont voulu pendant quelque temps
y attirer les gommes en les achetant à un prix exor-
bitant.
Nous longeons le bord de la mer en traversant suc^
cessivement le pays de Tarâd, couvert de Sçbkha,
celui . d'Agnéitir, sillonné de collines sablonneuses
(direction générale N.-E), et finissant brusquement à
r Océan.
La rivière Saint-Jean et le littoral n*ont pas été
fixés;, j'ai constaté des erreurs considérables sur les an-
ciennes cartes. Le gouverneur du Sénégal doit envoyer
prochainement un bateau à vapeur pour faire Thydro-
graphie de cette paxtie de la côte d'Afrique dont les
bâtiments se sont toujours écartés ; le naufrage de la
Méduse qui a donné une si triste célébrité au banc
d'Arguin, sera longtemps encore un épou vantail pour
les marins qui fréquenteront ces parages.
La rivière Saint- Jean n'est qu'un simple bras de mer
auquel on fera bien de donner le nom de baie Saint-
Jean ; je l'ai suivi jusqu'à son extrémité, il est rempli
de bancs de sable, qui le rendent inabordable aux
navires. C'est là que nous avons été assaillis par une
tempête de sable qui n'a pas duré moins de trois
heures ; nos chameaux ne semblaient pas se préoccu-
per de la tourmente, quant à nous, nous marchions les
yeux feraiés et un mouchoir sur le visage.
De la baie Saint- Jean à Tîle d'Arguin se remar-
quent des îles, dont quelques-unes sont assez étendues;
elles sont séparées de la terre ferme par des canaux
peu profonds que l'on peut passer à gué à marée basse.
Tout le littoral depuis le cap Blanc jusqu'à Saint-
I. JANVIER. 2, 2
(18)
Louis, est fréquenté par une tribu maure de pêcheurs,
les Ouled bou Seba, partagés par une dissidence poli-
tique en deux fractions, la première s appuyant sur les
Ouled-Selim, tribu puissante et guerrière habitant le
Tiris, la deuxième s' appuyant sur les Trarza et sur
nous. Ils ont pour tributaires des pêcheurs fort habiles,
les Imraguen. Leurs seines sont faites en fil v.égélal
produit par un arbrisseau de Tintérieur, les lièges sont
remplacés par des anneaux d'euphorbe desséché, et les
plombs par de petites boules de terre cuite.
Aux deux époques où la pêche est abondante, en
janvier et en mai, ils traînent ces lourds filets à la nage,
car ils n'ont pas d'embarcations, les ouvrent quand ils
sont au large, et les rapprochent de terre, d'autres
nageurs espacés refoulent vers le centre du filet le pois-
son qui chercherait à s'échapper, ils parviennent [de
la sorte à faire des pêches souvent miraculeuses. Ils
m'ont assuré que parfois le filet est tellement chargé,
que les hommes ne suffisent plus pour les tirer à
terre, et qu'on y attelle des chameaux et des ânes.
Le banc d'Arguin, comme l'on sait, est fréquenté
par d'innombrables requins; les Imraguen ont à les
combattre, ils les tuent très adroitement, néanmoins
ils sont quelquefois victimes dans la lutte ; nous avons
vu plusieurs d'entre eux qui étaient estropiés par les
morsures de ces poissons voraces.
Ces gens laborieux font sécher leur poisson au soleil,
et tous les Maures de rintérieur, par petites caravanes,
viennent le leur acheter ; ils le convertissent quelque-
fois en huile qui est considérée dans tout le désert
comme un excellent aliment. Au dire de ces pêcheurs.
(19)
il n'y a qu'à se baisser pour prendre du poisson à
volonté; ils connaissent parfaitement la capacité d'un
navire de commerce; ils prétendent que l'on peut
prendre assez de poisson pour charger non-seulement
cent navires, mais encore tous les bâtiments de France
et d'Angleterre.
En faisant la part de l'exagération habituelle aux
Arabes, il est facile de remarquer que les établisse*
ments de pêche que l'on pourrait créer au cap Blanc, ne
pourraient qu'être très florissants, d'autant plus qu'ils
serviraient à faire les échanges avec les Maures de tout
le Sahara occidental.
Voici le passage d'une notice du gouverneur, M. Faid,
herbe, sur cette question : a D'après les renseignements
fournis par M. Berthelot, consul français à Sainte-Croix
de TénériiTe, dans son ouvrage de la pêche sur la côte
occidentale d'Afrique, le poisson est extrêmement
abondant sur le banc de sable qui barre la baie, et la
proximité du cap Saline, où l'on trouve le sel naturel
en quantité, offrirait de grandes ressources aux
pêcheurs.
)) Les pêcheurs des Canaries emploient à la pêche
de la côte d'Afrique, environ 700 matelots, répartis
sur une trentaine de brigantins de 20 à 30 tonneaux.
Ces bâtiments approvisionnent annuellement les îles de
7 000 500 kilogrammes de poisson. Les richesses
ichthyologiques de ces parages n'auraient rien de
comparable dans les autres parties du globe.
» Les gades pescata et abadejo ou abriole de la mer
Canarienne, seraient préférables à la morue du nord.
» Enfin, sous tous les rapports, la pêche sur cette côte
(èo)
serait moins pénible, plus avantageuse, plus lucrative
que celle du banc de Terre-Neuve, où nous sommes
soumis à des tracasseries de la part des Anglais et des
Américains; M. Berthelot, qui habite les Canaries
depuis près' de trente ans, et quia sérieusement étudié
la question, ne conserve aucun doute à cet égard. »
J'ajouterai que ces pêcheurs maures, non-seulement
ne craignent pas notre concurrence, mais désirent vive-
ment nous voir établis chez eux; leur travail nous
coûterait un ton marché extraordinaire.
L*île d' Atpiin , qui conserve encore les traces de notre
passage, pourrait redevenir le siège d'un nouvel et
fructueux établissement.
Les Ouled bou Seba s'adonnent à une chasse à
Tautruche d'un nouveau genre. Au mois de juillet,
quand ont lieu les grandes chaleurs qui précèdent
l'hivernage, les autruches de toute cette partie du grand
désert se rapprochent du littoral où elles viennent en
bandes considérables respirer la brise fraîche de la
mer. Elles ne marchent qu'avec beaucoup de précau-
tions, leurs traces ont bientôt révélé leur présence aux
pêcheurs qui les guettent des points les plus élevés du
pays. Aussitôt qu'elles arrivent sur le bord de la mer,
de midi à deux heures, c'est-à-dire quand toute cette
nature est en feu, elles prennent leurs ébats sur la plage
et se rafraîchissent le corps de leurs ailes qui frappent
la surface de l'eau. A ce moment, les pêcheurs se
glissent en rampant derrière les dunes et se tiennent
espacés de manière à pouvoir envelopper la bande
d'autruches, puis apparaissent tout à coup à un signal
■
en jetant de grands cris. Les autruches effrayées n'ont
(21)
pas d'autre alternative ou de rompre la ligne des chas-
seurs ou de se jeter à la mer. Elles préfèrent le der-
pier parti. Bientôt leurs plumes $ont entièrement
mouillées, leurs mouvements sont difficiles, alors
commence leur massacre ; les habiles nageurs se jet-
tent à l'eau et poursuivent une à une, en évitant cepen-
dant, de les prendre de face pour se préserver des
coups de bec ou d'aile ; ils s'en emparent en leur don-
nant des coups de cQuteau, ou en leur coupant les ten-
dons des pattes.
Si je me suis un peu appesanti sur les détails qui
concernent cette tribu d'Ouled bou Seba, c'est qu'elle
est à peu près la seule de tout le désert qui vive du
travail de ses n^ains; qu'à ce titre, et sans tenir compte
de son affabilité naturieUOi elle m'a viveip/ent. intéressé
et qu'elle est souverainement méprisée par les guerriers
qui la rançonnent.
Le8 avril, nous arrivons àbwteur de l'île d'Arguin,
nous sommes daxis le pays de Tasiast« qui se distingue
des précédents par d'immenses plaines argileuses et
ferajes, où croît une herbe fine et excellente, couverte
d'un gravier quartzeux assez fin ; quelques chaînons
rocheux se remarquent, puis notre marche devient
plus difficile, les hevbes sont plus rares, la terre dis-
parait presque entièrement sous une couche de cail-
loux roulés de quartz de toutes variétés et d'oxyde de
fer. La camomille et les pastèques amères tapissent
littéralement les bas-fonds habités par une fourmilière
de vipères cornues.
Notre guide Haméïada nous mendie nos provisions
to„n ou ïoma)
pour tendre la corde ; mais c'est un signe que le por-
teur à un instant donné, peut être rappelé sous les
drapeaux. Ces anneaux en corne ou en fer ont f de
pouce (1) de diamètre, et souvent dans les rixes
deviennent une arme terrible. En chassant les élans et
les cerfs, lorsqu'ils sont dans la saison du rut, les
Manègres emploient un cor en bois {orévoum) , très
«unce ayant une longueur d'un archine et demi (l-,6).
A 1 aide du cor on imite avec succès le cri du mâle,
et 1 on parvient ainsi à attirer ces animaux. On leur
tend aussi des pièges munis d'arbalètes dont les flèches
sont enduites de graisse putréfiée, afin de hâter la mort
ae 1 animal blessé. Ce poison, pénétrant dans la plaie,
se propage sur tout le corps avec une telle rapidité,
bond ■ ^" exhale une odeur extrêmement nauséa-
on e, qui se fait également sentir même si l'on tue
1 animal avant qu'il succombe à l'action du poison.
Néanmoins les Manègres, fort peu gastronomes, à ce
qu 11 paraît, mangent cette viande empestée sans
dégoût et n'en ressentent aucun malaise. Non contents
dechasserauxenvirons de leurs demeures, les Manègres
entreprennent souvent des excursions fort lointaines;
naais alors leur famille ne les accompagne pas. Ils
poussent ainsi jusqu'aux rives de la Niomane-Bira, ou
Bouréia, pour y chasser la zibeline ; Us s'y rendent
gur des radeaux, et chemin faisant s'arrêtent dans la
(J) U pouce =a 32 millimètres.
(47)
ville d'Aïgoune où ils s'approvisionnent pour l'hiver.
Au retour ils suivent la même route et achètent à
Aïgoune des chevaux qu'ils payent avec des peaux de
zibeline et de chèvres sauvages. Au printemps ils
gagnent les rives de la Kamara pour s'acquitter de
l'impôt. En fait d'animaux domestiqxies, les Manègres
ne possèdent que des chevaux et des chiens. Les che-
vaux sont petits mais vigoureux, et appartiennent sans
doute à la même espèce que ceux de la région trans-
baïkalienne. Leur poil est très long surtout en hiver,
époque à laquelle ils restent exposés jour et nuit à l'air,
souvent par un froid très vif. Ils ont une aptitude
incroyable pour supporter la fatigue. Après la débâcle
du fleuve, les Manègres émigrent sur ses rives, là où
elles présentent de vastes plaines. Ceux qui possèdent
peu de chevaux les emmènent avec eux ; ceux qui en
ont beaucoup n'en prennent qu'un certain nombre et
font passer les juments et les chevaux malades sur une
des îles de l'Amour, où ils les abandonnent pour errer
en liberté jusqu'à la prise du fleuve par les glaces.
Trouvant une riche nourriture, les chevaux rétablissent
bien vite leurs forces affaiblies par les longues excur-
sions d'hiver.
Les Manègres n'ont pas l'habitude de faire provision
de foin, aussi en hiver ils se contentent de laisser les
chevaux paître aux environs des iourtes. Quand la neige
est très épaisse, les chevaux parviennent, avec beau-
coup d'habileté, à l'écarter avec leurs pieds; souvent
ils s'approchent des ïourtes et prennent plaisir à lécher
la neige mouillée d'urine, — trait caractéristique que
présentent également les rennes. Avant d'entreprendre
(48)
une longue excursion en hiver, le Manègre choisit le
plus fort de ses chevaux, auquel il fait subir une expé-
rience préparatoire, qui consiste à laisser T animal un
jour et plus attaché et privé de toute nourriture. Ensuite
il se \iiet en route. La même chose a lieu durant le
voyage après une longue course, et ce n'est qu'après
cinq ou six heures d'abstinence forcée, qu'on laisse
brouter le cheval. Si l'on oublie de prendre ces pré-
cautions, le cheval le plus vigoureux sei^a mis en
quelques jours tout à fait hors de service. Les Manè-
gres conservent le souvenir d'une époque où ils pos-
sédaient des rennes en guise de chevaux, et menaient
par conséquent un autre genre de vie. Il est difficile
de préciser l'époque à laquelle eut lieu ce changement,
mais il faut croire que ce sont les Mongols qui leur ont
procuré des chevaux, ainsi qu'aux Mandcho^x.
La viande et le poisson constituent la principale nour-
riture des Manègres. Ils mangent sans répugnance le
putois, le renard, le loup; mais la viande de renne,
de cerf ou d'élan coupée par tranches et séchée,
forme leur principale provision d'hiver. En y ajoutant
un peu de farine et les fruits du merisier, on fait une
bouillie {silja) qu'on assaisonne ensuite avec quelques
plantes. Les Manègres consomment une immense quan-
tité de fruits de merisier, soit séchés, soit réduits en
poudre, et cela sans souffrir le moins du monde. On
trouve aussi chez les riches du sel {Kntahan) de fort
mauvaise qualité, que les Daouriens tirent des lacs salés
qui se trouvent aux environs de la ville de Mergen.
Les travaux échus en partage aux femmes sont plus
fatigants et plus nombreux que ceux des hommes, qui
(â9)
ne s'occupent que de la chasse, de la pèche et du tra-
fic. Ainsi, ce sont les femmes qui scient et qui portent
le bois, dressent les iourtes, confectionnent les habits,
les filets, tannent les peaux de rennes et de cerfs,
amènent les chevaux, les sellent, les chargent, puis
au retour les dessellent, etc.
Chaque année aux mois de mars et de décembre, il
se tient sur les rives de la Koumara une foire où les
Manègres reçoivent des Daouriens, dea Mandchoux et
des Cosaques, en échange de leurs pelleteries, des
fusils, de la poudre, du plomb, du thé, du tabac, du
nankin, du gruau, du millet, etc.
Pour mesurer les grandes distances, les Manègres
comptent les journées passées en voyage et emploient
une mesure daourienne nommée boukha. La boukha
est la distance à laquelle on doit se placer d'un bœuf
pour ne plus distinguer ses cornes. Ils mesurent encore
par le dar (distance entre les mains éloignées en sens
contraire) , le tongor (espace compris entre le pouce et
le doigt du milieu ouverts), et le djavakta (largeur du
poing). Dans leurs transactions commerciales avec les
Mandchoux et les Daouriens, ils emploient le poud chi-
nois, et avec les Russes, le poud et la livre russes
qu'ils nomment « pour » et a poute » .
A l'âge de vingt ans, le Manègre atteint sa majorité,
paye l'impôt en pelleteries, et, sur l'ordre du gouver-
nement chinois, il doit le service militaire.
L'impôt est envoyé aux rives de la Koumara, où les
employés mandchoux viennent chaque année le prendre.
Les Manègres atteints de quelque infirmité, ou ceux
qui ont atteint l'âge de quarante ans ou plus, sont
I. JANVIER, 4. h
(60)
eati&reinéAt àSratichis de l'impôt et du service inili-
taire. On les désigne sous le nom de sota (mis à la
retraite). Les Manëgres ont des chefs qu'ils choisissent
eux-mêmes; Tun d'eux, nommé par le gouvernement
chinois, -demeure à l'embouchure de la Koumara, et
porte le titre de djangulne. Un officier {hapang) et
plusieurs sous-officiers [boshgo) forment l'escorte de
ce fonctionnaire. Le chamanisme règne parmi les
Manègres. Ils croient aux bons et aux malins esprits,
et craignent principalement ces derniers qui habitent,
suivant eux, dans des forêts impénétrables et sur les
montagnes, et tâchent de nuire aux hommes. Aussi ^
avant d'entreprendre un voyage, d'aller à la pêche ou
& la chasse, les Manègres ont-ils recours aux sacrifice^
qu'exécutent ordinairement leurs prêtres ou sorciers
(chamans) , qui forment une caste à part et jouissent
d'une grande considération. Il y a même des femmes
chamanes, particularité, dit à ce sujet M. Maach» qui
se rencontre également parmi les Yakoutes. Les idoles
manègres [Sôpoki ou bouckhan) représentent des
figures humaines grossièrement sculptées en bois, et
quelquefois des animaux. On les place dans les îourtes,
au-dessus de la place d'honneur. L'ophthalmie, si
fréquente parmi les habitants des contrées septentrio-
nales, ne sévit p(5int parmi les Manègres ; ils souf&ent
plutôt de la poitrine et de l'estomac et d'un dérange-
ment tout particulier des nerfs nommé alone^ pendant
lequel le malade imite involontairement et souvent
sans honte tout ce qui se fait devant lui. Grâce
aux fréquentes relations avec les Mandchoux, les
Manègres ont beaucoup perdu de leur pureté pri^
( 81 y
mitîve des mœurs et de leur homiéieté. Pourtant leS
vols et les crimes que les ôhefs sont ordinairement,
appelés à juger, sont rares. Un fait digne d'être cité,
c'est que le Manègre interpellé, ûe dira jamais ni son
nom, ni celui de son compatriote. Les noms seuls des
enfants font exception à ce bizarre usage. Quand le
Manègre veut prendre une femme, il est tenu d'offrir
une rançon à son futur beau-père. La polygamie est
permise, mais les Manègres en profitent peu.
C. DE Sabib,
membre de la Société de géographie,
de la Société d'ethnographie de Fraoce,
etc.
NOTICE
SUR L*ILE DES PINS.
Cette île d'un abord dangereux estv comme on sait,
située au sud de la Nouvelle-Calédonie.
Irrégulièrement circulaire, elle a un diamètre de
10 milles. Un plateau de médiocre élévation en couvre
presque toute la superficie ; il est surmonté d'un pic et
complètement entouré d'une ceinture corallienne sou-
levée de 20 à 30 mètres au-dessus des eaux. La mon-
tagne et le plateau, c'est-à-dire la plus grande partie
de l'île, sont complètement perdus pour l'agriculture,
et ne sont giière recouverts que par des fougères qui
font place en quelques endroits à des bouquets d'arbres.^
(52)
La circonférence de l'Ile au contraire est fraîche et
fertile, bien arrosée, quelquefois même marécageuse,
couverte de plantations, de petits bois ou d'une forte
et verte graminée qui forme de véritables pâturages.
Cette ceinture luxuriante, étroite dans le sud, présente
dans le reste de son étendue une assez belle largeur ;
elle seule est habitée et cultivée, mais non en totalité,
car une bonne partie, au contraire, est en friche.-
L'île des Pins paraît due à un soulèvement volca-
nique qui, dirigé du nord au sud suivant le prolonge-
ment de Taxe des montagnes delà Nouvelle-Calédonie,
a soulevé les rescifs madréporiques qui forment la
ceinture de l'île, formé l'énorme voussure qui constitue
le plateau, et s'est enfin creusé, à une période posté-
rieure peut-être, une ouverture dans le pic qui sur-
monte le' plateau. Ce pic, présentant une certaine ana-
logie de forme avec le cratère de l'île Palma, figure
un demi-cirque ouvert du côté du sud et qui envoie
vers la mer, dans cette direction , des crêtes séparées
par des ravins ou larges crevasses. L'une d'elles, plus
profonde que les autres, a peut-être donné passage à la
coulée qui a dû s'échapper lors de l'éruption et à celles
qui ont pu se faire jour subséquemment. Je n'ai pour-
tant trouvé aucune trace de matières scoriacées ou
ponceuses, et le fond aussi bien que les escarpements
sont formés de roches prismatiques qui appartiennent
au trapp et à la sei-pentine. L'une des crêtes qui
sépare les ravins est formée de débris cristallins divers,
micacés, pyroxénîques, et surtout par une quantité de
morceaux de feldspath vitreux qui vont du poids de
quelques grammes jusqu'à celui de 600 à 1000.
(68)
Le pic est situé à rextrémité sud de TUe et sa base
n*est séparée de la mer que par une étroite bande de
coraux soulevés à quelques dizaines de mètres. Toutes
les couches de terrain sont soulevées dans toutes les
directions vers le pic. Parmi ces couches on voit à plus
de 2 kilomètres de la mer et au moins à 30 mètres
au-dessus de son qiveau dans l'est de TUe, des ama^
considérables de conglomérats de sable et de gravier
riche en coquille appartenant pour la plupart aux
espèces encore vivantes dans les eaux voisines, ce qui
doit faire supposer que leur soulèvement appartient à
la période géologique moderne. Je ne saurais indiquer
les minéraux constitutifs du plateau; ce que je puis
dire, c'est- que sa surface n'est qu'une ai^ile creuse,
semée d'un gravier feiTugineuz, semblable pour la
forme à du plomb de chasse ou plutôt à la grenaille de
zinc ; çà et là se découvrent des blocs de fer oligiste
chargé d'argile qui semblent formés de la réunion
d'une multitude de grsdns de même espèce empâtés
et collés les uns aux autres, de manière à former des
blocs qui vont de la grosseur du poing à celui d'un
gigantesque bbulet. D'autres roches de même nature
oQt une surface poreuse ou percée de trous comme
ayant donné issue à des bulles de gaz qui se seraient
crevées en chacun de ces pomts.
En plusieurs endroits, le sol du plateau résonne
sous le pied qui le frappe : c'est que la matière incan-
descente qui l'a soulevé a laissé par le retrait dû à son
refroidissement lent un aide entre elle et la croûte
superficielle consolidée la première. Telle est du moins
l'explication qui me semble la plus plausible.
(54)
Le soinmet du pic est à &52 mètres au-dessus de
la mer.
Le climat de Tlle des Pins est plus doux que celuî
de la Nouvelle-Calédonie. L'île est en effet située à la
limité du tropique, et, isolée d'ailleurs comme un point
au milieu de l'Océan, elle doit bénéficier au suprême
degré de tous les avantages des climats insulaires.
Elle e^t, du reste, très salubre. Les ressources ac-
tuelles du pays sont, en fait de produits agricoles,
celles qu'on trouve en Nouvelle-Calédonie. Le coco-
tier y est peu commun. Les missionnaires y ont natu-
ralisé l'oranger, le limonier, le citronnier. Ils y ont
planté quelques vignes qui donnent des fruits excel-
lents. La plupart des légumes d'Europe y croissent
parfaitement, et il «st probable qu'on y naturaliserait
la plupart des végétaux de la partie méridionale de
l'Europe.
On trouve à l'Ile des Pins, et surtout sur les îlots de
corail qui l'avoisinent, un arbre très précieux pour le»
constructions, le cyprès colonnaire (arancana cohim-
miris) ; mais si la colonie veut tirer un profit durable
de son exploitation, il ne faudra pas tarder à en régler
la coupe et à favoriser sa reproduction par les semis.
Le bois de Sandal a fait naguère la richesse des habi-
tants; c'est lui qui attira sur ces rivages inhospita-'
liers et sans port les premiers marins qui aient tenté
le commerce avec les peuplades calédoniennes ; mais
aujourd'hui cette mine, naguère si riehe et si féconde,
est épuisée. L'île est à peu près sans commerce, et ne
reçoit plus qu'à longs intervalles de petits caboteurs
qui viennent troquçr de$ haches, des étoffes et du. ta-
(66)
J^ao contre des holothuries, de Técaille de tortue ou
simplement dea vivres frais.
La population de Vîle s'élève, d'après le dernier re-
censement des missionnaires, à sept cent cinquante in«
dividus. Elle appartient à la variété calédonienne;
mais on trouve chez quelques individus qui composent
l'aristocratie de la nation une supériorité de formes,
une certaine noblesse de traits qui décèlent la pré«
sence d'un sang étranger dans leurs veines. L'Ile a
en effet reçu à diverses époques des émigrants de
race polynésienne, soit directement, soit par l'intermé^
diaire des Loyalty, et c'est dans les familles aristocrar
tiques qu'on reconnaît aujourd'hui leurs descendants.
L'un des crânes de l'Ile des Pins dont j'ai donné
ailleurs la mesure est certainement le plus beau
que j'aie jamais vu parmi les quinze ou vingt que
j'ai pu examiner dans les diverses iles de notre pos-r
session mélanésienne , et tout me porte à croire qu'il
provient d'un descendant plus ou moins direct de$
émigrés polynésiens.
Les maladies qui sévissent à l'Ile des Pins sont les
mêmes qu'en Nouvelle- Cialédonie ; cependant la syphi-
lis y est plus invétérée, et s'il faut en croire des reu^
seignements qui m'ont été donnés par des gen^ obser-
vateurs et dignes de foi, la plus grande partie de la
population serait entachée, à un degré quelconque, du
vice syphilitique. Celui-ci ne doit pas être étranger
au décroissement de la population que Jes nûssûon-
naires constatent aujourd'hui en comparant le chiffre
actuel à celui qu'ils énumérèrent il y a six ou huit ans,
et qui était de mille environ.
(66)
J'tû con&taté des accidents scrofuleux chez bon
nombre de naturels; ils sont très fréquents dans l'Ile,
plus communs, je crois,' que dans la plupart des tri-
bus calédoniennes.
Les mceurs, les habitudes, l'industrie de ces insu-
laires sont les mêmes au fond que celles de leurs voi-
sins, sauf l'amendemeat produit dans les mœurs par
leur conversion au christianisme. Notons seulement
que, même avant l'arrivée des missionnaires, l'état so-
cial de la femme n'étfùt pas aussi infime ni si dégra-
dant qu'en Calédonîe, ce qui provenait sans doute de
l'influence exercée par la classe aristocratique consan-
guine avec la race jaune polynésienne.
Les missionnaii'es catholiques français sont établis
depuis dix ans dans cette !le; leur œuvre, lente jus-
qu'à ces dernières années, a pris depuis trois ans une
extension très rapide ; les naturels, presque tous chré-
tiens ou catéchumènes , ■ reçoivent en toutes choses
leur bienfaisante influence.
Comme l'Ile des Pins ne renferme qu'un nombre
d'habitants très faible même relativement à l'étendue
des terres cultivables, elle offrirait des ressources pré-
cieuses à une petite colonie. Elle pourra être très utile
au gouvernement si jamais il entreprend l'établisse-
ment d'un pénitencier en Nouvelle-Calédonie.
D* V. DE Rochas,
ChirurgieD de marioe.
2S Inillet 1869.
(57)
AiialyMCM, R«mp«rto, eie.
COMPTE RENDU
DE LA PEBMIÈEB LIYRAISOII
DE LÀ GÉODÉSIE DE LÀ HAUTE ETHIOPIE.
Les régions éthiopiennes ont été, de la part de notre
collègue, M. Antoine d'Abbadie, l'objet de longues et
savantes explorations, de 1839 à 18A8.
Une première partie de ses observations géode*
siques, revue et rédigée par M. Rodolphe Radan, a
été publiée récemment en 1860 ; et votre président,
malgré le peu de titres que j'avais à cet honneur, a voulu
me confier le soin de vous rendre un compte sommaire
de cet important travail.
Les pays, encore peu connus , que notre voyageur
a conquis à la science géographique moderne , s'é-
tendent au sud jusque vers le septième parallèle de
notre hémisphère, et de l'ouest à l'est, sur environ
sept degrés de longitude, à partir du trente-troisième
méridien est.
Cette livraison delà Géodésie d* une partie de la haute
Ethiopie de laquelle il vous est fait hommage par notre,
savant collègue comprend les huit premiers chapitres.
Dans le premier sont décrits les instruments dont il
a été fait usage : théodolites, sexti^nts , cercles, chro*
( 58)
nomètres et lunettes astronomiques de divers artistes,
dont leScdispositioBif 9m% expliquées avec détail, et de
manière à prémunir les observateurs contre les incon-
vénients que peuvent présenter, en voyage, certains
instruments.
La notice sur Thypsomètre et son usage est surtout
fort intéressante. WoUaston paraît être le premier
physicien qui ait eu l'ingénieuse idée de déduire l'alti-
tude d'un lieu de l'observation thermométrique de l'é-
bullition de l'eau ; mais la mise en pratique de cette
idée simple exigeait de longs tâtonnements, de longs
calculs et le concours d'habiles constructeurs d'in-
struments ; aussi n'est-ce que depuis un petit nombre
d'années que l'usage de l'hypsomètre s'est établi.
Notre voyageur, après avoir signalé l'extrême diffi-
culté de transporter sain et sauf un bon baromèti e
dans un voyage tel que le sien, difficulté qui doit y
faire renoncer et faire préférer l'hypsomètre, explique
toutes les précautions qu'il avait à prendre pour faire
sûrement usage de ce nouvel instrument; en effet,
dans des contrées où, n'ayant ni le choix de l'eau ni
celui du combustible, il lui fallait lire les indications
thermométriques au microscope, à travers la fumée,
et se préserver de l'action de la flamme poussée paf
le vent, il y avait à subir mille contrariétés que ne
connaissent guère les physiciens opérant dans leur
cabinet, et qui deviendraient autant de causes d'er-
reur, si Von ne faisait avec sagacité toutes les correc-
tions nécessaires. C'est ce qui a été fait heureusement,
ainsi que le prouvent les résultats obtenus, et dont
nous parlerons tout h Theure,
(69)
' Le chapitre des instruments se termine par ]a des-
êription de la trousse de voj'^ge que notre collègue a
fait construire, et (}ui, dans des dimensions compor^
tant un volume d'environ h décimètres cubes, ne
contenait pas moins de quarante-six objets, sinon tous
nécessaires à l'observateur, du moins tous très utiles
k l'homme ^gaçé dans un voyage aussi pénible.
Le chapitre II, consacré au calcul du temps ^ donne
la méthode employée pour réduire les angles horaires
et celle employée à la correction des hauteurs corres-
pondantes du soleil, correction pour laquelle l'auteur
a construit des tables nouvelles ; vient ensuite la liste
des résultats de ces calculs.
Le chapitre III est consacré aux latitudes.
Les latitudes données sont presque toutes déduites
des hauteurs circumméridiennes du soleil ou d'une
étoile. L'auteur explique qu'il a toujours calculé le ré-
sultat de chaque observation séparément, au lieu d'ap-
pliquer, d'après la méthode de Delambre, toutes les
réductions à la moyenne des observations.
Il donne ses méthodes de réduction avec des exem-
ples; il expose aussi une méthode d'observer la lati-
tude sans chronomètre ; puis il résume et discute les
latitudes observées pour cinquante-neuf localités, ran-
gées par otxlre alphabétique, dont la plus septentrio--
nale est Alexandrie et dont la plus méridionale est
Bonga (7M4'A2").
Enfin le chapitre se termine par une comparaison
entre les latitudes des localités pour lesquelles il se
trouve des observatiqns correspondantes, faites par
MM. I^uppéll, Perret et Galtaiier, ou des résultats
(60)
donnés par la Connaissance des temps. Suivant ce ta»
bleau comparatif, l'écart le plus considérable n'est
que de 4 7"^.
Le chapitre IV s'applique aux mesures de longitude
par observations de la lune.
On y trouve d'abord des formules pour appliquer la
parallaxe à la position de la lune , puis une méthode
pour trouver la longitude à l'aide des occultations
d'étoiles par la lune. Viennent ensuite les observations
de longitudes ainsi conclues pour quatorze localités et
le tableau des calculs.
L'auteur expose ensuite la méthode de calcul sui-
vie pour obtenir les longitudes par les hauteurs ou
les distances lunaires, et termine le chapitre en don-
nant les observations et les longitudes conclues pour
quatorze localités, dont cinq ont été déjà conclues par
l'autre méthode.
Entre les diverses longitudes conclues pour un
même lieu, on peut remarquer que le plus grand
écart est h' 12^' ; mais généralement les écarts maxima
ne sont que de 1' à 2' au plus.
Le chapitre V a pour objet le calcul des altitudes
par les observations hypsométriques.
Après avoir expliqué comment, en l'absence d'ob-
seiTations simultanées, on a pu, au moyen de cer-
taines hypothèses, déduire les altitudes, l'auteur
donne les calculs de cent cinquante et une altitudes
hypsométriques, puis les déterminations de cinquante
et une altitudes barométriques.
On peut remarquer à ce sujet que le calcul des
hauteurs, sans d>servations simultanées^ n'est pas une
(61)
innovation ; c'est même en vue d^obaervations isolées
et non simultanées qu'ont été établies par M. Biot
les premières tables données pour déduire les hau-
teurs des obseiTations barométriques.
Le chapitre se termine par deux listes alphabétiques
des altitudes moyennes des localités qui ont été l'objet
d'observations hypsométriques et barométriques.
On peut remarquer dans ces listes que le plus grand
écart entre les déterminations particulières et leur
moyenne est de 109 mètres (col de Tnmama élevé de
plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer)
pour les altitudes par l'hypsomètre, et qu'il est de
5i mètres [Ad^a^ localité élevée aussi d'environ
2,000 mètres) pour les altitudes par le baromètre.
Le chapitre VI est intitulé : Bases par le son. Il
donne le détail textuel des observations au moyen des-
quelles M. d'Abbadie a déterminé cinq bases diffé-
rentes par la vitesse du son.
. Il s*est servi, pour ces calculs, de la formule de
M. Chazallon.
Les longueurs, ainsi obtenues et réduites à Diori-
zon et au niveau de la mer, ne diffèrent de celles qui
résultent des procédés géodésiques que de quantités
équivalentes aux erreurs probables présumées.
Un appendice du chapitre VI donne quelques détails
sur des mesures accessoires.
Le chapitre VII donne le détail des méthodes em-
ployées pour réduire à leurs azimuts et apozénits vrais
les angles azimutaux et verticaux.
Il a été observé trois cent vingt-cinq tours d'hori-
zon, dont deux cent vingt-deux orientés au moyen du
soleil et un seul par la lune.
(6i)
Enfin te chapitre VIII donne la liste générale de ces
coilts , d'horizon : ce sont autant de véritables panora*"
mas relevés géométriquement, et dont le centre a été
occupé par l'observateur.
Le hombre considérable de ces observations, (fue
l'auteur regarde comme la partie la plus utile et là
plus importante de siBS matériaux, donne une idée de
fous les résultats acquis par notre infatigable collègue
pour la connaissance de ces contrééd peu explorées.
Ces résultats prouveni; que» même eil pays bar*
bares ou peu cbnnus où, pour former les triangles
géodésiques, Ton ne peut se servir que dé signaux na-*
turels» le voyageur pourvu de bons instruments, et
surtout armé de sagacité^ de zèle et de patience, peut
arriver cependant à former le canevas de ia carte avec
une exactitude fort satisfais£uate. L'auteur estime que^
dans son canevas géodésique, une différence de longi'-
tudes déterminée par sa xnéthode ne sera pas, en er-
reur de plus de ô'' ou 1/1 0"" de minute, àoit 190 mètres.
Ce serait un admirable résultat !
. Voilà, messieurs^ une; bien aride et brève analyse de
la première partie des beaux travaux de notre hono^
rable collègue ; vous voudrez bien^ j'espère, excuser
mon insuffisance à vous en faire ressortir tout l'in-
térêt.
K F. Noël.
ISjaovier 1861.
(68)
• • • ^
RAPPORT
Sur l'ouvrage intitulé :
Narratisfe oj a voyage to the West-hidiés and Mexico
in the years^ 1599-1602, by Samuel Champlain, etc. ,
edited by Norton Shaw,
Personne n'ignore que Samuel Champion, gentil^
homme de Saintonge, capitaine de la marine française
sous Louis XIII, fut un des premiers envoyés à la
découverte des terres américaines, qui furent appelées
la Nouvelle-France, et depuis, le Canada. Il était né
au Brouage, après le milieu du xvi" siècle ; le jour de
sa naissance n'est pas exactement connu.
Tout le monde sait également qu'il existe en Angle-»
terre, depuis quelque temps, une société dite d'Hac-
kluyt, qui s'est imposé une tâche très honorable, c'est
de publier, d'après les manuscrits, les voyages inédits
ou édités d'une manière incorrecte ou insuffisante.
Cette société vient de publier un récit abrégé du
voyage de Champlain aux Indes occidentales et au
Mexique, d'après un manuscrit original et inédit du
voyageur saintongeois , voyage accompli dans les
années 1599 à 1602, c'est-à-dire, antérieur à son
voyage au Canada dont la relation est bien connue.
L'ouvrage est accompagné de/ac simile et de douze
dessins, reproduits avec soin, d'après les originaux
autographes, et plusieurs, coloriés : ce volume est d'une
exécution remarquable. >
(64)
La nouvelle relation a été traduite en anglais par
M. Alice Wilfliere ; elle est précédée d'une biographie
très étendue et très curieuse de Samuel Champlain,
composée parle môme auteur : l'éditeur est M. Norton
Sbaw, secrétaire de la Société géographique de Londres.
Le manuscrit original est à Dieppe ; après avoir été
autrefois en la possession de M. le commandeur de
Chastes, gouverneur de la ville, et ensuite au couvent
des Minimes; il appartient aujourd'hui à M. Feret,
bibliothécaire de Dieppe, et il porte tous les caractères
de l'authenticité.
Ghamplain raconte d'abord, en peu de mots , son
départ pour Cadix et de là pour la Guadeloupe, sa
visite à l'île de la Marguerite et à la pêcherie des
perles, ensuite à Porto-Rico, que les Anglais venaient
de quitter et avaient laissée dans un misérable état :
les maisons brûlées, les remparts renversés, la popu-
lation réduite à trois ou quatre individus, le reste en
fuite dans les montagnes, ou emmenés en captivité. Il
décrit ensuite Saint-Domingue, Cuba et les autres îles,
ainsi que leurs riches productions ; enfin il entre dans
la Nouvelle-Espagne (le Mexique) à 600 lieues de
Porto-Rico ; il admire la splendeur du Mexico ; le
tableau qu'il en donne, à la fin du xvi* siècle, est fait
pour inspirer de la curiosité. A cette époque, la popu-
lation était d'environ 120,000 à 130,000 habitants,
indigènes, nègres et Espagnols. Il décrit les produc-
tions de toutes sortes de ce fertile pays et leurs
divers usages. Cette partie de la relation présente un
double intérêt, surtout pour le temps où voyageait
Ghamplain.
(«5)
Ce n'est pas sans étonnement qu*on voit un voyar
geur français, en un temps aussi reculé, s'occuper
d'une communication entre l'océan Atlantique et
l'océan Pacifique, en peu de mots, il est vrai : ainsi,
depuis trois siècles, on n'a jamais cessé d'y songer.
Quant aux animaux, on a reproché à Samuel Gham-
plain, et non sans fondement, un excès de crédulité;
c'est un des défauts de son temps ; il était pourtant un
homme sagace et pénétrant. On n'accuse pas sa bonne
foi; mais, enclin au merveilleux, il accueillait trop
légèrement les récits des natifs : parlant sur ouï-dire,
il admettait des êtres monstrueux, des dragons à tète
d'aigle, à ailes de chauves-souris, à la queue écail-
leuse, au corps de reptile.
Les Indiens, non soumis à la domination espagnole,
sont l'objet des remarques de Champlain ; il nous
apprend que ces hommes adoraient la lune, lui adres-
ssdent de ferventes prières, lui demandaient de les faire
triompher de leurs ennemis, commençant et finissant
leurs cérémonies par des chants bruyants et des danses
furieuses. Quant aux Indiens convertis, ils étaient
sévèrement traités, et astreints par la force à suivre
les pratiques du culte chrétien soumis à l'inquisition,
et frappés ou menacés de mort en cas de retour à leurs
divinités.
Panama, en ce temps, recevait l'or et l'argent du
Pérou et l'exportait partout. C'est là, dit Champlain,
qu'on pourrait établir une communication qui abrége-
rait de 1500 lieues la route d'un océan à l'autre.
C'est dans la Relation qu'on trouvera les dévelop«*
pements que comportent tous cessujets* Samuel Cham-
I. JANVIER. 5. 6
pkân le$ a traités avec une naïveté, une sraiplické
rQiaarquables» et. bien faites pour inspirer une œti&re
Qcmfiaiioe,
On aime à voir le savant secrétaire de la Société
géographique de Londres» rendre hommage au mérite
et au courage dû voyageur français, à son caractère
élevé, à son habileté et à. sa baute intellig^cice, et le
proclamer comme le vrai feo^ateur de la riche colonie
que possède et que lui doit k Grande-Bretagne.
JOMARD.
(61)
EV#iivellcài et eMumiiiileâtloiiè.
EXTRAIT
D*UNE LETTRE ADRESSÉE A M. JOMARO PAR M. LeJEAN.
Karthoum, novembre 1860.
Monsieur,
*
Vous pardonnerez à un malade de vous remercier
fort brièvement des quelques mots qui le concernent
dans votre lettre au docteur Peney, et qui ont fait bon
effet ici.
M. Peney est parti il y a trois semaines avec une
grande expédition. J'ai pris le parti d'armer moi-même
une petite expédition, je pars le 27 sur mon neghev la
Bretagne^ de vingt-neuf hommes d'équipage, marins et
soldats. Ce n'est plus le temps de Brun-RoUet, où on -
partait ayec douze hommes pour cette Arcadie : les
négriers ont rougi le fleuve, et comme, cette année, ils
ont eu de rudes moments à passer, ils partent fort
disposés à des vengeances terribles.
M. Peney s'est adjoint à une expédition qui dispose
de dix barques et de quatre cents hommes. Un prix
énorme, dit-on ici, a été proposé par le gouvernement
anglais pour la découverte, et il est question de se le
partager. Du reste, tous les. associés, même euro-
péens, sont parfaitement, illettrés, sauf M. Peney„ qui
peut faire d'excellentes observations astronomiques,.
(68)
s'il reçoit les institiments qu'il a demandés au Caire :
mais ni lui, ni les antres encore mmns , ne peuvent
tracer une carte exacte.
Je reviens du Kordofan/d'où j'ai rapporté la fièvre,
des études très neuves sur la race nuba-nubienne, et
une partie des antiquités de Kab-BelluL Ce BelluI de
Pallme (ou plutôt Belilé et Djebel -HîUé) n'est pas une
ville, c'est un groupe d'antiquités cachées dans des
montagnes. J'ai pris là le gisement des points suivants :
Haraza, Kobi, Surudj, Belilé (qui est peut-être le
même que Surudj), et Haoudoun, une vraie mine
de sculptures précieuses. J'ai copié Haraza, mais j'y
suis tombé si grièvement malade, que j'ai passé une
journée à Kobi\ sans avoir le courage de monter aux
pierres écrites; ce sont de vraies antiquités libyques (non
égyptiennes ou de Méroë), avec une certaine science
de dessin et des costumes qui me déroutent complète-
ment.
Je vais, monsieur, au Nyanza. De l'ouest du Nyanza,
je crois qu'il y a quelque chose de curieux à découvrir.
Je ferai ce que je pourrai pour m' éclairer sur le Jeji
(grand fleuve qui coule à quatre jours O. de Gondo-
koro, aussi important, là, que le fleuve Blanc à même
latitude. Les Arabes l'appellent Bahr-el-Djour). J'ose-
rai vous prier de m' écrire à la Mudirié de Khartoum,
où je serai du 25 au 30 juin.
P. S. — Cnmc de Pallme, prononcée à l'italienne
(catche) ne peut être que Katcha, ville du Darfour
conquise par les troupes égyptiennes vers 1844.
On m'avait en effet signalé le Haoudoun à trois
journées de ce lieu ; mais c'est une erreur, et mes
(69)
hommes m'ont rendu service en me forçait, à tm-cbe-
min, à quitter la route de Katcha que j'avais prise, et
il revenir à Lobeïdb.
La santé revient, le courage aussi, et je ne promets
pas de ne^ pas tenter quelque chose en juillet pit)chain
pour voir le Haoudoun.
Remarques sur la lettre précédente^ au sujet des
antiquités situées près du Darfour.
Le voyageur Edouard Ruppell est, je crois, le pre-
mier qui ait parlé, d'après divers bruits, de l'existence
des restes d'antiquités situés vers le sud du Darfour et
duKordofan, il regardait ce récit comme peu vraisem-
blable. Un autre voyageur allemand, Ignatius Pallme,
qui a publié en 18A& un voyage au Kordofan, a raconté
ce que disent les indigènes, des ruines situées sur la
limite du Kordofan et du Darfour, mais il ne les a pas
visitées. Cest à Cab-BeluU, dit-il (p. 3A7 de la tra-
duction anglaise), entre le Kordofan et le Darfour, et
à deux jours de Gaccie. Suivant les Djellabs (mar-
chands d'esclaves) , il y a de grands portiques que ces
hommes, qui connaissent les monuments dé l'Egypte,
comparent à ceux deLouqsorà Thëbes; ces ruines sont
enterrées dans le sable, etc. Nous n'avons pas manqué
d'appeler l'attention sur ce qui pouvait avoir donné
lieu à ces récits d'une apparence un peu suspecte, d'au-
tant plus que le même Ed. Ruppell, voyageur judi-
cieux et instruit, dît que des colonnes dont on lui avait
:( 70 )
mgnàlé Texistence, se sont trouvées n'être autre chosfe
que des colonnes de basalte. Toutefois, nous avons
cité ces divers récits (1), dans les instructions données
à divers voyageurs, en même temps que ce qui touche
les antiquités qu'ion assure être situées au jcentre de
nie de Méroé.
Tout le monde comprend l'intérêt qui s'attache à
un fait de cette nature. Pes ouvrages d'art, à une telle
distance de la vallée du Nil, donneraient lieu à beau-
coup de conjectures et même à des recherches histo-
riques d'un haut intérêt.
Les ruines que vient de visiter le premier
AL G. Léjean à Abou-Harase, ont d ration pour ce talent qui sait si bien l'art de prou-
» ver et de convaincre. On pourrait citer bien des
» exemples de ces petits chefs-d'œuvre de controverse
» historique qu'il a malheureusement enfouis dans le
» Journal des sapants \ je dis enfouis à regret, car nul
» plus que moi n'apprécie le mérite de ce magnifique
» recueil ; mais il faut en convenir, son public est très
» restreint. Il y a une foule de gens, même savants,
» qui n'ont jamais pu se le procurer. Hors ceux qui
» ont le bonheur d'être atfacbéitf à quelque établisse-
» ment scientifique ou d'être l'ami d'un académicien
» qui le possède, bien des gens ne le connaissent que
)) pour l'avoir vu figurer dans le budget, du temps
» qu'on lisait le budget. C'est un tombeau somptueux
» si l'on veut, où l'on rend de grands honneurs aux
» morts, mais qui ne se rencontre pas, comme les tom-
» beaux anciens, sur la route des vivants. »
Ces passages qui peuvent s'appliquer tout aussi
bien, et sous tous les rapports, aux Comptes rendus des
(74)
séances de VJcàdémie des sciences qu'au Journal dess
favants^ ce que je ne crois pas avoir besoin de déve-
lopper, m'ont suggéré l'idée de renouveler mon
ancienne proposition.
€'est ce que je fais formellement aujourd'hui, en
ajoutant, non pour mes collègues qui le savent aussi
Inen que moi, mais poxur toutes les autres personnes
qui liront cette note, que notre bibliothèque est,
comme spécialité géographique, une des plus curieuses
et des plus complètes de Paris, par suite des dons
, qu'elle reçoit journellement des membres de la Société,
de nos Ministères, des Académies et Sociétés scienti-
fiques françaises et étrangères, et des savants de toutes
les nations.
Je dirai en terminant qu'elle est ouverte tous les jours,
vous ne l'ignorez pas non plus, à ses membres, ainsi
qu'aux savants français et étrangers qui ont des recher-
ches à y faire et désirent y travailler ; et que l'agent
de la Société qui dirige la bibliothèque depuis près de
quarante ans, c'est-à-dire depuis la fondation, et qui
la connaît parfaitement, fournit à tous les visiteurs
toutes les informations dont ils peuvent avoir besoin.
De la Roquette.
Cette proposition a été approuvée par la Commission
centrale le 6 novembre 1860.
(76)
Actes de la Société.
EXTRAITS DES PBOCÈS- VERBAUX DES SÉANCES.
» •
Séance du h janvier 1861.
IL Hîmly, 3eorétaire de la Société» communiciue le
procès-verbaj de la dernière Assemblée générale.
Après cette lecture, la Cominission centrale procède
au renouvellement des membres de son. bureau pour
l'année 1861 » et nomme : président , M. Jomard ;
vice-présidents MM. d'Avezac et Alfred Maury ; secré-
taire général, M. V. A. Malte-Brun ; secrétaire adjoint,
i^. y* A. Barbie du Bocage.
La G)mmission centrale procède ensuite à la forma-
tion de ses sections, et nomme pour en faire partie,
savoir :
Section de correspondance. — MM. A. d'Abbadie,
corr. de l'Insûtut, Alex. Bonneau, Ed. Gharton, comte
d'Escayrac de Lauture, E. de Froidefonds des Farges,
Victor Guérin, Aug. Himly, Gabriel Lafond, de la Ro-
quette, Ernest Morin, Noël des Vergers, corr. de Fln-
stitut.
Adjoint, M. Lejean.
Section de publication. — MM. Buisson, E. Gortam-
bert, Alfred Demersay, Guigniaut, de l'Institut, Lour-
mand, Jules Duval, Morel-Fatio, de Quatrefages, de
(76)
rinstitut, Elisée Reclus, Sédillot, Trëmaux, Vivien de
Saint-Martin.
Adjoint, M. Alfred Jacobs.
Section de comptabilité. — MM. Albert-Montémont,
Bouillet, F. -A. Gamier, S. Jacobs, Lefebyre-Duruflë,
Poulain de Bossay.
Adjoint, M. Fabre.
En prenant place au fauteuil, M. Jomard propose
de voter des remerclments à M. d'Avezac pour les
soins et le zèle qu'il a déployés pendant sa présidence
pour les affaires et les intérêts de la Société, ce qui ne
Ta pas empêché de communiquer d'intéressants docu-
ments sur des sujets scientifiques.
Le Président appelle l'attention de la Société sur les
nouvelles récentes de la Chine et les odieux traite-
ments dont a souffert notre collègue, M. le comte
d'Escayrac, pendant sa captivité à Pé-King. Il pro-
pose qu'une lettre exprimant les sentiments sympa-
thiques de la Société soit adressée à la famille. Cette
proposition est adoptée.
Sont présentés pour faire partie de la Société :
MM. le général de division Marey-Monge, petit-fils du
géomètre, le principal fondateur de l'École polytech-
nique, par MM. Jomard et d'Avezac ; Petit, chef de
division au ministère de l'mstruction publique ; Tal-
berg, censeur des études au lycée Louis-le-Grand ,
par MM. Poulain de Bossay et d'Avezac; et l'abbé
Brasseur de Bourbourg, par MM. Jomard et Malte-
Brun.
(77)
Séance du 18 jcawier 1861 •
Son Exe. M. le ministre de rinstniction publique in*
forme la Société qu*il lui a attribué, pour l'année 1861 ^
à titre d'allocation, une somme de 600 fr. en échange
de cinquante exemplaires de son Bulletin.
H. Kennelly» secrétaire de la Société de Géographie
de Bombay, annonce l'envoi du quinzième volume des
Transactions de cette Société.
M. le Président donne lecture de deux lettres qui lui
sont adressées, l'une, par le prince de Beauvau, qui
l'informe que la traversée entière de l'Australie a été
accomplie par M. Steward Mac-Dugald; l'autre, par
H. Lejean, qui annonce son départ pour le haut Nil
Blanc, sur une barque montée par trente hommes» et
l'excursion qu'il vient de faire en allant au Kordofan»
au lieu dit Haraza, où sont des vestiges d'antiquités
éthiopiennes. Il communique ensuite les statuts de la
fondation Karl Ritter, qui lui sont adressés par le doc-
teur Barth.
H. Malte-Brun donne également lecture d'une autre
lettre de M. Lejean, à la date du 27 novembre annon-
çant son départ pour le haut Nil, Ce voyageur pense
être de retour à Khartoum dans le courant de juin.
H.le capitaine Burton, dans une lettre adressée à
M. le secrétaire général, remercie vivement la
Société de la grande médaille d'or qu'elle a bien
voulu lui décenier pour son exploration vers les grands
lacs de l'Afrique orientale»
M. Lourmand propose : « d'adjoindre immédiatement
aux membres .du bureau trois autres membres (un
pour chaque sectiou) pour former une Commission
spéciale chargée, l"* de solliciter et de recueillir les
ans de tous ses collègues sur les meilleurs moyens de
donner à la prospérité de la Société le déYeloppemeot
désîraUe; 2''.de rédiger, d'après les divers avis, un
travail d'ensemble qui serait sovmis à la discirasûm de
la Commissioii centrale dans une séance indîquéa ad
hocy le {dus procfaaineDient possible. » La propoeitios
de M. Lourmand est adoptée, et les sections scmt
isivitées à se réunir prochainement pour nomm^ leur
dâégué auprès évi Iwnreau.
M. d'Arezac fait cann^tre hi fondation, à Gènes,
d'un eoU^e, ou l/uHtaâ teeimquey dans leqi^ a été
créée une chaire i* histoire et de géographie dont le ti-
tulaire^ connu de plusieurs des membres de la Sodélé,
eal M. HidieWc^eph Ganale, déjà chargé par sa ville
natale de donner une éditi<»i complète des c^ëfares
Annale» génoises de CaiFaro et ses continuateurs, si
intéressantes pour certains faits de Fhistoire des en*-
treprises de découvertes au moyen âge. Un Cabinei
géographique est aussi en p€^\^ et M. G«nale n'a pas
manipté de conaKlérer la BBagnifîque colleetion des
MommimUs de la géographie ^ ds M. Joanard, comme
une .des. pvemièr es acquisitioas à. y &îre entrer.
M. d' Avezac. signale en cmtre comme digne de tout
l'intérêt de la Socié^ une pubUcatiM nouvdlement
faite à l'Institut géographique de Weimar, de la por-
tion américaine dea deux cartes espagnoles, de 1&27
et 1529, reproduites en faonaimile d'apcèa les origi*
(7»)
Baux appartenant à la Bibliotbique grand^ducàla
C^Ue publication, faite avec luxe dans le fariuatiiK'
folio, mérite encore plus Tattentio» par le fond que
par la forme : elle est due à M. Rohl, dont la Société
n'a point oubUé la riche coUectioQ de calques d«
toutes les anciennes cai*tes relatives à TAmérique par
lui recueillis dans tous les établissements scientLfiqueft
de l'Europe. M. d'Avezac donne un ap^çu rapide du
c4wunentaire très étendu que M. Rohl a joint aux deux
cartes, dont la seconde est bien connue comme l'cBuvre
du cosmographe Diègue Ribero, mais dont la première
est restée anonyme et fait l'objet d'une curieuse re-
cherche de l'auteur que M. Kohi attribue en définitive
à Ferdinand Colomb, le fils et le biographe de l'il-
lustre découvreur. Après une série de chapitres pleins
d'une érudition toute spéciale sur Tensemble de ces
deux monuments cartographiques, une seconde partie
du travail est consacrée à un examen détaillé de leur
omtenu. S'il est permis d'exprimer un regret à l'égard
de cette belle publication, c'est celui de la voir bornée
à une seule moitié de deux précieux documents qu'on
serait désireux de posséder en leur entier, accompa-^
goés pour le tout d'ua travail aussi bien faiL
M. Blalte-Brun dépose sur le bureau, de la part de
M- Victor de Rochas, sa thèse pour le doctorat en mé«
decine, intitulée : Essai sur la topographie hygiénique et
médicale de la Nouvelle-Calédonie.
Sont admis comme membres de la Société : M. le
général de division Marey-Monge, présenté par MM. Jo-
mard et d'Avezac ; M. Petit, chef de division au minis-
tère de l'instruction publique ; M. Talberg, censeur des
(80)
études au lycée Louis-le-Grand, par MM. Poulain de
Bossay; et d' Avezac ; M. l'abbé Brasseur de Bourbourg,
par MM. Jomard et Malte-Brun.
Sont présentés pour faire partie de la Société :
M. Delalieau , inspecteur de l'Académie de Paris;
M. Duruy, professeur d'histoire au lycée Napoléon,
présentés par MM. Poulain de Bossay et Jomard;
M. Victor de Rochas, chirurgien de marine, présenté
par MM. Malte-Brun et d'Avezac , et M. le vicomte
Tristan de Rostaing, présenté par MM. Poulain de
Bossay et d' Avezac.
M. Noël rend compte de la première partie de la
Géodésie de la hante Ethiopie^ par M. Antoine d'Ab-
badie. — Renvoi au Bulletin.
M. Jomard fait un rapport sur l'édition anglaise du
Voyage de Samuel Champlain aux Indes occidentales et
au Mexique^ de 1599 à 1602. — Renvoi au Bulletin.
M. V. A. Barbie du Bocage lit un rapport sur la
Desctiption et t histoire du Maroc^ par M. l'abbé Go-
dard. Il annonce que ce rapport est le prologue d'une
Notice sur le Maroc qu'il se propose de communiquer
à la Société.
M. Poulain de Bossay commence la lecture d'un
mémoire intitulé : Essai de restitution et d! interpréta^
tion (Vun passage de Scylax relatif à la position de Tjrr*
Cette lecture sera continuée dans une prochaine
séance.
(81)
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES DE JANVIER 1861.
Pablicatlona da Dépôt géaéral de te MaHiie
. en 1 859- J 860.
LIVRES,
Instractions nautiques destinées h accompagner les cartes de vents et
de courants, par M. F. Manry, directeur de l*observatoire de
Washington, traduites par Ed. Vaneecbout, lieutenant de vaisseau,
publiées au Dépôt général de la marine, par ordre de Son Excellence
Vamiral Hamelin. Paris, 1859, 1 vol. in-4. — Pilote norvégien
d*aprës les travaux de la direction hydrographique de Norvège,
réunis et traduits par le baron de Long, publié sous le ministère de
Son Eicellence M. Tamiral Hamelin. Paris, 1858, 1 vol. in-8. —
— Mer du Nord. T* partie : lies Shetland, lies Orcades; II^' partie :
cdtes nord et est d*Écosse, traduction du pilote^ publié par ordre
de Famirauté anglaise par M. A. Legras, capitaine de frégate.
Publié au Dépôt des cartes et plans de la marine sous le ministère
de Son Excellence M. Tamiral Hamelin. Paris, 1859, 2 vol. in-8.
— Renseignements hydrographiques sur les lies Bashee, les lies
Formose et Lou-Tchou, la Corée, la mer du Japon, les lies du Japon
(ports d*Hakodaki, Ne-e-Gate, Nèngasaki, Simoda et Yedo) et la
mer d*Okhotsk, mis en ordre et publiés par M. Le Gras, capitaine
de frégate, 2^ édition. Paris, 1860, t vol. in-8. — Recherches
chronométriques, publiées sous le ministère de Son Excellence
M. Tamiral Hamelin. Paris, 1859, 4 cahiers in-8. — Renseigne-
ments nautiques sur la Nouvelle-Calédonie et les ties Loyalty, par
M. Grimoult, lieutenant de vaisseau (Extrait des Annales hydro-
graphiques, 2* trimestre 1859). Paris, 1859, 1 broch. in-S. — Note
sur remploi du cercle méridien de Brunner pour obtenir une base
par des diCTérences de latitudes. — Rapport sur Pexploration de
I. JANVIER. 6. 6
(82)
Rocbebonne. Méthodes employées pour Gxer la positioa de ce pla>
teau. Emploi de la vitesse do sod poor détermioer sa distance, par
M. Bouquet de La Grye (Extrait des Annales hydrographiques,
1«' et A^ trimestres 1859). Paris, 1860, 1 brocb. in-S. — lufluence
des courants sur la navigation à la côte occidentale d^Afrique, par
M. A. Vallon, lieutenant de vaisseau (Extrait des Annales hydrogra-
phiques, 1860). Paris, 1860, 1 broch. in-S. — Détroit de Banka. Nou-
velle passe pour donner dans le détroit en venant du sud. Position de
quelques écueils dans la mer de Corail (Extrait des Annales hydro-
graphiques, 2*" trimestre de 1860). Paris 1860, 1 broch. in-8. —
Note sur l'évaluation des distances en mer, par M. de la Roche-
Poncié (Extrait des Annales hydrographiques, 2® trimestre 1860).
Paris, 1860, 1 broch. in-8. — Modifications et additions au livre
des phares jusqu^au 15 novembre 1859, par M. Legras, capitaine de
Trégate. Paris, 1859. 1 feuille. — Annuaire des marées des câtes de
France, pour les années 1860, 1861, publié au Dépôt de la marine,
sous le ministère de M. Tamiral Hamelin, par A. M. R. Chazallon.
Paris, 1859-1860, 2 vol. in-12.
CARTES.
N°* 1760. Mer du Nord, partie méridionale, V^ feuille. — 1765.
Plan des environs des Fleurs (côte nord-ouest de Terre-Neuve). —
1766. Croquis de la baie d'Uvéa (tie Halgan, groupe des ties Loyalty).
— 1767. Plan de la lagune de Terminos (entrée oxiest), golfe du
Mexique : côteda Yucatan. — 1768. Baie Narraganset (États-Unis),
côte d'Amérique. — 1769. Baie Oyster ou Syosset (États-Unis),
côte d'Amérique. — 1770. Les Tortugas (côte des États-Unis) golfe
du Mexique. — 1771. Pensacola (États-Unis), golfe du Mexique. —
1772. Iles Cat et Sbip (côte des États-Unis), golfe du Mexique. —
. 1773. Cardenas (merdes Antilles). — 1774. Mouillages Matbewet
Molasses (grande Inague), mer des Antilles. — 1775. Mouillage
d'Alfred (grande Inague), mer des Antilles. — 1776. Rivière Deme-
rabi (Guyane anglaise), côte d'Amérique. — 1777. Cayes Turques
mer des Antilles. — 1778. Baie des Gonaïvcs (Saint-Domingue),
mer des Antilles. —1779. Baies Crocus et Road (tIe de l'Anguille),
mer des Antilles. — 1 780. Baie du Marigot (tIe Saint-Martin), mer
( 83 )
des Antilles. La grande Baie (Ile Saint-Martin). — 1781. Lac des
Huîtres (Ile de Saint-Martin). Port de Gostavia (Ite de Saint-Bar-
tbélemy), mer des Antilles. — 1782. Port Anglais et port Falmooth
ile Antigoa), mer des Antilles. — 1783. Les Saintes (mer des An-
tiUes]. — 1784. Les Roques (côte nord de Venezuela), mer des
Antilles. — 1785. Côte d^Espagne, pariie comprise entre le Gua-
dalquivir et le cap Trafalgar. — 1786. Carte particulière des côtes
d^Ilalie (États romains), partie comprise entre la tour Linaro et
Tembouchure du Tibre. — 1787. Mouillages de la côte d^Espagne
(Plata, Bolonia, val de Vaqueros, Tarifa et Gualmesi), détroit de
Gibraltar, r— 1788. Carte particulière des côtes dUtalie (États
Sardes), partie comprise entre le cap Mesco et le duché de Modène.
— 1789. Carte particulière des côtes d'Italie (États Sardes), partie
comprise entre Portofino et le cap Mesco — 1790. Plan du
Bosphore, V^ feuille. — 1791. Plan du Bosphore, 2^ feuille. —
1792. Plan du Bosphore, 3'' feuille. — 1793. Plan du port de
France, du port Laguerre et de la baie de Nou-Mea (Nouvelle-Calé-
donie). — 1794. Plan du port Saint ^Vincent et du golfe Saint-
Denis (Nouvelle-Calédonie). — 1795. Plan du cours de TAdour
depuis son embouchure jusqu'à Bayonne. Etat de Tembouchure de
TAdonr. — 1796. Baie de Lamoo, Patta et Rwyhoo (côte orientale
d'Afrique;. — 1797. Baie et havre de Lamoo. BaieFormosa. Port
Maleenda. Ports Cockburn, sir George Campbell et Chak-Chak
(côte orientale d'Arrique) — 1798. Quiloa (côte orientale d'Afrique).
— 1799. Banc et lie Latham. Havre Ibo. Baie Almeida, récifs Man-
cabala et Indojo. Rivière Moughow. Rivière Lindy (côte orientale
d'Afrique). — 1800. Port de Mozambique (côte orientale
d'Afrique). — 1801. Ports de Conducia, Mozambique et Mokamba
(côte orientale d'Afrique) 1802. Baie .Pomba. Rivière et barre
Sofala(côte orientale d'Afrique). — 1803. Rivière Quilimane bou-
che nord du Zambesi. Rivière Inhambane (côte orientale d'Afrique).
— 1804. Plan des havres des Griguets du cap Blanc et de la baie
du nord (côte orientale de Terre-Neuve). — 1805. Plan de la baie
de Saint-Lunaire (côte orientale de Terre-Neuve). — 1806. Plan
de Porto d'Anzio (États romains). — 1807. Carte des Atterrages
de Reikiavik (Faie Bugt) côte occidentale d'Islande. — 1808. Carte
(84 )
particulière des côtes (T Italie (États sardes), partie comprise entre
le cap Caprazoppa. et Arenzano. — 1809. Détroit de Gibraltar. —
tSlO. Plan de la baie de Barracouta (manche de Tartarie). —
1811 . Reconnaissance de la baie Youghin (côte orientalede Corée).
— 1812. Plan dn moniilage de Marbilla. — 1813. Plan da
mouillage de Frangerola. — 1814. Plan de la passe sud de Lalypa
(rivière de Canton), mer de Chine. — 1815. Petit Dell, Middelfart
et sund de Fœnô. — 1816. Grand Belt (partie nord). — 1817.
Grand Belt (partie sud). — 1818. Carte des fies de Lipari, royaume
des Deux-Siciles. — 1819. Plan des ports de la passe Havannali
(Nouvelle-Calédonie). — 1820. Plan de la baie du Prony (partie
sud de la Nouvelle-Calédonie). — 1821. Carte particulière des
côtes dltalie (États sardes), partie comprise entre Monaco et Sau-
Lorenzo. — 1822. Carte particulière des côtes d'Italie (États sardes),
partie comprise entre San-Lorenzo et le cap Caprazoppa. — 1823.
Plan du port de Vao et de la partie sud de Ptle des Pins (Nouvelle-
Calédonie). — 1824. Carte de Kunie (Ile des Pins), Nouvelle-Calé-
donie. — 1825. Plan de la baie Sainte- Barbe (côte nord-ouest de
Terre-Neuve). — 1826. Plan du havre des Petites-Oies et de celui
des trois montagnes (côte nord-est de Terre-Neuve). — 1827. Plan
des havres de la crémaillère et des trois montagnes (côte orientale
de Terre-Neuve). — 1828. Baie de Nangasaki (Japon). — 1829.
Japon. Port de Simoda (tle Nippon). — 1830. Japon. Port de Eako-
dadï (lie lesso). — 1831. Plan du havre de la Tète de Vache
(côte occidentale de Terre-Neuve). — 1832. Plan du havre de
Paquet (côte nord-est de Terre-Neuve). — 1833. Pian du havre de
Kolgraver Fiord (côte occidentale d'Islande). — 1834. Plan croquis
du havre de Nord-Fiord (côte orientale d'Islande). — 1835. Plan
croquis de la baie de Tborsbaven (lies Feroë). — 1836. Côte occi-
dentale d'Afrique, partie comprise entre le détroit de Gibraltar et
le cap Bojador (océan Atlantique). — 1837. Croquis du port de
Tamandaré (Brésil). — 1838. Plan de la baie de Saint-Mein et du
havre de Saint- Antoine (côte nord-est de Terre-Neuve). — 1839.
•Carte des bancs situés au sud de File de Terre-Neuve. — 1841.
La Havane (tle de Cuba) mer des Antilles, océan Atlantique. —
1842. Plan du port de Yu-lin-kan (côte sud d'Haïnau). — 1843.
( 86)
Carte de rentrée de la MéditerraDée comprenaot la côte d^Espagne
de Uuelba au cap de Palos et la côte d'Afrique de Mehedijah au
rap Ferrât. — 1844. Carte d'une partie des côtes de Chine et de
Cochinchine (golfe du Tonquin et détroit d'Haïnan). — 1845. Plan
de nie Uen et du canal Woodin (Nouvelle-Calédonie). — 1846.
Carte du Bosphore. — 1847. Crique de TÉmigration (embouchure
du Rio-Congo), côtes d'Afrique, océan Atlantique. — 1848. Carte
de nie de Cuba (l'« feuille) partie orientale. — 1849. Carte de la
mer d'Azof. — 1850. Carte de la mer Noire (4® feuille) du cap
Idokopas au cap Zeflros. — 1851. Carte de la mer Noire (5*^ feuille)
du cap ZeGros au cap Rerempeh. — 1852. Plan des mouillages de
Lipari (royaume des Deux-Siciles. — 1853. Plan de nie Panarla
(lie de Lipari). — 1854. Ile de Malte depuis la Valette jusqu'à
Marsa Scirocco.
MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOaÉTÉS SAVANTES,
RECUEILS PÉRIODIQUES.
The journal of the Royal Asiatic Society, vol. XVIII, part. 1, 1860.
H. Fox Talbot, Translation of some Assyrian inscriptions. I. The
Birs Nimrad inscription. II. The inscription of Michaux. III. The
inscription of Bellino. E. TynvhitL Ptolemy's Chronology of
Babylouian reigns conclusively vindicated, and the date of the f ail
of Nineveh ascertained. With elucidations of connected points in
Assyrian, Scythian, Médian, Lydian and Israélite history. — Com-
parative translations, by W. H. Fox Talbot^ the Rev. E. Hincks^
D' Oppert, and sir H, C. Rawlinson, of the inscription of Tiglath
Pileser I.
Proceedings ofthe Royal geographical Society ofLondofit vol. IV, n"" 4.
Address at the Universary Meeting of the Society, on the
28 may, 1860, delivered by the Earl de Grey and Ripon, Président.
Philosophical Transactions of the Royal Society of London, for the
year 1859. London, 1360, in-4 en 2 parties.
On the physical phenomena of glaciers, by J, Tyndall, — On
the vetned structure of glaciers, by the same. — On the fossils
Mammals of Australia, by prof. Owen.
On ibe deflcction of the plumb-liuc in India, caused by the
(76)
l'Institut, Elisée Reclus, Sédillot, Trémaux, Vivien de
Saint-Martin.
Adjoint, M. Alfred Jacobs.
Section de comptabilité. — MM. Albert-Montémont,
Bouillet, F.-A. Garnier, S. Jacobs, Lefebvre-Duruflé,
Poulain de Bossay.
Adjoint, M. Fabre.
En prenant place au fauteuil, M. Jomard propose
de voter des remerclments à M. d'Avezac pour les
soins et le zèle qu'il a déployés pendant sa présidence
pour les affaires et les intérêts de la Société, ce qui ne
l'a pas empêché de communiquer d'intéressants docu-
ments sur des sujets scientifiques.
Le Président appelle l'attention de la Société sur les
nouvelles récentes de la Chine et les odieux traite-
ments dont a souffert notre collègue, M. le comte
d'Escayrac, pendant sa captivité à Pé-King. Il pro-
pose qu'une lettre exprimant les sentiments sympa-
thiques de la Société soit adressée à la famiHe. Cette
proposition est adoptée.
Sont présentés pour faire partie de la Société :
MM. le général de division Marey-Monge, petit-fils du
géomètre, le principal fondateur de l'École polytech-
nique, par MM. Jomard et d'Avezac ; Petit, chef de
division au ministère de l'instruction publique ; Tal-
berg, censeur des études au lycée Louis-le-Grand ,
par MM. Poulain de Bossay et d'Avezac; et l'abbé
Brasseur de Bourbourg, par MM. Jomard et Malte-
Brun.
(77)
Séance du iS Janvier 1861.
Son Exe. M. le ministre de rinstniclion publique in«
forme la Société qu^il lui a attribué, pour l'année 1861 »
à titre d' allocation » une somme de 600 fr. en échange
de cinquante exemplaires de son Bulletin.
M. Kennelly» secrétaire de la Société de Géographie
de Boml)ay, annonce Fenvoi du quinzième volume des
Transactions de cette Société.
M. le Président donne lecture de deux lettres qui lui
sont adressées, Tune, par le prince de Beauvau, qui
rinforme que la traversée entière de l'Australie a été
accomplie par M» Steward Mac-Dugald ; l'autre, par
H. Lejean, qui annonce son départ pour le haut Nil
Blanc, sur une barque montée par trente hommes» et
l'excursion qu'il vient de faire en allant au Kordofan»
au lieu dit Haraza, où sont des vestiges d'antiquités
éthiopiennes. Il communique ensuite les statuts de la
fondation Karl Ritter, qui lui sont adressés par le doc-
teur Barth.
M. Malte-Brun donne également lecture d'une autre
lettre de M. Lejean, à la date du 27 novembre annon-
çant son départ pour le haut Nil. Ce voyageur pense
être de retour à Khartoum dans le courant de juin.
M.lecapitame Burton, dans une lettre adressée à
M. le secrétaire général, remercie vivement la
Société de la grande médsûlle d'or qu'elle a bien
voulu lui décenier pour son exploration vers les grands
lacs de l'Afrique orientale.
{8.8 )
rhomme. — Gosselet^ Note sur des fossiles silariens trouvés dans
le Brabant. — De Verneuil, Sur reiisteoce de la faune primordiale
dans la chaîne cantabrique. — De Caux, Sur des ossements fos-
siles et des silex taillés trouvés dans la sablière du Précy (Oise).
— Thomusy^ Note sur Thjdrologie maritime et sur les lignes
d'équisalure dans Tocéan Atlantique. — Ancat Deux notes sur
deux nouvelles grottes ossifères découvertes en Sicile.
Annuaire de la Société météorologique de France, Août et septembre.
Bulletins de la Société d'anthropologie de Paris, t. I, 2** fascicule.
Janvier-mars, 1860.
Annales de la propagation de lafoi\ n** 193. Novembre.
Missions de Syrie. Le Liban. — Missions de la Turquie d^Europe.
— Océanie. Extrait d'une lettre du R. P. Gagnière, Sur les idéçs
religieuses des nouveaux Calédoniens. — Lettre du R.P. Bernardy
L tle Uvéa.
Journal des missions éoangéliques. Septembre et octobre.
Septembre. — Missions de la Chine. — De l'Inde. — Du pays
Birman. — De Syrie.
Octobre, — Mission de l'Afrique australe. — De llnde. — De
TArménie. — De la Polynésie.
Journal asiatique^ Juin et Juillet.
Juin, — Mémoire sur les institutions de police chez les Arabes,
les Persans et les Turcs, par M. leD' W. Behmauer, — Description
des monuments de Dehli en 1852, d'après le texte hindoustani de
Saïyid Ahmad Khan, par M. Garcin de Tassy, — Lettre de
M. Khanikoff (sur un plan de Hérat).
Juillet, — J, Mohl, Rapport sur les travaux du conseil de la
Société asiatique pendant Tannée 1859-60.
Erratum du Bulletin de novembre-décembre.
Page 451, ligne 5, au lieu de ; Pater-el-bagaratr, Usez : Bain-cU
baqarah.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE.
FÉVRIER 1861.
leiéisiioirci», IVotieei», elc.
RECHERCHES
SUR LA TOPOGRAPHIE DE TYR,
PAR P. A. POULAIN DE BOSSAT.
Tyr dans une tic. — Détroit, sa largeur, chaussée d'Alexandre qui
est devenue iin isthme. — Bancs de rochers autour de Tllc de Tjrr.
— Submersion d'une partie de Ttle. — Bassin méridional envi-
ronné d'une épaisse muraille. -- Étendue delà ville de Tyr. — Iles
et écueils au nord de Tyr. — Grande digue au sud. — Port inté-
rieur, septentrional ou Sidonien. — Port méridional ou Égyptien.
— Deux rades. — Rocher Maschouk. — Fofllaînes Raz-al-ÂYn. —
Aqueducs. — Réservoirs. — Mur d'enceinte. — Les deux ties Am-
brosiennes. — L'Eurychorc. — Canal qui séparait les deux lies. —
Il a été en partie comblé. — Sa direction indiquée d'après Pétude
des auteurs anciens et vérifiée par des fouilles. — Le port intérieur
n*a pas été creusé de main d'hommes. — Arsenal maritime des
Tyriens. — Nécropole de Tyr..
Avant le siège qu'elle soutint contre Alexandre, la
ville de Tyr était renfermée dans une île. La largeur
du détroit, qui séparait l'île du continent, était de
1. FÉVRIER. 1. 7
(90)
h stades selon Scylax, Dîodore de Sicile et Quînte-
Curce ; de 700 pas d'après Pline ; suivant Guillaume
de Tyr elle était celle que peut parcourir une flèche
lancée par un arc; de 700 & 800 paa d'après le
P. Roger. Macondrell évalue à vingt minutes de
marche la longueur de la chaussée d'Alexandre, par
conséquent la largeur du détroit, et Buckingbam lui
donne environ un demi-mille (1)«
Ces assertions, à l'exception de celles de Pline et de
Guillaume de Tyr, ne présentent pas de différences
notables. 700 pas romains valent 5 stades :i^ ou
1036 mètres, tandis que 4 stades ne valent que 500 pas
romains ou 7â0 mètres. La largeur donnée au détroit
par Pline, dépasse donc d'un quart la largeur indi-
quée par Scylax, Diodore de Sicile et Quinte-Curce.
Gomme elle dépasse également toutes les indications
qui se trouvent dans les auteurs anciens et modernes,
on doit en conclure que le chiffre donné par Pline
est erroné et exagéré ; et d'un autre côté, comme 500
pas romains sont exactement l'équivalent de 4 stades,
je pense que, dans le texte de Pline, au lieu de 700,
il faut lire 500 pas.
Lea mesures indiquées approximativement par le
P. Roger et par Buckingham s'éloignent peu de celle
(1) Poalain de Bossajr, Essais de restitution et d^inlerpréuaion d'un
passage de Scylax. — Diodore de Sicile, liy. xvii, chap. 40. — Qainte-
Garce, liv. iv, chap. 2. — Pline, lîv. t, chap. 17. — Gamaonie de
Tyr, Hist. des Croisades, trad. de M. Guizot, toI. II, liv. xiii, p. 257.
— Le fi. P. Roger, ta Terre-Sainte,^. 49. — tfaandrell, Yoyage
4PÊkBpà JérueeMm^m 1#97; PMis, 1706,Ui*l9, p. 92. «« Dadkio-
fhaa, fraviff Im fài/eetiwet p. 47.
(91)
que nous fournissent les trois auteurs anciens que j'ai
cités. Dans un plan qui SLCCompsLgneY Examen critique
iles historiens tV Alexandre^ de M. de Sainte-Croix ,
M. Barbie du Bocage a adopté, avec raison je crois,
la mesure de h stades (1).
Quant à Guillaume de Tyr, son estimation est très
vague et ne vaut que ce que vaudrait aujourd'hui l'in*-
dication fort peu précise d'une portée de Jusil (2).
Un voyageur moderne, M. de Bertou, la préfère cepen-
dant à toutes les autres, et il en conclut que la largeur
du -détroit n'a jamais excédé 50 à 60 mètres (3). Oui,
l'évaluation de M. de Bertou est conforme à ce qui se
passe aujourd'hui à V Éducation d! Achille (4) ; mais bien
certainement un archer du moyen âge eût été fort
étonné et bien irrité s'il eût entendu dire que la portée
de sa. flèche ne dépassait pas 150 à 180 pieds, distance
que peut facilemerît atteindre une pierre lancée par un
(1) Barbie da Bocage, Vlan de Tyr et de §es &uvir(ms,
(2) Certains détails donués par Tarchevéque Gaillaume sur le siège
de Tyr, permettent de supposer que la porte flanquée de tours, le
large fossé et deux des murs qui défendaient rentrée de la ville,
étaient situés sur la chaussée. S'il en était ainsi, la distance de la ville
au continent pouvait n^être pas considérable, et par là s'expliquerait
en partie ce que Phistorien dit de cette distance. (Guill. de Tyr, lit. xin,
p. 259 et 264.) - Uin-Alatir (Reinaud, Extraits deshUtorieni aràbâs,
p. 230), et Aboalféda (éd. de Koehier, p. 95), font mention également
du fossé creusé par les croisés et par lequel Tyr redevint une ile.
(3) M. J. de Bertou, Essai sur la topographie de Tyr. Paris, 1843,
p, 64.
Poçoke ne croit pas que rtleait été aussi éloignée du continent que
le disent les historiens. U ne fait pas connaître les motifs sûr lesquels
s*appuie son sentiment.
(4) École de tir à Tare, boulevard du Temple, à Paris*
(92)
écolier. On le conçoit, la distance que peut franchir
une flèche dépend de la longueur et de la bonté de
Tare, de la force et de l'adresse de Tarcher; elle varie
entre 91 et 219 mètres. Ce dernier chiffre indique la
plus grande distance que puisse atteindre la flèche
lancée par un archer robuste et expérimenté (1).
Cinquante mètres I c'est à peu près la largeur du
petit bras de la Seine derrière T Hôtel-Dieu. L'exé-
cution d'un simple remblai de 50 à 60 mètres de lon-
gueur, dans des eaux peu profondes, n'aurait pas
nécessité les grands travaux imposés aux soldats de
Nabuchodonosor et plus tard à ceux d'Alexandre ; les
Tyriejîs n'auraient ^as eu besoin de monter sur de
légers bateaux, de s'éloigner de l'île et de s'avancer
vers le rivage continental pour adresser des railleries
aux Macédoniens (2) ; du haut du mur d'enceinte, ils
se seraient facilement fait entendre des soldats qui
construisaient la cljaussée, car un intervalle de 50 à
60 mètres permet d'établir une conversation sans trop
élever la voix. Enfin, que dirai-je? L'opinion de M. de
Bertou est réfutée d'avance par Arrien, dans lequel
nous lisons que l'exécution de la chaussée ne présenta
d'abord aucune difficulté, parce que la mer était peu
profonde et parce que l'éloignement ne permettait pas
aux Tyriens de troubler le travail des Macédoniens ;
mais lorsqu'on se fut rapproché de la ville, les soldats
[r- (1) Manual of rural sports, by Stone HeDge, 3^ éd. London, 1857,
p. 508 et 509. — Encyclopédie britannique, éd. de 1790, vol. l\,
p. 212. Je doîs ces renseignements à Tobligeance de M. Ant. d*Ab-
badie.
(2) Qainte-Carce, liv. iv, cbap. !2.
(93)
d'Alexandre furent très incommodés des flèches de
lem's ennemis. Quinte-Curcc dit aussi qu'après de
grands travaux, la chaussée fut assez avancée pour
que les Macédoniens se trouvassent à la portée du
trait (\).
Pourquoi prolonger cette discussion ? Depuis l'époque
d'Alexandre, il est vrai, le détroit n'existe plus ; mais
la difféi^ence du sol et les ruines encore subsistantes
des murs et de quelques monuments rendent faciles à
indiquer les anciennes limites de l'île du côté de
l'isthme, et pendant longtemps il a été également pos-
sible de reconnaître sur le continent où commençait la
chaussée d'Alexandre. D'après les plans exécutés avec
le plus de soin, entre ces deux points, la distance est
d'environ 750 mètres ; ce sont les quatre stades des
historiens anciens (2).
Quant à la largeur de la chaussée, aucun géographe
de l'antiquité n'en parle, et je ne l'ai trouvée indiquée
que dans un seul historien, dans Diodore de Sicile,
qui lui donne deux plèthres ou 200 pieds grecs,
(61"^,64) (3).
Arrien dit bien que la première chaussée entre-
prise par Alexandre ayant été reconnue trop étroite,
le roi la fit élargir afin qu'elle pût contenir un plus
(1) Arriani, De expeditione Alexandri magni historiarumf libri yin,
éd. Nico. Blaocardas, Âmsletodami, 1660, lib. ii, p. 131. — QaiDte-
Curce, liv. iv, chap. 3.
(2) Barbie da Bocage, Plan de Tyr. ~ Mouillage de Sour, levé en
1831 par Ormsby. — M. de Bertou, Plan de la péninsule de Tjr,
dans le Bulletin de la Sociélé de Géographie de Paris^ 2^ série, t. XI.
(3) Liv. XVII, chap. 40, à la fin.
( 9li )
grand nombre de tours destinées à protéger les tra-
vailleurs (1); maïs cet historien, qui donne tant de
détails précieux, ne s'explique pas sur la largeur du
travail d'Alexandre. S'il faut en croire le P. Roger, de
son temps, c'est-à-dire vers 1630, la largeur de l'isthme
était de cinquante pas ; mais le P. Roger n'a rien me-
suré ; toutes ses indications ne sont qu'approximatives
et ne peuvent inspirer qu'une médiocre confiance (2).
Néanmoins dans un périple inédit, qui remonte à une
époque que j'ignore, je trouve une phrase qui atteste
que, pendant bien des siècles, l'étendue de la chaussée
est restée peu considérable. Voici cette phrase : « (Civi-
» tas Tyri) quœ sita est in cor maris ferè hînc indè in
» Eurum praesia (praecisa). » Si, comme aujourd'hui,
la chaussée eût formé un isthme dont la largeur varie
enti-e 500 et 700 mètres, l'auteur inconnu du périple
n'aurait pas dît que « vers l'est, la ville de Tyr
» était de chaque côté presque entièrement coupée
» par la mer » , c'est-à-dire séparée du continent (3).
Maundrell, qui visitait Tyr en 1697, avait remarqué
que l'isthme était encore plus bas que l'île et que le
continent ; la largeur de l'isthme, disait Buckingham
(en 1816), forme à peu près le tiers de sa longueur
(environ 800 mètres). Ainsi la chaussée à laquelle
Alexandre avait donné environ 60 mètres, -n'était pas
(l)Lib. II. p. 133.
(2) Je possède dcax très anciens plans de Tyr diaprés lesquels il me
paraît éfident qae l'évalnatieD da P. Roger est beaucoup trop faible.
(3) Mon savant et excellent collègue, M. d*Aveiac, a fait copier à
Londres une partie de ce périple qui a pour titre : Liber de ExistetUia
Riveriarum et forma marts noslri medUerranei.
(95)
beaucoup plus large au commencement du xvu'' siècle,
et de plus, à la fin de ce môme xvii* siècle, elle n'avait
pas encore atteint le niveau de la. terre ferme et de
rile, tandis qu'aujourd'hui cette chaussée, devenue un
isthme, a une largeur moyenne de 600 mètres, et les
sables qui s'y amoncellent forment des monticules
dont quelques-uns sont plus élevés que la ville ; bien-
tôt j'en dirai la cause.
L'isthme et l'île, suivant la remarque de Volney (1),
affectent la forme d'un marteau à tête ovale. A trois
exceptions près, partout où Tyr est encore baignée par
la mer, les côtes sont hérissées d'écueîls, de bancs de
rochers et de débris de constructions (2). Ces construc-
tions submergées mais encore debout, et qu'on ne peut
confondre avec des colonnes ou des pans de murailles
renversées et précipitées dans la mer, ont été remar-
quées par quelques-uns des voyageurs qui ont visité
la Syrie (8) ; ces voyageurs ont été particulièrement
frappés de la quantité de colonnes qui se trouvent sur
un rocher à fleur d'eau, au nord-est de la presqu'île.
Alors, ils se sont .demandé si les rivages de la pénin-
sule actuelle sont bien ceux de l'ancienne Tyr ; si depuis
(1) Volney. Voyage en Syrie el en Egypte^ t. Il, chap. 29, p, 194.
(2) Lettre de M. Jules de Bertou, insérée dans le Buiklin de la
Société de géographie de Paris, 2** série, t. XI, p. 150 (mars 1839)
— Autre lettre (restée inédite) adressée par M. de Bertou à M. Roux
de Roehelie, président de ta Commission centrale de la Sociétéde géo-
graphie, le 14 octobre 1838.
[Z) Maundrcll, p. 82. — Buckingham, p. 47. — Le général Vial,
dans le Mémoire sur la construction de la carte d'Egypte, par M. le
colonel Jacotin, p. 97. — M. de Bertou, Essai sur la topographie de
Tyr y p. 51 etsuiv.
( 96 )
les temps où cette ville était puissante et prospère, la
mer n'aurait pas miné les côtes, enlevé tout ce qui n'a
pas pu lui résister, dénudé ou plutôt raclé le roc, sui-
vant l'expression du prophète (1), et par conséquent
diminué l'étendue du sol habitable.
Cette opinion sur la submersion d'une partie de la
ville cesse d'être conjecturale et acquiert un grand
degré de certitude, si nous invoquons le témoignage
de Benjamin de Tudèle. Ce juif espagnol, qui dit avoir
visité l'Orient en 1173, s'exprime ainsi : a Que si l'on
» monte sur les murailles de la nouvelle Tyr, on voit
» l'ancienne Tyr ensevelie sous les eaux de la mer qui
» la couvre, à un jet de pierre de la nouvelle. Et pour
» en découvrir les tours, les places publiques et les
» palais qui sont au fond, on n'a qu'à s'y transporter
» dans une chaloupe (2). Il n'est pas besoin de faire
remarquer que l'ancienne Tyr de Benjamin de Tudèle
n'était point le lieu situé sur le continent, que les
Tyriens désignaient sous le nom de vieux Tyr («i iraXa«
Tufoç, vêtus Tyrus)^ et que quelques géographes an-
ciens ont appelé Palaetyr (ïlaXattupoç) (3); c'était la par-
tie occidentale dès lors submergée de la grande métro-
pole phénicienne, et le souvenir de son étendue
primitive était, à cette époque, parfaitement conservé.
En effet, au temps de sa prospérité, Tyr devait s'étendre
bien au delà des limites de la péninsule actuelle. Tout
en admettant que l'île était entièrement couverte de
(1) Ezéchiel, chap. 26, v. 4.
(2) Voyagez de Benjamin de Tudèle^ etc. Paris, 1830, 1 vol. in-8,
p. 32.
(3) Poulaio de Bossay, Recherches historiques sur Tyr et PàUUyr.
(97)
bâtiments jusque siu' le bord de la mer, et que les
maisons y avaient un nombre d'étages plus grand encore
quà Rome, c'est-à-dire au moins cinq ou six (1);
jam£Ûs cette puissante cité n'aurait pu être contenue
dans la petite presqu'île de Tsour qui n'a que
576,508 mètres carrés, superficie qui suffirait à peine
à une ville de vingt et quelques mille âmes. Cependant,
il ne faut rien exagérer ; même dans le temps de sa
plus grande splendeur, Tyr, je crois, ne couvrait pas
entièrement le banc de rochers qui s'étend à l'ouest
fort loin sous les eaux. J'en trouve la preuve dans les
détails du siège soutenu par cette ville contre Alexandre*
Pendant toute la durée de ce siège, les efforts du con-
quérant macédonien se dirigèrent constamment et uni-
quement vers la partie orientale de la ville. Ce ne fut
pas seulement parce que ce côté de Tyr était en face
du continent et dès lors était plus exposé aux machines
de guerre établies sur la chaussée ; ce fut surtout parce
que là seulement la mer avait quelque profondeur,
ne présentait aucun danger à la navigation, et permet-
tait aux navires qui portaient les guerriers et les ma-
chines de s'approcher de la ville ; tandis qu'à l'ouest,
le banc de rochers rendait la navigation impossible et
tenait les vaisseaux à une grande distance.
Les Tyriens qui savaient fort bien qu'on ne pouvait
pas aborder dans leur île vers l'ouest, s'étaient atta-
chés, principalement depuis les guerres contre les Assy-
riens et les Babyloniens, à fortifier le côté qui faisait
face à la terre ferme, le seul qui fût d'un accès facile.
(i) Quinte- Garce, liv. iv, chap. 2. — Strabon, liv* xvi, p. 757.
(98)
De ce côté uniquement, le mur flanqué de tours qui
entourait la ville ne reposait pas sur le roc s' élevant
au-dessus des eaux ; ses fondations étaient battues par
les flots de la mer ; aussi les Tyriens avaient-ils cru
devoir donner à cette partie du mur d'enceinte une
hauteur de 150 pieds et une largeur proportionnée (1).
C'est du haut de ce mur qu'ils jetèrent une grande
quantité de grosses pierres pour gêner la navigation et
tenir éloignés les bâtiments ennemis chargés de ma*
chines de guerre, et de cette manière pour remplacer,
autatit que possible , la protection que la ville tirait à
l'ouest, de la présence des écueils, protection que rend
bien évidente le récit d' Arrien ; car il résulte des détails
donnés par cet historien que la partie occidentale de
Tyr ne fut jamais attaquée, même au moment suprême,
lorsqu' Alexandre dirigea à la fois ses assauts sur tous
les points vulnérables (2).
(1) Quiote-Curce, IV, t. Prœceps in salum murus. — Arriani, De
eœpedUione.,, Mb. ii, p. 138.
150 pieds greei, c'esi-è-dire 135 pieds de roi oa 45 iaètres« Aucuie
ouverlure o*ftvait été méuogée dans le mur d'eDceiole» car la ville de
Tyr D*ovait pas de portes; on ne pouvait y pénétrer que par Tuo des
ports; et depuis que Ttle a été réunie au continent par un isthme,
elle n*a Jamais en qu*une seule porte.
Cbariton, VII, 2.
(2) Claaris mania eireomibac... reielasiemcirooitliremarosjobeu..
Par ces phrases qu'on trouve dans Quinte-Curee, IV, 3, il faut eD-
lendre que les vaisseaux macédoniens s'approchèrent des murs et enve-
loppèrent la partie de la ville qui était attaquée ; elles n*ont pas d*autre
signification. Dans le même sens, Quinte-Curce, parlant des Tyriens
qui, sur de petits bateaux, allèrent reconnaître les progrès du travail
d'Alexandre, se sert de cm mots : CiremUr$ opuSf lY, 2.
( 09 )
De la pointe sud-ouest de Fîle s'étendait un mur de
8 mètres de largeur dont les assises, en quelc^ues en-
droits, dépassent encore un peu le niveau de la mer ;
il suivait d'abord la direction du sud-ouest, puis à
200 mètres il formait un angle aigu, se dirigeait vers
Test-nord-est, et enfermait un vaste emplacement de
figure à peu près triangulaire dont le rivage méridional
de rile actuelle faisait un des côtés. Aujourd'hui, cet
emplacement qui peut avoir 720 mètres de longueur
sur une largeur moyenne de 75 mètres, est couvert
des eaux de la mer. Qu'était-ce autrefois ? Le peu de
profondeur de la mer et la grande quantité de colonnes
et de matériaux divers qu'on' y voit sous l'eau, ont pu
faire supposer qu'anciennement ce bassin faisait partie
de la ville, et qu'il était couvert d'édifices avant d'être
envahi par la mer (1).
Quant à moi, je trouve cette supposition peu pro*
bable. Les nombreuses colonnes, les matériaux qu'on
aperçoit sous l'eau me paraissent être les débris
des constructions considérables qui, autrefois, exis-
taient sur la côte méridionale de l'ile, et entre autres
du palais du roi, auquel appartenait peut-être une co-
lonne en granit gris encore debout aujourd'hui. De
pins , le mur dont il vient d'être question ne seuible pas
avoir été établi sur le rivage méridional de l'île ; on
n'y remarque aucune sinuosité, et il forme au contraire
deux lignes droites qui se coupent à angle aigu ; enfin
son épaisseur montre qu'il ne servait pas seulement de
clôture et qu'il était destiné à lutter contre les efforts
des vagues. Ces circonstances me portent à croire que
(1) M. de Bertou, Lettre inédite.
( 100 )
la muraille couronnait un grand travail entièrement
dû au génie persévérant des Tyriens ; que tout ce tra-
vail était destiné à enclore un port marchand et peut-
être aussi un bassin de construction. D'après son éten-
due, ce port aurait pu facilement recevoir deux cents
bâtiments de commerce (1).
Dans tous les cas, port marchand, bassin de constiHic-
tion ou quartier de la ville, ce vaste espace a dû être
compris dans l'enceinte de Tyr. J'ignore si une explo-
ration miïiutieuse mais difficile, du banc de rochers,
pourrait amener à reconnaître quelle était, dans les
temps anciens, l'étendue de la puissante cité où se
trouvaient tant de monuments et qui renfermait une
population si nombreuse ; j'en doute ; mais il serait facile
d'apprécier les envahissements de la mer depuis le pre-
mier siècle de notre ère, si l'on pouvait s'en rapporter
complètement à l'assertion de Pline, d'après laquelle
l'île avait 22 stades de circuit, c'est-à-dire à 074 mè-
tres (2) ; elle n'a plus aujourd'hui que 3700 mètres ;
(1) Les navires des ancicDs pouvaient avoir 6 mètres de largeur sur
18 mètres de longueur, c'est-à-dire 108 mètres carrés. Le bassin pré-
sentant une superficie de 720 mètres sur 75, ou 54,100 mètres carrés,
aurait pu contenir 500 navires serrés les uns contre les autres ; en
réservant pour la manœuvre plus de la moitié de Tespace, il restera
la place pour 200 bAtiments de toute grandeur.
(2) Pline, liv. v, chap. 17.
Quant à moi, je suis d^autant plus porté à regarder comme exacte
la mesure de Pline, quMci il la donne en stades et qu*il n*a pas eu à
faire une conversion en pas romains, ce qui est toujours pour lui une
cause d'erreur, attendu que, négligeant les fractions, il exprime ses
mesures en nombres entiers, et de cette manière il augmente ou dimi-
nue les chiffres réels.
( 101 )
il faut conclure, uon pas à une diminution précise de
874 mètres, ce serait probablement un calcul trop ri-
goureux, mais certainement, de cette différence, on peut
conclure que le sol a subi une notable diminution.
Ainsi, nul doute, autrefois Tîle occupée par la ville
de Tyr était beaucoup plus étendue que la péninsule
ne l'est aujourd'hui. A quelle cause attribuer ces en-
vahissements de la mer ? Les anciens documents histo-
riques nous fournissent les moyens de répondre à cette
question.
Justin, Quinte-Curce, Josephe, Sénèque, Strabon,
principalement ce dernier, racontent 'ou au moins men-
tionnent de fréquents bouleversements causés par des
tremblements de terre, non-seulement sur la côte de
Phénicie, mais aussi sur presque toutes les côtes de
l'Asie occidentale (1). Dans les temps plus modernes
jusqu'à nos jours, les auteurs ont eu à constater de
semblables catastrophes laissant partout des ruines.
C'est à des événements de ce genre, qu'indépendam-
ment de l'action incessante des flots de la mer sur les
côtes, on doit rapporter la submersion ou les submer-
sions successives de la partie occidentale de l'île, de la
(I) Justin, Hy. XVIII, chap. 3. — Qointe-Curce, liv. iv, chop. 4, 20.
— StraboD, p. 638, 757 et passim.
Entre tontes les viUes de Phénicie, Tyr était célèbre par les désas-
tres que causèrent soit les tremblements de terre, soit les envahisse-
ments de la mer.
Tyros aliquando infamis ruinis fuit. — Tyros etipsa tam movetnr
quam diluitar. Senèque, Nat. quœsl. VI, 1, 26.
Et Tyros instabilis, pretiosaqne murice Sidon, Lucain, Phars.y
III, 217.
Ta iv Tup(^ xaxà. Pseado-Callisth^ 1, 35. ^
( 102 )
muraille dont il vient d'être question et des digues ou
grands môles dont il me reste à parler.
Quant à l'époque où ces immersions ont dû avoir lieu,
il ne me parait pas possible d'assigner de dates cer-
taines ; je me bornerai à rappeler qu'au temps où Tyr
fut assiégée par les Macédoniens, la ville, très floris-
sante alors et fort peuplée , couvrait une superficie
dont rétendue dépassait de beaucoup la presqu'île ac-
tuelle.Du temps de Pline, nous le savons, la ville n'avait
plus que 22 stades de circuit. Dans l'intervalle, une
partie avait été engloutie par la mer, peut-être par le
tremblement de terre de l'an 143 av. J.-C, peut-être
par celui dont parle Josephe, sous Auguste (1). Depuis
lors, un nouvel envahissement de la mer a réduit l'île
à ses limites actuelles, en pénétrant encore plus avant
dans la partie occidentale de Tyr et en submergeant
l'épaisse muraille dont j'ai parlé et qui, au raidi, ser-
vait de clôture à la ville. Ceci étant admis, il devient
évident que le mur qui a environné la presqu'île et
dont on trouve encore des restes assez considérables,
appartenait en grande partie à des âges postérieurs à
Pline.
Au nord, une série d'écueils et de rochers s'éten-
dait, presque parallèlement à la côte, sur une longueur
d*environ 1000 mètres, et ne laissait entre elle et la
partie septentrionale de Fîle qu*un passage assez étroit
par lequel les bâtiments pénétraient dans cette espèce
de rade pour entrer ensuite dans le port intérieur. Des
(1) Àthenéey H?, yni, chap. 2, p. 333. — Stnboa, lîv.zyr, ohap. S,
p. 758. — Josepbe, Am. iuâ,y Ifr. xr, diftp. 7.
( 108 )
traces de constructions se trouvent encore sur ces ro-
chers stériles où Ton vit, pendant longtemps, un monu-
ment connu sous le nom de tombeau de Rliodope (i).
Si, comme il y a toute probabilité, ces rochers ont
autrefois été réunis par un mur continu, les vaisseaux,
avant d'entrer daus le port, trouvaient là un abri contre
les vents d'ouest qui rendaient la navigation fwt dan-
gereuse dans ces parages (2).
Au sud, et s' appuyant sur un Ilot inhabité, commen-
çait une digue, partout aujourd'hui couverte d'une
couche d'eau qui varie de l^'^TO à 6 mètres ; elle se
dirigeait en ligne droite du nord au sud vers le cap
Blanc, sur une longueur de deux milles (3700 mètres).
Celte digue, d'environ 12 mètres de largeur, et qu'on
peut suivre très distinctement, était-elle naturelle ou
exécutée de main d'hommes, ou bien encore le fond
seul étant naturel, a-t-il servi de base à une jetée ? je
ne sais. Personne ne l'a explorée de manière à pouvoir
fournir des renseignements exacts à cet égard (S).
Maundrell l'a vue lorsqu'elle s'élevait encore au-des-
sus de l'eau ; mais il ne s'en est pas approché de façon
à pouvoir vérifier si c'était un effet de Vart ou île la
(1) De Berton, Lettre inédite. — Hérodote, II, 4S4. — Achille
latins, U, 17.
(2) Prooellosum ie htbet OMre, l«teotibiifiC«|wUi etminia imtfiia-
iiUie pericnlosum ; iU ni petegrims et ignaris loconun^ ad «rbem
navigantibufl, pericalosam fit accedere, et nisl dacem habeant, qai
a4j«fieiitii marû luibeat notUianif ooo niai ciin nanfragio vrbi po$-
iiiDt apivofiiiiqoafe. «^ QaiU. Tyn Hittom It^ siwn^,^ l^» xwi»
cap. 5, p. 836.
(3) M. de Bertou, Lettre inédite.
( 104 )
nature. A cause de la ligne parfaitement droite qu'elle
suit dans toute sa longueur, je suis disposé à croire
que tout, dans ce môle, provient du travail des Tyriens.
Dans tous les cas, l'espace compris entre la digue et la
plage formait une immense rade, capable de contenir
tous les navires qu'attiraient le commerce et les richesses
de Tyr.
Si la digue est artificielle, à quelle époque a-t-elle
été construite ? Je ne pourrais le dire, les historiens et
les géographes n'en ayant jamais parlé. Cependant,
du silence mtoe des historiens d'Alexandre, on peut
inférer que le môle n'existait pas encore l'an 332 avant
J.-C. Quelle que soit l'époque de sa construction, ce
travail gigantesque est, plus qu'aucun autre, de
nature à donner une haute idée de la puissance des
Tyriens.
Ces deux jetées, qui s'étendaient au loin à droite et
à gauche de la ville, ont inspiré à un poëte grec l'image
gracieuse d'une jeune fille qui, se baignant dans la
mer, étend les deux bras sur l'onde, pendant qne ses
pieds restent appuyés contre le rivage (1). L'auteur
du Télémaque reproduit cette image, en la modifiant,
quand il dit : « Tyr semble nager au-dessus des eaux. . .
Elle a deux grands môles semblables à deux bras qui
s'avancent dans la mer, et qui embrassent un vaste
port où les vents ne peuvent entrer » (2).
Tyr a deux ports, dit Strabon, l'un fermé et l'autre
(1) Nonnos de Panopolis, Les Dionysiaques oa Bacchus^ poème réta-
bli, traduit et commenté par M. le comte de Marcellas. Paris, Fir-
miaDidot, liv. xl, vers 319-323.
(2) Féaeloa, Télémaque, liv. m.
( 106 )
ouvert; ce dernier s'appelle le port Égyptien (1).
Strabon n'ajoute absolument rien sur l'étendue ni sur
Torientation de ces deux ports. Pour l'un d'eux, aucune
hésitation n'est possible ; il subsiste encore quoique
ayant subi de bien grands changements. Une partie est
aujourd'hui entièrenaent comblée et occupée par quel-
ques maisons de la petite ville de Tsour ; ce qui reste
et qui forme le port actuel, est tellement rempli de
sable, qu'en 1784, lorsque Volney visitait la Syrie, les
petits enfants le traversaient déjà sans se mouiller les
reins ; suivant M. de Bertou, la plus grande profondeur,
en 1838, était à peine de 0°*,85, et en beaucoup d'en-
droits, il n'y avait pas plus de O'^lô, d'eau. Tous les
jours l'ensablement augmente, et dans peu d'années
on aura peine à reconnaître les traces d'un port qu'au
xn" siècle Benjamin de Tudèle proclamait le plus beau
de l'univers, et que cinq siècles plus tard le P. Roger
regardait encore comme le plus beau et le plus sûr du
Levant (2).
A une époque que je ne saurais préciser, une double
jetée, que séparait un intervalle de 30 mètres , avait
été construite pour mettre les navires à l'abri du vent
du nord. La jetée intérieure, après s'être prolongée
pendant environ 260 mètres de l'ouest à Test, faisait
un angle presque droit, et se dirigeait au sud, ne lais-
sant entre elle et la côte de l'île, à la pointe orientale
du port, qu'un espace de 45 mètres pour l'entrée des
(1) Liv. XVI, p. 757.
(2) Volney, Voyage en Syrie, t. H, chap. 29, p. 194. — M. de
Dertoa, Lettre inédite. — Benjamin de Tadële, p, 31. — Le R. P.
Roger, p. 49.
I, FÉVRIER, 2. 8
( 100 )
bâtiments. Cette entrée était défendue par deux tours
correspondantes, où jadis on attachait une chatne d'ai-
rain pour fermer entièrement le port. Il avait 850
mètres de longueur sur 290 mètres de largeur, ce qui
lui permettait de recevoir au moins 300 navires de
différentes grandeurs.
Quant au port Égyptien, Thésitation est permise. Et
d'abord je dois faire remarquer, en insistant sur cette
remarque, que Strabon est le seul géographe et Arrien
le seul historien qui disent clairement que Tyr avait
deux ports (1). Sur ce point nous ne pouvons retirer
aucuns renseignements de la lecture des prophètes qui
cependant ont tant et si longuement parlé de Tyr, qui
ont tant célébré ses alliances, ses richesses et sa puis-
sance maritime ; ils ne disent absolument rien du port
ou des ports de la ville. D'après Scylax , Tyr n'avait
qu'un port qui était dans l'enceinte des murs (2). Le
témoignage de Scylax est important, car on sait que,
dans son énumération des villes maritimes, il ajoute
toujours les particularités qui concernent les ports, et
quand certaines villes en ont plusieurs, il ne manque
pas de le faire connaître (3). Le récit du siège de Tyr
par Alexandre est fort obscur dans Diodore de Sicile
(1) Ârriani De expedilione.'.f p. 137.
(2) Scylax... §104.
(3) Ainsi il a*omet pas de Taire remarquer qae Syracuse te dmt ports
dont Pun est en dedans et Tautre en dehors des murs; que Tboricus
a doui ports; que la ville du Piréc ca a trois. II n'en donne quMin à
Carthage, et avec raison, car s'il y avait deux bâssins bien distincts,
Tun pour la marine militaire, Tautre pour la marine marchande, il
fallait indispeusabiement passer par le dernier pour arriTer au Céihôu ;
il n*y avait donc qu*uD port, puisqu^il n'y avait qu'une ieule eairée.
(107)
et dans Quinte- Curce^ le port Égyptien n'y est pas
mentionné. Pline nomme Tyr et Palœtyr, et se tait sur
le port. Dans la vie d'Alexandre, Plutarque ne dit
qu'un mot sur Tyr. Au moyen âge, l'archevêque
Guillaume, Benjamin de Tudèle, Edrisi, parlent du
port de Tyr (le port intérieur ou septentrional), et ne
paraissent pas même soupçonner qu'il y en ait eu un
autre vers la partie méridionale de la ville (1).
Strabon et Arrien se sont-ils donc trompés? je ne
le pense pas. Alors qu'ont-ils voulu dire ? — Cher-
chons.
M. Barbie du Boccage plaçait le port Égyptien sur
la côte occidentale de l'île, dans une partie de cette
côte où se remarque une sinuosité assez profonde ; il
ignorait que , sur ce rivage , il règne une ligne de
rochers qui s'élèvent jusqu'à 12 mètres au-dessus du
(i) Diodore de Sicile, liv. xvii, chap. 7. — Qainte-Curce, liv. iv,
cbap. 2, 3, 4 et 5. — Pline, liv. v, chap. 17. — Plutarque, Vie
d'Alexandre, § 2g. — Guillaume de Tyr, lococUato, ~*^ Benjamin de
Tudèle, p. 31. — Géographie d'Édrisi» Paris, 1836, t. PS 3« climat,
5<^ section, p. 349.
Quand le P. Roger dit que Tyr a les deux plus beaux et plus assurés»
ports du Levant, il parle du port septentrional ou intérieur, et de la
grande rade qui le précède ; de même Guillaume de Tyr donne à cette
rade le nom de port extérieur, tandis que, pour l'aoteur éa péripte
inédit que j'ai cité, le port et la rade ne forment qu'uu seul port :
n (Tyrus) habens in angulo septentrional! juxtà muros ejos insuJas
quibus ipsa iu oriente habet portum bonum quod etiam intra civita-
tem Infra muros cxtenditur.
A rimitalion du P. Uoger, M. de Bertou reconnaît deux ports au
nord : le bassin septentrional et le port du nord ; il en trouve égale-
ment deux au sud. ; le Côihûn et le port Égyptien ; il donne ainsi qaatre
ports à Tyr. C'est une nouveauté.
( 108 )
DÎvean de la mer, ce qui aurait rendu impraticable
tout embarquement ou débarquement, et ce qui, indé-
pendamment de plusieurs autres motifs, doit éloigner
ridée qu'un port ait existé en ce lieu. A la vérité, un
peu plus au sud, se trouve une anse plus petite que
la précédente ; la côte s'est beaucoup abaissée, et sur
le bord de la mer, elle forme une plage de sable (1).
Cette anse aurait suffi à peine pour recevoir quelques
navires ; elle était ouverte à la pleine mer et exposée
à la violence des vents d'ouest; enfin pour y arriver,
il aurait fallu passer sur un banc de rochers qui rendent
la mer impraticable de ce côté ; et d'ailleurs, ce qui
est plus concluant que tout le reste, avant la submer-
sion d'une partie de l'île, l'anse n'existait pas puisque
la ville s'étendait beaucoup plus vers l'ouest ; tous ces
motifs me font croire que M. Barbie du Bocage était
dans l'erreur.
En cet endroit cependant il y a eu des travaux dont
on trouve les vestiges; peut-être était-ce là que, depuis
la submersion, se réunissaient les barques de pêcheurs,
mais il n'y faut pas chercher l'un des ports de Tyr ;
et d'ailleurs ce second port était situé du côté de
l'Egypte ; c'est donc au sud et non à l'ouest de la ville
qu'on doit le retrouver. En effet, dans la partie méri-
dionale de l'île, la côte, partout ailleurs abrupte,
s'abaisse tout à coup, et la ligne de roches dures
s'interrompt dans la longueur de 100 mètres au moins
pour faire place à un rivage bas et uniquement formé
(1) Cette plage de sable, ainsi qa*ane autre interruption des rochers,
lituée dans la partie méridionale de l'ile, n'a point été remarquée
par Buckingham ni par la plupart des voyageur^.
( 109 )
de terres rapportées. Dans cette partie du rivage, les
Tyriens avaient fait des constructions dont les ruines
n'ont pas entièrement dispara (1).
C'est de ce côté, je n'en doute pas, qu'était le port
que nous cherchons. Consultons Arrien, il n'est pas
de guide meilleur. A plusieurs reprises, il parle des
deux ports dont l'un était au nord de la ville, du côté
de Sidon, et l'autre au sud, du côté de l'Egypte. Ils
étaient fermés, et l'on ne pouvait pénétrer dans chacun
d'eux que par une entrée étroite (2); Arrien le dit
formellement (XcfAcvwv ri axôfioira). Le port septentrional
était de beaucoup le plus considérable et contenait la
marine militaire des Tyriens; c'est devant ce port
qu'après avoir réuni ses forces navales, le jeune con-
quérant offrit la bataille aux Tyriens qui ne l'accep-
tèrent pas ; mais pour empêcher que les Macédoniens
ne pussent pénétrer dans la ville par l'un ou l'autre
port, ils s'empressèrent de fermer les deux enti'ées en
y plaçant des galères serrées les unes contre les autres,
et en aussi grand nombre que la largeur de chaque
entrée l'exigeait. Alexandre fit assiéger la ville par les
Cypriotes du côté du port Sidonien , et par les Phéni-
ciens du côté du port Égyptien; lui-même dirigea
divers assauts pour pénétrer dans Tyr soit en face de
la chaussée, soit du côté qui regarde Sidon, entre le
port intérieur et la chaussée ; n'ayant pas réussi, tous
ses efforts se portèrent au sud-est, entre la chaussée et
le port Égyptien. Là des machines de guerre parvinrent
(1) M. de Bertoa, Lettre inédite et plan de Tyr.
(2) Arriani De eâ^pedif «me..., p. 125-148. -«Chariton, VU, 2.
( HO )
à pratiquer dans la muraille des brèches par lesquelles
ses troupes se précipitèrent dans la ville. En même
temps, les Phéniciens et les Macédoniens brisèrent
tous les obstacles, pénétrèrent dans le port Égyptien
et détruisirent les vaisseaux tyriens qui s'y trouvaient.
Du côté opposé, les Cypriotes entrèrent dans le port
Sidonien sans rencontrer de grandes difficultés. Par ces
détails, il demeure bien établi que, d'après Arrien,
Tyr, au temps d'Alexandre, avait deux ports, que ces
deux ports étaient fermés et que chacun d'eux avait
une entrée qui lui était spéciale. Nous connaissons le
premier ; quant au second, je le retrouve dans le bassin
triangulaire situé au sud de l'île. Une entrée avait
été ménagée à l'extrémité orientale de l'épaisse mu-
raille qui protégeait les navires contre les vents du
sud-ouest, et en même temps qui mettait le port à
l'abri de toute agression extérieure; ces navires ne
pouvaient débarquer leurs marchandises que dans le
lieu où la côte est basse et où les Tyriens avaient fait
des travaux, d'abord pour garantir contre les vagues
de la mer cet endroit de la côte qui n'était formé que
de terres rapportées, puis pour faciliter le débarque-
ment et l'embarquement; les bâtiments devaient y
aborder non simultanément, mais successivement (1).
Tel était l'état du port Égyptien du temps d'A-
(1) Sur le quai, des deux côtés du lieu que je viens de décrire, on
Yoit encore les ruines d*une longue suite de magasins voûtés. Ces
magasins ne remontent pas à une haute antiquité, car les voûtes sont
en ogives, et elles remplacent probablement des constructions plus
anciennes qui avaient été renversées à une époque antérieure. (M. de
Bertoa, ^ssat-., p. U-16.)
( 111 )
lexaoclre. Par l'affaissement de la grande muraille
méridionale , il cessa d'être fermé et devint le port
ouvert dont parle Sttabon (1). Alors, ce port ne serait
autre chose que la partie septentrionale de la rade
immense comprise entre le mur et la chaussée d'A«
lexandre au nord, la grande digue à l'ouest, et la plage
phénicienne à l'est. En attendant qu'ils pussent à leur
tour approcher du débarcadère, les bâtiments étaient
garantis contre les vents d'ouest par la longue digue
qui se dirigeait du nord au sud (2), et contre les vents
du nord par la ville et par la chaussée d'Alexandre;
car, ne l'oublions pas, l'indication donnée par Strabon
se rapporte au temps où il écrivait, et à cette époque
la chaussée existait depuis plusieurs siècles.
M. de Bertou croit avoir reconnu qu'à la base, le
mur en partie submergé ne présente pas de solution de
continuité, et que, par conséquent, le port, si le port
existait, ne communiquait pas avec la mer de ce côté.
(1) Aprèi avoir passé quelques jours à Tyr, saint Paul s*emharqua
hcrs de la vij/e, ayant été suivi jtuqu'au rivage par les chrétiens récem-
ment convertis. Saint Paul allait à Ptolémaïs, et ce doit être au port
Égyptien qu'il s' embarqua, [Actes des apôtres, cliap, 21.}
(2) L'existence de cette immense jetée explique comment la chaus-
sée était restée si longtemps étroite et moins élevée que le niveau du
eontincnt. Depuis qu'il y a eu aUbissement, par suite d'un de ces bou-
leversements si fréquents dans ces contrées, et toujours si terribles,
la mer, poussée par le vent du sud-ouest, ne rencontrant pluseet utile
et gigantesque travail, jette sans cesse du sable sur la chaussée qui
lui fait obstacle, de (elle sorte qu'en deux cenis ans, comme Je Toi
dit, la chaussée de 60 mètres est devenue un isthme de 600 mètres
de largeur, et que cet isthme en beaucoup d*endrolts dépasse aujour-
d'hui le niveau de Ttle.
( 112 )
M. de Bertou en tire une conséquence que je crois
erronée, et il serait à désirer que le fait fût vérifié avec
exactitude ; mais, en attendant cette vérification, tout
raisonnement appuyé sur l'état de la muraille immer-
gée me parait impossible (1). Néanmoins, fût-il un jour
parfaitement démontré que la muraille régnait sans
interruption partout où il est encore possible de la re-
connaître, cela ne.prouverait pas encore qu'il n'existât
de ce côté aucune entrée pour le port Égyptien. Cette
entrée n'a pu être placée ni au sud ni à l'ouest , c'eût
été fort imprudent; c'est à l'est qu'il faut la chercher,
vers la partie où la muraille parait se perdre sous les
sables qui ont beaucoup élargi la plage (2) .
De l'étude et de la comparaison des monuments bis-
toriques, il me semble donc résulter qu'au temps où
a été écrit le périple, connu sous le nom de Scylax,Tyr
n'avait qu'un port; qu'elle en avait deux à l'époque
d'Alexandre, et que tous deux étaient entourés de tra--
vaux importants dans lesquels on avait réservé des
espaces libres pour laisser pénétrer les bâtiments;
qu'au temps de Strabon, par l'immersion de la mu-
raille méridionale, le port Égyptien avait éprouvé un
grand changement et n'était plus fermé. Dans les siècles
postérieurs, Tyr, quoique puissante et riche, ayant cessé
d'être la reine des mers et l'entrepôt général du com-
(i) M. de Bertou, Essai..,, p. 12, 13 et 14.
(2) D'après M. Movers, les sables sans cesse poussés par les yents
et arrêtés par la chaussée d'Alexandre, auraient comblé non-seule-
ment rentrée du-port Égyptien, mais le port lui-même qui était à Test
et an sud-est de la ville. {Der phdnizische Alterthmn, ersler TMl,
buchJ, cap. 7.)
( 118 )
merce de TOrient, le port Sidonien plus grand, plus
commode et plus sûr que l'autre, parut assez^ spacieux
pour toutes les transactions, et fut fréquenté à peu
près exclusivement par la marine que la guerre, la cu-
riosité ou les affaires commerciales attiraient dans ces
parages. Cette circonstance explique le silence des au-
teurs du moyen âge sur le second. Néanmoins, les
ruines observées par M. de Bertou, au midi de Tile,
font supposer que quelques arrivages continuèrent à
avoir lieu de ce côté ; ils étaient peu considérables, et
les auteurs n'en ont pas tenu compte.
Sur le continent, en face de la ville et à environ
2 000 mètres de la plage, se trouve un rocher aujour-
d'hui appelé Maschouk ; il peut avoir 200 mètres de
circuit sur 16 mètres d'élévation (1).
Plus au sud, à à kilomètres de Tyr, sont des bassins
ou fontaines que les voyageurs du moyen âge ont ap-
pelés étangs ou puits de Salomon, et dont trois avaient
reçu, chez les Grecs, les noms de fontaines Gallirhoê,
Abarbarée et Drosère. Dans le pays, on les conuatt
sous le nom de Raz-al-Aïn, c'est-à-dire tête de la
source (2).
On compte un puits principal, deux moins grands
et plusieurs petits. Tous forment i^n massif qui n'est
point en pierre taillée ou brute, mais en ciment mêlé
de cailloux de mer. Du côté du sud^ ce massif s'élève
d'environ 6 mètres au-dessus du sol, et de 5 mètres du
(1) Volney, Voyage en Syrie,,, t. II, p. 197.
(2) Noonos, Dionysiaques, liv. zl, yen 363-65. Quand ils en parlent,
les Toyagenrs modernes se servent indifféremment des ezpressions
puits, fontaines, bassins, sources et réservoirs.
( HA )
côté du nord. De ce dernier côté s'offre une rampe
assez large et assez douce pour qu'un charriot puisse
monter jusqu'au haut du massif. La colonne d'eau qui
remplit les puits se maintient toujours au niveau des
bords et, par conséquent, elle est constamment élevée
de5 mètres au-dessus du sol. Cette eau n'est point calme,
mais elle ressemble à un torrent qui bouillonne et elle
se répand à flots par des canaux pratiqués aux bords
des bassins.
Le grand bassin, autrefois entouré de portiques, est
aujourd'hui entièrement dégagé de construction. Son
orifice est un hexagone dont chaque côté a 8", 40, ce
qui suppose 16™, 80 de diamètre. L'eau s'échappe par
des ouvertures pratiquées à trois des angles de ce
grand bassin, et forme un petit iniisseau qui fait mou-
voir plusieurs moulins et va se jeter dans la mer après
un parcours de AOO mètres (1) . Les deux bassins moins
grands sont de cent vingt pas plus éloignés de la mer ;
ils sont de forme carrée. Ils sont en communication
entre eux, et autrefois ils communiquaient également
avec le grand bassin par un canal porté sur des arches
aujourd'hui détruites. Le plus grand de ces puits passe
pour n'avoir pas de fond , c'est une erreur : il a de 8 à
10 mètres de profondeur. Il est donc probable que
M. de Lamartine se trompe quand il dit que ces
réservoirs sont de vastes puits artésiens inventés
avant leur réinvention par les modernes. Il est égale-
ment probable que l'eau de ces réseiTOÎrs provient de
(1)M. de Marcetlus ditqae les trois ouvertarei donnent naissance
è troif rivières dont deux portent bateaa dés leur origine . Elles des-
cendent toutes à la mer. {Sdwomirs dâ VOrienif 1. 1, p. 407.)
( 115 )
fontaines jaillissantes, de même que la source du Loi-
ret, et qu'elle descend du mont Liban par des conduits
souterrains mais peu profonds, puisque la température
de cette eau est froide et moins élevée que celle de
l'air (1) .
Les voyageurs ne sont pas d'accord sur la véritable
position des fontaines Raz-al-Aïn. Doubdan dit qu'elles
sont à 500 pas de la mer ; à AOO pas dit Volney. Mgr Mis-
Un les place à 400 ou 600 pas, M. Robînson à un quart
de mille, et M. de Marcellus à environ une lieue. Sur son
plan de Tyr, M. Barbie du Bocage les a placées à
1000 mètres, et M. Poujoulat trouve qu'elles sont, sur
ce plan, trop voisines de la plage (2).
Selon Pococke, les fontaines sont à une lieue et demie
de Tyr, et à une demi-lieue seulement suivant M. le
général Vial et M. Poujoulat. Volney avait dit qu'elles
sont distantes du rocher Maschouk, d'une heure de
(1) Volney, Voyage en Syrie, t. II, p. 198 et suiv. — Maundrell,
Voyage d*Alep...y p. 84. — Guill. Tyr. Historia bell,.., I!b. ii,
cap. 80, p. 815, et lib. xiii, cap. 3, p. 840. — Saouto, Géographie
PlolémaïqiM^ t. II, liv. m, vi, p. 157 b. — De Lamartine, Voyage eu
Orient^ t. Il, p. 9. — M. de Bettou, Essai sur la topographie de Tyr,
p. 1 5 et suiv, — Robinson, Voyage en Palestine, p. 282. — Mgr Mis-
lin, Les lieux saints, 2* édit. Paris, 1859, t. II, chap. 18, p. 3 et
(2) Doubdan, Voyage de ta terre sainte, chap. 60, p. 601 i — Vol-
ney, Voyage en Syrie^ cbap. 29. -*^ Mgr Mialio, Les lieux saints.
Paris, 2^ édit. 1858, t. 11^ cbap. 18, p. 3. — ^ Robinson, Voyage en
Palestine, t. I, p. 281. — Micbaut et Poujoulat, Correspondance
d'Orient, t. V, p. 494. — Jean Coppin, Bouclier d'Europe, liv. 5,
cbap. 7, p. 428 dit : à deux on trois cents pas da grand cbemin, tirant
Tcrs Torient.
( 116 )
marche au pas de cheval (1). D'après cela, M. Barbie
du Bocage avait mis un intervalle d'environ 4 kilo-
mètres entre le rocher et les fontaines, ce qui est con-
traire à l'assertion de M. Poujoulat. D'après le mouillage
de Soiu\ relevé en 1831 par M. Ormsby, la distance
serait de 3600 mètres, d'une lieue et demie selon
Mgr Mislin, et de 4000 mètres suivant M. de Bertou.
Que conclure donc ? que la véritable position des fon-
taines Raz-al-Aïn, vues et décrites tant de fois par un
grand nombre de voyageurs, restait encore à déter-
miner avant le travail de M. de Bertou, soigneusement
exécuté à l'aide de la boussole et de la chaîne. Ce sont
ses mesures que je crois devoir adopter.
L'eau qui s'échappe des deux bassins moins grands
est reçue par un aqueduc dont il reste des ruines im-
posantes. Elle s'écoule dans un canal qui, pendant une
partie de son parcours, s'élève peu au-dessus du sol,
et qui, ailleurs, est porté sur des arches. Les piles des
arches ont 3 mètres de largeur et jusqu'à 6 mètres
de hauteur.
Le canal a environ 1 mètre de largeur sur 80 centi-
mètres de profondeur ; il est formé d'un ciment plus
dur que les pierres mêmes, et recouvert de larges dalles
qui portent sur les bords.
L'aqueduc se dirige d'abord vers le nord, puis, ar-
rivé au pied du monticule ou rocher de Maschouk, il
tourne tout à coup par un angle droit à l'ouest, et se
dirige versTyr. Il versait l'eau dans un grand réservoir
(1) Pococke, A description of Easi^ and some other counlries, 1743,
3 vol. in-fol. chap. 2, p. 120. — Mémoire sur la coDStruction de la
carte d*Égypte, par M. le colonel Jacotin, p. 96.
(117)
situé près du rivage; c'était là que les Tyriens allaient
la chercher, tant que leur ville fut entièrement en-
tourée par la mer ; mais l'aqueduc fut continué jusqu'à
Tyr lorsque cette ville eut été réunie au continent par
la chaussée d'Alexandre. C'est ainsi que l'aqueduc fait
connaître de la manière la plus précise, la direction de
la chaussée dont il suivait, à une petite distance de la
mer, le côté septentrional (1).
Après avoir traversé cette chaussée, l'aqueduc ame-
nait l'eau des fontaines dans une citerne située sur
l'ancienne côte orientale de l'île et renfeimée dans une
tour carrée aujourd'hui à peu près en ruines.
(1) Volney. Voyage eu Syrie.., t. H, chap. 29. — Jean Coppin dit
aussi : « L'aqueduc conduisait ces eaux dans un grand bassin, proche
de Tyr. — M. d*Egmont, cité par Desvignolcs {Chr., p. 78), témoigne
que, dans les sables mêmes de Tisthme, on trouve les fondements de
fancien aqueduc.
Diodore de Sicile et Quinte-Curce rapportent que les vagues de la
mer, poussées par un vent violent, rompirent la digue d'Alexandre,
et Quinte-Curce ajoute : « Rex novi operis molem orsus , in adversum
ventum non lalere, sed recto fronte direxit ; ea cetera opéra veint snb
îpsa latentia, tuebatur, liv. rv, § 3. Cette phrase, d'ailleurs très diver-
sement interprétée, signiGe, je crois, que pour reconstruire la chaus-
sée, le roi commença par faire établir, sur une certaine longueur, un
travail préparatoire qui arrêtait la fureur des vagues, et derrière lequel
s'exécutaient les véritables travaux de la digue, et quand ces travaux
étaient achevés, on recommençait plus loin de la même manière. De
DOS jours, c'est ainsi qu'on procède sur les grands fleuves et dans les
ports de mer. Je pense donc qu'on s'est trompé en trouvant dans la
phrase de Quinte-Curce la preuve que la seconde chaussée était diri-
gée du nord-est au sud-ouest, et qu'elle aboutissait à l'angle sud-est
de nie. Le récit d'Arrien, et surtout la direction de l'aqueduc donnent
à cette opinion le démenti le plus formel.
(118)
Au sud de la tour carrée dont je viens de parler»
toujours sur l'ancienne côte orientale de Tile, existe
encore une autre tour carrée avec une citerne qui re-
cevait Feau venant de Taqueduc principal (1).
Plusieurs arches étant écroulées et« par conséquent,
le canal étant interrompu entre le rocher Maschouk et
la ville, l'eau ne devrait plus arriver aux citernes dont
je viens de parler. Volney suppose que Ton avait mé-
nagé, dans les fondations des arches, des conduits
secrets qui continuent toujours d'amener l'eau des fon-
taines. Ce qui pourrait venir à l'appui de cette opinion,
c'est que, dans une fouille qui a été faite à Raz-al-Aïn,
on a découvert un aqueduc souterrain fort bien construit
en petites briques, et se dirigeant vers Maschouk, à peu
près parallèlement à celui qui, encore aujourd'hui, y
conduit l'eau des puits (2).
Quelle qu'ait été la destination de cet aqueduc sou-
terrain, ce que j'ignore, il est difTicile d'admettre qu'il
ait été construit, comme l'aqueduc apparent, pour
conduire l'eau des puits jusqu'à Tyr, et qu'il se soit
prolongé jusqu'à cette ville. En effet, des puits au ro-
cher, le canal, avons^-nous dit, est peu élevé au-dessus
du sol ; en plusieurs endroits le terrain a été abaissé
et des arcades ont été élevées sous le canal pour laisser
passer les eaux pluviales qui tombent dans la plaine.
Si le conduit souterrain existait, il serait interrompu
par ces arcades bâties sous le canal ; il l'aurait été éga*
lement par une vaste citerne qui fut construite au
moyen âge et qui passe précisément sous l'aqueduc. H
(!) M. de Bertou, Plan de Tyr, d» 47.
(2) Volaey, Voyage en Syrie..* t. U, chap. 29, p. 203*
( 11» j
est donc probable que les citernes ne reçoivent plus
l'eau des fontaines Raz-al-Aïn» que leur construction
est antérieure à la prolongation de T aqueduc passant
sur l'isthme, et qu'elles étaient destinées à contenir
Teau venant des sources qui les alimentent encore ac-
tuellement.
li 1 kilomètre au nord des fontaines Raz-al-Aïn, entre
la mer et l'aqueduc, on rencontre trois autres bassins
dans lesquels se réunit l'eau douce et abondante de
plusieurs sources voisines. Aujourd'hui ce lieu se
nomme Tul habeisU
Suivant Pline (1) , Tyr et Palaetyr étaient enfermées
dans une enceinte de 19 000 pas, c'est-à-dire 152 stades
olympiques ou 28 kilomètres 148 mètres. En retran-
chant l'Ile et la chaussée, dont le circuit total était de
20 stades ou 5 kilomètres 550 mètres, il resterait pour
Palaetyr 122 stades ou 22 kilomètres 570 mètres ; c'est
précisément la longueur de l'ancien mur d'octroi de
Paris avant 1859.
A l'exception des immersions causées par des trem-
blements de ten'e, il a été question jusqu'ici de l'île
de Tyr telle qu'elle était à l'époque d'Alexandre et
dans les temps postérieurs ; mais plusieurs siècles avant
le conquérant macédonien, le sol que couvrait la ville
avait subi un notable changement qui n'a rien de com-
mun avec ceux qu'à diverses époques ont amenés les
révolutions physiques du globe.
Ce changement était le résultat des grands travaux
que fit exécuter le roi Hiram, contemporain de Salo-
(1) Piine,liv. V, chap. 17.
(120)
mon, et le souvenir en a été transmis par deux histo-
riens grecs, Dius et Ménandre, d'Éphèse, dont quelques
phrases se trouvent reproduites dans les œuvres de
Josëphe.
Ménandre dit brièvement :
OuTo; (EtpapLOç^i ej^wfffi tov eupu^câpov, xai tov Te ypu-
aoOv xtova tov ev TOtç tou Atoç âveôvixev.
Dius s'exprime d'une manière un peu plus expli-
cite :
OuTOç Ta xpoç âvaTO>.àç [/.éoYi ttiç iroXewç xpodéj^cads,
xat p^ei^ov TO ctdTu eiîotyide ; xat Toiï 0^u(jLmou Aïoç to iepov
xaÔ' èauTO, ov év vviffw, èyj^wdaç tov (ASTa^u toitov,
(Tuv^^e TTj TTO^et, xai j^pucoîç avaÔvffJLadiv ekodpLyidcv (1).
Ainsi rapprochés l'un de l'autre, que signifient
positivement ces deux textes? Dans quel lieu précis le
roi Hiram fit-il exécuter les travaux dont il est ici
question ? et d'abord, que veut dire le mot Enrychore ?
Ne le demandons pas aux traducteurs ni aux com-
mentateurs de Josèphe ; malgré tous leurs efforts pour
le découvrir , ils l'ignorent , et nous n'obtiendrions
(1) FlaTius Josephus, tradait en latin, par Hudson, édit. d*Haver-
camp, 1726, 2 vol. in-fol. Les deux passages sont rapportés deux fois
par Josèphe; d*abord : Antiquités jwiaiques, liv. vui, chap. 5 § 3,
p. 434; puis contre Apion, liv. i*', § 17, p. 448.
Les deux textes de Dius, ainsi que ceux de Ménandre, sont iden-
tiques, à l'exception des mots : ev ^tr.atù qui ne se trouvent plus dans
les Antiquités judaïques ; mais George le Syncelle qui a transcrit les
passages de Dius, avait lu ces deux mots aussi bien dans les Antiquités
judaïques que dans la Réponse à Apion. Cependant, dans son texte,
on lit : ^v Ictùy parce que les copistes, trompés par la prononciation,
ont écrit ^v lata au lieu de év vYiau». (GeorgeleSjDcelle,CArotioârrapAf0,
p. 183 6.)
(121)
d'eux que des réponses vagues et pleines d'hésitation,
hésitation qui se manifeste surtout par la manière si
diverse dont ces deux passages sont entendus et rendus.
On rencontre en effet des discordances frappantes non-
seulement entre les versions des différents traducteurs,
ce qui peut se concevoir ; mais, ce qui est beaucoup moins
concevable, entre les versions d'un même traducteur
qui, rencontrant un texte déjà traduit par lui, ne se
copie pas, et fait de nouveaux efforts pour rendre le
sens de mots qu'il craint de n'avoir pas suffisamment
compris la première fois. Pourquoi ces variantes?
Pourquoi tant d'efforts inutiles? C'est que, si l'on
cherche uniquement dans la signification des mots le
sens des passages cités par Josèphe, ils ne peuvent être
parfaitement entendus; car ils rappellent avec une
grande précision, mais en même temps avec une conci-
sion extrême, des faits qui ne deviennent clairs que pour
quiconque a pris une connaissance exacte de l'histoire
de Tyr dans les temps anciens, et est parvenu à cette
connaissance par la recherche, le rapprochement et la
comparaison de tout ce qui était propre à l'éclairer.
J'ajoute que celui-là seul peut saisir le véritable sens
des mots et arriver à une interprétation exacte, qui
cherche avant tout à découvrir quelle a été la pensée
de l'auteur, et se garde bien de laisser fausser son juge-
ment par l'idée que semble présenter un membre de
phrases pris séparément, bien moins encore par l'im-
portance excessive attribuée à un mot isolé.
Des principes passons à l'application. Hudson tra-
duit :
» Ménandre. Antiquités judaïques . Hic aggeravit am-
I. FÉVRIER. 3. 9
( 122 )
» plum qui dicititr locum et auream columnam postiit
» qu89 in Jovis est templo*
1) Ménandre. Contre Apion. Hic aggere vastam qui
» JUcitur locum exœquavit, prœtereaque auream colum*
» nam in Jovis templo collocavit. »
Dans ces deux versions les mots sont différents, mais
le sens reste à peu près le même ; il n'en est pas ainsi
dans les deux versions du passage de Dins.
« Dius. Antiquités juilaïques. Hic ad orientalem urbis
» plagam aggeres comportavit, urbemque ampliorem
» reddidit, atque Jovis Olympii templmn, seorsum posi*
» tum , spatio quod intercedebat terra repleto , urbi
» annexait, ornavitque aureis donariis.
» Uius* Contre Jpion. Hic partes urbis orientales
» aggere cinxit, et ampliorem eam reddidit ; et Olympii
» Jovis templum, ab omni vicinarum œdium strue se*
» juDCtum, et in insula positum, aggere interjecto copu*
» lavit urbi, et aureis donariis exomavit. »
Amault d'Andilly traduit d'abord la citation de
Ménandre : « Ce prince agrandit Tile de Tyr, par le
moyen de quantité de terre qu'il y fit porter, et cette
augmentation fut nommée le grand champ. Il consacra
aussi une colonne d'or dans le temple de Jupiter. »
Puis il traduit une seconde fois :
0 II joignit à la ville de Tyr, par une grande chaussée,
rUe d'Erycore, et y consacra une colonne d'or à
l'honneur de Jupiter. »
Les deux sens ne sont pas seulement différents ; ils
sont presque contradictoires. Les traductions du passage
de Dius offrent également des différences qu'on apeine
à concevoir*
(128)
AntUf, « Hiram fortifia la ville de Tyr dn cOté de
Torient, et pour la joindre au temple de Jupiter Olym-
pien, fit remplir l'espace de terre qui l'en séparait. Il
donna une fort grande somme d'or à ce temple, a
C*. Jpion. « Hiram accrut les villes de son royaume
qui étaient du côté de Torient, augmenta beaucoup
celle de Tyr, et par le moyen des grandes chaussées
qu'il fit, y joignit Je temple de Jupiter Olympien, et
renrichit de plusieurs ouvrages d'or (1)* »
(1) Les premiers moto du texte de Ménandre sont ainsi tradoito par
Raûn : Hic effodit amplum terr» spalium. — Gelenius (Sigismond de
Gélénis) traduit d'abord : Hic aggessit ad iusulam agram qui dicitur
ampinm; puis : Hic aggere conjunilt Eurychorum. — Le père Qoar
(edit. de George lé Synoalle, 1652, Qote, p. 53). Aggere eompoiito,
vastissimum exaequaTit locum. — Vitrioga (p. 071) : Hic «gram
Jatom, qui dicitur, bumo aggessit. — Whistou : He raisad a baok io
the large-place ; puis : He raised a bank ou that called the Broad-place.
— M. LetroDue (dans VE$sai sur la topographie de Tyr, par M. de
fiertou) : Hiram éleva, par des terrassements, l*esplanade to eupux(âpov.
— Rufin traduit ainsi le passage de Dlus : Hic partem eivitatis posi-
tam ad orientem diruit, et majorem urbem effecit; et Olfnpli Jo¥ia
tampinm destrueps» médium locum civitati coojunxit, «t «ureis «nathc-
matibus exoruavit. — Vitrioga : bic orieutalem orbis partem aggeribus
auxit, atqueeô urbem ampliavit; et Juvis Olympii lemplum, quod antè
separatum erat, spaliomedio aggeribusrepleto, cum urbe conjunxit. —
Whiston, ÂntiquUês, He raised the eastern parts of the city higher, and
made the city itself larger. He aiso joined the temple of Jupiter, wich
l^elbre stood by itself, to the dty, hf ralsing a bank fn tbe middle
l^weeu them, atid he adorned H vith donatious of geld.
Contre Apion, This kfng raised banks at the eastera parts «f Ihe
dty, ftud enlarged it; he aIso Joined the tcmplo of Jupiter Olympus,
wfeh stood before lu an Island by itself to the city, by raisinga cause-
way between them, and adorned that t«mple with donations o^ g«ld.
M. Letronne : Hiram exhaussa le sol de la ville du tM de Toiiesi
(124)
Les explications et interprétations sont-elles plus
heureuses ? Nous allons en juger.
Joseph Scaliger, cherchant ce qu'il faut entendre
par le mot Eurjchore, rapporte le passage suivant de
Strabon :
« Carthage est située sur une presqu'île entourée d'un
mur qui a 360 stades de circonférence et 60 stades
dans la partie qui, d'une mer à l'autre, traverse le col
de l'isthme ; là se trouvaient les loges des éléphants et
une vaste place. »
xal TOTTOç eupuj^wpyfç.
Scaliger ajoute que Carthage étant une colonie. des
Tyriens, on y avait ménagé un grand champ à l'instar
de celui qui était à Tyr.
Le savant M. Coray a été d'avis de supprimer le mot
xat (et) à la fin du passage cité de Strabon ; et
M. Letronne, adoptant cette version , a traduit : là se
trouvaient les loges des éléphants établies dans un
lieu vaste (1).
Tous deux ont commis une étrange erreur. En effet,
on sait par Appien, qui avait puisé ses renseignements
dans Polybe, que du côté de l'isthme, Carthage avait
une triple défense, et que les loges des éléphants avaient
(lUez est), augmenta la Tille propre de Tyr ; le temple de Jupiter
Olympien, qui était isolé dans une lie, il le Joignit à la ville par une
chaussée et Tenrichit de plusieurs offrandes en or.
(1) Joseph Scaliger, Ad fragmenta emendatUmi temporum addita,
p. 26. — Géographie de Siràbon, traduite par MM. Laporte-Dutheil,
Gosselin et Letronue, in-4°, t. V, lir. zyiI| p. 472, de la traduction,
p. 832 du texte.
( 125 )
été pratiquées dans l'épaisseur des mars ; on sait aussi
que dans la partie méridionale de la ville, et du côté
de la langue de terre appelée TaBuia, il y avait une
grande place , celle que le consul Censorinus trouva
remplie de soldats Carthaginois lorsqu'il espérait pou-
voir pénétrer dans la ville par la brèche que deux
énormes béliers avaient faite et que les assiégés
n'avaient pas pu réparer pendant la nuit (1).
Les Carthaginois, je pense, n'avaient pas ménagé le
Toiro^ Eipuxwpn'ç dont parle Strabon, c'est-à-dire la grande
place, uniquement pour imiter les Tyriens chez les-
quels, du reste, l'île d'Eurychore était couverte d'édi-
fices depuis le temps de Hiram, et par conséquent
n'existait plus comme place longtemps avant le départ
de la colonie qui fonda Carthage ; mais les Carthaginois
avaient réservé ce vaste emplacement parce qu'ils avaient
voulu avoir une place d'armes dans l'intérieur de leurs
murs; et pour la désigner, Appien n'emploie pas
le mot Eupujfwpo;, il se sert des expressions Ttirt^tov
cvToç (mie espèce de plaine intérieure) , expressions qui
donnent bien une idée de ce vaste 'champ de Mars,
capable de contenir un grand corps d'armée.
Quoi qu'il en soit, Desvignoles, adoptant l'idée de
Scaliger, pense que le grand champ oula grande plaine
dont il est ici question est la plaine située sur le con-
tinent en face de l'île, celle que l'archevêque Guillaume
a si bien décrite, que Maundrell a traversée en sortant
de la ville, et dont tous les voyageurs ont parlé après
lui. Cette opinion n'est point admissible; la plaine de
(1) Appien, Guerres puniques, t. VUI, § 95 et 98.
( 126 )
Tyr sur le continent n'est point TEnrychofe de Mé-
nandre ; et en effet, dans la Bible ainsi que dans les
écrits de Strabon, de Josëpbe, de saint Jérôme , d'Eu--
sèbe..., il est fréquemment question de la grande
plaine d'Esdrelon, de Sidon^ de Dothaîm, de Saron et
de plusieurs autres encore. Pour désigner ces plaines,
souvent fort étendues, comme la vallée entre le Liban
et Tanti-Liban, presque toujours le mot ict9t6v est
employé, quelquefois dwXûv, pour désigner une vallée
profonde et encaissée, jamais x^^^ ou x«»P«. Or la plaine
parcourue par Maundrell, indiquée par Desvignoles,
décrite autrefois par Guillaume de Tyr et récemment
par M. de Bertou, a 20 kilomètres de longueur sur 8
icilomètres de largeur dans sa partie la plus étendue.
Le mot x^^Çy même le mot Euisuj^e^poc ne lui convien-
nent pas ; c'est bien là ti(y
snltat pour l'exploration des côtes (1). Si quelque chose
pouvait encore donner plus d'importance et d'autorité
aux réponses de M* de Bertou, c'était cette circonstance
digne de remarque^ qu'il ignorait dans quel but les
questions lui avai^t été adressées* « Peut-^ètre^ écrivait-
il le A octobre 1638 1 mes recherches auraient-elles été
plus fructueuses si j'avais été instruit des motifs qui
avfident fait dicter leç questions. » Je m'étais bien gardé
de lui donner connaissance de ces motifs. L'ignorance
même dans laquelle je l'ai laissé et qui lui a permis de
n'avoir point à se préoccuper de la solution des diffi^
Gultés, accroît encore la confiance qu'à si juste titre
idspiraient déjà son instruction et son 2èle»
Non^ je n'avais paà dit à M. de Dertoti dans quel but
je l'avais prié d'explorer les côtei et de faire des fouilles
datts l'intérieur de l'ancienne Tyr \ depuis son retotir,
il n'a pas cherché à l'apprendre de moi et aujould*hui
encore il ignore pourquoi, dans mes questions, j'avais
(1) Le doate n^était plus possible ; après vingt-huit siècles, il deve-
nait facile de dire ce qu'était, avant Hiram, le sol occiipé pa^ la ville
dèTyf, 61 d'ihdltiuef nvëë t)^(lcistdfl les éhaûgeménis et les agrandis-
MibABks dtii I IMiitélli^ëneé èl à là t)erlêVératieè de be pmtéi ti eë»
pendanl ]*Ai gardé le 8ilenee..i, dès cireonstânces plus fortes (|a« tna
voloDté ne m*ayant pas permis de me livrer à un travail sérieux qtit
exigeait du temps et de la liberté d'espriti Aujourd'hui, après une
ien longue interruption, demandant à l'ëludc les seules jouissances
que t)tilssft éoftlëf elicofé ilàè Vie àltrist(!c, j'éprouve uric Salisfâclîon
H^flé I t^^failttë^ ^ èrftVail, él i faire itants d'une grande
ville, c'est incontestable) mais que, dftns lee cavernes
d'Adloun il faille voir la nécropole de Tyr, je ne piûe
l'omettra. €es excavations, voisines de S^reptl^et peu
éloignées de Siâon^ nie semblent avoir été pratiqués^
(1) De Bertou, JEssa»..., p. 84. — Movers, cap. 7, s. 242. -- Rit-
ler...XVII, 360.
(2; Mutatio ad nonum du Pèlerin de ppcdci^u^^
( *44 )
dans la montagne pour y déposer les morts de ces
deux villes, dont la première était une dépendance
de la seconde (1). Sur toute la côte de Pbénicie on
trouvait de semblables cavernes dans le voisinage des
villes (2) . Celles dont il s'agit ici étaient connues dans
la plus haute antiquité ; on les désignidt sous le nom de
cavernes des Sidoniens (Maarah Sidoniorum). Ce nom
leur convenait parMtement parce qu'elles étaient dans
le pays des Sidoniens, qui s'étendait au sud jusqu'à la
rivière connue aujourd'hui sous le nom de Nahr-al-
Rasmyeh, et parce qu'elles étaient la nécropole de la
grande et opulente ville de Sidon. Il me paraît donc
tout à fait invraisemblable que les Tyriens aient jamais
déposé leurs morts loin de Tyr, dans le pays des Sido<*
niens. IjSl nécropole des Tyriens, inconnue jusqu'ici,
doit être cherchée beaucoup plus près de la ville. Au
temps où les rochers situés au nord de l'Ile étaient bien
plus étendus, n'ayant pas encore été en partie sub*
mergés, ils ont dû recevoir les morts d'une ville dont
ils étaient séparés par une si petite distance. Un mo-
nument célèbre dans l'antiquité, le tombeau de la
courtisane Rhodope semble justifier cette opinion, car
il n'est pas probable que ce fût le seul monument de
ce genre érigé dans ces îles ou plutôt sur ces rochers.
Suivant toute probabilité, le monticule Maschouk aura
servi aussi de lieu de sépulture. Enfin, la ville de Tyr
étant devenue plus puissante, plus étendue et plus
(1) Sarepta Sidoniorum, Sarepta qusSidonis est.
(2) Strabon, liv. xvi, p. 755.
( 1A5 )
peaplée, des hypogées semblables à celles des Sido-
ciens ont dû être pratiquées dans la chaîne de mon-
tagnes qui borne à Test la plaine de Tyr (Gebel-Sour) ,
ou dans le mont de la Séparation^ au pied duquel coule
le Nahr-al-Kasmyeb. Les excavations, dans cette direc-
tion, ont pu rejoindre les hypogées des Sidoniens.
l*M)
Hkmmtymatf Rapp«rto, ete.
m <<^t»^iw* mmn XW
MANU»(;mT PJCT0GR4PBIQUG AHÉRIGAIN,
PRÉCÉDÉ d'une notice
SUR l'idéographie des peaux-rouges,
Par M. Tabbé Eh. Domknech.
Admis à peine de quelques semaines dans la Société
de géographie, je me trouve chargé à l'improviste, par
l'honorable M. Jomard, de rendre compte d'un livre
présenté par un de nos confrères, M. l'abbé Domenech.
Si j'ai hésité un instant à céder au désir exprimé par
notre vénérable président, c'est que, surchargé déjà
de divers travaux que j'ai entrepris depuis mon retour
d'Amérique, je cherche à les terminer avant que les
forêts tropicales et les scènes grandioses des Cordillères
fassent un nouvel appel à mon penchant pour les
voyages. Mon hésitation , cependant , n'a pas été .
longue et j'ai cru que ma double qualité de confrère
de l'auteur, notre similitude de goûts et de péré-
grinations me permettaient difficilement de me refuser
à la tâche qui m'était imposée dans cette circoYi-
stance.
A la suite d'une vie de missionnaire toute remplie
d'abnégations et d' œuvres apostoliques, de périls et de
péripéties de toute sorte, dans des contrées qui com-
mencent à peine à s'ouvrir au contact de la civilisation.
( 147 )
dans oes plaines sans boraes où le cbassanp de bisons
et le dompteur da ohevaux sauvages pwrsuiveBt des
plaisirs rempUî de dangers, M. Domeneeli est yepq
s'asseoir au foyer de la scienee et se reposer -de ses fit*
figues en élaborant les noies ourieuses et les reneei-
gnements qu'il a reenaillis dans ses voyages. Son nom
est avaBtageusemeni eonnu déjà dans plusieurs de po$
revues litltoaires, et il a puMié des récits d'un intérêt
puissant sur les mmnrs et Fétat soeial des populatlmm
aborigènes du Texas et des contrées voisines. Le livra
qu'il vient d'(^ir à la Soeiété de géographie pst ung
nouvelle |M^ve de son ardeur et de l'attrait crotseiint
qui Fentraînent vers les raoes trop négligées, entre Ips*
quelles il a véeu durant plusieurs années.
Cependant^ avant d'en placer le résumé sous les
yeux de nos bonorabtes oMifrères, je les prfe de mq
permettre une difgpe^eion qui n*est pas tout à fait hors
de pfoiptM an ce moment. Je désire tout d'abMPd les r^
mersier de Faoeueil bienveillant qu'ils oq| bien voulu
faire à mon entiée dana leur savante eorporation, ^t }#
ppia en parUeulier M. Jomtard et M* llalterftrun, qui
ont bien voulu proposer mon nom, d'en agréer mes
sincères remeretmenta. Les eireonstances m'oDt heu*
Fousemœi servi en eetle aeoaaion, puii^que je trouve
réunis sor mm diplftosef sm nom de M. le minîatiw de
riifetruction p«bliqf|^, de qui )e tiens la mission avee
laquelle j^ai entrepris mon denaler voyage à Tiehvap»
tepee, au GMapas et dans 1* Amérique omtniie, les
nome illustres de M. Jomard et de M, MaIte»Bpun, Pun
le pré^ideql et Fun des flipdateura de }^ plpaaneienne
Soeiété de géographie de FS^rope, Tautre sm secrér
(148)
taire-géoéralt fils et continoaleiir d'un hooime qui, de
rétrafiga-, appwta à la France et légua à sa nouvelle
pairie le plus beau mommient géogiaphiqae dont
s'hoDoie le monde savant.
Qn'il me soit donc permis, ccmime amérkamste^ de
témoigner à notre vénérable doym les smtimrats que
j'éprouve pour Fimpulâon qu'il a donnée le premier
en France aux recherches américaines, tant en géo-
graphie qu'en histoire et en archéologie. Ily aquelques
jours, je compulsais les Bulletins de la Société de
géographie à commracer de son origine, curieux de
repasser ce qui avait été dit de l'Amérique ancienne
depuis l'année 1822, où l'on imprima, à Londres, la
relation du capitaine dél Rio, sur les mines intéres-
santes de )PaIenqué. Je vois, tout d'abord, M. Jomard
prendre part à toutes les découvertes de l'archéologie
américaine, donner l'élan aux voyageurs et aux anti-
quaires et les aider constammrat de ses consdls et de
ses encouragements; c'est à M. Jomard qu'arrivent la
plupart des rapports concernant cette terre encore au-
jourd'hui si mystâieuse : Galindo, Waldeck, Gorroy,
Cochelet, Warden, Friedericksthal, etc. , lui adressent
à Tenvi les résultats de leurs découvertes. Enfin, c'est
à M. Jomard que je dois moi-même d'avoir été mis en
relation avec M. Aubin, qui possède la plus belle col-
lecti(m de documents mexicains qui existe au monde.
Après avoir passé trois ans au Mexique, m'instniisaat
de la langue nahuatl et des traditions aztèques, je re-
tournais en 1851 , en France, possesseur d'une petite
collection que je croyais importante : ce qu'il y a de
particulier, c'est que j'ignorais absolument l'existence
(149)
de H. Aubin ; cependant il y avait passé, ayant moi,
quinze années entières à Mexico, étudiant, fidsant des
recherches de tout genre, et jamais on ne m'avait parlé
de lui, aucun des savants que j'avais connus dans ce
pays n'avidt prononcé son nom devant moi, soit par
oubli, soit, comme je ne le crains que trop, par une
sorte de jalousie de coterie ou de nationalité, que je
considère comme indigne d'hommes qui possèdent véri-
tablement la science. Car, après tout, le soleil luit pour
tout le monde et la lumière ne doit pas se cacher sious
le boisseau. Ce que l'un n'a pas le loisir de faire, qu'un
autre le fasse et ainsi l'édifice avance. Je revins donc
à Paris, et ce fut H. Jomard, à qui J'avais fait, de Mexi-
co, hommage d'un exemplaire de mes Lettres pour ser^
çir d* introduction à Vhistoire des nations ciifilisées du
Mexique^ imprimées dans cette capitale, qui m'intro-
duisit auprès de M. Aubm.
J'en avais assez appris de la langue nahuatl et des
nombreux documents recueillis un siècle auparavant
par le voyageur Botturini, pour pouvoir apprécier l'é-
tendue des connaissances de mon savant ami et de la
magnificence de sa collection. Je demeurai muet de-
vant H. Aubin, dont la modestie, d'ailleurs, contraste
avec ses richesses, et je reconnus mon maître ; car il
le fut véritablement pour moi. Avec lui je me perfec-
tionnai dans l'étude du nahuatl et des traditions du
Mexique, et je dois aux documents encore inédits qu'il
possède dans cette langue et qu'il m'a souvent commu-
niqués, une partie des faits les plus importants sur
l'histoire toltèque et mexicaine, consignés dans mon
Histoire des nations civilisées du Mexique et de t Amé^
(IM)
riqm ûémmie (i)â Au{eord'btd| que roccaskni te ^ré^
wilta de ttgMler ces faite) je k sains d'autant plus
yokmtîera que je ooiisîâère ced ctnnme nli deroir de
gratUvdei La recoDiiaissiiKe que noiië téiDoignou& &
œox qui nous eat ptéoédés oo iÛ8 bientôt quarante ans qu'elle à oommeticé à
prendre son essor, cette sdenoe» on peut le dire« a fût
uti grand pas^ et^ ce qui le prouve aujourd'hui^ c'est
l'aocueil qu'on fait aux antiquités américaines 4 c'est
l'acquisition, par S. Ex. M. le miuisti^ de l'instruotiod
publique^ des riches albums de Mi de Waldeck^ relatifs
aux mines de Pàlenqué, qai seront incessamment pu^
bUés \ ce sont tant de voyages entt^ris en faveur de
l'archôidogie américaine^ o'est^ et je crois pouVoir l'af»-
firmer ici avec assez de raisoil, la publioation môme
qui est l'objet de ce rapport et (}ui^ il 7 à vingt ans^
aurait été i-epoussée probablement avec dédain.
tntiê durrnUU» iièeles antérieure à Ohrisl^he Cêhmby ^rite rar àm
documeoU originaux ei eatièrement inédits, pnisés aux anciennes
archives des indigènes, par M. l'abbé firasseur de Bonrbourg, ancien
anmônier de ta légation de France au Hrfexique, ei adminfstfâlèùf
ëtt\ês\â8i\(fiïé iei Indlcfns de Rebfdàl (Gaatédiatft)^ i ib\. graild Îii-S.
AftiMfl BisrtHiiMl) Mf|Mlf<
( 161 )
Ld Mnnitacnt pîeiograpktque, dont M^ Tahbé Dcmie««
nech a présenté» à la dernière séance, un exemfdaîre à
la Société de géograpbiei n'était plus depuis longtrad^
un mystère à la bibliothèque de l'Arsenal où il atait
été Cofoé dCjjtt une fois ou deiix avec autorisation « pat
ordile du gouvernement des États-llnië^ et c'est au même
endroit que IL Domeneoh en a pris tonnaisàanoe ^
grâce & l'obligeance connue de Mj Paid Lacroix, à qui
l'auteur paye^ à cette oocadloD, un juste tribut d'bouH
magesi Quelque arbitrait^ que nous paraisse Tintei*-^
prétation qu'il en donne, ce document n'ena pas moins
une importance réelle dans l'histoire de l'écriture amé^
ricaine, en ce qu'il présente dans son ensemble le mo^
nuolent le plus complet des pi^miers pas des indigènes
sauvages pour exprimer leurs idées^ Sous le rapport
archéologique* l'intérêt qu'il inspire est bien moindre
que oelui d'une foule d'autres inscriptions aaalogued*
gravées sur les rochers en Amérique! car il IsuiBt d'y
jeter les yeux peur s'assurer qu'il est d'une époque re^.
lativemwt récente* Les croix, les chapelles, les fusils 4
les épées, figurés en beaucoup d'endroits avec des noihs
plus ou moins germaniques en écriture européenne ^
prouvent bien qu'il est postérieur à la prédication des
missionnaires , et il se pourrait bien qu'il datftt dit
temps où les Hollandais ooou|)aient le Fort^Oraoge
(Albany) et la Nouvelle ^Amsterdam (fateau à vapeur de très petite proportion et quî
serait alimenté, à défaut de charbon de terre, par le boii)
qu'on trouve en abondance sur les rives du Nil. M. La-
fargue rend compte des essais aui^quete U s'eat livré
s.ur uft petit bateau à vapeur de la fc^^^Q de six ehevau;^
environ, Renvoyé au Bulletin pour un extrait du mé-
moire. Enfm le président annonce la mort de M. DdiiH
porte, ancien consul de France à Tripoli de Barbarie
et à Tanger^ qui a fourni des matériaux au recueil de9
Mémoires de la Société. Il était l'un des cinq élèvea de
l'École des langues orientales de Paris, que le général
en chef Bonaparte emmena en Egypte en 1798; on lui
doit une Histoire des Mamelouh^ insérée dans le grand
ouvrage de la Description de l* Egypte ; il est un des
premiers qui aient publié et interprété des textes en
(172)
langue berbère. C'est lui qui reçut à Tanger, en 1858,
René Caillié à sa sortie du Grand-Désert, et lui prodi-
gua Thospitalité. Une notice lui sera consacrée plus
tard.
M. d'Avezac offre à la Société, de la part de M. Rei-
naud, membre de l'Institut, une brochure intitulée : No-
tice sur les dictionnaires géographiques arabes et sur le
système primitif de la numération chez les peuples de
race berbère.
M. Buisson présente, de la part de M. le baron d'Avril,
le Voyage à Terre-Neuife de M. le baron de Gobineau.
M. l'abbé Domenech, membre de la Société, fait
hommage de son ouvrage ayant pour titre : Manuscrit
pictographique américain , précédé d'une notice sur Vidéo^
graphie des Peaux-Rouges^ publié SOUS les auspices de
M. le ministre d'État et de la Maison de l'Empereur.
M. Tabbé Brasseur de Bourbourg est prié de rendre
compte de cet ouvrage. (Voir au Bulletin,)
Sont admis comme membres de la Société :
M. Delalleau, inspecteur de l'Académie de Paris,
présenté par MM. Poulain de Bossay et Jomard ; M. Du-
ruy, professeur d'histoire au lycée Napoléon, par
MM. Poulain de Bossay et Jomard ; M. le vicomte de
Rostaing, employé au ministère de la marine, par
MM. d'Avezac et Poulain de Bossay ; et M. Victor de
Rochas, chirurgien de la marine, par MM. d'Avezac et
Malte-Brun.
On procède, par voie de scrutin, à l'él^tion des
membres de la Commission du concours au prix an-
nuel. Sont élus : MM. d'Avezac, Jomard, Malte-Brun,
Alfred Maury et Vivien de Saint-Martin.
( 478 )
Séance du \h février 186i«
M. l'abbé Brasseur de Bourbourg demande à la
Commission centrale l'autorisation de se servir, pour
un travail dont il s'occupe» d'un vocabulaire des
langues anciennes du Mexique, du P. Ximenës, qpii
appartient à la Société. — Cette autorisation est
accordée.
M, le général de division Marey-Monge, comte de
Péluse, M. Victor de Rochas et M. d'Arnaud remercient
la Société de les avoir admis au nombre de ses membres.
M. Jom^rd donne ensuite lecture d'une lettre par-
ticulière de M. d'Arnaud, ingénieurtle S. A. le vice-roi,
chargé, entre autres travaux hydrauliques, de la con-
struction d'un nouveau bassin à Alexandrie pour les
navires de grand tonnage. Il exprime le regret que ses
fonctions l'aient empêché de continuer son entreprise
pour la découverte des sources du Nil ; mais il pense
que M. le docteur Peney et M. Lejean ne tarderont pas
à résoudre le problème.
M. Gamier est prié de rendre compte de la Descri^-
ption géographique et statistique de la Confédération
argentine^ ojQTerts par M. le D' Martin de Moussy.
M. Elisée Reclus est chargé de l'examen du 1" volume
des publications de la Société géographique de Genève.
Il dépose, en outre, sur le bureau un ouvrage qu'il
vient de publier sous le titre de : Voyage à la Sierra--
Nevada de Sainte^Marthe^ paysages de la natbre tro^
picale.
t i7è )
Des remerclments sont adressés aux doDatenrs.
M. de FroiftefoDds des Farges est prié de traduire,
pour le Bulletin, .la Notice de sir MXlintock sur ses
travaux relatifs à la profondeur des mers du nord.
M. ié préside)) t ftnnonce que la Commission du prix
ftnnbel est convoquée pour délibérer dur l'objet de sa
mission, et il propose de fixer l'assemblée géniale au
22 mars. Cette proposition est adoptée.
M. Lefebvl*e Durufié, sénateur , donne lecture^ afi
nom de la section de comptabilité, de 1 état des recettes
et dépenses de la Société pendant Tannée 4860, ainsi
que du budget pour Tannée 186!. Il résulte de ce
compte rendu un excédant de recettes, que M. Lefebvre
Duruflé propose de placer en rente sur TÉtat. M. Gamier
demande que tes économies sment laissées provisoi*
iremetit disponibles pour des dépenses imprévues, et
M. Lourmand appuyé cette proposition M. le président
de la section de comptabilité, répondant aux obser-
vations de ses collègues, rappelle que les placements
sttr TÉtat représentent pour une Société une base solidje
que tous les efforts doivent tendre à augmenter. L'étftt
des recettes et dépenses, et le plaêemeqt de Texoédant
des rtecettes sont mis aux voix et adoptés par la Com-
mission centrale.
M. Tabbé Brasseur de Bourbourg Ut Uii rapport sur
Touvrage de M* Tabbé Domenech, ayant pour titre :
Munusùiit piHographique jÉmértitam. Renvoi au Bulletin
après quelques observations de MM. Jomard et Tabbé
Domenecb.
M. Barbie du Bocage commence la lecture d'une
Notice géographique sur le Maroc.
(175)
La parole est doonée à M. D*Avezac pour la reprise
de ses eommunications relatives à la variation séculaire
de raigiiille aimantée; tuais l'heure lui paraissant trop
avancée pour entamer une nouvelle lecture à ce sujet,
il met à profit le peu de temps qui reste disponible
pour entretenir la Société d'une publication récente de
M. Thomas Wright, qui a rassemblé en deux volumes
un choix d'articles qu'il avait précédemment lus à
diverses sociétés ss^vantes d'Angleterre, ou qu'il avait
écrits pour des recueils périodiques en renom. Plusieurs
de ces morceaux ont un intérêt géographique spécial :
tels sont une notice bien connue sur la Mappemonde
de Hereford ; un essai sur les antiquités anglo-saxonnes
accompagné d'une carte de l'Angleterre saxonne avant
l'année 600; et divers mémoires relatifs aux anciennes
pidpuIatî&Qs de l'Angleterre, sur lesquels M. D'Avezac
appelle la curieuse attention de la Société.
M. Wright avait développé, devant l'association bri-
tannique, cette thèse, qu'à l'époque de la conquête
romaine^ l'île de Bretagne était loin de présenter une
population b^mogënei et qu'il s'y trouvait dès lors
peut-être autant de sang teutonique que d'éléments
celtiques. L'occupation romaine y amena des colons
de toute origine confondus sous le nom de Romains,
fondateurs des villes^ autour desquelles les anciens
habitants coptinuèrentà peupler les campagnes. Quand
arrivèrant les Anglo-Saxons, ils s'emparèrent aisément
du plat pays, ei ne devinrent opa'à la longue maîtres
des villes, d^ns lesquelles s'établit successivement leur
domination.
D'après les récits tardifs de chroniqueurs phis ou
(I7«)
moins apocryphes, l'invasion ang^o-saxonne aurait
rdbulé Yers l'ouest la population odtiqoe à laqndle ils
attribuent la possession antériaire du pays ; et l'émi*
gralion aurait non -seulement débordé sur le pays de
Galles, mais elle serait même venue donner à la Bre-
tagne annorique ses habitants, dont la langue est si
voisine de celle des Gallois. H.Wright se croit autorisé
à donner à cette intime communauté de langage une
explication inverse : suivant lui le j^ys de Galles était
complètement romanisé quand une invasicm, contem-
poraine de celle des Anglo-Saxons en Angleterre, y
amena les Armoricains restés libres du joug romain,
habitués aux expéditions maritimes, et qui, venus en
conquérants, non en réfugiés, s'emparèrent des villes,
qu'ils saccagèrent, et imposerait leur langue en domi-
nateursy comme les Anglo-Saxons pour leur part le fai*
saient de l'autre côté de la Savane.
M. Himly présente quelques objections qui donnent
à M. D'Avezac l'occasion de signaler d'autres mémoires
de M. Wright sur la valeur des légendes prétendues
historiques de Gildas, de Nennius et de Geoffiroi de
Monmoutb, et sur le cycle romantique du roi Arthur,
qu'on sût avoir pris naissance dans la Bretagne armo-
ricaine.
M. d' Abbadie fait remarquer, à propos de l'argument
tiré de la similitude de langage entre les Gallois et les
Bretons armoricains pour aflBrmer la date récente de
leur séparation, qu'on pourrait objecter, en preuve de
la longue persistance d'une même langue sans alté-
ration sensible pendant de longs siècles, un chant
basque parvenu jusqu'à nous, et qui remonte à l'époque
(177 )
des Césars ; mais M. d'Avezac fait observer que ce
chant, publié pour la première fois par Guillaume de
Humboldt d'après un manuscrit assez récent, paraît
n'avoir été conservé jusqu'au xvi* siècle, que par une
tradition orale qui en aura graduellement modifié les
formes primitives conformément aux vicissitudes de la
langue parlée.
M. Malte-Brun annonce qu'il a vu la carte du haut
Sénégal de M. le capitaine Lambert, et qu'à propos des
sources de ce fleuve, ce voyageur signale avec satis-
faction le mérite des observations de René Caillié,
M. Jomard annonce que M. le capitaine Burton est
venu faire un court voyage à Paris, et qu'il a vivement
regretté de ne pouvoir assister à une des réunions de
la Société.
(178)
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES DE JANYIER ET FÉTRIER 1861.
EUROPE.
y«rafee à Dres^ H dans les Voi«ei, coala— t la énaifÊkm de ces
cootrées et 4e quelques villes prîoci|iales de rAllcn^goe, avec les
mceurs et oouUiaies des babilants, les cariosîlés oaturelles, inda-
strielles et autres, par Albert- Uontéinont, 1 vol. in-S. Paris, 1861.
M. ALBEaT-MOHTBiOlIT.
Swiuertand. Spain. par le IK Nortoa Sbaw, 2 broch. iD-4.
M. le IK MoaixHi Snilr.
Kaspische Studien, von Bmt, novembre t8S4 et février 1860, t br.
iQ-8 M. Babi.
AFRIQUE.
La Zaouîa de Cbellata. ExoirsioQ chec les Zooaoua de la baute Kaby-
lie. (Extrait des Mémoires de la Soeifiè de géographie de Genève,
1860), brorlu in 8.
AyÊRIQUR.
Maouscrit pietograpbîqQe anéfficaîo, précédé d'une notice sur Fidéo-
grapbie des Peaui-Rooges, par Tabbé Em. Domenecb. Paris. 1860.
1 vol. iD-8. II. Tabbé Domehech.
Renseignements nautiques sur la Nouvelle Galédonie et les Iles Loyalty,
par M. Grùnoult Paris, ISS9, brocb. în-8. U. V. w Rochas.
Voyagea la Sierra>Ne%ada de Sainte-Martbe, paysages de la nature
tropicale, par Elisée Redus. Paris, 1861. 1 vol. in-12.
IL EusBB Reclus.
OCÉANIE.
Essai sur la topographie bygièniqne et médicale de la NonvdM^ale-
donie. Tbèse pour te doctoni ea médcciae, ptéseatée et soutenue
( 179 )
le 28 décembre 1860, par V. de Rochas, docteur en médecine.
Paris, 1860, broch. in-4. M. Y. Rochas.
OUVRAGES GÉNÉRAUX, MÉLANGES.
Notices sar les dictionnaires géographiques arabes et sur le système
primitif de la numération chez les peuples de race berbère, par
M. Reinaud, membre de Tlnstitut. Paris, 1861, broch. in-8.
M. Reinadd.
Essai de grammaire japonaise, composé par M. J. H. Donker Cnrtius,
earicbi d'éclaircissements et d^additions nombreuses par M. le D' J.
Hoffmann (publié en 1857, à Leyde], traduit du hollandais avec de
nouvelles notes extraites des grammaires des PP. Rodriguei et
Collada, par Léon PagèB. Paris, 1861, 1 vol. in-4.
M. Léon Pages.
Rapport fait è T Académie des inscriptions et belles- lettlr«s, au nom de
la GomiaiitioB des antiquités de France', par M. Alfred Maury. Lu
dans la séante publique annuelle du 7 décembre 1860. Paris 1860,
broch. ia*4. AI. Alfsbd IIabrt.
Elogto û\ AleSsandro llumboldt scritto da Filippo Parlatore. Firenze,
1860, broch. in-8. M. Filippo Parlatore.
Cari Ritter ; and address to the american geographical and stalistical
Society, by Arnold Guyot, broch. in-8, 1860.
M. Arnold Gutot.
Die Entstehung und seitherige Wirksamkeit des miltelrheinischen
geologischen Vélrèlns, par L. Ewald. M. L. Ewald.
ATLAS ET CARTES.
Carl^ militaire d68 Paya^fiiBs, ftuillesde Asseoy Bonrtange, Stâv«ren,
Beilen^ Roalrinkel, ËBkluiizeË, AlnMloct Oentikamp, 8 feuilles.
IfimSTtHB Dï LA OUHUBB.
ttdnd attarder allgemeine Erdkunde, des Lander-und Staatenkunde,
in 80 Rarten, par L. Ewald; livraisons 26 h 40.— Wand-atlas der
âlfgemeine Erdkunde und physischen Erdbeschreibung , par
L. Ewald, II Etiropa, une llyraison. M, L. Ewald.
( 180 )
MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.
RECUEILS PÉRIODIQUES.
Mémoires présentés à rAcadéinie impériale den sciences Se Saint-
Pétersbourg par divers savants et lus dans ses assemblées, t. VllI
et IX et dernier. — Mémoires de l'Académie impériale des sciences
de Saint-Pétersbourg, 6^ série, Sciences mathématiques, physiques
et naturelles, t. IX, 1'^ partie. Sciences mathématiques et physi-
ques, t. VU et dernier. — 6* série. Sciences politiques, histoire et
philologie, t. IX et dernier. — 7« série, t. II, n«« 4 à 7. — T. III,
n" 1. — Bulletin de TAcadémie impériale des sciences de Saint-
Pétersbourg, t. H, feuilles 1 à 17. — Abhandlungen der Kônigli-
chen Akademie der Wissenscbaften zu Berlin. Ausdem Jahr 1859.
Berlin, 1860, 1 vol. in-4. — Annaler for nordisk Oidkyndighed
(Annales de Tarcbéologie et de Thistoire du Nord, 1840-1845,
1846, 1849), 6 vol. in-8. — Antiquarisk Tidsskrift (Revue des
antiquaires du nord), 1855-1857, 1 vol. in-8. — - Bulletin de la
Société géographique de Russie, D°" 10, 11 et 12, 1859, 1, 2, Set
4, 1860. — Compte rendu de la Société impériale géographique
de Russie, pour Tannée 1859. Saint-Pétersbourg, 1860. —
Isis. Encyclopâdische Zeitschrift, vorzûglich fur Naturgeschicfate,
Physiologie, etc., von G. Tilesius, n®* 1 à 6, 1850, 1 broch. in-8.
— Hertha. Zeitschrift fur Naturgeschichte, Physiologie, Natur-
lehre. Astronomie, Làinder-und Volkerkunde, u. f. w. fur aile
Stânde herausgegeben von Doctor Jobannes Gistel,Q''" 1 et 2, 1837.
Zeilschrifl fiir allgemeine Erdkunde, von Neumann. Berlin, n** 87,
septembre.
H. Burmeisler, Voyage dans quelques provinces du nord des
États de la Plata. — W. Schultz^ Esquisse historique, géographique
et statistique de la province brésilienne de Rio Grande do Sut (carte).
— Hilferdmg, Voyage de Mostar à Saraïévo, trad. du russe. — Sur
le climat de la ville de Vielsk et la débâcle de la Vaga. — Nouvelles
de M. H, Duveyrier^ d'après une lettre datée de Ghadamès, 14 août.
— Les Andamàu et leurs habitants. — H. Woody La ville de Yédo.
— Sur les mines d*argent du Chili. — Ouvrages récents. Analyses
critiques. — Société de géographie de Berlin. Septembre.
( 481 )
Journùl of the Franklin însHtuL N»* 4 i 9 et 420, Novembre et décembte.
liouvelles annales des Voyages.
Janvier 1 861 . Bésamé des voyages exécutés dans l'Afrique Aus-
trale de 1849 a 1857, par Ladislas Magyar, pnr M. Tabbé Dinomé^
(avec carié). '— Voyage d'exploration sur le fleuve Amour exécuté
soos les auspices de la section sibérienne de la Société impériale
géographique de Russie, par M. Maack^ par M. Constantin db Sabir,
— Nouvelles du voyage de M. Lejean au fleuve Blanc. — Départ
de M. H. Duveyrier de R'dâmes pour R'at. — Départ de M. le
D^ Peney pour un voyage au haut fleuve Blanc. — Nouveau voyage
de M. Miani aux sources du Nil ; le continent australien traversé
pour la première fois par M. Miani. — Nouveau prix proposé par
la Société de géographie de Paris. — Études ré(;entes sur les dia-
lectes berbères de l'Algérie, la grammaire Tamachekde M. Hanno-
teau, compte rendu par M. Henri Aucapitaine,
Février 1 861 . Résumé du voyage de Ladislas Magyar {suUe et fin).
— Voyage d'exploration sur le fleuve Amour (suite et fin), — Voyage
à Terre-Neuve, par le comte A. de Gobineau, compte rendu par
}A,A. deCircouri. — Nouvelles de rexpéditiou du Zambèse et du
D'^ Livingstone. — Statistique des colonies françaises eu 1857. —
Retour de M. le lieutenant Lambert de son voyage au pays de
Tombo et aux sources du Sénégal.
Le Tour du Monde^ u°M6 à 56.
N""" 46 et 47. Voyage aux grands lacs de TAfrique orientale, par
lecapit. Burlon^ i857>1859.
N° 48. Voyage du capit. Burlon aux grauds lacs (fin). — Frag-
ment d'un voyage au Saubat (affluent du Nil Blanc), par M. i. De-
hono, 1855 (inédit).
N"" 49. Voyage à Ttle de Cuba, par M. R. Dana, 1859.
N<*» 50-52. Excursions dans le Dauphiné, par M. A. Joanne, 1850-
1860.
N« 53. Souvenirs d*Qn voyage au Liban, par A. Spallj 1859.
N«« 54 à 56. Le Sénégal.
Journal asiatique, août-septembre.
Beinaudf Notice sur les dictionnaires géographiques arabes. —
(I8â)
Dtk m^iiM, Sor le tiMèoie primitif de l« oooiécttkHi cbei U race
berbère. ^ W, Behmausr^ Mémoire sur let institutions de police
chei les A^rabes, les Persans et les Turcs. — Gareinde Tossy, Des-
criptton des monoments de Delill en iS5S, diaprés le teite bindoo-
stani de SalyidAbmad Kban. — Noofelles et mélanges.
Revue orientale et américaine.
Octobre, r- Description de Yédo. Lettre d*an voyageur. — Essai
sur les systèmes métriques et monétaires des anciens peuples, par
M. VasqiAez Queipo, Analyse critique, par M. Caslaing. — Texier,
Berbères et Kabyles (fin). — PoucauXy Yikramorvaçi, drame indien
traduit du sanscrit (suite). — Paléographie meiicaine. Documents
publiés par M. Ramirez, de Mexico.— Notice sur la préparation du
camphre au Japon. Traduit du Japonais, par M. Léon de Rosny. —
Chroniques.
Décembre. — J. Samper, La Confédération grenadine et sa popu-
lation. — A, Castaing, Vécrilnre considérée dans ses origines. —
C. Sckabel, Examea critiqM da déehiffnMwnt des écritures assy-
riennes. — ChroDÎques.
Revue de VOrient. Septembre, octobre, novembre et décembre.
Septembre. — Borda, Les réserves de grains en Algérie. — Le
R. P. Sibillan (supérieur des Mékhitbaristes de Vienne) Numisma-
tique arménienne. — Judcu, Étude philologique sur le Périple
d'Hannon.'
Octobre, — ficlùr Langtois, Coosid^ations sur les rapports de
TArménie avec la France au moyen âge. — Judas^ Étude philolo -
gique sur le Périple d*Hannoo [fin) . — Aufiie, Progrès des sciences
g^raphiques dans les contrées orientales pendant Tannée 1859.
^ Defert^ Le papier d*aira.
Novembre. — Hureau de Villeneuve^ Rapport au ministre de
rinstruction publique sur les travaux de 14 Société orientale. —
£d« Dulaurier, De Tétude comparée des langues océaniennes. —
A. Fabre, Du Dnieper au Caucase.
Décembre, — E, Desiardimz^ La Phénicie orientale et oœiden-
taie. — //. Aucapitaine, L'insurrection de la Grapde Kabylie. —
E, Foucaux, Légende dMlvala et Valapi, extraite du Mahâbhârata.
^ E. Ruelle, Progrès des sciences géographiques dans les contrées
(18S)
oritiitale», pendant r«Bnée 1859. - Bé. Hommaire ée HétU UUiei
c^looutai. ^ Ghroaiqae.
Aemie algérienne et coloniale. N°' d'octobre et de novembre.
Octobre, ^ H, Fincent^ Voyage d'exploration dans PAdrar (Sahara
occidental), avec une carte. — Colomb^ Notice sur les oasis du
Sahara {fin), — Sondages artésiens en Algérie. — Le D' Pr. de
Piétra Santa, Du climat d*Alger dans les affections chroniques de
la poitrine. — Élie de la Primaudaie, Le commerce et la naviga-
tion de l'Algérie avant la conquête française. ~ PloiXt Pose du cable
électrique sous- marin entre Alger et Toulon.
Novembre, — H. Duveyrier^ Notice sur le commerce du Souf,
dans le Sahara algérien. — HérillCy Régime des concessions de terre
destinées à la culture de la canne dans les Indes néerlandaises. —
Beaujean, Immigration indienne. Rapport sur le voyage du kiche'
Ueu^ éb Pondichéry à la Martinique. — F. Frappitr, Le port de
Saint- Pierre à la Réunion. — P. E, Bâche, Origine et constitotiou
delà propriété arabe en Algérie avi^nt 183Q. — E, de la Primaudaifit
Le commerce et la navigation de l'Algérie avant la cooquéte fran-
çaise (sutto). — Population des colonies fraoçaiiies pour Tacmée
1857.
Journal des missions évangéliques. Décembre.
Rapport anr les misions de l'Afrique méridionale^ — Misaione
de l'Iode méridionale ; — des Etals-Unis, — Lettre dq D' Moffat»
— Lettre du D' Livingstone.
BuUetm de la Société fmfériale d*accltmatation,
Septemlwe,^ B, WUson, Des différentes teniativeg d*accliiiia-
Ution fallea eo Australie. — Le eomte Castellani, Rapport wr
l'eipéditioB séricicole en Chine, entreprise pendant Tannée 1859.
il. Sicarâ, Études sur diverses plantes nouvelles cultivées dans les
BouebeB-duoRhéne, etc.
Octobre. -^Qiroà de C Ain, Sur le troupeau de Naa. — P. Hiaftroiw,
Monographie des Gallinacés. - D' Sacc, Sur la perruche oaauJeo-
lore. — D' Joly^ Étude «ur deux espèces de vers à soie récemment
acclimatées en France {suite). — Dapuis, Sur le Gioseng. Extrait
d'an mémoire du P. Lafitau. — Sacc, Notice sur une plante
(184)
emiiloyée à U Guyane comme tonique el antiebloroliqjae, VEmUia
rigidula, — Roehn^ Sur rcxpédiiion du traoiwau d^Alpaeas et de
Lamas destiné à la Société.
Novenfire. — A. DumérU^ Rapport sur un taureau et une génisse
de U race cotentine sans cornesi dite Sarlabot. — Sacc, Sur les
velours fabriqués avec les toisons de chèvres d* Angora. — P. Le-
tronBf Monographie des Gallinacés. — Turrel, Notice sur le canard
du Labrador. — J. Persoz, Sur la ténacité et Télasticité relatives
des fils de diverses espèces de soies. — Le P. Jouen^ Noie sur di-
verses espèces de vers à soie de Madagascar. — Ch, Martins, Flo-
raison en plein air de VEuryale ferox de la Chine. — SacCt Notice
smVÂrracachaesculerUa. — A. Michely, Observations sur plusieurs
chenilles séricigènes de la Guyane française.
BuUetm de la Société d' anthropologie , 3^ fascicule.
Annuaire de la Société météorologique de France, Novembre et dé-
cembre.
Annexes du commerce extérieur, N« 1 27 i -1 280 .
Autriche. Aperçu de son mouvement commercial en 1 858 et i 859 .
-^Equateur. Mouvement commercial en 1857.
L* Algérie agricole, commerciale et industrielle^ publiée sous la direc-
tion de M. A. Noirot. Novembre et décembre.
L'Investigateur, journal de VInstitut historique. Juillet-août.
BuUelin de la Société d'Émulation du départetnent de V Allier, t. VI.
Moulins, 1858, in-8.
Rapport sur les objets trouvés dans les fouilles faites à Toulon-
sur-Ailier, par M. Esmonnot, architecte du département. — Mar-
ques et signatures de potiers, trouvées dans le Bourbonnais. —
ChazatAd, De la population de Saint-Pourçain aux xiv* et xv^ siè-
cles, et de la patrie de Jacques-Cœur. — Le comte G. deSoultrait,
Essai sur la numismatique bourbonnaise. — Documents rares ou
inédits relatifs à Thistoire, aux coutumes et aux moeurs de Tancien
Bourbonnais, etc.
Mémoires de la Société d'agriculture, sciences et arts de VAube, 1860.
Troyes, in-8.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE.
MABS 1861,
Méiiioirefi, [Votlec^s^ etc.
Assemblée générale du 23 mars 1861,
RAPPORT SUR LE PRIX ANNUEL
POUR LA DÉCOUVERTE LA PLUS IMPORTANTE EN GÉOGRAPHIE,
Messieurs,
La Société de géographie décerne un prix chaque
année au voyageur qui a le plus ajouté à nos connais-
sances positives sur un point du globe.
Cette année, la Commission du prix annuel avait à
examiner les voyages entrepiis ou terminés dans le cours
de 1858.
Son choix pouvait hésiter, car l'année 1858 a été
féconde en explorations, et la plupart de ces explora-
tions ont produit des résultats considérables.
Plusieurs expéditions scientifiques ont eu lieu dans
les nouveaux territoires russes de l'Asie orientale et
dans quelques-unes des parties les moins connues de
1. MARS. 1. 13
(186)
r Asie centrale. Une commission dirigée par un natnra-
liste distingué, M. Maak, a consacré trois années à l'in-
vestigation physique, eUinographique et géographique
du bassin de T Amour, yaste contrée qui, depuis sa ré-
cente annexion à l'empire russe, a été l'objet d'une suite
d*études pro6tables à la science. La relation du D^ Maak
vient d'être publiée, en langtiê russe à la vérité ; mais
une récente publication de M. Sabir en fait connaître
les principaux résultats. Au centre même du conti-
nent, sur la longue ligue des frontières de l'empire
russe et de l'empire chinois, il se poursuit une série
d'explorations et de relèvements astronomiques qui ont
pour but, tout à la fois, de rectifier et de compléter les
cartes eucore si imparfaites de ces contrées intérieures,
en même temps qu*on en reconnaît les productions et
les ressouroes. La plupart deces entreprises sibériennes
sont dirigées et défrayées par notre sœur de Saint-
Pétersbourg, la Société de Géographie russe, établis-
sement dont l'activité, soutenue par de riches dotations,
s'est appliquée tout entière à perfectionner la géogra-
phie des diverses parties de l'empire. De ce côté nous
pouvons nous reposer sur elle du soin de reconnaître
dignement les travaux qu'elle a inspirés.
Il en est d'autres d'un caractère plus personnel qui
n'ont pas donné de moins notables résultats. Deux
excursions exploratrices, qui ont eu lieu à quelques
mots d'intervalle dans les parties orientales du Haoïirân ,
ont été signalées par des découvertes extrêmement
remarquables. La Syrie, au moment où ces deux
yfOynge» nous reportent, n'avait pas vu se déchaîner
encore ces fureurs du fanatisme musulman qui l'ont
1187)
eouyerte depuis lors de tant de sang et de ruines ; les
Européens pouyaient s'y livrer alors aux recherches
scientifiques. La première de ces deux courses savantes
appartient à un voyageur anglais, M* Cyril Graham ;
la seconde est due au consul de Prusse à Damas,
M. Wet£stein^ accompagné de M. Doergeus comme
astronome et physicien. Depuis Seetzen et Burckhardt,
la Syrie transjordanienne a été sillonnée par un assez
grand nombre d'excellents itinéraires ; aucun, on peut
le dire, n'aura donné une aussi grande quantité de
faits nouveaux et de notions importantes*
Les explorations de M. Wetïstein se sont principa-
lement concentrées sur le Ledja et le Djebel Haourân,
cantons volcaniques situés à deux ou trois journées au
sud de Damas \ mais les observations de M. Doergeus
se sont étendues à tout le Haourftn. La nature et la siU'^
gulière configuration du sol ont été étudiées et décrites
avec un grand détail ; de fréquentes observations baf o-»
métriques, rapportées à des observations correspond
dalites relevées jour paf jour à Damas , ont fourni de
précieuses données pour la connaissance du relief de
tonte la contrée à T orient du Jourdain ; la géographie
biblique s'est enrichie d'identifications nouvelles ; enfin ^
une récolte très considérable d'inscriptions apporte dd
nombreux matériaux à la reconstitution complète dd
la géographie classique. Ces résultats, dont on peut
apprécier la richesse, ne sont connus jusqu'à présent
que par des communications sommaires; la relation,
lorsqu'elle sera publiée, sera certainement une des plus
importantes que nous possédions sur la Syrie.
L'excursion de M. Graham, comme celle de M. Wetz-
i
( 188 )
stein, a été à la fois géographique et archéologique ;
mais ce qui la distingue particulièrement, c'est dNavoir
pu s'avancer assez loin au delà des frontières orientales
du Haourân, dans des cantons que n'avait foulés jus-
qu'à présent le pied d'aucun Européen. Sous ce rap-
port, c'est un véritable voyage de découvertes. Des
ruines antiques et même des traces d'une voie romaine
ont été retrouvées ; mais la partie la plus curieuse de
la récolte, et certainement la plus inattendue, est une
quantité innombrable de cailloux basaltiques, usés et
arrondis comme les galets de nos grèves, sur lesquels
se voit grossièrement tracée la représentation d'un
homme, d'un palmier, d'un cheval, d'un chameau ou
de quelque autre animal, avec une ou deux lignes de
caractères inconnus. Ces caillons inscrits couvrent, en
plusieurs endroits, des plaines d'une grande étendue;
ce sont de véritables champs d'inscriptions. Jusqu'à
présent il a été impossible de deviner quelles sont l'ori-
gine et l'époque de ces singuliers monuments, ni quel
a pu en être l'objet. Seulement on a reconnu que les
caractères qu'on y voit tracés sont identiques avec ceux
des inscriptions himyaritiques découvertes il y a trente
ans dans le sud de l'Arabie, et où se retrouvent les
formes les plus anciennes de l'alphabet phénicien.
Parmi les inscriptions rapportées par M. Wetzstein du
Djebel Haourân, beaucoup reproduisent les mêmes
caractères ; mais celles-là étaient tracées sur des pla-
ques ou sur des blocs, et elles se trouvent au voisinage
de ces habitations massives en basalte, dans lesquelles
les voyageurs ont reconnu depuis longtemps l'œuvre
d'une race indigène antérieure aux Romains et aux
( 189 )
Grecs, antérieure même à rétablissement des tribus de
Josué, qui trouvèrent ces cantons occupés par les
Rapbidïm que la Genèse qualifie de race de géants. C'est
là qu'était le pays de Basan, sur lequel avait régné le
roi Og, au sépulcre gigantesque. Il y a en tout ceci, on
le sent, une énigme historique dont le temps et la
science nous donneront sûrement le mot, une énigme
qui nous fait remonter aux époques lointaines où ces
régions du sud-ouest de l'Asie étaient occupées par la
race mystérieuse desKouschites, sœur aînée des Sémites
et mère des Phéniciens. Les explorateurs qui parmi
d'autres découvertes nous ont rapporté les éléments de
ces curieux problèmes, et qui auront ainsi ajouté une
page nouvelle à l'histoire des temps antiques, ces heu-
reux explorateurs ont bien mérité de la science.
Il en est un autre qui depuis dix ans et plus a fait
preuve, sur un théâtre différent, de l'activité la plus
infatigable, de la persévérance la plus dévouée, en
même temps que des qualités les plus éminentes du
savant et de l'observateur : c'est M. Pierre de Tchihat-
cheff. Après un voyage fort remarquable à l'Altaï, M. de
Tchihatcheff s'est attaché à l'Asie Mineure, cette con-
trée que la nature a créée si riche, et que la barbarie
turque a faite si misérable; il s'y est consacré corps
et âme, il en a fait son domaine. Dans une longue
série de voyages, ou plutôt dans un seul voyage
qui chaque année se renouvelle et se poursuit, il en a
visité toutes les parties, il en a étudié et il en étudie
encore tous les détails. Il l'a couverte d'un véritable
réseau d'observations. Les déterminations astrono-
miqaes, qui fixent les positions ; les observations baro-
(190)
métriques, qui donnent les hauteurs et dessinent le
relief; les relevés géodésiques, qui fournissent les dé-
tails ; les investigations archéologiques, qui rappellent
le passé, et les études ethnologiques qui appartiennent
au présent ; tontes les branches de la science, en un
mot, la botanique, la géologie, la zoologie, la statistique
et TécoDomie sociale, rien n'a été oublié dans cette
exploration encyclopédique. Plusieurs parties déjà pu*
bliées permettent dès à présent d'en apprécier la haute
valeur, et l'ouvrage entier, lorsque la publication en
sera tenninée, sera un exemple bien remarquable de
ce que peut produire le zèle soutenu d'un seul explo*
rateur. La Commission n'a pu fixer son choix sur les
travaux de M. de Tchihatcheff; mais elle est heureuse
que leur continuation lui permette encore de les réser-
ver pour un de vos prochiûns concours.
Tout en appréciant comme elle le devait les titres di-
versement recommandables des voyages qu'elle vient
de passer en revue, votre Commisâon, messieurs,
s'est arrêtée à une expédition savante qui n'a pas duré
moins de quinze mois, du commencement de 1858 au
mQieu de 1859, et qui a considérablement ajouté à la
somme de nos connaissances positives sur une des con*
trées les plus intéressantes de l'Asie : cette expédition
est celle qui, sous la direction de M. Nie. Kbanikof, a
entrepris et accompli l'exploration d'une partie consi-
dérable de la Perse.
Le nom de M. Rhanikof est connu depuis longtemps
dans la science par de grands travaux topc^raphiques
et ethnographiques sur le Turkestan et la région in
Caucase. Mieux que personne il avait pu ^pptéàeat les
(loi )
lacunes qui restaient encore dans la géographie du nord
de la Pei'se. De nombreux voyageurs ont traversé ces
provinces depuis la fin du dernier siècle, et en ont
donné des relations excellentes ; mais de simples itiné-
raires, quelle que soit leur valeur, ne peuvent jamais
être, pour une grande contrée, que les matériaux d'une
description, et non la description même. Quelque bien
doué que soit un voyageur, quelque soin et quelque
dévouement qu'il apporte à ses observations, il estime-
possible, au milieu des populations hostiles ou défiantes
d'un pays à demi barbare, qu'il n'y reste pas bien des
vides et des incertitudes. Les nombreuses inexactitudes,
les erreurs quelquefois énormes qui se découvrent
dans les meilleures cartes uniquement construites sur
le rapprochement et la combinaison des données four*
nies par les voyageurs, quand les bases viennent à en
être soumises à des opérations rigoureuses, montrent
asses dans quelle mesure il faut accepter ces premiers
essais, précurseurs obligés des constinctions géode-»
siques. Gela n'enlève rien, assurément, au mérite de
ces sortes de travaux, quand ils sont signés du nom d'un
d'Anville, d'un Petennannou d'unKiepert; cela mon*
tre seulement dans quelles limites se renferment forcé-
ment, en ce qui touche à la cartographie, les élabora*
lions de la science purement critique. C'est à ce point
qu'en sont encore en ce moment, sauf pour un certain
nombre de détails, nos cartes du nord et du centre de
ia Perse ; et ce sera le grand mérite de l'expédition de
1858 d'en avoir fixé les bases par une suite d'opérations
çt de relèvements certains. C'est ce mérite éminent,
messieurs,qui adéterminélechoix devotre Commission*
(192 )
Dans une note remise en 1857 à la Société de Géo-
graphie de Saint-Pétersbourg, M. Khanikof faisait res-
sortir tout ce qui manquait encore à la construction
d'une bonne carte des parties de la Perse qui confinent
au désert de Khiva et à la Boukbarie ; et non-seulement
à la construction d une bonne carte, mais à la connais-
sance complète du pays, de sa configuration, de son
hydrographie, du caractère de sa faune et de, sa végé-
tation, en un mot des conditions diverses de sa cons-
titution physique, en même temps que de ses ressources
économiques. La Société adopta le plan d'une expédi-
tion scientifique, dont la direction ne pouvait être mieux
confiée qu'à celui-là même qui en avait eu l'initiative;
et cette entreprise devait naturellement rencontrer un
appui efficace près du gouvernement, qui a tant d'inté-
rêt à être exactement renseigné sur ces contrées. L'ex-
pédition fut immédiatement organisée ; elle se con^posa
de M. Ristori, lieutenant de la marine impériale, du
professeur Bunge, pour la botanique, de M. Gœbel,
comme chimiste et géologue, de M, Lenz, fils du célèbre
physicien, comme astronome, jie M. Binert comme na-
turaliste, et enfin de deux ingénieurs topographes de
l'armée du Caucase. Un zoologiste bien connu, le comte
de Keyserling, avait obtenu T autorisation de se joindre
à l'expédition; M. Khanikof lui-même, outre la con-
duite générale des tj-avaux et une. active participa-
tion aux observations physiques, aux relevés géodé-
siques, etc., s'y était spécialement réservé les études
ethnographiques et linguistiques.
Tiflis était désignée comme rendez-vous général;
tous les membres de la Commission y étaient réunis
( 1^3 )
dans les derniers jours de janvier 1868. On vint s'em-
barquer à Bakou, d'où un navire à vapeur de la com-
pagnie d'Astrakhan transporta l'expédition à Achref,
sur la côte du Mazandéran. Achref, au xvin* siècle, était
une des résidences favorites du sultan Chah Abbas.
Ses kiosques et son palais sont en ruines; mais le lieu
est toujours un des plus beaux parcs que l'on puisse voir.
Les anciens y auraient pa transporter leur jardin des
Hespérides ; car l'orange, cette pommed'or de lafable, y
est si commune, qu'on en peut avoir mille sur le marché
pour quelque chose conmie 1 franc 20 centimes de notre
monnaie. Rien de plus magnifique, au surplus, que la
végétation qui domine cette plage. Les plantes grim-
pantes s'y déploient avec une vigueur merveilleuse;
partout les ceps de la vigne sauvage enlacent comme
de monstrueux serpents les arbres géants de la forêt,
et y jettent une multitude de festons suspendus sous
lesquels le jasmin, le grenadier, le prunier, et surtout
le cràtegus, forment des fourrés presque impéné-
trables. Si l'on compare la nature chétive et la triste
uniformité des plaines salines de la côte septentrionale
de la Caspienne avec l'aspect tropical de la côte du
sud, on est frappé, et singulièrement étonné tout à la
fois, du contraste que présentent les conditions orga-
niques de ces deux plages opposées. Au nord, l'âne
peut à peine supporter la rigueur du climat ; au sud,
le tigre est presque aussi commun que dans les
djangles du Bengale. Près d'Astrakhan, le raisin atteint
difficilement sa maturité; aux environs du golfe d'As-
trabad, le palmier croît en plein champ, à côté de la
canne à sucre et du cotonnier. Enfin une glace épaisse
( t«4 )
enchaîne encore les flots de la inei* dans sa partie du
nord, pendant que tout fleurit déjà dans le Ghilan et
le llazandéran. La seule différence de latitude n'ex-*
plique pas cette opposition, qui tient surtout à la
nature et à la direction différentes des vents. Tandis
que ceux du nord apportent avec eux le souffle dessé-
chant des frimas hyperboréens, les vents du sud*est,
qui ont traversé les déserts intérieurs, arrivent secs et
brûlants au c6té sud de la Caspienne, où ils se cboqurat
aux vapeurs du nord qu'ils échauffent et transforment
en pluies abondantes.
M, khanikof dut se rendre à Téhéran pour y obtenir
les finnans nécessaires, que l'influence de l'ambas-»
sadeur russe lui fit délivrer rapidement; h son retour
à Chabrood, au sud des montagnes d'Astrabad, l'exi^
pédition se mit immédiatement en route pour le &ho^
riçan. On était au milieu de juin. Une nombreuse
caravane de pèlerins qui se rendait à Méched se jo^^it
à l'expédition pour profiter de son escorte, tant sont
redoutés les Turkomans qui infestent cette route.
Cette caravane comptait plus de quatre mille bêtes de
somme, chevaux, chameaux, ânes et mulets; le per-
somiel y présentait un curieux assemblage ethnogra*
pfaique. Il y avait là des Arabes de Bassorah et de
Bagdad, des Persans de toutes les provinces, des Turcs
du Cfairvan et de l'Ad^baîdjan, des Masandérania,
des Afghans, des musulmans de F Inde, des B^béils,
tribu montagnarde du Kaboulistan que l'on croit
d' )
est décerné à M. Nicolas de KhanikoT, pour son explo-
ration du Rhoraçan.
M. Jomard donne lecture d'tme Notice snr une ezcur-
âon dans Tintérieur de la Patagonie par M. Goinnard,
présent à la séance.
M. Albert Montémont lit quelques extraits d'une No-
tice sur le KborâçaD,par M. deKbanikof.
M. £. Cortambert présente à la Société un coup
d'œil sur les productions, les peuplades géopbages et
les autres populations des bords de rOrénoqne.
Enfin, M. Jules Pautet lit une Notice sur Dom Luiz
de Camoëns^ le poète voyageur,
La séance est terminée par le renouvellement des
membres du bureau de la Société pour l'année 1861-62,
et par l'élection d'un membre de la Commission cen^
traie. Sont nommés :
Président : M. l'amiral Romain des Fossés, séna-
teur.
M. le comte de Grossolles-Flamarens,
sénateur :
rice-presidents :<•-,, ,^ , , ^
^ M. le baron C. de la Roncière le
Noury, contre-amiral.
/ M. de Rerballet^ capitaine de vais-
Scrutalcurs : < seau ;
(m. Ed. Cbarton.
Secrétaire : M. Maximiu Delocbe.
Membre de la Commission centrale : M. Alfred Jacobs.
( 241 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES DE MARS 1861.
ASIE.
Voyage en Arménie et en Perse, par P. Ara. Jaubert, précédé d*ane
notice sur Tauteur, par M. Sédillot. Paris, 1 vol. in-8.
M. SiDILLOT.
Esquisse ethnographique des Manègres, par C. de Sahir (Mémoire la
à la Société de géographie de Paris, séance du 16 noyemhre 1860).
Paris, 1861 , broch. in-8. M. C. de Sabib.
Mémoire sur les ruines de Séleucie de Piérie ou Séleucie de Syrie, par
le R. P. Alexandre Bourquenoud (Extrait des Études de théologie ^
de phUotophie et d'histoire). Paris, 1860, broch. in-8.
M. P. DUTAU.
Lefledve Amour, histoire, géographie, ethnographie, par C. de
Sabir. Paris, 1861, 1 yoI. in-4. M. C. db Sabib.
Le mont Hor, le tombeau d*Aaron, Cadès, étude sur l'itinéraire des
Israélites dans le désert, par le comte de Bertou (Mémoire lu à
PAcadémie des inscriptions et belles lettres). Paris, 1860, 1 yoI.
gr. in-8. M. le comte de Bbbtou.
AFRIQUE.
Voyages au Soudan oriental dans TAfrique septentrionale et dans
PAsie Mineure, par Pierre Trémaux, 32*^ et 33® livraisons. Parallèle.
Paris. M. PiërbeTbéhaux.
Géodésie d*une partie de la haute Ethiopie, par Antoine d'Abbadie,
vérifiée et rédigée par Rodolphe Radau, 2* fascicule. Paris, 1861,
1 ?ol.in-4. M, A. D'Abbadie.
OCÉANIE.
L'Océanie nouYelle. Colonies, — migrations, — mélanges, par
M. Alfred Jacobs, Paris, 1861,1 toI. in-12i M. Alfrrd Jagobs.
( ^42 )
OOVRAGES GÉNÉRAUX, yÉLAIH»».
Mélanges d'ëraditioo ei de critiqae historique, par M. Letronae, pré-
cédés de réloge 4ê TaaiMr, par M. le baron Waldceoaer. Paris,
i Tol.in-8. M. Sêdillot.
L*Orient, par Léon de Rosny, Paris, 1860, broch. in>8.
M. LÉOH OB Rosmr.
Sur nn globe terrestre trouvé à Laon, antérieur à la déeoaverte de
rAmériqne, par M. d'ÀTeiae. Paris, 1861, brocb. in-8.
M. D*AVKZAC.
Aete do saint et oBComéniqae Concile de Florence ponr la réunion des
Églises, par Adolphe d*ATri1. Paris, 1861, brocb. in-8.
M. Adolphe D^AvaHi.
Nouveau dictionnaire universel de la langue française, par M. P. Poi-
tevin. Paris, I'* livraison, în-4. M. P. Poitbvui.
Notice sur la vie et les travaux de M. le baron A. de Humboldt, par
M. de La Roquette. Paris, 1861, broch. in-4. M. de Là Roquette.
Notice sur la vie et les travaux de M. Pierre Daussy, par M. de La
Roquette. Paris, 1861, brocb. in-8. M. de La Roquette.
A lunar lidàl wave io Iake Michigan demonstrated, by 1' colonel
J. D. Grabam. broch. in-8. M. J. T). Gbahah.
Verieicbniss der bibliothek uod Kartensammlung, D^ Cari Ritter iu
Berlin, 1 vol. ln-8.
ATLAS ET CARTES.
Carte de France au 1/80000®. publiée par le DépAt de la Guerre,
24" livraison, n^"* 176, 184, 218, 242, 244 et 245 : Monislrol, Au-
rtllac, Hontauban, Pamiers, Narboone et Marseillan.
Dépôt de la Guerre.
Hémisphères terrestres septentrional et méridional dressés d*après les
documents les plus récents, par P. J. Jager. 2 feuilles.
M. P.-J. Jager.
Europe en 1789, dressée par A. H. Dafour. Paris, 1861, 1 feuille
av6f texte. — Empire d'Aletanriek, Notes on the Andamans. — A, W,
Stiffè, A y lait to the but Springa of Boaher, near Muscat. —
G. Birâwood, la the Habaiah of Bmce the aource of theWhlle Nile?
•^ H. Speke, On the Commerce of Central Africa. — Sain lin
Httbeébjtin Arab inhabitant of Zanzibar. Narrative (of A fHcainteriof).
NoUzhlatt des Vereins fiir Erdkunde zu Darmstadt, herausgegeben
von L. Ewald. Neu Folge, Band 1. N»* 1-20, mai 1857-mai 1858;
n" 21-40, Janv. 1859 à févr. 1860.
Transactions of the Royal Society of Edinburgh. vol. XXII» part 2)
1859-60. Edinb. 1860, in-4''.
J, H» Ba//bur, Description of the plant which prodacesthe ordeal
(247)
beaD ot Calabar. — J. Davy, On an unnsutl DroQgbt in Uu L«ke
districlJD 1859. — W. Turner, Upon tbe thyroid glMd in the
cetacea. — J, D. Forbes, On the Climate of Edinburgh. -— Du
même, Account of a ibermomeirical Regiater kcpt at Danfermline,
bytheRev. H. Fergus, 1799-1837. — J. B. ^//bur» D^cripUon
of Asa fœtida plants which bave recently borne flowers and frait in
the Royal Botaoîc Gardeii, Edinburgh. —* Max, Schmidl, On the
coostiintion of Cajeput . — Th. Brown^On tbe moantain limestooe
aod lower carboniferous rocks of the Fifesbire coast. — W, Thom-
son, On tbe réduction of observations of underground température.
— J, D. Everelt, On a Method of reducing observations of under-
ground température.
Supplément Appeodix to tbe Malterstoun magneticai and meteo-
rological observations. Reduced and edited by Balfour Stewarl,
Edinb. 1860, 4%
Proc^edmgs (^ the Royal Society of Edinburgh ^ 1859-60.
J. Stark^ On tbe fallâcy of tbe présent mode of cstimatiog (be
meaa tamperalurein EngUnd. — Letterfrom tbe Rev.D^ LwtngstOM,
River Sbiro, 28 oct. 18>9. — C. Piaaszi Smylh, Notice of a Paoo-
ramic Sketch of Rashmir, recently received from India.
Proceedings of the Royal Society^ n*" 41 .
%or( of îhê Sacratery of War, commnnicating Capt. âimpaon's.
Report and Map of Wagon Road Routes in UUb Territory ( Wat-
biogton, 1860), in-8.
Journal ofthe Franklin Inslitutêy for tbe promotion of the Media nie
Arts. Febrnary.
iiémoires et Bulklin de la Société de géographie de Genève, tome 1*',
2MiTr.
Annales hydrographiqws, années 1858 et 1859.
yammai a«ia4itfU0, octobre-novembre, 1860.
Les Mongols d'après les historiens arméniens, fragments traduis
sur les teites originaux, parM. £d. Du/aunar (eitruit de VHistoire
universelle de Yartan). — Blanchi, Bibliographie ottomane , ou
notice des ouvrages publiés dans les imprimeries turques de C jn -
tantioople, et en partie dans celle de Boulac en Egypte, depuii les
( 2i8 )
derDien moîi de 1856 Jaiqa*4 ce moment (tutte). — W. 0Mr-
tuiuer. Mémoire sor les institotioni de police chei les Arabei, les
Persans et les Turcs {suUe), — Garein de Tauy^ Descriptioa des
moDuments de Dehli en 1852, d'après le teite hindoustani de
Salyid Ahmad Khan (suite).
Bevu» orieiUaie et américaine, n** S8 et 29, janvier et février 1861.
Jainvier, — Ch. de Laharthe, Observations sor le royaume de
Siam. (Description du royaume Thaï on Siam, par Mgr Pallegoix,
2 vol.) — Le rituel funéraire des anciens Égyptiens. Fragments
traduits pour la première fois sur les papyrus hiéroglyphiques, par
(feu) Ck. Lenormant. — Brasseur de Bourhourg, 0)up d'oeil sur la
nation et la langue des Wabi, population maritime de la cdte de
Téhoantépec (Mexique). — Vikramorvaçi, drame indien traduit du
sanscrit, par Ph, Ed. Foucaux (acte 4^).
Février. — La constitution de Tunis et sa nouvelle promulga-
tion. — De Sa6tr, Esquisse ethnographique des Mangounes, d'après
les documents russes. — Ch, Gay, Les Mormons (d'après la rela-
tion de M. J. Rémy). — Apologues indiens (extrait des Avaddnas
de M. Stan. Jullien). — Vikramorvaci, dram^ indien, traduit du
sanscrit, par M. hd. Foucaux (fin).
Journal des missions évangéliques. Janvier et février 1861.
Lettres et nouvelles de l'Afrique méridionale, de la Chine, de
l'Inde, du pays Birman, de la Patagonie, du Labrador, de l'Austra-
lie, de la Polynésie, de la Turquie, des Antilles,
Beifue algérienne et coloniale. Décembre.
Lombardeau, Excursions géologiques dans le sud de la Nouvelle-
Calédonie. — H. Duveyrier, Notes sur la régence de Tripoli. —
Développement de la fabrication du sucre colonial. — ÉUe de la
Primaudaie, Le commerce et la navigation de l'Algérie avant la
conquête française (/In). — Commerce de la France avec l'Algérie.
Revue rétrospective de 1831 à 1859. — /. DutMiI, Les colonies et
l'Algérie an concours général et national d'agriculture de Paris, en
1860. Rapport du jury spécial.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE.
AVRIL 1861.
Mémoires 9 Motlces^ etc.
LA RIVIÈRE PARAGUAY,
DEPUIS ES SOURCES JUSQu'a SON EMBOUCHURE DAMS LE PARANA,
(1851 à 1856)
Par le docteur Amédée MOURE.
La rivière Paraguay prend naissance dans un terrain
élevé et marécageux, par les parallèles de 14"* latitude
sud et 59^ 20'longitude, méridien de Paris, à 130 kilo-
mètres nord-est-est de la ville de Cuyabâ, dans un es-
pace d'environ 2 kilomètres, où se voient sept petites
lagunes fort rapprochées les unes des autres.
Le ruisseau, formé des sept petits embranchements
sortis des lagunes, court comme eux dans la direction
générale nord.
Après un parcours de 6 kilomètres, il reçoit, sur sa
rive droite, son premier affluent, leribeiron Negro ou
le Quilombo, selon d'autres, et bientôt après TAmolar.
A cet endroit, la rivière Paraguay s'écarte brusque-
ment de la montagne Morro-^Fermelho ; ainsi se nomme
1. AVRIL. 1. 17
( 260 )
a face septentrionale du terrain élevé où existent les
sept lagunes et les premiers affluents dont nous venons
de parler. Alors la rivière court vers l'ouest et ensuite
vers le sud.
Ayant ainsi parcouru 8 à 9 kilomètres, la rivière
Paraguay reçoit sur sa rive droite le ruisseau Diaman-
tino, sur les rives duquel se trouve, à 6 kilomètres plus
bas, la ville de deN S" Gonceicâo do alto Paraguay
Diamantino, à l'endroit de la jonction du ruisseau de
Ouro, par les 14° 10'.
La dénomination de ces petites rivières indigue la
richesse minérale des terrains qu'elles arrosent. C'est
encore cette richesse qui fit fonder, à une époque assez
reculée, la villa Diamantino et plusieurs autres bourgs.
Néanmoins disons, en passant, que, malgré cette cir-
constance, malgré même la proximité du port du rio
Arinos^ par lequel s'effectue la navigation de la pro-
vince de Mato-Grosso avec l'Amazone et le Para, cette
villa est en grande décadence. Les bourgs qui cou-
vraient jadis le district ont disparu.
A 8 kilomètres au-dessous de la jonction du Dia-
mantino, existe, sur la rive gauche de la rivière Para-
guay, le bourg de Borîtisal. De ce point, le cours
général suit la direction sud-ouest ; à une distance de
S5 à 40 kilomètres apparaissent les Tres-Bocas^ lieu
ainsi désigné parce qu'il y a sur la gauche, l'embou-
chure du ruisseau des Brumados d'un volume peu
considérable; et sur la droite, l'affluent le plus impor-
tant de Santa- Anna.
* Cette dernière rivière apporte le contingent de plu-
sieurs petites rivières qui lui arrivent des versants sud
d'où part le Sumidouro, affluent de l' Arinos et ensuite
1(261 )
de l'Amazone y ce qui fait naître presque du même
point les deux plus grands fleuves de T Amérique du
Sud, l'un coulant au nord et l'autre au sud.
La rivière Santa- Anna, déjà forte par son volume
d'eau, est encore arrêtée par plusieurs cascades d'où
elle se précipite en torrent. Ses rives sont élevées, de
formation tertiaire et d'alluvion très propre à toute
sorte de culture. L'îpécacuanha s'y trouve partout sans
culture, en grande abondance, et fait l'objet de nom-
breuses recherches commerciales.
C'est sur la rivière Santa- Anna, à une distance de
18 à 20 kilomètres de sa jonction dans le Paraguay,
qu'on rencontre une île renommée par la quantité de
diamants qu'on y trouve, mais dont l'extraction néces-
siterait des travaux d'art autres que ceux qui ont été
entrepris j usqu' à ce j our .
Cependant, en 1853, une compagnie de minération
s'est formée à Rio de Janeiro pour l'exploitation de ces
parages. Elle a bientôt obtenu de fort beaux résultats,
bien qu'il lui ait fallu deux années pour dévier le cours
de la rivière.
A partir des Tres-Bocas^ la navigation de la rivière
Paraguay s'améliore, quoiqu'elle soit, par intervalles,
obstruée par des cascades et des récifs pierreux.
20 kilomètres au-dessous de Tres-Bocas et sur la
rive gauche, arrive la petite rivière d'Antonio Gomez.
10 kilomètres plus bas se trouve le détroit des Bugres^
dont un énorme banc de pierres rend le passage dan-
gereux. Toujours sur la même rive, la rivière de Pari
vient lui fournir le tribut de ses eaux, à 12 ou 15 kilo-
mètres plus bas.
I
( Sè2 )
Puis, dans un parcours extrêmement tortueux de
50 à 60 kilomètres, la rivière Paraguay ne reçoit au-
cun tributaire et ne présente pas la moindre cascade ;
mais alors, sur sa rive gauche, elle reçoit les eaux :
1*" du Jauguaric, qui lui-même est facilement navigable
pour les canots du pays; 2*" à 12 kilomètres plus bas,
sur la rive droite, une petite rivière également navigable
en canots et que quelques-uns appellent rio Branco, et
que d'autres désignent sous les noms de rio des Bu-
gres, des Barbados, ou de Tapirapoam.
C'est vers les sources de cette dernière rivière qu'on
rencontre l'aldéa principale des Indiens Barbados, dont
le nombre dépasse mille. Ils se nourrissent des pro-
duits de la chasse, de la pêche et des fruits sauvages
qui abondent dans le pays, ainsi que le maïs, la man-
dioque, la batate, le haricot et autres légumes qu'ils
cultivent avec des instruments de bois ou de silex.
Ces Indiens vivent en bonne intelligence avec les
autres peuplades indigènes fort nombreuses qui les
environnent.
Bien qu'à proximité des populations brésiliennes,
jamais ils n'ont voulu établir de relations avec elles.
Ils conservent une grande rancune contre tous les
civilisés et surtout contre les Portugais ou les Brési-
liens, qu'ils confondent dans leur commune aversion.
Parfois il leur arrive de faire des incursions jusque sur
la rivière Paraguay, et alors ils ne manquent pas d'at-
taquer les canots qui vont de villa Diamantino à villa
Maria, et ces sorties seraient encore plus fréquentes
sans l'effroi que leur inspirent les armes à feu.
Au-dessous de la joncûon de la rivière Tapirapoam,
( 26S )
à une distance de 16 kilomètres, arrivent sur la rive
droite les eaux d'une petite rivière à laquelle on a
aussi donné plusieurs dénominations comme celles de
rio Preto, rio Branco, rio Vermelho, rio Verde, rio For-
quilho et rio Pirahy.
A 8 kilomètres au delà on rencontre le lieu appelé
Pissaron ou ardoisière, qui forme sur la rive droite de
la rivière Paraguay une sorte de muraille calcaire, en
face de laquelle se trouve une baie très dangereuse à
traverser à cause des pierres qui l'obstruent.
Après avoir descendu 8 à 9 kilomètres, on arrive à
rentrée de la baie Onca^Magra qui s'ouvre sur la rive
droite.
Il est bon d'observer d'une manière générale qu'on
donne le nom de baie à des bas fonds par où s'égouttent
les eaux des terrains voisins et d'où elles s'échappent.
La baie actuelle est longue et étroite, ses eaux arri-
vent dans la rivière Paraguay vers le même point où
affluent plusieurs petites rivières formées par les eaux
d'écoulement des inondations.
C'est à 20 kilomètres plus bas que s'ouvre, rive
droite, l'entrée de la baie Uachù ou Ichû, dont les
bords sont très riches en ipécacuanha.
A 10 kilomètres plus loin, la rivière Paraguay coule
entre les montagnes das Pedras ; enfin, à 1 A kilomètres
au-dessous par les lô"" ô A' latitude sud, débouche, sur
la rive droite, l'importante rivière Sepotuba, navigable
par canots pendant 130 kilomètres, et presque l'égale
en volume d'eau au rio Paraguay. Mais, pendant que
son courant très rapide rend la descente très facile, la
navigation pour la remonter est extrêmement pénible
{26* )
jusqu'à 0a partie supérieure, où il est ralenti par de
nombreuses et très périlleuses cascades.
La Sepotuba et ses nombreux aflBuents, surtout la
Juba et la Jerobaùba, traversent de riches terrains au*-
rifères et abondants en ipécacuanha.
En 17i6, le sergent Mor Joâo de Souza e Azeyedo
remonta la Sepotuba jusqu'à ses sources, et, de là,
portant par terre ses canots en un espace de 12 kilomè-
tres, il les lança dans la rivière Sumidouro, descendit
dans la rivière Arinos et, par celle de Tapajoz, arriva
dans l'Amazone et atteignit jusqu'à Para. Je ne sache
pas que, depuis lors, cette navigation par trop aventu-
reuse ait été tentée de nouveau.
Actuellement la Sepotuba est très fréquentée, prin-
cipalement dans sa partie inférieure, pour le transport
des riches bois de construction qui se trouvent abon*
damment sur ses rives, et de l'ipécacuanha qui y croît
spontanément.
Les terrains que baigne la Sepotuba, sur ses deux
rives, sont très fertiles, et quelques petits essais de
culture de céréales y ont donné les plus beaux résul-
tats; essais qui font regretter que ces parages, aban-
donnés à l'instinct et à l'insouciance des indigènes, ne
soient pas l'objet d'exploitations agricoles. Cette terre
précieuse serait un centre délicieux et merveilleusement
productif pour une colonisation industrielle et agricole,
car l'élève du bétail y serait aisé et ses forêts vierges
pourraient fournir les bois les plus riches au point de
vue des constructions, de l'ébénisterieet du commerce.
Entre la rivière Jauguarâ et la Sepotuba j'ai remar-
qué beaucoup de petites rivières ; ainsi, sur la rive
( 266 )
gauche, 1^ Tres-Ribeirons, la Salobra, la Caioeirinha,
FAnhumas, la Taquaral, las Pedras ; toutes les eaux
de la rive gauche, en y comprenant plus tard celles de
la Jacobina^ sont salubres, calcaires, ferrugineuses.
Les terrains qui bordent la rive gauche de la rivière
Paraguay sont élevés, montagneux» et d'un sol ferme
où croit une abondante végétation.
La rive droite n'est pas aussi uniformément boisée,
car entre les montagnes existent des espaces fermes où
apparaissent à côté de sombres forêts, certains maré-
cages où brille la vanille, et certains autres, vrais marais
pleins d'herbages, qui rendent souvent ces contrées
insalubres. Quand la main de T homme aura assaini ces
grandes plaines par des irrigations, ce sol sera un des
plus riches de Tunivers.
Le point de jonction de la Sepotuba avec le Para*
guay est bas et constamment inondé, de sorte que le
fleuve principal semble s'y ramifier en quatre branches
d'un volume d'eau égal,
A l'époque où je visitai ces deux rivières pour la
première fois, c'était en 1851, les eaux étaient un peu
hautes et à la distance d'un quart de mille, la profon-
deur et la largeur de Tune et de l'autre me donnèrent
les résultats suivants :
Paraguay : largeur, 38 brasses ou 76 mMres.
— profondeur, 15, 15, 15, 21, 24 et 15 palmM,
ou 3, 3» 3, 4 1/5, et 3 mètres.
Sepotuba : Urgenr, 45 brasses ou 90 mètres.
— profondeur, 15, 16, 18, 20,21 et 15 palmes,
ou 3, 3, 1/5, 3 3/5, 4, 4 1/5 et 3 mètres.
La vitesse du courant de Tune et Tautre rivière était
i!m mille pio* beure.
( 266 )
A partir de cette jonction, la Cordillère qui longe la
partie Est de la rivière Paraguay s'en approche telle-
ment qu'elle sert de rive à son lit jusqu'à l'embouchure
du Jauni, tandis que les endroits où cette Cordillère
est plus éloignée, le terrain en grande partie est encore
assez élevé pour braver les plus fortes inondations.
Dans certains endroits, au contraire, le sol est bas
et la moindre crue s'en empare et le recouvre. La rive
droite est plus sujette aux inondations.
A partir de la jonction delà Sepotuba, la rivière Pa-
raguay court sud-sud-est. A lOkiloihètres de cette jonc-
tion on rencontre, sur la rive droite, le Barranco^Alto^
point élevé que les plus hautes crues n'ont pu at-
teindre.
A 6 kilomètres au-dessous, se voit, rive gauche, la
bouche étroite et souvent obstruée d'une baie très
large, dans laquelle se jette la petite rivière des Para-
putangos qui envoie un bras sur la même rive, par
lequel les eaux reviennent ensuite dans la rivière après
avoir parcouru un certain nombre de tours et détours
entre le sud et l' est-sud-est.
La rivière Cabaçal, 5 kilomètres au-dessous, s'unit
à la rivière Paraguay par sa rive droite, par les 15** b&.
Cette rivière Cabaçal lors de son point de jonction a une
largeur de 30 brasses ou 60 mètres; elle est navigable
en canots, dans une étendue de 60 kilomètres, sans
présenter d'autre obstacle que la force de son courant.
Elle coule rapidement en serpentant au milieu de ri-
ches forêts vierges, qui sont entrecoupées de champs
où les arbres sont remplacés par de riches pâturages.
Cette rivière est très fréquentée par les indigènes
qui y fabriquent des canots du tronc d'un seul arbre,
(267)
et par leâ Brésilieiis qui y recueillent Tipécacuaûba^
Plusieurs petites rivières se déversent dans le Gaba*
çal, entre autres le rio Branco, dont le courant est très
rapide. La rivière Gabaçal, à sa partie supérieure, est
obstruée par de nombreuses cascades et de hauts-fonds
pierreux qui arrêtent la navigation. Son lit, les terrains
environnants sont aurifères.
Vers les sources de cette rivière vivait, il y a à peine
quelques années, à l'état primitif, un groupe d'Indiens
appelés Gabaçals, méchants, vindicatifs, anthropo-
phages. Ils désolaient de leurs brigandages la contrée
et surtout les chemins qui vont vers la Gahissara et la
Bolivie, et les voisinages du Jaurû. Us volaient et
tuaient les gens qu'ils pouvaient surprendre, les voya-
geurs qui s'aventuraient dans ces parages pour leur
commerce avec la Bolivie, pour la recherche de l'or,
du diamant ou de l'ipécacuanha. Maintes fois ces fé-
roces Indiens poussèrent leurs incursions contre les
bandeiras portugaises ou brésiliennes, en empiétant
dans l'intérieur du pays. Souvent vaincus, mais jamais
détruits, ils étaient justement redoutés.
En 18â2 seuleriient, un respectable prêtre, curé de
la ville dé Mato-Grosso, le père José da Silva Fraga,
se donna la mission de les ramener à la civilisation et
au catholicisme. Armé de la foi évangélique, il alla
vivre parmi eux. Par sa patience et ses prédications il
est parvenu à les évangéliser en grande partie ; nous
avons vu sur les lieux son œuvre couronné de succès.
Ils sont aujourd'hui groupés en aldéa, près du Jaurû,
où ils forment une importante et laborieuse colonie.
A 10 kilomètres au-dessous de l'embouchure de la
( 258 )
rivière Cabaçal, sur une élévation » rive gauche du rio
Paraguay, à Tendroit où cette rivière forme un coude
susceptible de devenir un excellent port, est située
la jolie cité de Villa-Maria, par les 16<* 3' latitude sud
où elle fut fondée en 1776 par le capitaine-général,
gouverneur de la province de Mato-Grosso, dom Luiz
de Albuquerque.
Son site est magnifique et salubre, son climat deux
et agréable, son sol fertile, et la navigation à vapeur
qui vient de s'établir entre ce point et la Plata, a dû
développer les avantages de sa position topographique
et lui ouvrir un magnifique avenir commercial.
Villa^^Maria, en effet, entrepôt du commerce bolivien
et européen, ne saurait manquer d'être bientôt l'objet
d'un transit considérable et d'un développement grand
agricole et industriel, grâce à sa richesse et à aa
beauté territoriale,
En face de Villa-Maria, la profondeur de la rivière
atteint 30 palmes ou 0 mètres , ce qui permet aux ca^
nots de s'approcher très près du point élevé sur lequel
la ville est bâtie. Néanmoins il est prudent, quand on
jette l'ancre près du bord, de prendre garde aux ébou-
lements de terre qui pourraient engloutir l'embarca-
tion. Le meilleur endroit pour stationner est l'extrémité
supérieure du contour que forme la rivière avec la
bouche d'un sangradouro»
Le nombre des habitants brésiliens de ce di3trict,
en exceptant les indigènes qui sont dix fois plus nom-
breux, est actuellement de 2,000 h, peine, et le district
pourrait aisément enrichir une population de 200,000
âmes sans qtt*U soit besoin de refouler les indigènes
( S&9 )
qui sont de bons colons et que les Européens ou les
Brésiliens doivent employer de préférence, dans le
propre intérêt de leur fortune.
Les Brésiliens qui habitent cet immense district»
vivent hors des murs de Villa-Maria, sur des habita-»
tions ou fermes, s'adonnant exclusivemeni; à Télëve du
bétail qui est très nombreux. Mais ils délaissent à tort
la culture du sol, et se bornent à planter, pour lewr
usage personnel, la mandioque, le maïs, la batate, le
haricot. Le bétail y est à très bas prix.
Bien que le sol soit abondant en cuivre, en fer et en
minerais de toutes sortes, les habitants ne peuvent se
livrer qu'exclusivement à ce travail qui, du reste, ré^
dame des forces autres que celles dont ils disposent et
des moyens de transports qui viennent seulement de
leur être donnés en 1860* La récolte qu'ils font de Tipé-
cacuanha se calcule annuellement sur le chiffre de
8«000àl0,000 kilogr ammes, qui figurent sur les mar-
chés de Villa-Maria, et qui font partie des 30,000 kilo-
grammes que la province exporte chaque année.
La cité de Villa-Maria figure un rectangle irrégulier
formant une place autour de laquelle sont bâties les
maisons à un étage, pour la plupart isolées et séparées
par de^ jardins ; quelques rues latérales et perpendi-
culaires au cours de la rivière présentent un ensemble
qui ne manque pas d'agrément, malgré que les maisons
soient de mesquine apparence, sans en excepter l'église
paroissiale et las casernes qui n'ont rien de menu-
niental ni de remarquable.
£n 18A6, le gouvernement a augmenté le détaohe-
laent de cavalerie de cetto y'ûk qui est,* depuii lors.
(SdO)
le quartier-général des forces frontières de la Bolivie.
En somme, ViUa-llaria était, avant l'établissement
de la navigation à vapeur dont j'ai parlé, une ville
admirablement située, et qui, faute d'babitants, me
parut privée d'activité. Maintenant que les conditions
qui faisaient son isolement sont améliorées, je crois
bien qu'elle a changé d'aspect et qu'elle a pris un peu
de cette animation,* résultat de son commerce actuel.
A 3 kilomètres au-dessous de Villa-Maria, la rivière
Paraguay se divise en deux bras formant une lie de
6 kilomètres de long. Sur celui de droite, le plus étroit
et le plus sinueux, arrivent les eaux de la rivière Ga-
bissara, dont le cours est à peine de à kilomètres.
C'est là que fut établie, à une autre époque, la fazenda
nationale de Yilla-Maria pour l'élève du bétail. Cette
propriété avait alors une grande importance par le
nombre d'animaux qu'on y élevait ; mais aujourd'hui
on n'y compte guère que quelques centaines de tètes
appartenant à l'État.
La réunion des deux bras s'effectue à 2 kilomètres
plus bas. La navigation se fait ordinairement par le
cours gauche, car il est moins long et moins pénible
que l'autre.
A 3 kilomètres au-dessous de cette jonction , on
trouve, sur la rive gauche, le beau pays désigné sous
le nom de Gampina. Ce terrain, de formation ter-
tiaire et de riche alluvion, est moins élevé que celui
de Yilla-Maria, néanmoins il n'est jamais assujetti aux
inondations.
On aperçoit, dans ces parages, quelques maisons
isolées et de rares habitants, et il n'y a pas de doute
( ^^ )
pour nous que le commerce, Tagricullure et Tindustrié
de ces contrées s'y développeraient grandement avec
l'établissement d'une ville centrale. Elle serait, par
son heureuse situation, l'entrepôt entre l'Europe, ce
pays et la Bolivie.
De ce point, la rivière décrit diverses sinuosités au
milieu de terrains bas et couverts pendant deux ou
trois mois de l'année par les inondations. On y ren-
contre l'ouverture de plusieurs baies d'écoulement,
dont la plus importante, située à 8 kilomètres de l'ex-
trémité de Campina sur la rive gauche , porte le nom
de Retîro, et, à 1 kilomètre plus bas, toujours même
rive gauche, la petite rivière Façon.
De ce point dans un parcours de 6 kilomètres, cette
rive est bordée par un terrain plus élevé que celui de
Campina, principalement à l'endroit désigné sous le
nom de Passagem velho (passage vieux), où l'on voit
quelques habitations.
A 2 kilomètres de la dernière cabane établie sur ce
joli paysage, la rivière Paraguay lance une partie de
ses eaux déjà puissantes, par un canal naturel de près
de 3 kilomètres de longueur, et par lequel passe la
navigation, afin d'éviter le long circuit que forme, sur
la gauche, le lit principal.
A 3 kilomètres au-dessous de la jonction de ce canal
dans son lit naturel, se remarque, sur la rive droite,
la baie Alegre ; puis, à 1 kilomètre plus bas, l'extré-
mité supérieure d'une lie qui, entre deux bras dissem-
blables, mesure 2 kilomètres de longueur.
C'est un peu au-dessous de la pointe inférieure de
cette lie que se voit sur la rive gauche la baie par
(202)
laquelle la rivière Jacobina vient apporter ses «aux à
l'artère principale et à 2 kilomètres au-dessous, sur
le côté droit, arrive une rivière asse:2 considérable qui
porte le nom de Sangradouro que lui donna le père
Ignacio.
A partir de cet endroit, la rivière Paraguay devient
extrêmement sinueuse pendant un parcours de 5 à
6 kilomètres, jusqu'à la montagne de Simon Nunez,
qui, sur la gauche, vient maîtriser son cours et le con-
tenir dans ses sinuosités.
A à kilomètres plus bas, une autre montagne plus
petite forme un jalon d'alignement pour les eaux du
rio Paraguay, qui, à 1 kilomètre de là, reçoivent, sur
la rive droite ou Occidentale» l'affluent important de la
jolie et puissante rivière du Juarù par les 16° 23' lat. S.
Cette dernière rivière n'a pas moins de &0 brasses ou
80 mètres de largeur à son embouchure.
Nous avons remonté la jolie rivière du Jaurù à une
distance de 30 kilomètres jusqu'au poste brésilien
appelé das Onças (des tigres), sans trouver d'autres
difficultés que : l°le peu de fond pour les embarcations
plus fortes que les grands canots du pays, et 2"" le
nombre de gros arbres tombés qui barrent le passage
ou embarrassent par leurs branchages la navigation*
La rivière Jaurù a son origine dans les plaines des
Parecis par les ibf A2' lat. S. Ces plaines terminent la
chaîne de montagnes de même nom. La rivière suit la
dhrection S. et vers les ib'' A 5', elle est traversée par
la route de Cuyabà à Mato^Grosso et à la frontière de
Bolivie* C'est à ce point de section qu'est placé le
registre ou ancienne douane du Jaurù.
i
( 263 )
A 16 kilomètres plus loin le Jâurù reçoit sur la rive
droite les eaux de la petite rivière Agoapehy qui des-
cend des montagnes du même nom. Enfin , après un
cours de 150 kilomètres» le Jaurû verse ses eaux dans
le rio Paraguay par les 16''23'.
Un peu au-dessous de cette embouchure, on ren-
contre au sein des eaux du Paraguay une île qui a
1 kilomètre de long sur 500 mètres de large.
C'est vers Tembouchure du Jaurû à 1 kilomètre sur
la rive droite, que fut placée en 1764, en vertu du
traité de 1750, une pierre monumentale limitrophe
entre le Brésil et la Bolivie, ou plutôt entre le Portu-
gal et l'Espagne.
Depuis l'embouchure du Jaurù jusqu'à l'Escalvado,
la rivière Paraguay suit la direction sud, en inclinant
sud-est par de petites sinuosités. Elle est large, mais
peu profonde et entrecoupée d'îlots nombreux, debancs
de sable et de blocs pierreux ; nous avons mentionné
ces écueils dans notre carte.
Le sol de la rive gauche du Paraguay est alors mon-
tagneux, entrecoupé de bas-fonds ou de plaines de peu
d'étendue^ et il se termine en différents endroits par
une élévation verticale qui porte le nom de barranco
vermelho à cause de la couleur du terrain.
La rive droite, au contraire, aussi loin que la vue
peut s'étendre, est plane, horizontale. A peine si dans
le lomtain on peut y remarquer quelques légères on-
dulations du sol.
Cependant nous devons dire que tout ce pays est
assez élevé pour être à l'abri des inondations, quelle
que soit leur intensité.
( 284 )
A lÔ kilomètres du Marco du Jauni, la rivière Para-
guay est bordée, rive droite, par une montagne de
moyenne élévaUoD, le Morro pelado. Cette montagne
est la pointe culminante nord d'une série de collines
ou de rideaux montagneux qui courent en s' abaissant
jusqu'au bord de la rivière.
2 kilomètres au-deasous par les 16' iO' lat. S, existe
l'endroit désigné sous le nom Escahado, parce que cette
montagne, presque exclusivement calaùre, est dégarnie
de toute terre de végétation. Ces collines nombreuses
constituent l'extrémité sud de la petite Cordillère qui
garnit la rive gauche de la rivière Paraguay.
On a voulu à une autre époque ériger une forteresse
en ce point, il n'en reste plus aujourd'hui que quel-
ques fondements mal achevés.
Près de là, est l'ouverture de la bwe dite des Boro-
ros, de h kilomètres de longueur est-nord-est, où les
Indiens Bororos de la campagne qui ont leur aldéa à
5 kilomètres dans l'intérieur, ont coutume de venir
construire leurs canots à l'aide du feu seul.
Les Indiens Bororos de la campagne au nombre de 2
à 3000, sont doux et pacifiques. Ils vivent de la chasse,
de la pêche et trafiquent des produits de la culture de
maïs, de mandioque, de coton, etc., dont ils conser-
vent une partie pour leur entretien, et vendent le reste
à la ville. Us s'adonnent fort peu à l'élève des bestiaux.
Ils ■ sont très habiles à tresser des hamacs avec le coton
qu'ils ont filé. Ils se mettent volontiers en rapport avec
les habitants du voisinage. Plusieurs connaissent la
ilienne ou portugaise, qu'ils parlent dans
xe avec les nationaux auxquels ils rendent
( 265 )
de très grands services, sans qu'on ait songé à en tirer
tout le parti qu'ils sont susceptibles de rendre.
Non loin de là , et sur le territoire bolivien , on
trouve une autre aldéa fort nombreuse de la même na*-
tion Bororos» au lieu appelé Formoso ou Hermoso, d'où
ils ont chassé les Brésiliens qui en furent les premiers
occupants. En 18i6, le gouvernement de la province
de Mato-Grosso établit près du Formoso un poste mili-
taire qui existe encore, sous le nom de Gorija, qui a
remplacé la désignation primitive de Escalvado pour
qu'on ne confondit pas deux points essentiellement
distincts, éloignés de 10 kilomètres et situés sur des
rives opposées.
A 1 kilomètre de Formoso, dans la direction nord-
ést, une colline assez élevée longe la rivière. Si Ton
monte à son sommet, on aperçoit au nord le rideau
de collines qui s'étend le long du Paraguay à l'ouest-
Dord-ouest depuis Escalvado jusqu'à» Morro-Alegre
est-nord* est, montagne située a 3 kilomètres du fleuve.
Du haut de cette montagne, en suivant la direction
est-nord-est, on voit se dérouler an terrain montagneux,
faisant face à la chaîne dont nous venons de parler.
Dans la direction sud apparaissent au loin les montai
gnes de Insua et de la Gaïba.
Le reste du pays est plat, et aussi loin quel a vue peut
s'étendre, on ne distingue aucune éminence, aussi bien
dans la direction du sud-est que dans celle du sud-
ouest.
Cette vaste plaine qui s'étend vers T ouest à plusieurs
kilomètres jusqu'aux confins delà Bolivie, présente
une étendue plus considérable encore, vers Test, où
I. AYBU.. 2 ^ 19
( 266 )
«Ue se porte jusque par delà les pUdues qui bordent
la rivière Saa-Loureuço dans une superficie de plus^de
200 Iddomètres, recouverte par rinondation périodique
de l'année. Ces crues déterminent le débordement du
Paraguay et de tous ses affluents y compris le rio San*^
Lourenço et son principal tributaire, le rio Cuyaba.
C'est à cause de ces inondations que ces parages
furent très improprement désignés sous le nom de lac
Xereys que lui donna A2ara4 nom qui est tiré de celui
d'une nation d'Indiens qui existèrent jadis dans le voi«
sinage est, mais qui a complètement disparu aujour-^
d'buL L'expression de lacconservée par les géographes,
qui se sont copiés les uns les autres, ne lui appartient
donc pas. C'est comme si l'on appelait du nom de lac
les terres qui sont inondées par le Nil.
La contrée dont je parle présente en effet à l'époque
des grands débordements, l'aspect d'un immense lac
parsemé de nombreux bancs de terre et d'îles couverts
de bouqta^ts d'arbres et de fleurs^ et de massifs de
verdures qui surnagent sur cette immense nappe
d'eau. Cette végétation terrestre est un témoignage
ioertain que la présence des eaux n'y est qu'acci-
dentelle et seulement le résultat du dâ)ordement des
rivièrest
Ce débordement des eaux sur les terres voisines di-
minue la vitesse du courant principal; et souvent il est
fort difficile au moment de la pleine itioûdatioâ de
distinguer l'endroit où passe le lit principal de la 11-
f iëre< Cela devient quelquefois d'autant pins impos-
iible que ee lit lui-^mème s'obstrue de sable et ûbange
4le place» souvent à grande distanoe« De sorMqtlè )è lit
delaririëre, cette année, peut n'être plus celui de Tan*
née précédente. Des îles flottantes avec de grands ar-
bres qui voyagent tout debout ou tombés, des masses
de plantes aquatiques, surtout les agoapés, forment un
remarquable assemblage qui suffit pour changer le lit
de la rivière.
Les commissaires de la démarcation des limites rap-
portent qu'en 1787, l'inondation de chacun de ces
parages n'avait pas moins de 2 brasses ou h mètres de
fond, et ils pensent que, même dans les plus grandes
' sécheresses, les eaux atteignaient encore 5 ou 6 palmes,
1 à 1 mètre l/ô. Leur appréciation pouvait être exacte
pour l'époque des inondations, mais elle est assurément
erronée pour la période de l'année, environ six mois,
où le pays est complètement à sec et couvert partout
d'une luxuriante végétation ; je note même que le
manque d'eau s'y fait souvent sentir.
n est survenu plusieurs fois, à la vérité, des inonda-
tions si répétées, que les eaux ne pouvaient avoir dans
l'année leur écoulement ordinaire, mais ces cas sont
rares, et une seule fais lious en avons été témoins. Les
ecHnmissalres de 1786 ont donc pu se tromper, en pre-
tiant cette étendue de pays pour un lac. Gepeddaût,
les renseignements recueillis et la présence de la végé-
tetian terrestre que j'ai signalée, tous ces indices au-
raient dû changer leur appréciation, et leur démotitrér
Terreur dans laquelle ils sont tombés inconsidéré^
ment.
Ce phénomène d'une inondation pour ainsi dire
permanente qui^ en 1786^ dévoya les commissaires de
âémafeslita, s'est renouvelé en 183S et en 1861, et
( 268 )
coaime on voit, il est accidentel, comme tous les phé-
nomènes consécutifs.
D'ordinaire Félévation ne dépasse pas S mètres,
et très souvent même elle n'atteint pas cette hau-
teur. Il y a des années où la rivière sort à peine de
son lit et couvre seulement les parties basses du voi-
sinage.
Pour être exact, il convient d'ajouter que, en pleine
saison sèche, on rencontre dans les bas-fonds des la-
gunes, des baies d'écoulement où l'eau est stagnante,
communiquant de l'une à l'autre ou avec la rivière,
par des ruisseaux qu'on désigne sous le nom de corijas.
Ces ruisseaux servent en quelque sorte de canaux d'é-
coulement des eaux, qui suintent des marais et se dé-
versent dans la rivière. Parfois ces canaux disparaissent
sous le sol> tandis que d'autres fois ils ont une largeur
considérable.
Les bords de la rivière, souvent coupés par les ou-
vertures de baies d'écoulement, ont de2 à & mètres
d'élévation, tandis que, dans quelques endroits, ces
rives se nivellent pour ainsi dire avec l'eau de la ri-
vière ; d'autres fois, les bandes de terres élevées qui
retiennent une partie de l'eau dans son lit naturel,
n'ont que quelques mètres de largeur, formant tle, se
continuent ainsi durant plusieurs kilomètres, avant
de se déprimer totalement, pour faire place aux ter-
rains bas et marécageux.
La végétation de ces terrains bas est très riche en
divers genres de graminées ; ainsi le riz y pousse vite
et très bien ; il donne d'immenses résultats.
11 y a, en outre, de temps en temps, des forêts d'arlH^s
( 209 )
I, parmi lesquels apparaissent souvent de très
palmiers.
^kilomètres au-dessous du Formoso, la rivière
quitte son lit principal, se divise pour former
une pei« île, qui, par l'aspect qu'elle présente, a reçu
lé nom oHnois bouches, Très boccas, nom qui se répète
souvent. AUt principal court vers la droite, et en le
descendant^p rencontre à 7 kilomètres, quatre bas-
fonds de saA. mesurant en temps de sécheresse
0,60 centimèiB à peine.
A une distanm de 11' kilomètres, se voit sur la rive
gauche une rivil^très étroite, rio Fur ado, navigable
canots du pays.
1- dessous de l'embouchure de cette
sur la même rive gauche l'autre
^ons vue se détacher de la rivière
^mètres au-dessous de cette jonc-
ide branche généralement étroite
*ofonde, qui, à 20 kilomètres de sa
lUe-mème en deux autres branches,
}e réunissent au lit principal, après
ilomètres ; la rivière forme par con-
toutes les deux basses, unies, sujettes
largeur moyenne de l'une et l'autre
est de 3 kilomètres. La première a
le long dans la direction est-sud-est,
^6 kilomètres dans le sens sud-sud-est.
^s commissaires des limites ne font aucune
assez avant pour
A 8 kilomètres
dernière, débouché
portion que nous
principale, et à 9
tion existe une secj
et relativement trè^
formation, sedivis]
qui l'une et l'auti
un parcours de
séquent deux 11(
à l'inondation,
de ces deux
13 kUomètr^
et la secoi
Azara
mention^vces lies, qui étaient probablement entière-
ment c^Vertes d'eau etfaisaient, sans doute» partie de
leur ^Rendu lac, quand ils passèrent pat* là. Méan-
moinsf ils disent que 60 kilomètres au«deseouB de iih
calvado, ils passèrent par une voie qui leur permit de
rentrer dans la rivière par la rive gauche , à laquelle
ils donnent le nom de rio novo et qu'ils font figurer
sur leur, carte.
Nous sonmies porté à croire, par des preuves posi-»
tives, que la rivière dont parle Asara n'est autre que
le rameau inférieur du bras oriental dont nous venons
de parler et qui sépare une lie de l'autre* Notre asser*
tion ne détruit pas complètement celle d'Azara, mais
elle la modifie considérablement» d'autant plus qu'au-
dessus de la bifui*cation du même bras oriental on
entre par la rive gauche, dans un lac, dans de nom-
breuses baies d'écoulement et dans des terrains maré-
cageux coupés de nombreuses petites rivières, qui nais*
sent de la partie de la chaîne de montagnes que nous
avons déjà mentionnées.
A 3 kilomètres au-dessous de la seconde île, se ren*
contre sur la rive gauche de la rivière Paraguay une
élévation de peu d'extension, bien que les plus hautes
inondations ne puissent l'atteindre. Ce lieu pa s'étendre dans
la érection nord-ouest à une distance si considérable
qu'on croit que ce lac n'a pas de limites. En effet, étant
( 279 )
limité dans cette direction par des terrains bas, planes,
couverts de riz et autres graminées, la couleur et le
peu d'élévation de ces plantes ne laisse pas distinguer
la ligne de démarcation entre le lac et le sol. On aper-
çoit un horizon uni et si étendu qu'on croit voir une
mer sans fin, entrecoupée à peine par quelques îles, qui
sont les bouquets d*arbres existant sur la terre ferme.
L'illusion est aussi grande et aussi complète que pos-
sible ; néanmoins elle ne tarde pas à disparaître après
quelques kilomètres de navigation vers cette direction
nord-ouest, car alors on distingue les arborescences,
qui, de toute part, entourent Teau claire du lac : nous
avons tracé cette démarcation sur notre carte.
Je ne crois pas hors de propos de transcrire ici l'ex-
trait du rapport adressé à M. le Ministre de l'instruc-
tion publique en France, par M. le comte de Gastelnau,
lorsqu'il visita ces parages en 18â6.
« Dans l'après-midi, nous arrivâmes tout à coup à
l'entrée du grand lac Uberaba. Rien ne peut décrire la
magnificence du pays qui se déroule devant nos yeux*
La riche végétation qui couvre les rives inondées de
la rivière cesse tout à coup, et une vaste mer sans fin
apparaît à notre vue. Une île inunense se montre de-
vant nous, mais derrière elle, on ne voit plus rien
qu'un immense océan dont ^horizon se perd dans le
bleu azuré des cieux. »
M. Leverger fait observer avec raison que cette lie
supposée n'est autre chose qu'une illusion d'optique ;
car ce n'est en effet ici qu'un bouquet d'arbres existant
sur la terre ferme, et qui de loin semble sortir du sein
de l'eau*
( 280 )
■ Contre mon gré, continue M. deCasteInau, oenob-
atant meq prières et mes menaces, les Indiens refusè-
rent obstinément de nous servir de guide au travers
du lac, qui, dissent-ils, n'avait pas de limites. Car
l'und'eiiz l'avait navigué plus de trois jours^ et n'était
pfts parvenu à en apercevoir l'extrémité, ce qui leur
fait supposer que ce lac a au moins 100 ou 120 kilo-
mètres d'étendue. »
F là été plus heureux, car j'ù pu obtenir des Guatos
qui habitent ces parages, que plusieurs d'entre eux
m'accompagnassent pour l'excursion et le lever dn
plan que j'ai fait de ce lac en 1852,
« La direction de cette grande masse d'eau, -a|oiite
H. de Castelnau, est vers l'ouest; les Indiens la crai-
gnent beaucoup et avec d'autant plus de raison, selon
eux, que c'est par U que se manifestent les horribles
tempêtes, qui, fréquemment, agitent ces parages et
auxquelles ils donnent le nom de torriguibaco. a
Les commissaires des démarcations de limites eza>
minèrent ce lac en 1786 ; ils lui donnèrent une forme
presque circulaire, en lui assignant une (ùrconférraice
de 8 kilomètres.
Je ne doute pas qu'on ne puisse naviguer dtes l'é-
tendue que lui ont assignée les ctHumissûres, surtout
quand il y a une aussi grande crue comme l'année oli
ils visitèrent ces contrées, dont tous les terrùns inoD-
■*'" '*"'int couverts de 2 mètres d'eau au moins.
noins, les mêmes ccHomissûres rapportent qoe
navigation qu'ils firent du nord à l'ouest et
lu sud à l'est, ils aviuent l'eau claire à leur
Bt l'eau remplie d'herbages à leur droite, $ ces
( 281 )
explications sont exax^tes, il y a lieu de penser que le
lac s'est considérablement diminué dans ses propor-*
Uons.
La ligne ponctuée sur notre carte marque la limite
de Teau claire. On la voit par des lignes très irrégu-
liëres en circonférence, et elles n'ont pas plus de 6 kilo-
mètres dans leur plus grande dimension, et 3 ou h ki-
lomètres dans leur plus petite .
M. Leverger, traversant le lac du nord au sud, à
l'époque où les eaux étaient encore hautes, n'a pas
trouvé plus de 1",60 de profondeur. C'est à peu près
ce que j'ai eu en 1852. Aussi croyons-nous que lors de
la sécheresse, la plus grande profondeur du lac ne
dépasse pas 1 mètre.
On aperçoit quelques courants d'eau claire ou très
peu obstrués qui pénètrent au travers des endroits
herbacés. J'ai voulu en faire la reconnaissance, il m'a
bientôt fallu y renoncer, par le manque d'eau suffisante,
pour y conduire un canot du pays. Cependant, ainsi
que nous l'a assuré M. Leverger, nous croyons qu'il
n'est pas impossible, dans le moment des grandes crues,
de pouvoir naviguer à de plus grandes distances, en
suivant les courants qui s'étendent sur les limites de la
Bolivie; car il est certain que les Boliviens pénètrent
dans ce lac avec leurs canots*
Les courants qui viennent du nord et du nord-est se
dirigent des terrains bas vers la baie, alors son eau est
dune couleur noirâtre et désagréable au goût, au point
de n'être point potable. Les courants qui viennent du
sud-ouest emportent, au contraire, les eaux de la baie
vers les terrsdns adjacents. Ces eaux sont très potables.
I. AVRIL. 3. 19
(282)
Vers la partie orientale de l'Uberaba, il existe quel-
ques collioes et plusieurs terrains élevés, qui sont cou-
verts de forêts vierges des plus splendides, et qui tous
formeraient des habitations délicieuses, pouvant être
facilement utilisées par Vbomme laborieux, qui» y trou-
vera une prodigieuse richesse* de végétation*
Quant à ce qui tieût à la crue des eaux, vers la partie
supérieure de la rivière Paraguay, ordinairement elle
se manifeste aussitôt après les premières pluies de fin
octobre ou commencement de novembre. Cette crue va
en augmentant jusqu'en mars ou avril, et déjà en juin
ou juillet la rivière est descendue à son bas niveau.
Vers la région des marais» c'estrà-dire depuis Escal-
vado jusqu'à Goïmbra, et au-dessous, les crues sont
plus tardives surtout dans les lacs Uberaba et G^a
dont les eaux continuent à s'accroître par le fait de
Técoulement des marais et des plaines voisines, de sorte
que c'est en juin que ces deux lacs ont atteint leur
plus grande hauteur.
Les seules nations indigènes que Ton rencontre
durant toute la navigation de ces deux lacs et de la
rivière qui les avoisine, sont les Bororos et les Guatos.
iiCS uns et les autres ne doivent causer aucune inquié-
tude au voyageur.
Pour ce qui est des Bororos, nous en avons parlé
autre part ; disons seulement qu'ils seraient facilement
appelés à une sorte de civilisation.
Pour les Guatos, comme ils habitent plus volontiers
le S. Lourenço et le bas Guyaba, il n'y a pas encore
lieu de nous occuper de ces indigènes, disons seole-
, ment que les Guatos aiment à rencontrer des voyageurs.
( 283 )
îte les aecoi)i|Mi^6nt des journées entières, chacun
monté sur un élégant petit canot et suivi de ses nom-
breuses femmes, qui conduisent elles aussi leur élégante
petite embarcatioD. Ils harcèlent les voyageurs de de-
mandes et de suppliques. Cela forme durant plusieurs
jours une nombreuse escadrille autour du voyageur
qui ne s'en sépare qu'au moyen de petits cadeaux» ta-
bac, sel, surtout eau-*de--vie, etc. , etc. Qu'on se figure
une nuée de ces mendiants qui autrefois assaillirent les
voyageurs d'une diligence à quelque relais de poste
mal servi, pour les accompagner, aussi loin que leur
permett^ent leurs poumons et leurs jambes.
A quelques kilomètres du bras de déversement de la
rivière Paraguay dans le lac Uberaba, arrivent sur la
rive gauche les nombreuses bouches de la très impor-
tante rivière de S. Lourenço, par les 17^* 60' lat. S.
{Ln suite prochainement.)
tav««««M*«*«.>^>«Wa>i^
LA CIVILISATION JAPONAISE (1) ,
»Aft LÉOH Dl ROtMT*
L'origine de la civilisation japonaise remonte à des
temps antérieurs de plus de six siècles à l'ère chré-
tienne. Avant cette époque, les seules données histo-
riques que Ton ait pu recueillir jusqu'à présent nous
dépeignent les insulaires du Nippon dans une sorM
d'état sauvage^ où ils n'avaient d'autre occupation que
(i) Lu à la Société d^ ^éofrai^liie.
( 28i )
de pourvoir à leur existence matérielle. Des antres
creusés en terre ou des huttes construites de bran-
ebage et de chaume étaient leurs seules habitations ;
des fourrures, des feuilles d'arbres ou quelques tissus
ligneux leur fournissaient de quoi se vêtir. Groupés
par tribus et par familles, là où les conditions du
terrain répondaient le mieux à leurs besoins, ils con-
fiaient aux plus âgés la suprématie judiciaire et reli-
gieuse. Les vieillards remplissaient, en outre, an rôle
considérable au sein de ces populations primitives :
ils étaient les dépositaires vénérés de la science et de
l'histoire nationale qu'ils enseignaient à la jeunesse, et
dont ils transmettaient d'âge en âge le souvenir à
l'aide de cordelettes nouées ou de bois entaillés d'une
manière conventionnelle (1). Ceux qui avaient acquis le
plus de connaissances étaient révérés à un haut degré,
et on les adorait, après leur mort, sous le nom de kami
ou génies.
Vers le milieu du vu* siècle avant notre ère, parut
un de ces hommes supérieurs qui, se rattachant à la
race auguste des douze grands dieux primitifs du Japon,
gagna la confiance des tribus et parvint à fonder sur
elles les bases de la monarchie japonaise. Cet homme,
nommé Iva-Fiko-no-Mikoto, et désigné communé-
ment dans les historiens sous le nom Zin-mou (2),
(i) Les cordelettes nouées étaient usitées comme moyen mnémo-
nique et^ Jusqu^à un certain point, comme une sorte d*écrîtore, chez
plusieurs nations primiti?es, notamment chez les Chinois, chez les
Tibétains, et, dans le Nouveau-Monde, chez les anciens PéruTiens qui
les désignaient sous le nom de « Quippos »•
(3) Zin-moUf signiâe en chinois « le divin guerrier ».
( 285 )
Doos apparaît comme un de ces grands civilisateurs
qui, puissants par l'énergie et la constance de leur vo-
lonté, parviennent à assujettir les peuples à un nouveau
mode d'existence, et à les dominer en leur faisant
entrevoir un avenir plus lai^e ou tout au moins plus
raffiné.
Quelle qu'ait pu être l'impulsion progressive que
donna Zin-mou à la nation japonaise, on peut toujours
affirmer que sous son règne la civilisation sortît à
peine de son état rudimentaire. On doit cependant à
ce prince d'avoir institué le calendrier et d'avoir fondé
la chronologie indigène ; on lui est en outre redevable
des premiers codes de sa nation.
Zin-mou, suivant quelques savants (1), serait venu
de Chine à la tête de plusieurs familles d'émigrés, lors
des troubles qui agitèrent le Céleste-Empire, sous la
mémorable dynastie des Tcheou. Cette opinion, toute
hypothétique, est loin d'avoir été prouvée d'une ma-
nière satisfaisante, et les difficultés qui surgissent à
rencontre laisseront sans doute longtemps encore la
question indécise. Tout ce qu'il est possible d'établir,
c'est que la civilisation japonaise, dont Zin-mou doit
être considéré comme le plus ancien promotjçur, eut
une marche nettement tracée dans la direction du sud
au nord ; que les provinces septentrionales du Japon
étaient encore occupées, aux premiers siècles de notre
ère, par une race qu'on serait tenté de croire incivili-
(I) Ktaproth, dans le Journal amtique^ t. HI, 1S29, p. 23 ; dang
1m Mémoires des missionnaires de Péking^ l. H, p. 497. — Voy. ceperi-
dant Hawks, Narrative of the Eacpedition ofan American squadron to
ihe China seas and Japan. lotroduction, sect. II. N
(286)
sâbte, et qui différait peu ou même se confondait avec
des peuplades à demi sauvages que nous désignons
aujourd'hui sous le nom d'AIno; que Zin«-mon, sui-
vant certains auteurs japonais, serait venu des tles
Lou-tchon, on du moins que la mère de ce prince aurait
été fille du souverain de ces îles ; qu'enfin récriture
que les Chinois connurent de toute antiquité et qu'ils
répandirent partout où ils vinrent fonder des établi»*
sements, ne fut introduite au Japon (1) que plus de
neuf siècles après la fondation de la monarchie par
l'empereur Zin-mou.
Une légende, dont on est en droit de suspecter l'au-
thenticité bien qu'elle soit reproduite par plusieuni
historiens chinois et japonais (2), rapporte que, vers
Fan 209 avant J.-C, l'empereur de Chine, Tsin-<-
chi-Hoang*ti, l'incendiaire des livres et le coni^ruc*
teur de la Grande muraille, envoya dans les lies de la
mer orientale une troupe de jeunes gens des deux
sexes pour en rapporter le breuvage de l'immortalité*
Cette expédition qui ne revint plus (3) , passe pour
avoir introduit chez les Japonais les sciences et les
lurts de la Chine, qu'ils ignmou au pontificat suprême d'un des plus fameux
empires de l'Extrême-Orient.
Sous la puissance souveraine du mikado, et comme
une conséquence naturelle de la religion des Kami, le
moyen âge japonais a vu se constituer une formidable
aristocratie qui, après avoir répandu les institutions
féodales dans tout l'empire, menaça plusieurs fois de
le démembrer et même d'en engloutir les fondements
dans le gouffre sans cesse élargi des rivalités et des
dissensions intestines. En même temps, à côté de 1* édi-
fice déjà caduc des souverains de Myako, les séogoun
ou lieutenants militaires, empiétant chaque jour davan-
(1) Le peuple japonais établit une certaine corrélation d'idées entre
les douze épouses principales du Mikado et les douze signes du zodiaque.
( 305 )
•tage sur les attributions impériales, venaient constituer
à Yédo un autre palais qui devait signaler le déclin
rapide et la chute du pouvoir eflTectif des mikado.
Les séo-gouns sont parvenus à concentrer entre leurs
mains les rênes du gouvernement japonais, à peu près
comme les maires du palais de nos Mérovingiens sont
arrivés à supplanter la famille des rois fainéants. Les
privilèges accordés par l'empereur Toba II (1) peuvent
lètre envisagés au rang des premières causes de TafTai-
blissement des mikado. La faiblesse des princes qui
ont succédé à Toba II d'une part, et Tintelligente acti-
vité des séo-goun de la famille de Yori-tomo (2)
d'autre part, ont achevé de réduire à Tétat de fantôme
les souverains de Myako, et à élever à l'ombre fugitive
des successeurs de Zin-mou, l'autocratie temporelle
des lieutenants-impériaux ou séo-goun. Une seconde
cour a été établie à Yédo, et tous les princes et
seigneurs féodaux de l'empire, successivement assu-
jettis au nouvel ordre de chose, ont été contraints
d'envoyer à la capitale du Nord des otages de nature à
répondre de leur fidélité au taï-koun. Appauvris et
désarmés par la politique souvent machiavélique et
toujours inflexible des lieutenants-impériaux, les princes
japonais ont vu leurs fiefs prêts à échapper de leurs
mains dans lesquelles ils n'étaient plus désormais
qu'une charge pesante et plus dangereuse que pro-
ductive.
A l'époque actuelle, une autre puissance tend à se
(1) Bègne de 1184 à 1198 de uotre ère.
(2) La dynastie actuelle des Séo-goun ou Taï-koun remonte à Tannée
1 186 et commence avec le gouvernement de Mina-moto-no-yori- lomo.
( S06 )
conatituer sur un troisième plao, au sein de rempire.
Fatigué à son tour des préoccupations du gouverne-
ment et de la politique étrangère dont les innom-
brables ressorts se compliquent de jour en jour, le
Tai-koun a trouvé bon de se reposer sur un ministre
héréditaire des principaux soins de l'État. C'est à un
haut personnage revêtu de ce titre que les Européens
doivent, depuis quelques années, les nombreuses ré-
formes libérales qui ont signalé l'ouverture du iapau
11 règne encore trop d'obscurité sur la véritable in-
fluence que possède ce ministre suprême sur les affaires
de l'empire, pour qu'il soit possible d'en parler avec
détails ; tout ce qu'on peut rapporter, d'après les der-
niers renseignements, c'est qu'il existe aujourd'hui
dans le Nippon une troisième dynastie de hauts fonc-
tionnaires qui, sous le titre de Go-taï-m^ administrent
l'État et règlent les rapports qu'il est appelé à établir
avec les puissances amies. Il semble enfin résulter des
derniers événements de Yédo, que le Go-taï-ro repré-
sente au Japon l'élément libéral, ou du moins le parti
qui est le plus favorable à l'alliance européenne.
Léon de Rosny.
{La suite prochainement)
( «07)
Analyses, Rapporte, ete.
LE FLEUVE AMOUR
BI8T0IRE, GÉOGRAPHIE, ETHNOGRAPHIE,
PAB G. DE SABIB,
Membre de la Société de géograpbto de Paris.
4 vol. ixi*4", avec .des vignettes et une carte. 4 864 .
ANALYSE PAR M. ALBERT-MONTÉIIONT,
Membre de la GommiMion centrale*
Cet ouvrage^ dont nous allons présenter une rapide
esquisse, est le premier travail qui ait paru en France,
sur la vaste contrée de T Amour, définitivement ac-
quise à la Russie, depuis le traité conclu le 16 mai
1858, entre les délégués des deux empires moscovite
et chinois.
L'auteur a divisé son livre en six parties, compre-
nant les campagnes des Cosaques sur l'Amour, au
XVII* siècle ; l'histoire de Tacquistion de ce fleuve par
là Russie ; la description du fleuve lui-même et de ses
peuplades riveraines ; un voyage d'exploration ; puis
l'indication de monuments chinois découverts sur les
rives ou les environs de l'Amour ; enfin le catalogue
des plantes trouvées dans ces parages.
Au conunencement du xvf siècle, les Russes prirent
possession de la Sibérie orientale. Ils s'étendirent en-
suite jusqu'aux rivages de la mer d'Okhotsk, et sou-
( 308 )
mirent facilement toutes les peuplades indigènes. En
1632, ils élevèrent le fort d'Yakoutsk, au centre du
pays conquis. Vers le même temps, ils eurent la pre-
mière nouvelle de l'existence du fleuve Amour, par les
Cosaques aventuriers qui s'étaient abouchés avec les
Toungousses, ces indigènes leur ayant signalé au midi
une grande rivière nommée Mamour, déchargeant ses
eaux dans la mer. Ces derniers leur avaient aussi parlé
de la rivière Dsi ou Zéya, dont les riverains, adonnés
à l'agriculture, échangeaient avec eux du blé contre des
pelleteries. Dès ce moment eurent lieu diverses expé-
ditions qui allèrent à la recherche du fleuve mystérieux.
On l'atteignit d'abord par la Zéya, qui s'y réunit vers
50* 30' latitude nord et 128° longitude est. Ensuite,
des chasseurs de zibeline ayant pénétré jusqu'aux
sources de la rivière Aldan, afiluent de la Lena, firent
connaître que cette rivière Aldan venait du versant
nord des monts Stanovoî, dont le versant méridional
envoyait ses cours d'eau à la rivière Shilkar, où, dès
lors, on pouvait arriver en remontant l' Aldan et en
franchissant les montagnes : c'est ce qui fut exécuté
en 1644, et ce qui amena la découverte du fleuve
Amour, dont le cours entier ne devait être exploré que
six ans plus tard, sous la direction de l'aventureux et
hardi Khabarov. En 1681 furent jetés les fondements
d'une ville au confluent de la Zéya et de l'Amour. C'est
aujourd'hui la viUe de Blahovestchënsk , devenue le
chef-lieu de la province amourienne. La station d'Al-
basine, qui est la clef des possessions lusses sur
l'Amour, et qui a été trois fois détraite par les Chinois,
se trouve plus au nord-ouest par 53° 30' latitude et
( 30Q)
424'* 30' longitude est. Plus à l'ouest encore est Nert*
chinsk, où fut signé, en 1 689, le premier acte diplo-
matique intervenu entre la Chine et la Russie, et qui,
environ deux siècles après, devait produire celui de
Tien Tsin, du 1" juin 1858. Une année après le traité
de Nertchinsk, les Russes découvraient le Kamtchatka
et se mettaient, en 1710, en relations directes avec les
îles Kouriles et Tempire du Japon.
La difficulté des communications entre Yakoutsk,
capitale de la Sibérie orientale, et le port d'Okhotsk,
sur la mer de ce nom, par un chemin à peine prati-
cable, à travers des bois et des marais, avait dû tout
naturellement ramener les Russes à la question du
fleuve Amour, lequel offrait, au contraire, la possibilité
de diriger les provisions directement de Nertchinsk à
Okhotsk, d'une manière facile et à peu de frais. Aussi,
dès 1847, une nouvelle ère apparaît pour l'Amour,
sous l'inspiration du général Mouraviev. Le grand
fleuve, pour ainsi dire fermé pendant des siècles, s'est
vu enfin ouvert aux investigations de la science, et le
gouvernement moscovite en a profité pour se mettre en
rapport avec la colonie d'Okhotsk, la Manche de Tar-
tarie et le Kamtchatka. Aussitôt également s'est élevée
aux bouches nord de l'Amour, la ville de Nicolaïevsk;,
devenue la résidence du gouvenieur général des
Bouches-de-l' Amour , et la nouvelle factorerie de la
compagnie russe-américaine ; et, en 1853, le premier
bâtiment de guerre moscovite est entré dans le fleuve
Amour, dont le traité définitif, échangé à Péking, le
14 novembre 1860, a garanti l'entière possession à la
Russie, puissance qui a en même temps acquis le droit
( SIO )
d'établir à ses frais un serviee postal de Kiakhta à
Péking.
Après cet historique préliminaire nous arrivons à la
partie purement géographique de l'intéressant travail
de H. de SaUr, c'est-à-dire au fleuve Amour et à ses
riverains.
Gomme le dit avec raison l'auteur, le fleuve Amour
est un des plus considérables de l'Asie orientale. Les
Chinois le désignent sous le nom de Khehloun-Tsian ;
les Mantchonx sous celui de Sakhalien-Oula ^ et led
Mongols l'appellent Kam-Mourène. Ces trois dénomi-
nations reviennent à celle de ni^lère noire. Les indi-
gènes donnent à son cours supérieur le nom de Shilkar^
et celui de Mamou ou Mankou au cours inférieur.
Lorsque les Russes le découvrirent, au xvii* siècle, ils
le nommèrent Mamowr^ puis Shilkar.
Poyarkov, le premier qui ait navigué sur l'Amour,
depuis sa jonction avec la Zéya jusqu'à son embou-
chure, donne au fleuve trois noms distincts : celui de
Shilkar^ jusqn'à sa réunion avec le Soungari, qu'il
appelle Shoungal ; celui de Shoungal^ jusqu'à son con-
fluent avec rOussouri, qu'il nomme Amour; et enfin
Amour, depuis là jusqu'à la mer. Khabarov donne au
cours entier du fleuve le nom S!Amow\ qui signifie
grande eau.
On considère comme la source de l'Amour, la rivière
mère appelée Onone^ qui sort de l'extrémité nord-est
des monts Kantaï, et qui, après avoir traversé les
terres de la Mongolie, se réunit, par 48' 40' latitude
nord, 107» longitude est, à la rivière Ingoda^ pour for-
mer la Shilka ou Shilkar. Celle-ci, à son tour, joint
( 31i )
ses eaux à celles de XArgoune^ rivière sainte des
Mongols, à cause de Tchenkis-*Khan, qui naqait près
de sa source ; rivière dont le cours supérieur, qui part
des monts Kantaï, s'appelle Kerlon ou Ketvuloun; et
dès ce moment de jonction, le fleuve prend le nom
d' ^mour^ pour ne plus le quitter jusqu*à la mer.
Parmi les affluents les plus considérables de l'A-
mour, il faut citer en première ligne : à sa droite le
Soungari ou rivière de lait, qui vient des montagnes
blanches de la Chine ; et F Ossoun^ qui prend sa source
dans les monts Sikhota- Aline, en Mantchourie, et re-
çoit vingt-quatre^affluents. Les Chinois considèrent le
Soungari comme la véritable origine du grand fleuve ;
mais r Amour supérieur surpasse de beaucoup le cours
du Soungari. M. de Sabir accuse même un chiffre de
deux cents milles de plus en faveur de l'Amour.
Avant le Soungari et TOussouri, le fleuve Amour a
reçu, également à sa rive droite, la Koumara ou ATa-
mnra^ qui a un parcours de 800 kilomètres ; à sa rive
gauche il s'est accru de la Zéya^ qui conduisit les
Russes sur l'Amour, et de la Bout^ïa ou Niumane ,
deux affluents, au cours tellement rapide, qu'ils forcent
l'Amour à quitter sa direction orientale et à en pren-
dre une méridionale, à travers les mots Khin-Gan,
jusqu'à sa réunion au Soungari etàl'Oussouri, affluents
qui, tous deux successivement, l'obligent à leur tour
à couler vers le nord, pour franchir également d'autres
chaînes de montagnes.
Dans cette direction nord, TAmour reçoit encore
beaucoup d'autres affluents, notamment à sa gauche,
le Gorine, ligne de partage entre l'Amour central et le
(512)
bas Amour; et enfin YAmgoune^ peu loin de son em-
bouchure dans l'Océan, où il ne forme point de delta^
mais où ses eaux grossies par son dernier affluent,
l'Amgoune, s'avancent par un bras dans la Manche de
Tartarie, en ensablant le détroit Névelsky, par 58° lati-
tude nord et 1 iV longitude est.
En nous résumant sur le parcours entier du fleuve
Amour, nous lui trouvons une longueur totale de
4000 verstes ou 4270 kilomètres, ou environ 1200
lieues ; et, en y joignant le Kerouloun, nous aurons un
cours de 5950 verstes ou près de 1500 lieues. Avec le
Soungari on n'obtiendrait qu'une longueur totale de
3000 verstes.
Il nous reste à parler des riverains de l'Amour, dont
les principales peuplades, en partant du point de réu-
nion delà Shilka avec TArgoune, sont les Orotchones,
les Manègres, les Daouriens et les Birars, qui appar-
tiennent au bassin de l'Amour supérieur jusqu'à
l'Amour central ; les Gholdes et les Ssamghers, qui
peuplent les rives de l'Amour central ; enfin, lesMan-
gounes et les Ghiliakes, riverains du bas Amour (1).
Les Orotchones appartiennent à la grande famille
Toungousse, qui occupe une grande partie de l'Asie
(i) M. de Sabir fait coanattre que des écrivains russes divisent aussi
le fleuve Amour en trois parties : le cours supérieur, entre Oust-Strelka
et le versant nord-ouest des monts Khin-Gan ; TAmour central, depuis
ces dernières montagnes jusqu'à la rivière Gorine, et TAmour infé-
rieur depuis ce confluent jusqu'à l'embouchure du fleuve.
Le poste d^'Oust-Strelka est, pour le dire en passant» situé par
53** 19' lat. nord et 121° 50' long, est, sur la rive gauche de TAr-
goune, à son confluent avec la Shilka, qui prend dès-lors le nom
d'Amour.
( 318 )
orientale. Ils peuplent les rives de l'Amour depuis sa
source jusqu'à la Kourama, et s'étendent quelquefois
jusqu'à la Zéya. ils sont hospitaliers et ignorent le
vol ; la chasse et la pêche constituent leurs occupations
favorites ; les eaux du fleuve sont tellement poisson-
neuses qu'ils y font toujours une pèche abondante.
Les rennes et les chiens sont leurs seuls animaux
domestiques. Us ont pour habitations des yourtes co-
niques, faites de perches réunies au sommet et recou-
vertes d'écorce de bouleau. Leur religion est le cha-
manisme ; ils croient aux bons et aux mauvais esprits,
et ont un grand respect pour le cerveau de l'ours.
Les M a /tigres sont robustes et bien faits; mais leurs
femmes, en général, sont fort laides. Ils ne paraissent
sur les bords du fleuve que pour le temps de la pèche;
l'hiver venu ils se retirent au fond des bois. Ils aiment
les bracelets de verre, qu'ils reçoivent des Mantchoux.
Ils ont des bottes à grosses semelles en carton, et des
chapeaux en feutre noir ou gris. Les femmes portent
de longues robes et des colliers ; les jeunes fdles y
ajoutent une calotte d'étoffe. La viande et le poisson
constituent la principale nourriture des Manègres. Us
mangent sans dégoût le putois, le renard et le loup ;
mais, en hiver, ils se régalent de tranches de la viande
du renne, du cerf et de l'élan. Ils croient aux sorciers
et suivent le chamanisme. Un fait bizarre chez eux,
c'est qu'un Manègre ne dira jamais ni son nom ni celui
de son compatriote. La polygamie est permise ; mais il
faut que le Manègre qui veut se marier paie une rançon
à son futur beau-père.
Les Daouriens ont des demeures fixes le long de
I. AVRIL 5. 21
(S14)
l'AiiMMir. Ils portent le costame des Mantchoux^ c'est-
èrdire de longues robes par dessus lesquelles ils en-
dossent des vestes sans manche. Leur culte est un
mélange de chamanisme et de lamaïsme. Quand on
Mre an Daourien à boire, avant de vider le verre, il
y plonge le pouce et l'index, et, les retirant aussitôt,
il en fait tomber les gouttes qui y étaient attachées,
comme une ofirande aux dieux invisiUes.
Les Binirs vivent sur les rives de l'Amour supérieur,
avant que le fleuve perce le grand massif des monts
Khin-Gan. Ils ont une bonne physionomie, et leurs
femmes une figure agréable.
Au delà de la chaîne des monts Rhin-6an se pré-
sentent les Gkoldes^ jusqu'au confluent de la rivière
de Gorine ; ayant ainsi, d'un côté les Birars et de l'au-
tre les Mangounes. Os ont des mœurs patriarcales, sont
probes et confiants ; leurs maisons n'ont ni serrure ni
verroux. Chose biiarre, ils aiment les animaux sau-
vages, et tiennent dans des cages, renfermés séparé-
ment, des ours, des loups, des renards, des aigles,
des faucons. Du reste, leur unique industrie est la
chasse et la pêche. Ils ne possèdent ni bestiaux ni vo-
lailles, mais seulement des chiens et quelques chats.
Ds attellent les chiens par paire & de légers traîneaux,
ayant soin de laisser à l'avant un chien qui sert de
guide à la caravane entière et ne l'égaré jamais.
Près de la rivière Gorine se tiennent les Ssamghers^
peuplade encore très peu connue, qui vit de chasse et
de pêche.
Quant aux Mangounes^ ils sont plus essentiellement
riverains de l'Amour. Ils ont des habitations doubles,
( M6 )
c'est-à-dire des yourtes d'été et d'hiver : Tété venu,
ils arrivent près à^ fleuve, et, à l'approche de l'hiver,
ils retournent dans les bois. Us portent des bottines
en peaux de renne, d'élan ou de chien, le poil en dehors.
Ils sont voués au chamanismé.
Enfin les Gkiiiahes vivent aux bouches du fleuve
Amour, et passent une grande partie de leur existence
sur l'eau, constamment occupés de la pêche. Ils sont,
en général, très guerriers, et une de leurs coutumes
est la vengeance des familles outragées : le sang se
paie par le sang, même pour des causes futiles. Les
femmes n'ont aucune influence dans la maison, les en-
fants les renvoient sur le moindre prétexte et sans en-
courir aucun blâme. C'est un peuple encore inso-
ciable.
En résumé, l'ouvrage de M. de Sabir présenté avec
lucidité Tétat actuel de nos connaissances relative-
ment au fleuve Amour, et il sera lu avec fruit par les
amis de la science géographique.
AUERT-MONTEMOUT.
($16)
NOTE
SUR l'outrage de m. Léon godard,
ranruLi :
Description et histoire du Maroc.
Parmi les fsdts qni, dans les temps à venir, signale-
ront à l'attention du monde l'époque contemporaine,
on doit placer en première ligne cette sorte d*émulation
qui pousse les peuples civilisés, trop à l'étroit dans les
territoires limités que leur ont légués leurs ancêtres, à
répandre au loin la vie qui surabonde chez eux. L'Amé-
rique, l'Inde, la Chine, l'Australie, voient chaque jour
des colonies européennes se former sur leurs rivages ;
peu à peu les plaines immenses qu'elles recèlent se
couvrent de riches moissons et leurs produits trouvent
des débouchés sans cesse croissants; la civilisation,
fruit du commerce et de l'industrie des Européens, se
fdt sentir jusqu'au centre des continents qui parais-
saient, il y a peu de temps encore, les plus inaccessibles.
Pourquoi donc, au milieu de cette fièvre d'expansion,
les contrées les plus éloignées paraissent-elles le plus
en faveur lorsqu'il existe, à une distance relativement
très courte, des pays qui, par leur position politique
ou commerciale, par leur fertilité, par leur climat, offri-
raient, avec des produits à peu près identiques à ceux
des colonies les plus lointaines, ces ressources alimen-
taires qui sont devenues une nécessité pour les nations
européennes.
(317)
Nous voulons parler des contrées de l'Afrique sep-
tentrionale dans lesquelles la civilisation n*a pas encore
pénétré, et particulièrement du vaste empire du Maroc.
Depuis plusieurs siècles, ce grand État» quoique l'un
des plus avantageusement placés à tous les points de
vue, est resté le domaine de la barbarie. Bien que le
sol y soit d'une rare fécondité, il produit à peine la
centième partie de ce qu'on pourrait en attendre, si
une administration éclairée remplaçait un gouverne-
ment inepte, sans force pour réprimer l'anarchie. A
peu près comme le Japon, le Maroc s'est tenu en dehors
de tous les événements qui intéressaient les États voi-
sins; mais il n'avait pas comme lui cette vie intérieure
et régulière qui lui permet, encore aujourd'hui, de
rester étranger à la vie des autres peuples. Sous l'em-
pire de lois inqualifiables, les populations du Maroc
ont laissé s'éteindre ces germes d'industrie dont les
avait dotées la conquête arabe ; des droits de douane
exorbitants, des monopoles sans nombre, ont anéanti
leur commerce, et les Européens sont à peu près exclus
de toutes communications avec l'intérieur d'un pays
qui devrait être un des greniers de la France, de l'Es-
pagne et de l'Angleterre. A l'époque actuelle, la situa-
tion même du Maroc à l'entrée de la Méditerranée, la
plus grande artère commerciale du monde, ne lui per-
met pas de rester en dehors du mouvement général,
et, puisque son territoire est fertile, il doit contribuer,
pour sa part, au bien-être de l'humanité.
Poussé par ces considérations, nous avions cherché à
faire connaître, dans une courte Notice, l'état des con-
naissances géographiques que nous possédons sur cette
(S18 1
contrée, lorsque la commission centrale de la Sodété
de géographie Toulut bien nous charger de lui rendre
compte d'un ouvrage, en deux volumes, de M. Léon
Godard, chanoine honoraire d'Alger, professeur d'his--
toire et d'archéologie au grand séminaire de Langres,
intitulé : Description et histoire rfu Maroc, La partie
géographique de ce travail rentrait tellement dans le
cadre que nous nous étions tracé, que nous croyons
bien faire en présentant à la Société notre propre tra-
vail revu et corrigé, d'après l'œuvre de M. Godard.
La mise au jour de quelques passages, dans lesquels
M. Godard se trouve en contradiction avec d'autres
auteurs également recommandables, et celle des dé-
tails nouveaux que son travail peut contenir, nous pa-
raissent d'ailleurs la meilleure manière de faire con-
naître à la Société l'ouvrage dont elle a bien voulu
nous confier l'examen.
Le travail dont il s'agit n'est pas, du r^ste, la pre-
mière publication de M. Godard. Ce savant ecclésias-
tique fit paraître, au retour de son voyage au Maroc,
en 1858-59, dans le journal V jékhbar^ d'Alger, une
série d'articles, portant cette modeste dénomination :
le Maroc , notes cC un voyageur. CiCS articles furent
depuis réunis, et c'est du petit volume qu'ils forment,
que M. Vivien de Saint-Martin put dire : « Ici, le
contenu donne infiniment plus que ne promet l'éti-
quette. » M. Vivien continuait ainsi : « Hommes et
choses, Tauteur a vu dans le nord du Maroc, à peu
près tout ce qu'il est permis de voir à un Européen;
mais, de plus, il s'est beaucoup enquis, et il a ainsi
beaucoup appris. Gomme il s'est mêlé à toutes les
(510)
classes, il a recueilli sur tx)utes des informations neuves»
souvent piquantes, toujours instructives. » Ces notes
d'un voyageur ont été fondues dans la partie géograr-
phique du nouvel ouvrage du même auteur, et l'éloge
qu'en faisait naguère M. Vivien de Saint-Martin, on
peut, à juste titre, le répéter aujourd'hui où de
nouveaux documents augmentent encore l'intérêt de
l'oeuvre dont nous nous occupons. Quant à la partie
historique qui, dans l'ouvrage complet, forme plus
d'un volume, comme elle ne rentre pas dans les études
de notre Société, nous nous contenterons de la si*
gnaler comme une remarquable preuve d'érudition.
V.-A. Babbié du Bocage.
< >20 >
ni«aYellcs et oMUMnanleattons.
NOTE
SUR LE TÉLÉGRAPHE NORD-ATLANTIQOE.
L'insuccès de la pose du télégraphe transatlantique
entre l'Irlande et les États- Unis, loin d'avoir découragé
enAngleterre les promoteurs de cette entreprise, n'a
fait qu'activer les recherches nécessaires pour relier les
deux continents au moyen d'un fil électrique. Le prin-
cipal problème à résoudre était d'éviter des longs
parcours de 2500 à 3000 kilomètres au milieu desquels
chaque rupture du télégraphe était une difficulté nou-
velle apportée à l'exploitation de la ligne. Les dernières
explorations faites au pôle Nord, après avoir attiré la
curiosité scientifique, révélèrent l'utilité que l'on pou-
vait retirer de ces régions désolées ; le colondt Sfaaf-
fner appuya si vivement cette idée d'établir une ligne
télégraphique, par les tles Féroë, l'Islanle, le Groen-
land méridional et le Labrador, qu'il avait obtenu du
gouvernement anglais l'envoi, dès le milieu de l'année
dernière, de la corvette le Bulldogs sous le comman-
dement du capitaine M' Glintock, chargé d'exécuter des
sondages. Ce savant officier, rentré en Angleterre dès
les premiers jours de l'année 1861, vient de publier
un rapport aussi intéressant par le grand nombre de
faits observés que par les heureux résultats qu'il pro-
( 821 )
met. Nous ne pouvons donc mieux faire que de rap-
porter le résumé de son expédition, qu'il a donné au
sein de la Société géographique de Londres.
Le 1" juillet 1860, le gouvernement de Sa Majesté
expédia le navire le Bulldogs avec ordre de constater
la profondeur de l'Océan, la nature de son fond entre
les lies Féroë, l'Islande, le Groenland et la passe de
Hamilton sur la côte du Labrador. Bien que le but de
la visite du capitaine M'Glintock aux Féroë n'ait pas
été d'en relever les côtes» il ne put manquer d'observer
combien il serait facile d'organiser une communication
sous«marine et terrestre à travers l'île principale et
avec les autres îles du groupe. Près de Thorshavn il y
a très peu de baies offrant quelque sécurité pour un
câble. Le meilleur havre de l'île est Westmanshavn ; son
défaut capital, toutefois, est d'être situé dans un chenal
où le courant atteint une vitesse de près de 1 0 kilo-
mètres à l'heure. M. M'Glintock regarde l'ouverture
nord-ouest de ce chenal, du côté d'Haldervïg, comme
la place la plus favorable à l'immersion du fil élec-
trique. Le 6 juillet, le Bulldog quitta les Féroë, sonda
la côte sud-ouest de l'Islande vers Ingolfshofdi, sur
une distance de 280 milles, et trouva le fond à une
profondeur variant entre 300 et 600 brasses. Les
spécimens d'objets qui en proviennent sont surtout du
sable fin, de la vase ou des écailles brisées, mêlés
parfois à de menus débris volcaniques ; la température
de la mer, à 100 brasses au-dessous de la surface,
accusait une variation de &6 degrés avec celle de l'air.
Dans cette section de la ligne télégraphique, la pro-
fondeur des eaux est si faible que l'on pourrait immer-
( 322 )
ger facilement un câble entre les Férofi et Tlslande.
Le 11 juillet, M. M'Clintock atteignit Reikyavik, capitale
de l'Islande, séjourna trois jours, pour y revenir en
octobre, prolongeant sa visite du 19 au 28. D'après
ses informations, il conclut à l'impossibilité d'établir
la ligne électrique sur le rivage méridional à l'est de
Poriland, à cause de quelques grandes rivières qui
prennent naissance dans les glaciers et les montagnes
de l'intérieur de l'île. Ces cours d'eau grossissent au
printemps en charriant d'énormes glaçons, et sortent
de leurs lits : quant à la partie située au nord des
montagnes du centre, il n'y a pas à craindf^ la même
difficulté. Les côtes orientales et occidentales ne re-
çoivent pas plus de sept à huit fois par siècle des
glaces flottantes. De véritables montagnes de glace ne
s'y sont jamais rencontrées, en sorte que le câble sous-
marin pourrait reposer sans danger sur le fond de la
mer. Les levées topographiques récemment publiées
par le gouvernement danois, indiquent avec les plus
grands détails la nature de ces cOtes, ce qui aiderait
beaucoup à l'inspection des localités devant être tra*
versées par le télégraphe. Les raonts Hécla et le Ro-
tlugya dernièrement, ne sont que par moments en
état d'émptîon, les geysers et les sources bouillantes
sont nombreuses, et la mer elle-même n'est pas à
l'abri de semblables crises de la nature. Heureusement
pour la réussite de l'entreprise, que la ligne électrique
ne passera pas sur ce territoire si tourmenté et d'une
sécurité aussi douteuse. Après avoir contrôlé ces infor-
mations, M. M'Clintock se remit à compléter la ligne
de sondages entre Faxe-Bay et la côte sud-est du
( 828 )
«
Groenland. Les profondeurs qu'il trouva avaient, en
général, un caractère régulier avec un maximum de
i 572 brasses, quoique arrivé à 40 milles du Groen-
land ; elles décroissent de 806 à 228 brasses sur une
étendue de 8 milles 1/4 géographiques; le fond se
composait en grande partie de vase fine mêlée à de
menus détritus organiques qui, aux abords de Tlslande,
se combinaient avec une notable quantité de sable volca-
nique. Des circonstances indépendantes de sa volonté
empêchèrent M'Clintock de commencer ses sondages
avant le 18 août entre la côte sud-ouest du Groenland
et Hamilton Inlet sur celle du Labrador à une distance
de 550 milles. A cette époque le Groenland était en-
core bloqué par une telle accumulation de glaces, que
Ton n'en pouvait approcher qu'à 45 milles, la sonde
accusant en cet endroit 1175 brasses. Aux environs
d'Hamilton Inlet il trouva dans le milieu du chenal un
maximum de 2032 brasses suivant ime échelle de dé-
croissance jusqu'à 80 milles du Labrador, où la varia-
tion entre 900 et 150 brasses se faisait sentir sur un
espace de 7 à 8 milles. Dans ces régions, la compo-
sition du lit de r Océan consistait en vase renfermant
de légères parcelles de matières organiques, tandis que
la température moyenne avait à 100 brasses, 40 degrés
de plus qu'à la surftice. Sept jours entiers furent con-
sacrés à l'exploration de Hamilton Inlet, dont la lon-
gueur est de 120 milles et la largeur variant entre
15 milles et 1 demi-mille. Cette grande passe fut
rapidement explorée^ son chenal principal sondé de-
puis les Narrows jusqu'à sa sortie en mer, par M. Reed,
maître surveyor de la marine, qui s'acquitta avec soin
( 32&)
de sa mimoD. Toutefois ces sondages ne forent pas
soflSsants pour décider si l'immersion d'nn câble pou-
vait avoir lieu en cet endroit II fut donc nécessaire
de recourir à un examen scrupuleox qui démontra que
les eaux fort basses et les récifs qui semblent une
cause d'insuccès, pouvsdent non-seulement être évités,
mais encore protégeaient l'entrée de la passe contre
les montagnes de glaces flottantes. Les rivages de Ha-
milton Inlet sont accores, rocailleux, presque dépour-
vus de végétation à les voir de la mer ; mais à mesure
qu'on en approche, le niveau de la terre s'abaisse, les
ondulations sont adoucies et la verdure apparaît ; tout
le pays est couvert de pins et de bouleaux dont la
hauteur ne dépasse pas quarante pieds. M. M'Glintock
apprit que l'intérieur du pays était semblablement
boisé. Suivant l'opinion de M. Smith, agent de la com-
pagnie de la baie d'Hudson, qui descendit la rivière
nord-ouest jusqu'à son embouchure dans la passe, on
pourrait établir sans difficulté une ligne tél^aphique
par terre, depuis Hamilton Inlet jusqu'à Mingansurle
Saint-Laurent. Des Indiens vont fréquemment d'une
de ces localités à Tautre, qui ne sont pas à plas
de 260 milles de distance. Les étés quoique courts sont
chauds. Dans le voisinage de la rivière Nord-Ouest,
l'orge et l'avoine mûrissent, les pommes de terre et
autres légumes y viennent bien. Cependant les mous-
tiques sont l'inconvénient le plus grand de ce pays. Le
capitaine M'Glintock quitta, le 17 septembre» la côte
du Labrador, revint au Groenland compléter quelques
sondages que les glaces flottantes l'avaient empêché
d'exécuter. Il y apprit que le climat n'était pas aussi
( 325 )
rude qu'on le supposait, et que les fiords n'étaient que
partiellement gelés à la surface en hiver. Depuis son
arrivée en Angleterre, cet officier a reçu une lettre du
docteur Rink, inspecteur, en résidence au Groenland
méridional, dont les travaux sur ce pays ont largement
accru la somme de nos connaissances qui concerne la
géographie physique du grand continent arctique.
M. Rink lui écrivait : « Il y a déjà longtemps que j'avais
songé à l'établissement du télégraphe Nord-Atlantique ;
je doutai d'abord de la possibilité de son exécution,
mais actuellement je suis d'une opinion contraire. Vous
pouvez relier l'Islande au cap Farewell en plon-
geant le câble dans quelque fiord de la côte sud-ouest
où la glace ne peut ni déprimer ni toucher le fil élec-
trique, sauf à quelques brasses du rivage où il peut
facilement être protégé. Quant à établir le télégraphe
dans l'intérieur du Groenland, c'est chose totalement
impraticable. » Notons donc, en passant, que cette
lettre a été écrite au Groenland avant l'arrivée 9es
navires Bulldog et Fox^ et les dernières expériences
qui ont démontré la nécessité de se conformer à l'opi-
nion du docteur Rink. La longueur du câble destiné à
unir l'Irlande au Groenland serait d'environ 800 milles ;
il est à espérer qu'une fois plongé dans les profon-
deurs de l'Océan, il serait plus solide et plus durable
que tout autre, vu les conditions climatériques dans
lesquelles il se trouve exceptionnellement placé.
DE Froidefond des Farges.
( S26 )
NOTICE SUR M. DELAPORTE.
Un savant orientaliste, M. Jacques-Denis Delaporte,
élève de M. Silvestre de Sacy, vient d'être enlevé ino-
pinément à sa famille, à ses amis, aux lettres orien-
tales. Il avait été, avant 1830, vice-consul de France à
Tripoli de Barbarie, puis à Tanger, et s'était fait
connaître par d'intéressants mémoires insérés dans la
grande Description de l'Egypte, notamment Y Histoire
des nnirnlouks^ et par d'autres écrits adressés de Tri-
poli à la Société de géographie et admis dans les
mémoires de la Société, au sujet des restes de Cyrène
et de la pentapole libyque.
M. Delaporte est un des premiers qui aient publié
'et interprété des textes en langue berbère. Il était un
des six arabisants qui, en 1798, avaient été emmenés
en Egypte par le général Bonaparte ; indépendamment
de son service d'interprète, il fut attaché à la Monnaie
du Caire, et aida souvent à la rédaction et à la traduc-
tion des documents qu'il fallait porter à la connaissance
des indigènes et à celle de l'armée.
Pendant son séjour au Maroc, il a rendu un service
signalé aux sciences géographiques. Un jour (c'était
au mois de septembre 1828) , un homme couvert de
haillons, exténué de soif et de faim, accablé par la fa-
tigue et la fièvre, qui disait venir du Sahara (1) , se
(1) \\ avait horriblement souffert du scorbut lors de son séjour i
Timé près du Dhioliba.
J
( 827 )
présenta à la porte du consulat. Il allait être congédié
par les gens de la maison, quand le vice-consul, M. De-
laport^, fort étonné de lui entendre dire qu'il arrivait
de Tombouctou et qu'il avait traversé le Grand-Désert,
ordcMina qu'on lui ouvrît la porte. Ce voyage extra-
ordinaire pour la longueur et les difficultés de la route,
devait, en effet, paraître un peu suspect ; mais le vice-
consul donna des ordres pour que lepaiwre mendiant
fût introduit, habillé et reçût l'hospitalité : c'était Béné
Caillié.
M. Delaporte avait dans les mùns, depuis plusieurs
mois, le programme d'un prix offert par la Société de
géographie de Paris, à celui qui, le premier, se rendrait
à Tombouctou par le Sénégal, et en rapporterait de
bonnes observations. Il se souvint de cette circonstance
et il se décida à nous donner la nouvelle de ce fait
inattendu ; c'était la première fois qu'un Européen eût
pénétré dans la ville mystérieuse et en fût revenu sain
et sauf.
M. Delaporte demanda à Cadix un bâtiment français
pour conduire le voyageur de Tanger en France; nous
envoyâmes à celui-ci un secours à Toulon, et, peu
après, il se rendit à Paris où il devait être soumis à
des épreuves : celles-ci furent toutes à son avantage.
On sait le reste. Il obtint le prix de 12 000 francs; il
rédigea sa relation à l'aide des notes qu'il avait soi-
gneusement recueillies, relation qui parut, en 1880, en
trois volumes. On ne conteste plus, nulle part, aujour-
d'hui, la réalité, l'authenticité de ce voyage confirmé
depuis, plus d'une fois, et récemment encore par l'im-
portant témoignage du docteur Henri Bartb.
( S28 )
Il est probable que si M. Delaporte n'ayidt pas reçu
René Caillié dans la maison consulsdre, celui-ci eût
succombé à tant de maux ; sa relation n'eût pas paru,
et la France serait privée d'une gloire que le reste de
l'Europe savante lui envie. Honneur au nom de M. De-
laporte, à qui l'on en est en partie redevable !
JOMARO.
24 Janvier 1861.
N. B. René Caillié n'a laissé pour héritage, à sa
femme et à ses quatre enfants, que la gloire attachée à
son nom, et S. M. l'Empereur a daigné dire, à une dé-
putation de la Société de géographie, que la France
avait une dette à acquitter envers cette famille (1).
LETTRE
DE M. F. G. MASSAIA A M. M* ANTOINE d'ABBADIE.
Kafa, 7 octobre 1860.
Très cher chevalier,
J'ai reçu votre très estimée, en date de Londres;
elle m'a fait grand plaisir, parce que j'ai connu par là
que vous êtes toujours le même qu'autrefois et que
vous n'avez pas cessé d'aimer ce pays ni cette mission
qui, à bon droit, peut être appelée la vôtre....
Quant aux affaires de ces pays-ci, je vous dirai que,
forcé de quitter le Gudru par la crainte d'une invasion
(1) MwiMur du 19 décembre 4849.
( 329 )
abyssine, j'ai passé près de quatre années dans Tibbe
Lag'amara, où j'ai laissé une petite église avec des
prêtres et un petit nombre d'amara ou chrétiens. Au
mois de mars de Tannée dernière j'ai passé en Limmu
où je suis resté moins de deux mois pour visiter ces
pays où il y a très peu d'espérance d'un avenir chré-
tien, parce que l'islamisme est déjà trop avancé.
Parti de là et ayant traversé Gomma, je suis parvenu
en Géra où j'ai passé l'hiver et conféré deux cent cin-
quante baptêmes, fondé une petite église et laissé un
prêtre. Après la fête de la Croix, je suis parti pour
Kafa où je suis en ce moment. Gomme ce pays est
chrétien d'origine et possède des églises, il y aurait un
champ de travaux immense et de travaux sans crainte,
car le prêtre est très respecté et entouré d'une espèce
d'immunité ; mais l'habitude des superstitions est peut-
être plus forte que dans les pays Galla. Le pays est
comme vaincu, nous en sommes les maîtres ; mais les
cœurs ne sont toutefois pas encore vaincus. J'ai réussi
à me faire reconnaître comme évêque; j'ai quatre
prêtres unis en famille avec moi, précisément pour
renforcer l'opinion de la hiérarchie épiscopale. Je
suis en lutte avec le gouvernement pour faire sanc-
tionner les lois de la hiérarchie ecclésiastique, et je con-
seille l'envoi d'une mission au Saint-Père, pour faire
connaître ce point de l'unité catholique. Mais cette na-
tion est d'une lenteur éternelle dans ses affaires. Si
toutefois l'affaire réussit, ce sera un fait acquis pour
tenir en bride les laïques ; car Kafa étant un pays accou-
tumé, depuis les temps antiques, à des prêtres corrom-
pus et qui ne l'étaient que de nom, pourrait, avec le
I. AVRIL. 6. 22
( 3S0 )
tempa, domier la main à un mauvais changement* Si
l'expédition a lieu, le Père Léon lui servira de guide
en Europe, et emmènera avec lui un nombre d'enfants
pour y recevoir leur éducation, Daus ce cas, j'espère
que vous ferez conuaître vos rapports avec cette mis-
sion et que vous l'aiderez par quelques avis. Du reste,
vous connaissez Kafa, pays qui, pour la vie animale*
est cent fois au-dessous des pays Galla eux-mêmes»
parce que nous manquons ici totalement de grains et
qu'il ne s'y trouve rien que le koco. Surtout pour les
jours de jeûne, il y manque la graine de lin, le nug, le
pois chiche, la fève et tous les secours qui se trouvent
dans le pays Galla. La race Sidama est paresseuse à
l'excès, et celui qui u'est pas esclave préférera,..,
^ la faim, mais il ue travaille pas. Le trait caractéris-
tique qui distingue les Sidama de toutes les autres
races de ces contrées, c'est qu'il ne mange pas sans
un témoin de sa caste. Le chrétien ne peut pas servir
de témoin à un Kafacco infidèle, ni ce dernier ne peut
être témoin pour le chrétien, et ni le musulman ni le
Galla ne peut l'être pour personne. La règle de ne rien
manger seul est tellement sévère, que la femme surprise
à manger la moindre chose toute seule, serait vendue
comme esclave. Personne ne peut servir de témoin au
roi quand il mange, à l'exception des employés de se-
maine ; lareine même ne saurait l'être. Dans le cas où le
roi aurait à prendre quelque médecine pendant la nuit,
on envoie quérir un de ces employés. Arrivé à un cer-
tain âge, un garçon, pour être témoin valide loors d'un
repas, doit oindre son oreille droite avec un morceau
d'or, sans cela il ne serait pas valide. Il y a peu de
jours que, voulant donner à boire à un garçon du roi
( 331 )
venu auprès de moi, j'ai dû toucher avec un anneau
l'oreille d'un garçon de son espèce qui était avec lui.
Vous avez d'ailleurs vu le type de cette race Sidama.
J'ai fait mention de cette coutume singulière, parce
que peut-être n'avez- vous pas pu la noter pendant le
peu de jours que vous êtes resté ici»
Au surplus, nous faisons des explorations conti-
nuelles dans les environs pour tâcher de réussir à amé-
liorer la voie de communication avec l'Europe. Demain
peut-être, un prêtre indigène partira pour visiter les
Galla du côté de Fa-Zogio et de Gassan, dans l'espoir
que nous avons d'ouvrir cette route. Non loin de
Gassan doit se trouver AfiUo, pays que vous m'avez
conseillé d'explorer. Ce pays est supposé Falasa, mais
de race Sidama ; peut-être s'y trouve-t-il quelque livre
chrétien, car on connaît là, par tradition, le nom des
prêtres^ Là se trouve une montagne qui s'avance parmi
les nègres dont elle est entourée et avec lesquels elle est
•
toujours en guerre. Elle s'avance dans les plaines du
fleuve Blanc. Il me semble l'avoir vue de Gassan, quand
je m'y trouvais, en 1851. En outre, le nom s'accordait.
Vous n'aurez pas de peine à croire que je suis très
occupé, parce que les affaires commencent à s'ac-
croître. J'espère que vous aurez des détails plus inté-
ressants du père Léon, qui a plus de temps que moi.
Je suis extrêmement vieilli et affaibli. J'ai demandé ma
démission à Rome. Nous verrons si elle me sera accor-
dée. Du reste, je prévois que mon tombeau sera ici,
car, si je tarde encore, je ne pourrai plus me mettre
en voyage. Je vous embrasse en Notre Seigneur cru-
cifié, t F.-G, Massaja.
( 332 )
Kifa, ce 12 octobre.
Mon cher moDâeur,
Je n'ajouterai qne deox lignes à la lettre de Mgr Mas-
saja. J'ai reçu la vôtre, en date de Londres... Je ne
vous donne aucunes nouvelles scientifiques, me réser-
vant de vous les donner de vive voix en Europe, Tan
prochain, où j'espère que vous voudrez bien m'ètre
utile pour la fondation d'un établissement pour l'édu-
cation des jeunes gens que je mène, la province des
Capucins de France devant se charger de cette mission.
Je n'ai point reçu vos instruments qui sont à Aden.
J'ai fait les observations avec d'autres. M. Plowden a
été massacré parles soldats du dajazmac Niguse : telle
vie, telle fin ! L'expédition du Nigus Tewodiros contre
le Tigray a manqué : le Nigus a refusé la bataille
et a ainsi gagné la victoire ; il est rentré chez les
WaUo, où l'on dit qu'il doit fixer sa demeure ; il s'est
marié avec la fiUe de Wibe, qui est sorti de l'amba.
Abba Salama est sur l'amba Magdalena chez les Walio ;
le Gojjam est entre les msdns de Tadla Gualu.
LeSaubat est formé par deux rivières : l'affluent orien-
tal est le Barro, dont la source est dans le lac El-Boô,
situé à trois ou quatre journées sud d'ici, visible du
haut des montagnes de Gobo. Le Barro est le vrai Nil
blanc de Ptolémée : il est visible des montagnes de
Kafa et doit être navigable pour de grands bateaux.
Le lac El-Boô est le Nili palus orientalis. Vous avez
donc raison de soutenir que c'est le Nil blanc. Seule-
ment le Gojab ne se jette point dans le Barro ; mais,
réuni aux trois Gibes, il forme te fleuve Jub. Toutes
( 333 )
mes découvertes faites à Zanzibar sont parfaitement
vraies ; seulement l'écriture indigène est une fable; on
a voulu parler des livres abyssins. Voilà, en peu de
mots, ce qui est le plus intéressant....
Léon DES AVANGHEBS.
Projet d*une nouvelle exploration arctiqtie
par les Suédois.
MM. Torell et de Nordenskiold, naturalistes suédois;
M. Petersen, Danois, accompagnés de plusieurs étu-
diants des universités d'Upsal, de Lund et d'Helsing-
fors, se disposent à faire une nouvelle exploration du
pôle arctique. Ces voyageurs se proposent de se rap-
procher le plus possible du pôle, de visiter les régions
environnant le Spitzberg, de pénétrer dans le Storfiord
dans le but d'y mesurer un arc du méridien, et de
faire des observations sur le magnétisme terrestre, la
température de l'air et de la mer, et enfin d'y réunir
une collection d'histoire naturelle. L'expédition doit
quitter Tromsoë ou Hammersfest vers la fin d'avril.
Les frais sont faits par le gouvernement suédois,
S. A. R. le duc d'Ostrogothie et plusieurs particuliers.
L'Académie des sciences et plusieurs universités ont
prêté des instruments pour les observations scienti-
fiques. M. Petersen avait déjà fait plusieurs voyages au
pôle.
MM. Torell et de Nordenskiold avaient déjà exploré,
en 1857-58 et 1859, l'Islande, le Spitzberg où ils sont
restés deux mois par 80 degrés et le Grënlando.
( 884 )
Ikeiem de la Soelété.
KVI KAI rS DES PROCÈS -VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 6 avril 1861.
M. le secrétaire de la Société communique le procès-
verbal de la dernière assemblée générale.
M. le comte de Grossolles Flamarens, sénateur, et
M. le contre-amiral baron de la Roncîère le Noury, re-
mercient, par lettre, la Société, de les avoir choisis
pour ses deux vice-présidents.
M. N. de Khanikof adresse également ses remercî-
ments à la Société, qui lui a décerné sa grande médaille
d'or, pour ses explorations dans le Khorassan, et il
prie M. le président de vouloir bien être auprès d'elle
l'interprète de ses sentiments de profonde gratitude.
M. Francis Lavallée écrit à M. le président, pour
le prier de communiquer à la Commission centrale
une notice de lui sur l'île de Puerto-Rîco. Ce travail
sera lu en séance.
M. d'Abbadie communique à la Société deux lettres
qu'il a reçues, l'une de Mgr. F. G. Massaja, évêque mis-
sionnaire en Abyssinie, qui donne d'intéressants détails
sur les travaux de la mission, l'autre du père Léon des
Avanchers qui traite de quelques points importants de
la géographie comme de la politique des régions abys-
siniennes. Ces deux lettres, auxquelles M. d'Abbadie
( 885 )
ajoute verbalement quelques développements, trouve-
ront place au Bulletin.
M. d'Avezac signale l'arrivée à Paris, d'un noir
Yoloff du Sénégal, interprète du gouvernement, venu
de Saint-Louis à Mogador, en traversant le long de la
côte le désert du Sahara, dans une direction qui con-
corde en certains points avec celle de Léopold Tanet.
M. Buisson offre, de la part de l'auteur, un volume
intitulé : La Bulgarie chrétienne ^ étude historique,
M* le secrétaire adjoint donne lecture de la liste des
ouvrages offerts.
H. le docteur Mallatâe Bassilan, présenté, à la der-
nière séance, par MM. d'Avezac et Lafond, est élu
membre de la Société.
M. Poulain de Bossay termine la lecture de son essai
de restitution et d'interprétation d'un passage de
Scylax.
M. L. de Rosny communique à la Société un mé-
moire qu'il vient de terminer sur les différentes phases
de la civilisation japonaise. Ce travail donne lieu à une
intéressante discussion à laquelle prennent part MM. de
Quatrefages, Vivien de Saint-Martin, Jomard et d'Ab-
badie#
Séance du 19 avril 1804.
ML l'amiral Romain Desfossés, élu président de la
Société dans la dernière assemblée générale, écrit à
M* le présidastda la Commission centrale, pour le prier
( 3S6 )
de transmettre à ses collègues ses remercîments pour
le choix qu'ils ont bien voulu faire de lui.
M. de Rerhallet remercie également» par lettre, la
Société de l'avoir choisi pour l'un de ses scrutateurs.
M. de La Roquette annonce qu'il vient d'apprendre
la mort récente de H. John Brown, l'un des doyens des
membres de la Société royale géographique de Londres,
et correspondant de la Société royale des antiquaires
de Londres. M. John Brown est connu de la Société de
géographie par plusieurs ouvrages remarquables sur
les régions arctiques, et en particulier sur les voyages
faits à la recherche de sir John Franklin et du Passage
nord-ouest.
M. de La Roquette ajoute qu'il se propose de con-
sacrer, dans une prochaine séance, quelques lignes
aux travaux de M. John Brown.
M. d'Avezacdépose sur le bureau les numéros de
la Gazette de France et du Moniteur de la Flotte qui
rendent compte de la dernière séance de la Société, et
du Mobacher où se trouve un article sur le voyage de
Si-bou-Mogdad de Saint-Louis (Sénégal) à Alger, par
Mogador.
Le même membre entretient la Société du projet
d'une expédition suédoise au pôle antarctique, qui doit
être exécutée.
M. Malte-Brun dépose sur le bureau un numéro de
la Gazette officielle de Turin^ envoyé par M. Barufli,
membre correspondant de la Société, dans lequel est
inséré un article rendant compte de la séance générale
de la Société du mois de décembre dernier.
M. Ferdinand de Luca fait hommage; par l'intermé-
(357 )
diaire du Secrétaire général de la Société, de trois ou-
vrages intitulés : le premier, \Sm' tremuoti memoria di
geografia fisica; le second , Notizia sulla effectwa
lunghezza delpiede romano; et le troisième, La Societa
geografica italiana memoria. Des remercîments seront
adressés à M* F. de Luca.
M. Jomard annonce que M. Gustave Pégoux, com-
pagnon de voyage de Miani, est en ce moment à Mar-
seille, occupé à rédiger les notes de son excursion au-
dessus de Khartoum.
M. Malte-Brun annonce que MM. d'Eichthal et le
docteur Meynier sont partis pour la Sibérie; ils ont vu
M. Thœmer pour lequel ils avaient une lettre d'intro-
duction, et ils poursuivent le cours de leurs études
d'histoire naturelle et de géologie et se proposent de
descendre le fleuve Amour.
M. le secrétaire donne lecture de la liste des ouvrages
déposés sur le bureau, et M. de Quatrefages offre per-
sonnellement un ouvrage qu'il vient de publier sous
le titre : Unité de t espèce humaine.
M. Albert Montémont lit son rapport sur l'ouvrage
de M. de Sabir intitulé : Le fleuve Amour.
M. Jomard fait plusieurs communications à l'assem-
blée ; il propose notamment de réunir le Bureau pour
préparer le choix de plusieurs membres correspondants
étrangers, celle des candidats pour les places vacantes
de membres adjoints à la Commission centrale; il de-
mande également que la section de correspondance
se réunisse pour rédiger des questions relatives à un
voyage que M. Grellet va bientôt entreprendre aux
sources de l'Orénoque,
(1S8)
M« d'Avexac, reprenant la lecture de soa mémoire
gur la variation séculaire des déclinaisoDs de l'aiguille
aimantée, termine la revue historique des théories et
des doctrines cfui se sont produites à ce sujet, dans le
monde scientifique , en résumant, dans une série de
notices rapides, les travaux et les opinions de Morlet,
Freycinet, Duperrey, Gauss, Graver, Berwick, Cha-
zallon, Drummond, et enfin Brûck, le plus récent des
théoriciens du magnétisme terrestre. Un dernier cha^
pitre, encore à faire , aura pour objet de réunir en un
faisceau l'indication sommaire des variations consta-
tées par d'anciens documents graphiques négligés jus-
qu'à ce jour, et qui peuvent ajouter quelques éléments
de plus aux données générales du problème.
M« d'Abbadie croit qu'il peut être permis d'élever
quelques doutes sur la supériorité réeUe des appareils
d'observation introduits par Gadss : M. d' Avezac donne
à ce propos quelques détails dans le même sens, déjà
consignés, au surplus, dans les annotations justifica-
tives ou explicatives qui accompagnent son méirK)ire.
La Commission centrale exprime le désir que ce tra-
vail prenne place dans le recueil des mémoires de la
Société : l'auteur rappelle la déclaration qu il avait
déjà faite à ce sujet, dans la séance du 16 juillet 1859,
sur la nature de cette communication ; mais il attache
trop de prix aux témoignages flatteurs que la Société
vient dé manifester à cet égard pour ne pas modifier,
autant qu'il le pourra faire, les arrangements qu'il avait
pris antérieurement pour un autre mode de publication.
M. Barbie du Bocage continue la lecture de sa notice
sur le Maroc.
( 889 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES d'avril 1861.
EUEOPE.
Elboographie de la Turquie d'Europe, par G. Lejean (Extrait des
Miuheilungen du docteur A. Petermann]. Gotha, 1861, 1 broch.
iD-4°. M. G. LUEAN.
La Bulgarie cbrétienne, étude historique. Paris, 1861, 1 broch.
in-t2.
AFRIQUE.
Annuaire du Sénégal et dépendances pour Tannée 1861, suiri du
journal des opérations de guerre de 1854 à 1861 et des traités
de paix passés, à leur suite, avec tes divers États indigènes. Saint-
Louis, 1861, 1 vol. in>12. M. le colonel Paiobebbe.
OUVRAGES GÉNÉRAUX, MÉLANGES.
Unité de Tespèce humaine, par A. de Quatrefages (Extrait de la
Revue des Deuay Mondes}, Paris, 1861, 1 vol. in-8^.
M. A. DE Quatrefages.
Notizia sulla effettiva longheza del piede ronfiano. 1 broch. in-4.
•*- Su trennoti meoioria di geografia fisica, NapoU, 1859,1 broch.
10^12. — La iocieta geografica italiaoa. NapoU, 1 broch* ia-12«
a brooburea de Al. W chevalier Ferdinand de Luca.
M. FSBOUUKO DE LUCA.
Almanaque nautieo para 1862, ealcolado de orden de S. M. en
el observatorio de marfàa de la eiodad de Sao-FeroaDdo. Gadiz,
1860, 1 vol. in-8. L'OBseftyâTOiat di Sah-Fimando.
Gheel ou une colonie d'aliénés (Extrait de la Revue du Limou*
sm), par M. Maximin Deloche. 1861, broch. ifi-8.
M. MAXivm Deloche.
( SiO)
MÉMOIRES DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES,
RECUEILS PÉRIODIQUES.
MUtheUwngm de Petennann. 1861, n^ 3.
L* Archipel indien. Situaiion des Indes néerlandaises au com-
mencement de 1858, par M. fui;p0r«-— Zeithammer^ Géographie
et hypsoraétrie de la Croatie autrichienne. — Relevés topographi-
qaes faits par les Anglais daps Tintérieur de la Chine (carte). —
6ar les noms de la Werra et du Weser. — Travaux topographiqoes
en Suède. — Publications réœntes de lltalie. — Voyage da ly
Kmd en Acarnanie. — Ancienne communication par eau entre la
mer Caspienne et la mer Noire. — Quatre expéditions pour la dé-
couverte des sources du Nil. — Voyage de M. de Qecken aux lacs
de TAfrique orientale. — Prochain ouvrage du D' FerdU Weme^
sur l'Afrique. — Abandon de la mission catholique du haut Nil
blanc. — Expédition de M. Burke à travers le continent austra-
lien. — Expédition scientifique de la Nouvelle-Guinée. — Voyage
du colonel Hitrovo au, grand Océan. — Publications récentes.
ZHtschrift fiir allgemeine Erdkunde, herausgegeben von D<' Koner.
T. X, cah. 1-2. Janv.-févr.
C BoUat les lies Canaries (carte). — Ravenstein, les explorations
du lieutenant W, Sp, Palmer dans la Colombie anglaise. 3^ partie.
— W, Diederichf La religion et le culte des Alfouras da Maha-
nassa, dans Ttle des Célèbes. — H, Barth^ L'extension des colonies
françaises de TAlgérie et du Sénégal, dans ses rapports avec Tinté-
rieur du nord-ouest de TAfrique. — V. Islavirij Habitudes domes-
tiques, éducation des rennes et industrie des Samofèdes des toun-
dra de la Mézèn. — Déterminations astronomiques et observations
magnétiques faites dans Tlnde et dans la haute Asie, par MM. Her-
mann, Adolph et Robert de SchUigintweU. — A . Bastianf Sainte-
Hélène etTAsceusion. — Extrait d'une lettre de M. le baron K,de
Decken, datée de Riloa, 7 octobre 1860. — Extrait d'une lettrede
M. Kœnig au consul général de Prusse à Alexandrie. — Les lavages
d'or de Cruces, dans l'isthme de Panama. — Voyage de W, Downie
de Port-Essington à Saint-James-Fort, Colombie anglaise. — L'en-
( 3A1 )
semblement croissant da Volga. — Population européenne de
TÂlgérie. — Régularisation des limites entre la Russie et la Chine,
par le traité du 14 novembre 1860. — Ascension du Fouzi-yama,
au Japon. — Notices bibliographiques. — Société de géographie
de Berlin, janvier et février. — La fondation Cari Ritter.
Proceedings of the Royod Society j n" 42.
Jourfial ofthe Franklin institute. Mars.
Journal asiatique^ décembre 1860, janvier 1861.
Décembre. — Extraits de la Chronique persane d*Hérat, tra-
duits et annotés par M. Barbier de Meynard, — Garcin de Tassy,
Description des nionuments de Dehii, etc. (sutfe).
Janvier. — W, Bchmauer^ Mémoire sur les institutions de
police chez les Arabes, les Persans et les Turcs (fin), — Garcin
de Tassy, Description des monuments de Dehli (Hn),
Berne de VOrientf Bulletin de la Société orientale de France. Janvier
et février 1861.
Le comte de Sabir, Les campagnes des Russes sur TAmour, au
xvii^ siècle. — H, Aucapitaine, L'insurrection de la grande Kabylie,
1850-1854 {fin).
Defert, Les Anglais dans l'Inde. — K. Langlois, Les monuments
de ta Cilicie aux différentes époques. — H. de Charencey, Recher-
ches sur les langues touraniennes.
•
Hevue maritime et coloniale, 1. 1, n** 1-2. Janvier et février.
F. Chevallier, les Arsenaux maritimes de TAngleterre. —
W, Lapierre, Voyage de la frégate VIsis à Taîti, avril-nov. 1860.
— E. Sache, Souvenirs d'un voyage à Mogador (1859). — Mouve-
ment commercial des sucres en Angleterre. — E, Braouëzec, L'hy-
drographie du Sénégal et nos relations avec les populations rive-
raines. — Sibàur, Nos relations avec les nègres et les Indiens du
haut Maroni (Guyane française). — Payen^ Panification de la farine
de manioc. — Dépenses coloniales de l'Angleterre. — Le Bozec,
Note sur les vaccinations et revaccinations opérées en 1860 dans le
2' régiment d'infanterie de marine. — État de la marine mar-
chande de la Belgique, de la Prusse et des villes hanséaliques. —
( 3i& )
N® 1317. États-Unis. MoaTement commercial de 1858-59. —
Récolte et mouTement des cotons américains en 1859-60.
H* 1318. France. Traité du 2 février 1861 relatif à la cession
dn territoire de Menton et de Roqaebmne.
L* Isthme de Swz^ journal de Tanion des deux mersi n?* 100 h 115.
N® 100. RouXy Lettres sur le Hedjaz (suite),
N^ 101 . Navigation de la mer Ronge. -^ Un document sur la
Syrie. (Résumé des événements de la Syrie, adressé par M. Cyril
Graham à lord Dufferin.) ,
N® 102. Un document sur la Syrie (/ln)« •— Moiàgel Bey^ Port
Saïd.
N<> 103. Lettres sur le Hedjaz (suite)*
N<) 104. Une visite aux Taï-Ping(par le Rer. J. Bdkins).
N*" 110. A. RouXf Lettres sur le Hec^az, 3^ lettre.
N« 112. Idem (suite).
N° 113. A, Roux, Lettres sur le Hedjaz (suite).
N*" 114. Lettres sur le Hedjaz, n» 4.
Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du
département de la Marne, 1860.
Savy, Réponse aux observations critiques de M. Gb. Loriqnet sur
le mémoire topographique juqn'an v* siècle de la partie des Gaules
occupée aujourd'hui par le département de la Marne.
Mémoires de la Société d* agriculture, des sciences^ arts et belles-lettres
du département de l'Aube, n^ 56, 1860, 4* trimestre.
Travaux de V Académie impériale de Reims, U XXIX, 1858-59.
L*abbé Gainet, Les chapitres 10 et 11 de la Genèse, expliqués par
les faits de l'histoire profane.
Journal d'éducation populaire. Octobre, novembre et décembre, 1860,
et janvier, février et mars 1861.
BULLETIN
DE LA
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE.
MAI ET JUIN 1861.
llémoires, notices ^ etc.
NOTES
SUR LES PEUPLADES RIVERAINES DU GABON 9
DE SES AFFLUENTS ET DU FLEUVE OGO-UWAI.
CommaDiqués par M. Braoubzec, lieatenaDt de Yaisseaa.
Le GaboD, appelé à tort fleuve, est un bras de mer
s'enfonçant à 33 millôs environ dans les terres où
viennent tomber une multitude de rivières ou criques
dans la plupart desquelles la marée se fait sentir pres-
que jusqu'à l'extrémité.
A très peu de distance de l'embouchure de ces ri-
vières on trouve l'eaû douce à marée basse.
Les principales peuplades du Gabon et de ses
affluents sont, d'après la dénomination des blancs :
1* Les Gaboanais on Pongoé ;
2" LesBonloux;
3" Les Akalais ;
4° LesPahouins.
1, MAI ET JUIN, 1. 23
( W )
i** Les Pongoé se nominfDt eai-mèmefl. • • . Pongoi*
Us sont appelés par les fiouloax.... Bmokow;
— par les àkalais Batoki ;
— par les Pahouins... Btûokoué.
2* Les Boaloui se nomment eai-mèmes Hischiàki:
Ils sont appelés par les Pongoé Shekiani ou Astekiani;
— par les Akalais. ... Baschiéki ;
— par les F^bonios. . • BcusékabcUé,
3** Les Akalais se nomment eux-mêmes. . . . Mékèlai;
Ils sont appelés par fes Pongoé Akalais;
— par les Boulouz.... Bèkélai;
— par les Pabooins. . . Bimmgomtb,
Quant aux Pahouin^ , ils ^ont divisas en deux
races :
1** Les Paboains Faon on Fan;
r Les babouins Makéï.
4<^ Les Pabouins Faon «^appellent eux-paèmes. .... ^(nm pu fan ;
Us sont appelés par toutes les autres peuplades. Pahouins,
5*^ Les Pahouins MakèH se nomment eux-mêmes.. . . Makéi;
l\a sont appelés par les Pongoé Shiébq;
— par les Bouloux Hiakét;
— par les Akalais Be MakéH.
•1 , ^» •
Quand on vent voyager dans ces pays, ces nuances
de noms sont très utiles à connaître.
Je ne donnerai que des considérations sommaires
sur toutes ces peuplades*
G abonnais ou Pongoé,
Les Pongoé en particulier ont été généralement assez
étudiés.
Ils appartiennent à la même race que les habitants
d'Okota, dn Galoua et 4Q Vflnenga ; ils parlent à peu
près la même langue. Ils ont descendu le cours de la
Çaina Qt 4f |a rivi^e du pap Lopisz pii i|9 sqnt e^ççire
^Jabjis, ^\ gopt Ypnps ^n parfjp s'éta|)JM' sur le^ vîyes 4q
Gabon, soit en suivant le Yambi, la rivière Rb^;n^é^
I| ÂY!^ tïafqngft, pu p^r ^er en f^mftB^Ot ^^ gpd
|ls 9pi^t d'iin caractère floRx q^ ^painenHpept p^çir
4gu^. ^ pQlyg^ip règn^ parmi eux cpmiq^B ^anp toiifes
Igs ^tre^ p^ijplades. )ls sqqt )piq d'avoir de ripfluençg
c\^ez les gçns de rintér|§iir, qui nç ^es squfffenf quq
cpipnae pourtiers. Il leur ^nivp fréquefumenf ^'âfrfl
déppuilléa compl^tQiqent de leurs marpbs^nfiises lors^
qu'ils s'aventurent dans certaines criques, et j'ai eu |^
jug^f quelques-uns de ces méfaits lor$; de ipon séjpuç
dans la rivière Como. Ils sont du reste fort peu scrfi^:
j)t:(JP^ pi|}^-]n$mes , xnais ^s emploient des qpyens
plusf civilisés ^t plus pacifiqi^^? pouf yq^r Igur |pop(}q.
l»fiç| Pongoé n'ont fie villages, gqr les pours ^'eftïi
de l'e^t, que fuv le I^iamboé, ^t ces vi|lagp^ s|qpt epcq^
trji^ rapprochés de l' embouchure. Un chef 4'un de ce|[
village^, pqiiuQi^é Dukeq, est cependant parveni; h %
faire fessez respecter dan^ le cours de Rl^ambpé et du
Ils appartiennent à la race nègre.
Leur alphabet contient le R, qui n'existe pas daqs
les langues bouloux, bakalaises et pahouines.
Les gens d'Okota, Galoua et Enenga commercent
avec les Akagais et les Pongoé de la rivière Cam^. Ils
ne connaissent pas les Pahouins.
(Sis )
Bouloux.
Les Bonloux sont établis sur les rives du Gabon, de
Rhamboé et d'Oulombo-Empolo où ils ont quatre à cinq
villi^es.
Leur population tend continuellement à décroître à
cause de leur passion effrénée pour les femmes. Un des
villages voisins de notre mouillage en est un exemple : il
contient quatre hommes et trente femmes sur lesquelles
dix-neuf sont le partage du chef nommé Bou. Ce chef a
une influence extraordinaire sur les Pahouins, et est le
principal courtier des montagnes de Cristal. II n'est pas
rare de voir des villages composés d' Akalais et de Bou-
loux ayant . pour chef un Bouloux. Ils ont une supé-
riorité morale sur les Âkalais qu'ils détestent profon-
dément.
Ils se disent issus de la même race que les Pahouins,
ce qui me parait fort douteux. Leur langue est un dia-
lecte qui contient beaucoup de mots ayant de l'analogie
avec le bakalais et très peu dérivés du pahouin. —
Leurs villages sont réguliers comme ceux des Pongoé.
La femme, chez ces peuplades, est le mobile de presque
toutes leurs actions. — De village akalais à village
boulon, ou même de village akalais à village akalais
ou de boulon à boulon, ils se volent leurs femmes.
C'est immédiatement le sujet d'une guerre qui se vide
par des surprises de nuit en pirogue ou par des com-
bats navals en plein jour. J'ai été témoin de plusieurs
de ces combats de jour, qui sont en général peu meur-
triers à cause de la distance respectueuse à laquelle
( 849 )
Us se placent. — Ils sont cependant plus braves que
les Âkalais.
Lorsqu'ils vont acheter une dent 4' éléphant chez les
Pahouins, ils laissent une de leurs femmes ou deux, sui-
vant rimportance de la défense, en otage chez les
Pahouins qui passent le pied de la femme dans un gros
morceau de bois — la femme est rendue lorsque Ton
porte le prix de la défense. La réciprocité a lieu. —
Ainsi les Pahouins envoient aussi une de leurs femmes
en otage, lorsque le Boulou a donné des avances de
marchandises. — Môme chose a lieu chez les Akalais —
s'ils ont des captifs. — Leur population est tout au plus
de 3000 âmes ; ils n'ont pas de villages sur le bord des
rivières Como et Bogoé. J'entends par Gomo, la branche
d'Oulombo-Empolo après Nengué-Nengué. — Dans le
pays on a l'habitude d'appeler Oulombo-Empolo, la
rivière, depuis l'Estuaire jusqu'à Nengué*Nengué. Ils
sont un peu moins foncés que lesPongoé et les Akalais.
Akalais.
Peuple originaire de la rive gauche de l'Ogo-Uwaï,
race nègre, population d'environ 60 000 âmes. Elle ha*
bite depuis l'Ogo-Uwaï jusqu'aux rivières Bogoé et
Oulombo-Empolo. — A l'extrémité de la rivière Bogoé
j'ai trouvé des Akalais. Sur la rivière Como ils ne s'é-
tendent pas loin, dans la crainte des Pahouins. Ils ha-
bitent aussi les rives du Yambi, du Rhamboé qu'ils
nomment Limbié, sur les rives des rivières Cohit,
Ciembré, Assango, etc. Ils ont à peu près les mêmes
mœurs que les Bouloux; ils sont plus noirs. Ils se font
( 860 )
èontinuellemetit la guerre entre eux, de village à vil-
lage, enlèvent des femmes. — Les Bouloux et les Akalals
Bont d'une habileté et d'une adressa remai-quablës sur
l'eau. Ils craignent énortnémentles Pahôûins âur tèiré;
tnais sur l'eau ils sont plus forts que ces derniers.
Leurs villages sont moinà régiiliërd que Ceui dés
Bouloux et dès Pbng'oé.
Us servent de courtiers aux gen^ du littbral poiit
l'ivoire, la cire, etc.
On peut en cohi^ultant Isi c&tiie qui acbompà^è cèà
notes se faire tane idée exacte des j^ays habités par ëëttë
tnbu.
La basé de la nourriture de tous ceâ peuplée est là
batîaiie {banane cdchon)^ le poisson: Ilâ oiit Beàiiêtiiip
de Volailles et de moutons.
Ild mangent le tanïantin dont la chair est ttès bbniiè
et là graisse eilquise aux moià de liiàrs et d'avril: lié tè
Aiment et^ tel qu'ils le préparent; il ferait trèë di^ë
de notre table.
Aux mois de juin, juillet et août, ils mangent beau-
coup d'ignames {geull tapie). Je ne partage pas leur
goût pour ce dertiîër mets. La brevette est |)ëut-étre
un des thets leis plus coihrtiuiis. Leurs fenlmes ibnt
ëfaargëëd de les pêcher ; elles abondent dans toutes ces
Hvières.
Pour préparer soit leur poisson, soit leur viande, ils
se servent d'huile de palme et surtout d'odika, sorte
de chocolat huileux, huileux ;^arce qu'il est cotnpôsé
du contenu d'une noix à forme ellipsoïde, c^ui vient stir
un arbre à fleurs blanches et à feuilles luisante^ ei
|M)faltU6d;
( 551 )
Les Pahouins, ainsi que les Bouloux, fabriquent
aussi Todika et le mangent.
Uodika est le nom pongoé de cette préparation,
N'dikb le nom boulou,
N'diki en akalais.
N'doko en pahouin, faou et makéi'.
Pahouins^ Faon et Makei ,
Cette peuplade est sans contredit la plus nombreuse
de tout ce pays. J'évalue leur nombre à 120 000 envi-
ron. Ils se partaient en deux races mêlées dans cer-
taines parties du pays. Ils habitent depuis les mon-
tagnes de Cristal, la rivière d'N'coni; ils sont la terreur
dès populations du littoral où ils pénétreront bientôt,
sans aucun doute. La crique Ciembré dans TEstuaire
de Cohit, contiendrait déjà des Pahouins Faon.
Ils sont très braves, se servent très peu d'armes à
feu et se battent avec des sagaies. Les Akalais et les
Bouloux ont recours au fusil; cependant les Pahouins
commencent aussi à s'en servir. Ils se battent comme
chez nous, en plein jour et munis d'un bouclier en
peau d'éléphant; ils aflrontent leurs ennemis.
Ils chassent Téléphant, travaillent très bien le fer
qui abonde dans leurs montagnes.
Leurs villages sont très propres, leurs cases très bien
faites. Leurs villages consistent dans une seule rue très
bien alignée, à l'extrémité de laquelle est la forge.
Quelquefois il y en a deux. Au milieu existe une case
commune ; les cases sont parfaitement symétriques des
deux côtés de cette espèce de rue. Contrairement 'aux
( 352)
Pongoé, aux Akalais et aux Bouloux, ils sont anthropo-
phages. — Pour des défenses d'éléphants ils achètent
des captifs chez les Akalais et les Bouloux pour appro-
visionner eurs festins. — Us se font la guerre entre
eux et se mangent aussi entre eux.
Leur race est toute différente des autres ; ils ont la
peau beaucoup moins noire que leurs voisins, ils sont
jaune noir.
Le nez égyptien, les yeux relevés et fendus en
amandes comme les Nubiens; leurs tempes un peu dé-
primées, et Tos des joues un peu saillant. Le bassin est
très étroit. Ils sont en général bien taillés et assez grands.
C'est chez eux que j'ai vu les plus beaux hommes.
Ils sont d'une maladresse notoire sur l'eau.
A terre ils sont, comme je le disais plus haut, la
terreur des voisins.
Je crois qu'ils viennent de la Nubie et ont traversé
l'Afrique.
Beaucoup d'entre eux ne savent pas nager. — Ils
n'auraient donc pas trouvé beaucoup d'eau.
Chez les Pongoé, les Akalais et les Bouloux, tout le
monde sait nager. Une femme boulou me disait qu'elle
ne craindrait pas dix Pahouins sur l'eau.
La religion de tous ces peuples est un mélange de
fétichisme et de superstition.
Lors de mon voyage à la source de la rivière Como,
on me montra sur une montagne un arbre gigantesque,
où, selon leur tradition, Dieu créa les hommes et dis-
tribua à chaque homme un peu de miel pour sa nour-
riture.
Les Pahouins mangent la banane, c'est la base de
( 363 )
leur nourriture; peu de poisson, qu'ils aiment cepen-
dant beaucoup, mais qu'ils ne peuvent pas se procurer
en abondance, à cause de leur peu d'habileté sur
Teau.
Ils vivent aussi de chasse ; ils aiment beaucoup la
chair d'éléphant, la biche, l'antilope, le singe.
Ils laissent pousser leurs cheveux qu'ils rassemblent
en une seule tresse qu'ils laissent tomber en arrière,
comme notre ancienne queue (ils ne leur manquerait
que d'être poudrés),
Devant, ils ont tous une peau de singe qu'ils tuent
avec un arc que j'ai apporté, et des flèches frottées
d'un poison dont l'effet est très violent.
J'ai assisté à une de leurs chasses aux éléphants. --*
Les Pahouins ne sont pas encore descendus jusqu'à
l'Ogo-Uwai.
Chez les Akalais et les Bouloux ils ont des chefs à
peu près reconnus, qui se cachent la figure quand ils
boivent, dans la crainte du mauvais œil. Chez les
Pahouins c'est à près le communisme. L'homme le
plus intrépide est reconnu tacitement comme chef. —
Lors de cette chasse aux éléphants, je désirais avoir les
pieds; je fus obligé d'attendre le partage de la bête.
Ceux qui passaient pour chefs ne pouvaient pas se les
approprier, d'un commun accord, lorsque l'animal fut
tué, on me donna la tête dépourvue des défenses, il
est vrai. C'est le morceau d'honneur; ils ne sont pas
d'accord, en cela^ avec le célèbre voyageur Levaillant.
Les Pahouins sont réputés très bons pour guérir les
blessures, soit de sagaie, soit d'armes à feu. Ils mettent
sur les blessures une écorce d'arbre appelé par les
( ssA)
Akâlais Harih^ par les Boiûouxmanh et par les Pahouins
hiè biahh.
Lôràqû'U est qttestîon de ^tierre avec lès Akàlaîs,
ils ne se décident à la faire que suivant l'aspect (^iie
firéod tin banaLnier qu'ils coupent en travers! d'un ëën-
Her, et que chaque guerrier foiile aux fiieds pendant
tin temps déterminé. Lorsqu'ils sont pôursiliti^ pat des
etmemis; ils plàtiteiit dans le sentier, dé distaiice êii
distance; deà itiohceaux dé hovA poiiiiiis et diii-s, qiii
font rebrousser chemin quelquefois à beux qui les
|)btirstllvent.
lÀ chasse aux éléphants se fait de cette màhiëré i
1(6 sorcier ou médecid ae là tribu, appelé h'gan cliez
les Pslhbiiind, attire Téléphant à l'aide d'uii appeau
àppdé dibëkà, après Itii avoir préparé deé appâta
composés en grande partie de feuilles et de petitëà
i)ànat)ë^ boibiliéëé toto^ dont l'ëlêphaiit ëàt très friaiid.
Pëndslht ce temps toute là tiibû se itiet à faire un eii-
Iburà^é parfaitement i*ohd de âOO iiiètres de ràyBii
ènvirocl; bompbsé dé bambous de dix pieds de hau-
teur; Ces bàmbbùâ ne sbht pas forte, car ils sont cxmi
à riiltérieur. Gët entourage se ridnmié angôlé d'fàgg^
d'jogg vëilt dire ëlëphant.
Ilà prétendent i^ue le n'gdâ maintient l'êléphalit dàils
èèt enclos circtilàii'e^ jusqu'à la terminaison, avec titl
ianlbour appelé m'baîâ dont l'éléphant ainie le sdii:
Gcci est le côté fabuleux.
• L'ëlëfihànt trbiivarit naturellement des bananes éi
dès feulUes dont il est tfës friand, né soiige pas à quit-
tée l'endroit où il trouve sa provision toiljours reiiou-
Véléé.
( S55 )
Lorsque rëhtôtil'age est termitié, le h'gàn se perehe
gtir un arbré voisin de la clôture, et est mtini d'iiiiè
sagaie très pointue dont le poids est augmenté; L'élé-
phant, trouvlttit deâ bananes et de Teku dans un
sentier conduisant à cet arbre, vient s y faire bénévo-
lement tuer d'un coup de sagaie à l'épine dorsale à la
région du cou.
Aussitôt la sagaie tombée, tout le monde, hommes
et femmes, se précipitent sur l'animal qui fait un tour
éiii* ibi-nifimëi cbitimie un bdsUf qdi à l*éçii iiil cduiil de
liiàssiDs.
De^dl§ l'enfance bn habitue cèis gëils $1 manier là
sagaie: J'âl vu des ëiifants planter cbiitiiluëllemeht
lëitrâ èàgâiëâ âttils iih iilorcëatl dé boii^ sptitiglëui ^e
je jetais en l'air.
Lorsîjû'ils Se précipitent sur l'ëléphant, les ciiS de
l:séiâ gëÈlâ lie âdnt pàst des cris d'honimés, ce âont Ses
litiriëthënts de Vraies bêtes férbcés. Mes noirs ^ qui
tf ëtilettt pas du t)ays, furent ëfiVayés feh lëis entendant;
f êfa étki^ moi-irilmè Hj^é toiil jUste taSiuré;
La tête est donnée au plusi brave: Une défense et là
txbiUpé dbnt données âti d'gan;
Lâ;iètë se hotfatfae n'//i; là ti'othpë iân-d'joggi
L'éléphant, qui pourrait renverser, par son ptopl^
fldidU deUl; Fëntourage, ne songe pas & le dépasser.
Coiùttie il est parfaitement tégulîèr à l'intëHeur; roùd
connue un vase, l'animal tourne autbtir de Ce pot. Il y
tournerait, je crois, éternellement.
Les blancs Sbtit appelés, par lés Porigoé et les Bou-
tons ^ tanganu itâhga t)at' les Akalais et iitltan^g ptiiï
led Pdiotdni»;
( 35G )
Les Pahonins ont eax-mfimes des eDDemis terribles
qui les obligent, dans les montagnes, i se tenir sur
leors gardes.
Ce sont des tribns nomades appelées :
Par les Poosoé Akowa;
Par tes Boolom Bakoio ; 2
Par les Akalais AoIboimi;
Pw les Pahoaiiis, Bakom.
C'est un peuple à taille exiguS, comme les Lapons ;
ils arrivent à une grosseur étonnante, ils ont les che-
veux et les sourcils roux laineux, les yeux de la cou-
leur des albinos, et la peau jaune noir, bla£Etrde.
Es prétendent que ce peuple est d'autant plus ter-
rible qu'il y voit la nuit.
Bref, ils se battent très bien, chassent continuelle-
ment. C'est là la base de leur nourriture. Leurs cou-
tûmes nomades empêchent les Bakouî de s'occuper de
culture. Aussi viennent-ils troquer des défenses d'élé-
phants avec les Pahouins, contre des bananes, des
ignames, de l'odika et du sel.
Le peuple pahouin est celui qoi soigne le plus ses
cultures, en dépit de son penchant à se rapprocher du
littoral.
Le pays, jusqu'aux montagnes de Cristal, contient
quelques flaques d'eau salée, qui sont d'une grande
utilité pour ces gens.
J'ai vu deux ou trois Bakouî.
Il paraîtrait qu'au delà des montagnes de Cristal, le
sel est très rare. Ce n'est pas étonnant, car, suivant
l'expression de M. Henrick, prêtre protestant, la con-
( 35^
trée au delà de PoDdoum n'est plus qa'un océan de
montagnes.
La contrée, depuis le littoral jusqu'à l'extrémité de
la Bogoé, n'est accidentée que par de petites collines
dont les plus hautes n'atteignent pas 50 mètres ; aussi
est-elle inondée de criques qui la sillonnent en tous
sens.
Sur les bords de la rivière Gomo, le pays change d'as-
pect, quelques moments avant d'arriver à une grotte
peu profondément située dans le côté de la montagne
qui forme le côté de la rive droite de la rivière. Là se
forme un plan de montagnes de200 mètresde hauteur.
Itchouké ou Itchongué, village pahouin, est situé dans
la vallée qui termine cette chaîne dans le nord-est.
Ensuite le Como devient très étroit et coule au milieu
de montagnes où je n*ai pas pu aller, car la position
de capitaine de bâtiment ne permet pas de faire ce
que l'on veut.
L'extrémité Mabéï, marquée sur ma carte, est au
milieu de montagnes qui répètent à l'envie un écho
trois ou quatre fois. Cet écho, selon eux, semble dire
mabéï.
Noms donnés aux peuples limitrophes^ par les Pahoains
Makéï.
Ilf appellent les Pahouins Faons Biéié;
— les Akalais Binngamth;
— les Booloui Béchiou'y
— - les Pongoé Baouo madjiba ;
^ les Lakouï Baguiéli.
<»!■ «
( m )
Explication des renvois indiques dans le er^gjfm ^ fg^
rivière, ÇomQ*
A. — La rivière Gomo est réellement une rivière» car T^ean
yil9(()&8|nop^gDÇ8; qoant à |a rivière Sogoé'qw v(| plus lois
(jjins l'est, ce n'eft ^ propre^ept parler qu une çriliVift Qlk l«9ot M
fait sentir jusqu'à l'extrémité.
9. — |.^ rjyièrç Paii^bQé des GabpPDais et Limbié des Àka-
lai^ sq divisa en dem^ t)raQc))^. Gell^ f)Q giluctiQ e» rfiSa|d4PV)^
m^ prend le npm d^ (tbanobc^, ellf» poqle p^daql ^viff^
550 pille9 : elle est l^abitée par des Gaboqoais, ^^s ^opj^ux ft
des Avalais. Celle de drgitoi sp nomo|e Yambi et <;qu|g ^a pd-8{i(}^
est et au sud. Elle communique de nouveau avec la rivière Hbam-
boé de la même manière que les rivières Como et Bogoé çpmmu-
niquent entre elles par la crique Tiolé Chauvin. Elle est habitée
par des Âkalais, des Bouloux et quelques rares villages de Pabouîns
Makél. La rivière Rhamboéa à peu près les trois quarts du coufd
de la rivière d'Oulombo-Empolo ou Como.
G. — Les Bouloux sont les hommes les plus intelligents et
aussi les plus sensuels de la rivière ; ils sont en très petit nombre.
Dans leurs rares villages il y a toujours quatre fois plus de femmels
que d'hommes. • " * ■ Vî
Le roi Bou, du village Tchimbié-boulou est le principal cour-
tier deTivoire provenant des Pahouins des montagnes de Cristal.
Les f ahouips ont pour ce chef des attentioa§ qu*ila d'oq( pas
pour les leurs.
On aperçoit encore des traces de Pahouins Makéï dans la crique
Longié et sur les bords de la rivière Yambi qui tombe dans' la
rivière Rbambo^.
D. — Les bords de la rivière Lobié étaient autrefois habités
parles Akalais, ils ont été chassés parles Pahouins.
Les gens du pays disent que les rivières Lobié et Bogoé com*
< m )
knaniquent entre elleâ, ce ne peut être que par quelque crique»
parce que j'ai remonté le 60ur9 de ces deux rivières aussi loin
que possible et que je n*ai pas découvert'le f>oint d^intersection.
Du reste le pays est entièienoent couyertd'Qo réseau de rivières
communiquait pre§qu^ ipf^tes entre Q)!§g p^i: ()es cçy|iiei; elles
présentent les plus sérieuses dif^cul^^s à une reconnaissance
exacte.
£. — Les Pahouins se divisent en deux races :
V Les Pahouins Faon;
^* Les Pahouins Makéî.
les çreipf rs yifimjgn^ de I^ rivière f^gpjo gar 1^ ngdqocdrjgt,
nof'd-est, sud-est, est-sud-est; lessecon(}s yiennenj par je çu^t
est. Leurs langues ont beaucoup d'analogie entre-elles. Les
Pahouins Faon semblent mépriser un peu les Pahouins Makéî, qui
paraissent provenir d'un mélange de Pahouins Faon et d'un peuple
nommé Shiibi qui habite sur les bords de TOgo-Uwaï.
V. — M. Bert, missionnaire américain, est parti d'un village
de la rivière Cohit et est venu terminer son voyage en ce point
où il a vu neuf villages pahouins. Il a été bien accueilli partout;
grâce à son compagnon qui était un chef pahouin très connu
pannieux. ' '
LA RIVIÈRE PARAGUAT,
DEPUIS SES SOURCES
jusqu'à soif EMBOUCHURE DANS LE PARAFA
(iS5i à iSSiï),
Par le docteur Amédéb MOURE.
{Suite.)
La rivière S. Lourenço, autrefois appelée rivière des
Parrados, a ses sources par les parallèles de 15° iat.
sud, à l'est-nord-est de la ville de Cuyabâ. Une mul-
titude considérable de ruisseaux et de petites rivières
grossissent ses eaux presqpie dès son origine. Le prin-
cipal de ses tributaires porte le nom de Parnahyba ; c'est
bientôt après cette jonction que se trouve la dernière cas-
cade de la rivière S. Lourenço. Cette rivière est facile-
ment navigable jusqu'à cette cascade. Delà, la rivière
S. Lourenço parcourt plus de 120 kilomètres au milieu
de plaines, sans qu'elle reçoive un seul affluent consi-
dérable. Mais bientôt, par sa rive droite, elle reçoit la
rivière Itiquira, qui, elle-même, a vu grossir son cours
par les eaux assez puissantes et navigables des rivières
Cor rentes et Piquiri.
C'est à quelques kilomètres au-dessous que, par sa
rive gauche, la rivière S. Lourenço reçoit le plus im-
portant de ses affluents dans les eaux de la belle et
riche rivière Cuyabâ par les 17° 19' Iat. sud.
La rivière Cuyabâ naissant des versants nord-est
de la serra des Parecis par les 12° 30', après avoir reçu
de nombreux affluents, passe, majestueuse et fière,
( ^^^ )
>n face, sur la rive gauche, de la jolie ville, capitale de
la province à laquelle elle donne son nom, par les
i5o36'lat. sud et 58° 15' long, mérid. de Paris.
Nous savons que la rivière Guyabà est navigable,
puisqu'elle entretient sur ses eaux, non-seulement une
navigation importante de cabotage et une navigation
à vapeur , qui descend jusque dans le Paraguay , le
Parané et La Plata, mais encore une petite flotte
qu'alimente un arsenal de marine des mieux approvi-
sionnés, et qui est le centre de défense des limites de
toute la partie ouest du Brésil.
La rivière Guyabà n'a pas moins de 320. kilomètres
navigables jusqu'à son embouchure dans le S» Lou-
renço.
Il se produit dans la rivière Guyabà chaque année,
au moment des premières pluies, un phénomène assez
curieux pour être mentionné ; je ne sache pas qu'il
existe autre part, ni même qu'il ait été signalé par les
voyageurs.
Ge phénomène est une émigration annuelle de pois-
sons en masse, semblable à celle de certains oiseaux en
Europe. Aux premières pluies, fin octobre ou commen-
cement de novembre, la rivière étant à ses plus basses
eaux, on voit se réunir par bandes, quatre ou cinq
espèces de poissons, qui font un grand bruit, percep-
tible à plusieurs kilomètres de distance, et qu'on pour-
rait comparer au roulement de voitures ou de char-
rettes sur un pavé irrégulier.
Ces poissons descendent à petite journée le cours
de la rivière , pour aller s'établir sur les terrains snb-
mi^rgés par l'inondation, ^l'ai vu pour la projnière fois
I. MAT ET JUIN. 2. 2/i
(165)
ee corieiix phénomène le 1** novembre 1851 devant
Cuyabà ; il s'est prolongé jusqu'au 15.
D est une espèce très nombreuse du nom de Curim-
kata qui commence Fémigration, une autre plus volu-
mineuse et tout aussi nombreuse, appelée ran/, vivant
de la première, semble la poursuivre. Puis d'autres
viennent à la suite.
La quantité de poissons que l'on prend partout sans
filet avec la main , avec des flèches , des paniers , est
incroyable; c'est un amusement fort curieux pour
l'étranger.
Cette émigration amène les poissons vers les ter-
rains inondés, où ils vont dans de gras pâturages
produire une génération qui, eu mai ou juin, fera une
ascension bien plus nombreuse et avec moins de bruit,
mais toujours avec un ordre analogue à celui de sa
descente.
On voit alors une immense quantité de petits pois-
sons, poursuivis par de plus grands, qui, eux-mêmes, se
hfttent de fuir ceux qui les veulent atteindre. Il n'est
pas moins curieux de les voir abandonner les terrains
inondés qui les a vus naître. L'eau va leur manquer ; il
n'y a plus qu'un étroit courant de communication ;
Feau va disparaître. Combien de milliers retardataires
payent de leur vie d'avoir manqué de vigilance et
d'avoir donné à l'eau le temps de rentrer dans le
fleuve avant eux !
A pea près tous les poissons à écailles de ces pa-
rages vont à l'émigration annuelle à plus de 200 kilo-
mètres de leur séjour habituel. Pendant un moment,
il ne reste dans le Cuyabà que les poissons à peaux
lisses et les retardataires.
( SOS \
Il est du reste peu de rivières que je sachç au^çi
éminemment poissonneuses en quantité comme en qua-
lité que la rivière Cuyabâ.
Les poissons que j'ai vus sont désignés sous les noms
de poissons à écailles : curimbata, pacu, dorado, pi^-
bussu, piraputangà, trahira, abotùado, ximboré, cara,
caraguassu, jejum, lambari, banana, piavag^inhs^ ,
sfardinha, tabinha.
Plats à écailles : pacupeba , piranha , papudi^ha,
sàhicanga, peixe cachorro.
Les poissons sans écailles : barbado, jurupensen,
juripoca, bagre, pintado , jahu , fidalgo , jahupeva,
dondu, agulha, mussum, congussu, suruby, etc., etc.
Après avoir reçu les eaux du Cuyabâ, le S. Lourçnço
suit la direction générale sud-est à ouest au milieu
de terrains sujets à l'inondation, et après un pe^rQoucs
de 72 kilomètres va unir ses eaux à celles de la rivière
»
Paraguay vers les 4 7° 55' la t. sud. La longitude de
cette jonction d'après la moyenne de quatre observa-
tions astronomiques doit être 60° 9'!'', puisque ce§ ob-
servations avaient donné 60°9'3ô", 60°9'a5", 60»11'5"
et 60°5'50". D'après les observations des astrpnpmes
de la commission de limites en 1786, la longitude de
Pedras de Amolar avait été. de 320oi3'34" de l'île de
Fer, ce qui correspond à 59" 46' 30'' du méridien de
Paris. Or» Pedras de Amolar est situé à 0° i'A8" à
l'ouest de l'embouchure du 8. Lourenço, il eu résulte
poi;ir celle-ci 59'' 44' 42", ce qui donne une dUTérçupe
sur les observations modçruqs de Q°24'29".
11 existe, à la confluence de cette rivière, une Ue bîisse
et entièrement sujette à l'inondation. Cette île a 1 ki*
t
lomëtre de largeur sur 2 kilomètres de longueur , et
s'étend jusqu*aux 17*57'. H arrive que, quand la crue
des eaux de la rivière S. Lourenço précède on excède
la crue de la rivière Paraguay , les eaux de cette der-
nière rivière sont repoussées dans la partie supérieure
du bras oriental, et alors les eaux du S. Lourenço se
trouvent affiner dans celles de la rivière Paraguay par
deux bouches opposées , Tune an nord et l'autre au
sud de rile.
Dans ces parages, le terrain de la rivière Paraguay
est sensiblement plane et horizontal, si Ton excepte
cependant un petit groupe de collines à une distance de
4 ou 5 kilomètres de la rivière , ainsi que la petite
montagne de Caracarà, située sur la rive droite du
S. Lourenço, à 4 kilomètres avant son embouchure.
Sur la rive droite du Paraguay, à la distance de 1 à
2 kilomètres, on aperçoit la haute et majestueuse cor-
dillère qui longe la rivière Paraguay , depuis le lac
Gaïba jusqu'à Coïmbra.
L'espace de terrain qui sépare la rivière des mon-
tagnes, est très bas et en partie marécageux et entre-
coupé de ruisseaux et de petites rivières. La largeur
de la rivière dans cet endroit excède 100 brasses.
A 11 kilomètres au-dessous de la barre du S. Lou-
renço, le rio Paraguay présente sur la rive droite une
pointe de la cordillère que nous venons de signaler.
Cette pointe porte le nom de Pedras de Amolar.
A 5 kilomètres plus bas, cette cordillère se rap-
proche jusqu'à servir de limite à la rivière, à l'endroit
désigné sous le nom de Dourado.
Le Brésil possède sur ce point d'extrême frontière
r 4. r
( 305 )
, » • • •
avec la Bolivie, un détachement de peu d'importance.
Ce poste néanmoins offre une grande valeur pour la
police fluviale, en même temps qu'on y trouve les élé-
ments d'une vaste et imposante exploitation agricole
et industrielle , mais qui ne se fondera que dans un
avenir plus ou moins éloigné. On y conserve seulement
quelques bestiaux.
La végétation qui recouvre toutes ces montagnes,
appartient à la même richesse que celle des plaines.
Le côté ouest présente plusieurs groupes de forêts
vierges.
Derrière la chaîne de montagnes du Dourado, sur la
droite du Paraguay, et en territoire bolivien, se ren-
contre le lac Mandioré par les 18° 12' lat. sud.
Voici la description qu'en donnent les commissaires
des limites de 1786.
« Le lac Mandioré qui a la configuration de la plante
du pied d'un homme, a 20 kilomètres du nord au sud,
6 kilomètres de largeur dans sa partie moyenne, et
52 kilomètres de tour. A la rive orientale s'appuient
les hautes montagnes qui forment les versants opposés
de la côté occidentale de la rivière Paraguay en venant
du lac Gaïba. La côté opposé du lac Mandioré, ou celui
de l'ouest , est également montagneux , et ses mon-
tagnes se tournant vers l'est, se terminent au sud.
Enfin l'extrémité nord du lac Mandioré est limitée par
la même latitude que Pedras de Amolar, laissant entre
la fin du lac Gaïba i 6 kilomètres de terrains élevés,
recouverts de forêts avec une montagne plus élevée de
forme pointue vers le milieu, que l'on désigne sous le
nom de Uheo. »
( S66 )
A partir dn Donrado, la rivière Paraguay court est-
8tld-éât, durant 7 kilomètres. On doit noter sur la
rivô droite deux montagnes élevées et détachées, ap-
pelées C/mnès, qui sont Tune et l'autre â près de 2 ki-
lomètres du bord de la rivière.
Un peu plus loin , une grande baie avec le même
nom de Chnnès vient sur la rive gauche apporter ses
eaux d'écoulement à la rivière Paraguay, tout en com-
flliiî1i(ïuânt avec la rivière S. Lourenço au moyen d'un
(îartâl (Jtii sort de ladite rivière aussitôt après la ter-
àlînaison de là montagne Caracarà.
A 8 kilomètres de la baie de Chanès , dans la direc-
(iori sud, on trouve les Très Barras ^ ainsi nommés
parce qu'à ce point la rivière se divise en deux bras,
qu'une île sépare , en même temps que se trouve en
face sur la rive gauche la bouche d'une baie d'écoule-
ment. Le bras droit est bordé , à très peu de distance,
par une ligne de bas-fonds qui limitent la rivière à
l'endroit désigné sous le nom de Laranjeiros , et qui
s'étend à 7 kilomètres des Très Barras pour se conti-
nuer à 5 kilomètres au dessous de Laranjeiros , et se
terminer avec la montagne de Sucury.
A 5 kilomètres plus bas. c'est-à-dire par les 18*» 29'
lat. sud, la rivière Paraguay se sépare de nouveau pa^:
la gauche, en envoyant dans cette direction un bras
qui forme le Paraguay-Mirim, et qui, présentant une
boilche de quelques brasses de largeur à peine, est
facilement navigable.
Ce bras fait de nombreux détours au milieu de ter-
rains sujets à l'inondation , et est entrecoupé de plu-
sieurs baies d^écoulement , avant de rentrer dans le lit
( 867 )
principal. Sa ligne droite n'aurait pas plus de 33 kilo-
mètres, tandis que son parcours n*a pas moins de
55 kilomètres.
C'est ici que se termine le district que les Guatos
ont l'habitude de parcourir ou d'habiter. Ces Indiens
dont le nombre peut être évalué à 4000 ou 5000 in-
dividus, se rencontrent sur la rivière Paraguay depuis
les lacs Dberaba et Gaïba , sur le bas des rivières
S. Lourenço et Cuyabâ, c'est-à-dire qu'on les trouve
dans tous les parages sujets à l'inondation entre les
17** et 18° 30'. Ils n'ont pour ainsi dire d'autres de-
meures que leurs canots. Ce qui surprend dans ces
petites embarcations , cest la légèreté, l'élégance et
l'y • . • • • ^ i
surtout la ressemblance parfaite de chacune d'entre
elles.
Quand ces Indiens stationnent quelque temps dans
un endroit, ils se construisent à la hâte sur l'une ou
Tautre rive, de petites cahutes de branches d'arbres et
de feuilles de palmiers; c'est là leur demeure et leur
abri contre la pluie, le soleil et les moustiques.
ils vivent de chasse et de pêche. Us ont pour arme
un arc de 2 mètres âe longueur, fait en bois dur et
noir, avec des flèches de 1 mètre 1/2 et moins, qu'ils
manœuvrent avec une habileté et une dextérité extra-
ordinaires. Ils se servent de leurs flèches pour la pêche
comme pour la chasse. C'est avec une flèche courte,
faite de roseau dur, qu'ils atteignent le poisson, tandis
'iy /.'il
que pour la chasse contre les tigres qui infestent ces
contrées, ils se servent d'une flèche plus longue et
plus forte qu'ils nomment àzaguia.
Les Guatos ont autant de femmes qu'ils en peuvent
( 368 )
ou veulent nourrir de leur pêche et de leur chasse. 11
est rare qu'ils en aient plus de trois ou quatre ; beau-
coup se contentent d'une seule, mais j'en ai vu plu-
sieurs qui en avaient dix et douze , et Tun d'eux en
avait treize. Malgré ce nombre et en opposition aux
Indiens Guanas et Guaycurus qui n'en ont jamais
qu'une qu'ils cèdent volontiers, les Guatos sont extrê-
mement jaloux de leurs femmes, surtout au vis-à-vis
des étrangers qui seraient mal venus de leur adresser
la moindre plaisanterie.
On ne rencontre pas chez les Guatos la barbare cou-
tume qu'ont certaines autres nations de tuer leur
progéniture. Chaque famille vit isolée, et quand ils se
réunissent pour une guerre ou un commun besoin, ce
n'est que pour peu de temps.
On ne nete rien de particulier dans leur physiono-
mie, si ce n'est qu'ils sont un peu arqués dans la
tenue du corps et des jambes ; ce qui doit tenir à la po-
sition dans laquelle ils se tiennent constamment pour
ramer leurs canots. Ils n'arrachent ni leur barbe ni
leurs sourcils, néanmoins ils en ont très peu. Us laissent
croître leurs cheveux. Les hommes les attachent sur
le haut de la tête» et les femmes les laissent flotter
sur le cou et les épaules. Ils sont généralement nus,
hommes et femmes., même la tête; ils recouvrent à
peine les parties génitales.
Cependant ils portent volontiers une chemise et un
pantalon de toile de coton , tandis que les femmes se
plaisent à se parer d'un jupon de même étoffe, mais ils
ne s'habillent ainsi que lorsqu'ils doivent se trouver
en contact avec des voyageurs, surtout avec des étran-
( 309 )
gers qu'ils savent appartenir aux pays civilisés , et
dont ils attendent quelques petits cadeaux, ou avec les-
quels ils espèrent échanger leurs peaux de tigres et
même leurs flèches.
Ils portent presque constamment pendus à leurs
oreilles, quel que soit le sexe, des pendants artistement
faits en rosace avec des plumes d'oiseaux aux couleurs
les plus brillantes. Ainsi que toutes les nations voi-
sines, ils ont perdu ou abandonné Tantique coutume
de se percer la lèvre inférieure pour y placer un mor-
ceau de bois ou d'os.
Bien que les Guatos soient, pour ainsi dire, amphi*
bies, puisqu'ils vivent presque toujours sur l'eau, ils
sont d'une malpropreté rare.
Les Guatos sont inoffensifs, d'une loyauté gratide;
mais ils ont montré en plusieurs occasions qu'ils étaient
vindicatifs; ils oublient rarement une offense et ils
savent se venger des agressions qu'ils n'ont pas pro-
voquées.
La langue des Guatos est gutturale, sans euphonie,
et ne présente aucune analogie avec la langue géné-
rale des Indiens ou Guaranis. Disons que beaucoup et
presque tous les jeunes sujets parlent le brésilien plus
ou moins correctement.
Aussitôt que les Guatos aperçoivent une embarca-
tion, ils l'entourent de leurs petits canots et la suivent
tous les jours et durant le temps qu'elle se trouve dans
leur latitude; ils en attendent un peu de farine, du
sel, du tabac et surtout de l' eau-de-vie, pour laquelle
ils sont très friands.
Ils font encore un petit commerce d'échange avec
( J70)
les voyageurs ; ils donnent le produit de leur cbasse«
comme des peaux de tigres, de singes , de loutre ou
bien de la cire , du miel , etc. , contre des couteaux,
des haches, des hameçons et de la toile de coton.
Quelquefois ils se louent pourle service des cstnots,
et ils deviennent très utiles , soit pouf c^iassQr , sgit
pour pêcher, soit pour diriger une embarcation parmi
les terrains inondés.
Au retour d'une excursion lointaine qui n'avait pas
duré moins d'une année , j'ai pu jouir dans ces pa-
rages d'un bien agréable spectacle, offert par l'arrivée
de deux Guatos (jue j'avais eus à mon service et dont
maintes fois l'avais eu à me louer. Ce furent des cris,
des hourras, des accolades, des va-et-vient, des génu-
flexions à n'en plus finir^ que faisaient plusieurs cen-
taines de familles où les femmes étaient en majorité*
Toute l'industrie de cette nation consiste dans la
fabrication de leurs canots, de leurs arcs^ et flèches.
Us font également avec de l'argile et du kaolin des
vases grossiers pouvant servir à la conservation de
l'eau et à la cuisson des aliments. Avec un fil grossier
qu'ils retirent de l'écorce , et des feuilles du palmier
tucum ou des feuilles del'aloès/;//^, ils tressent jde fort
beaux hamacs et de jolis éventails. Il va sans dire que
dans ces contrées l'éventail est très utile contre les
moustiques qui sont le désespoir du voyageur,
Ce n'est que par exception que l'on rencontre par
rares intervalles une famille établie dans un lieu dé-
terminé , et s'y adonna,nt à la culture de quelques
pieds de canne à sucre, de maïs, de manloque* de
banane, etc*, etc. C'est là tout ce qu'ils possèdent, et
(871)
cependant ces plantations sont si insignifiantes, qu'elles
semblent être insuffisantes au besoin de la famille.
te bras supérieur dé îa rivière Paraguay , que nous
avons laissa |)ôur entrer dans le l^araguay-Mirïm,
poursuit depuis ce point avec de nombreuses sinuo-
sités la direction sud-oùest jusqu'au Castello.
Ce Castello est un rocter vertical ^ui ressemble â
une vieille muraille en ruines ; Il est situé sur lé bord
de ïi rivière a l'extrémité d'une chaîne de petits ro-
chers qui coûfénf dé "l*ôuést-sud-oùest vers l*est-
noi*d-esi. En face, sur la rivé opposée, se Voii une
et aîné pareille de montagnes, quoique bien plus pe-
tite. À cet èncfroît, le no ^I^araguay n'a pas moins de
8Ô i, 100 mètres de largeur.
t)èpuis Sucury, comme depuis Castello, on aperçoit
dans' le lointain sur la rivé droite des terrains hadts
et montagneux avec d'autfes bas en certains éndfoîts,
et vers le sud les sommets de la chaîne des montagnes
d'Albuquerque, qui dominent les terrains élevés au
centre desquels îls planent majestueusement.
La rivière I^araguay , toujours dans la direction sud
un peu oue^, après un parcours dé à'/ kilomètres de-
puis dasteÏÏo^ va se Jeter perpendiculairement Vis-â-vîs
d*un terrain où elle forme un coude. Ce lieu, appelé
Corumbâ, par les 18* ASt^ lâi sud, est un point riche
d'avenir. îl sera bientôt l'entrepôt de la navigation dé
toutes ces contrées. Une petite population y fut établie,
îl y a une cinquantaine d'années environ , par le capi-
taine général- gouverneur de la province dom Luizde
Albuquerque. Slais pouvait-elle y prospéref sans les
ressources de la navigation f
( 372 )
La position de Corumbi par les 18° h2' lat. sud et
59*55' long, est donc avantageuse et mérite atten-
tion. Le climat y est doox et tempéré ; le sol d'one
fertilité extraordinaire. Elle abonde en forêts vierges
aux riches essences, est entrecoupée de plaines avec de
gras pâturages propres à Télëve dn bétail.
Le terrain est calcaire et on en fabrique de la chaux
qui suffit à presque toutes les constructions de la pro-
vince. Malgré tous ces avantages , cette population,
loin de prospérer, n'a fait que diminuer par le manque
de débouchés. Il était réservé à la navigation à vapeur
de lui donner la vie , en développant ses ressources.
Les deux édifices les plus importants, la chapelle et
la caserne, étaient presque en ruines en 1852, et c'est
à peine si les cent et quelques personnes qui formaient
la population de ce village, pouvaient cultiver le néces-
saire à leur misérable existence ; mais la richesse du
sol suppléait h leur apathie.
Cet état de choses s'est bien amélioré depuis 185&»
époque où, en prévision de la navigation à vapeur qui
était alors en projet et qui s'est réalisée depuis, M. Le-
verger, président de la province de Mato-Grosso, dé-
créta que ce lieu servirait de douane et d'entrepôt.
Dès lors des édifices ont été construits ; la population
y a afflué, et le bourg de Gorumbàdoit être déjà trans*
formé.
La côte sur laquelle est posée cette cité naissante,
s'étend à 12 kilomètres vers l'ouest et se termine
par une petite chaîne de collines dont la base est
baignée par les eaux de la baie de Tamengos ou Ca-
cerès, qui sert de réservoir à l'écoulement des vastes
f S7S )
terrains que forment les plaines ou campos de Cacerès
dans la direction nord-ouest.
En suivant cette même côte , la rivière Paraguay,
toujours par son bras supérieur, continue la direction
est un peu sud, pendant 6 kilomètres, jusqu'à la
pointe de Ladario, où, dans l'origine du Corumbé,
on voulut établir une population qui ne put réussir
à s'y maintenir.
A 6 kilomètres plus bas, toujours dans la même di-
rection, la rivière longe la pointe septentrionale de la
chaîne de montagnes de Rabicho, dont la direction est
approximativement du nord au sud.
Entre les deux pointes extrêmes de cette chaîne se
trouve un terrain soumis à l'inondation, qui, s'étend
au sud, jusqu^à la base de la chaîne des montagnes
d'Albuquerque.
La rivière suit la direction est-nord-est depuis la
pointe du Rabicho, et c'est à 3 kilomètres de ce point
que la bouche inférieure du Paraguay ou Paraguay-
Mirim vient s'unir aa bras supérieur et rentrer dans
son lit principal, par les 19° 2' lat. sud. La rivière a
ici une largeur considérable, et dans un parcours de
10 à 12 kilomètres, l'on rencontre plusieurs petites mon-
tagnes isolées ou groupées , qui forment autant d'îles
à l'époque de l'inondation qui n'atteint que leurs bases ;
elles sont situées sur les deux rives et vers l'embou-
chure de la rivière Paraguay-Mirim.
Aussitôt après cette embouchure, la rivière Paraguay
tourne vers le sud-est, et à la distance de 7 kilomètres,
elle reçoit par la gauche la rivière Formigueiro, et un
peu au-dessous celle de Taquary dont le lit principal
(S74)
y afflaera à 10 kilomètres pins bas au sud-sad-est
par les 19* 15'.
Les sources de la rivière Taqnary naissent des contre-
forts de la rivière Succuriû, qui, coulant vers le nord
ou nord-est, devient Taffluent du Paranà. Les sources
de la rivière viennent encore des versants opposés à
ceux de la rivière Piquiri, ce tributaire magnifique du
S. Lourenço dont nous avons déjà parlé, et encore des
ver^nts opposés d'où naît la majestueuse rivière Ara-
g;uay, qui se dirige au nord, où elle est un des tribu-
taires du Tocantin et dès lors de l'Amazone.
On sait que c'est dans les eaux de l'Aragnay que
se trouve le peixe boy , poisson bœuf, ainsi que le
ohoqua OU poisson homme, sur le compte desquels on
--aconte dans le pays plusieurs histoires intéressantes
ou des légendes curieuses.
La rivière Taquary reçoit par sa gauche vers les
18* SA' les eaux de la rivière Coxim, par laquelle, lors
de la découverte, descendirent les canots venus de
Saint-Paul par le Camapuam. Puis dans la barre du Co-
xim il existe dans le Taquary une petite cascade, mais
à partir de ce point, on ne trouve plus aucun obstacle
à la navigation d'un certain tonnage.
A la distance de 2& kilomètres de cette barre se voit
la chaîne des petites montagnes de CavaDeiros et non
pas rivière Cavalleîro^ , comme quelques cartes l'in-
diquent par erreur. Depuis cette chaîne, le Taquary,
dans un trajet de 80 lilomètres, jusqu'à sa jonction
principale dans la rivière Paraguay , parcourt des ter-
rains de plaines et de bas-fonds. Dans son trajet la
rivière Taquary se di\ise en un grand nombre de bras
{ 376 )
dont l'un des principaux se jette dans le Paraguay^
Mirim par les 18^42'; un autre forme la rivière For-
migueiro que nous avons déjà signalée ; un troisième
bras conserve jusqu'à son embouchure dans le Para-
guay son nom. de Taquary. Tous les autres bras, après
un cours plus ou moins long, se subdivisent et forment
des marais qui se terminent par un écoulement annuel.'
Cependant il est plusieurs de ces courants qui , après
avoir alimenté des marais , se réunissent de nouveau
pour former des rivières qui vont se jeter dans le Pa-
raguay , entre celles de Formiguelro et du Taquary
principal. L'un de ces canaux , le plus remarquable,
porte le nom de rio Negro et arrive dans la rivière
Paraguay par les 19° 8'.
L'inondation périodique couvre toutes ces terres
basses et marécageuses, et â cette époque les canots
ne suivent plus le cours des rivières, mais se dirigent
en ligne droite à travers champs jusqu'à la rivière
Cuyabà.
A 14 kilomètres de l'embouchure principale de là
rivière Taquary et dans la direction sud un peu ouest,
la rivière Paraguay reçoit sur sa rive gauche un Im-
portant affluent , c'est la rivière de Miranda ou Mon-
dego, et plus anciennement Albotetiù ou Aranhay.
La rivière Miranda offre deux rameaux principaux.
Celui qui est le plus au sud, est désigné sous le nom
deMiratida^ C'est sur les rives de cette rivière, que se
trouvent établis le bourg et le détachement de Miranda,
ainsi que le district (Fregnesia) de Notre-Dame do
Carmo de Miranda, dont la population s'élève à plus
ôOOO âmes dont 3500, naguère Indiens, sont civilisée
( 876 )
et réunis en bourgade. La rivière Miranda est extrême-
ment sinueuse ; elle n'a point de cascade, mais elle est
d'un assez petit volume d'eau à la saison des séche-
resses.
Le second rameau de la rivière Miranda porte le noni
d'Aquidauana. 11 afflue dans la rivière Paraguay à
plus de 100 kilomètres au-dessous de l'embouchure
du premier rameau.
La rivière Miranda n'a de cascades que tout près de
son origine, qui se trouve dans les versants opposés à
ceux de l'origine de la rivière Anhanduhy, qui, après
avoir traversé les vastes et immenses plaines de ^ac-
caria^ va se jeter dans le rio Pardo, affluent du Paranà,
par les 20° 35' lat. sud.
C'était autrefois par les rivières Anhanduhy et Aqui-
dauana que §e faisait dans le principe la navigation
de Saint-Paul à Mato-Grosso, et c'est par cette voie que
procéda la découverte. Longtemps abandonnée pour
la voie de terre par l'intérieur du pays, cette route a
été reprise, il y a dix ou douze ans, mais sans résul-
tats. C'est encore par là qu'est parti en 185â un
renfort de troupes et de munitions, destiné à l 'appro-
visionnement de Cuyabâ et Mato-Grosso, et envoyé de
Rio de Janeiro par le ministre d'alors, M. Pedro d' Al-
cantara Bellegarde.
On dit que le plus grand obstacle à cette navigation,
c'est le peu de profondeur de l' Anhanduhy à l'époque
des sécheresses.
Les rives de Miranda sont sujettes à l'inondation de
même que les pays adjacents à plusieurs kilomètres
au-dessous de son embouchure.
{ S77 )
On remarque en face de cette embouchure , sur la
rive droite , deux montagnes coniques qui font partie
d'une petite cordillère qui arrive auprès de la rivière
Paraguay, et qui termine ici les montagnes se prolon-
geant depuis Rabicho.
A 6 kilomètres au-dessous de cette embouchure,
dans la direction ouest-sud-ouest , il existe , rive
droite du Paraguay , quelques rochers qui servent de
remparts à la rivière. De là une petite montagne longe
ladite rivière dans la direction nord, durant l'espace
de 3 kilomètres, et c'est au pied de ces collines que se
trouve la ville d'Albuquerque à â kilomètres de la
rivière sur un espace de terrain bas souvent inondé,
qui isole cette population , et la prive des chances
d'avenir que la navigation à vapeur doit apporter dans
ces contrées.
Il y a trente et quelques années, il n'y avait en cet
endroit qu'une aldéa de Guaycurùs, et une aldéa de
Guanas, pour la civilisation desquels on forma en 1827
une mission de la Miséricorde. Bientôt après, le quar-
tier général des troupes de défense de la frontière
ayant été établi à Albuquerque, cela contribua à l'aug-
mentation de la cité. Enfin en 1835, elle fut érigée en
Fregiiesia, en comprenant dans son district Coïmbra
et Corumbâ. Les habitants se portèrent alors vers Al-
buquerque et s'adonnèrent à la culture et à l'élève du
bétail. La population du district peut s'élever à 500
ou 600 âmes, sans y comprendre 3,000 ou 4,000
Indiens Guanas, presque tous civilisés et réunis
dans deux aldéas, l'une près d' Albuquerque et l'autre
beaucoup plus importante située à 9 kilomètres
J. MAI ET JUIN. 3. 25
(878)
yers le nord-ouest dans le lieu appelé Mato-Grande.
La nation Guanas est Tune des plus considérables
de œs contrées , et celle qui présente le plus d'avenir
à la colonisation par sa facilité à s'adonner au travail
et à la civilisation. Il ne manque là que des mission-
naires zélés et dévoués.
Cette nation se divise en plusieurs tribus qui ont été
à tort considérées par quelques écrivains et voyageurs
comme autant de nations. Les uns habitent la répu-
blique du Paraguay sous le nom de Payaguas, ou sont
incorporés dans cette république. Les autres vivent
encore à l'état sauvage et habitent le grand Chaco.
Ceux qui habitent le territoire brésilien , portent les
noms de Terenas« de Layanas, de Quiniquinaùs et de
Guanas proprement dits.
Les Terenas et les Layanas sont nombreux dans le
district de Miranda. Les Quiniquinaùs, au nombre de
2,000, occupent Taldéa de Matogrande, Ceux-ci sont
laborieux et s'adonnent à la culture. Ce sont ces Li-
diens qui fournissent à l'approvisionnement de ces
contrées et même de la capitale de la province» Us cul-
tivent avec succès la mandioque, le haricot, le riz, la
batate , la canne à sucre , le tabac , etc. ^ etc. Si cette
aldéa était sous la surveillance d'un zélé missionnaire,
elle prendr ait un accroissement considérable par Tad-
onction d'un grand nombre d'individus réfractaires,
mais bien disposés en faveur de la civilisation.
L' aldéa de Guana, située auprès d'Albuquerqae
comptait en 1852 un très petit nombre d'habitants, à
peine quelques centaines ; car la plus grande partie
de son personnel était venue fonder ime nouvelle aldéa
( 879 )
presqu'en face de la ville de Guyabà sur la rive oppo*
sée, où ils s'occupaient d'agriculture, de pêche, four-
nissant à l'entretien de la ville. Ces Indiens sont actifs,
laborieux; ils se louent comme journaliers dans la
ville.
J'ai eu occasion d'en employer plusieurs , et je n'ai
jamais eu qu'à m'en louer. Ce sont eux qui cons«
truisent presque tous les canots dont se sert le com*
merce de cabotage à longue distance , comme pour les
expéditions h la recherche de Tipécacuanha, ou pour le
transport des marchandises par terre de Cuyabà ou
Mato«^ Grosso à Goyaz, Saint-Paul ou Rio de Janeiro.
Un ruisseau passe près de la ville d'Albuquerque
et va se jeter dans le Paraguay , en face de l'endroit
qui sert de port. Lors de l'inondation, ce ruisseau dîs^
parait sous les eaux.
A 16 kilomètres au-dessous de ce port , on trouve
sur la rive droite du Paraguay plusieurs petites mon-
tagnes qui portent le nom de Morm de Puga; puis
vient la montagne plus considérable , appelée Môrro
do Consethoy qui se trouve située à plus de 5 kilométrai
delà.
m
La rivière Paraguay suit une direction générale
sud-ouest, durant 22 kilomètres, jusqu'à son arrivée
devant le très beau fort de Coïmbra, qui fut fondé en
1776 par le capitaine général Luiz d'Albuquerque.
Avant d'y arriver , on aperçoit, rive droite, quelques
petites montagnes isolées et éloignées de la rivière de
5 à 6 kilomètres.
C'est dans la direction nord-ouest que se trouvent
les montagnes formant la face australe de la petite
( 380 )
chaîne d'Albuqnerque. On sait qae dans la direction
nord-est cette chaîne se continue fort loin.
Le fort de Coïnibra est posé, rive droite, sur le ver-
sant de la dernière montagne de la chaîne d*Alba-
querque, qui borde la rivière par les 4 9° 55' lat. sud
et 60''12' long. Ce fort occupe A kilomètres de con-
tours, c'est-à-dire qu'il a 1 1/2 kilomètre de longueur
sur 1/2 kilomètre de largeur.
En face du fort sur la rive opposée se trouve la mon-
tagne pouvant facilement être fortifiée, nommée Morro
Grande, dont la pointe nord longe la rivière avec une
base de 2 1/2 kilomètres de circuit. La largeur de la
rivière en cet endroit n'excède pas 600 mètres , et le
fond a plus de 6 mètres, d'où il résulte que ce fort, est
important par sa position , autant que par la solidité
et l'habileté de sa construction au point de vue de la
stratégie des places.
Ce fort est de forme irrégulière , un peu octogone ;
il peut avec dix à doux canons entretenir un feu
croisé dans toutes les directions de la rivière. Il est
garni de deux boulevards de contreforts avec des mu-
railles basses, bien posées, avec courtines qui unissent
les boulevards eiitre eux , ainsi qu'avec les batteries.
Celles-ci sont sur un plan horizontal, tandis que tout
le reste est posé sur le versant de la montagne, qui est
de granit et assez pittoresque et abrupte. L'intérieur
du fort demeure complètement débarrassé de tout
obstacle, il y a un arsenal complet et très bien appro-
visionné.
Il n'y a, à proprement parler, à Coïmbra, aucune
population autre que la garnison, quoiqu'il existe au
( 381 )
nord, au pied de la forteresse, quelques habitations
destinées aux familles et aux ouvriers de la garnison.
A l'époque de Tinondation, toutes les campagnes
voisines de Coïmbra sont couvertes d'eau , soit autour
des montagnes, soit du côté de la rivière, de manière
qu'on peut naviguer presque tout autour du fort. C'est
là le principal argument que font valoir ceux qui com-
battent l'utilité de cette forteresse. Mais nous devons
observer 1° que le temps , durant lequel on peut ainsi
naviguer autour du fort, est extrêmement court; 2® que
pour que cette navigation puisse être possible à des
embarcations autres que de légers canots , il faudrait
une crue extraordinaire, ce qui est fort rare.
C'est au nord de la montagne de Coïmbra que se
trouve la caverne célèbre , vulgairement désignée sous
le nom de caverne de l'enfer Buraco do Infemo , à
l'ouverture de laquelle on parvient en gravissant 100 à
200 mètres sur le plan le plus escarpé de la montagne.
Toutes les relations en donnent la description.
C'est une galerie voûtée qui entre dans la montagne
par une déclinaison considérable. Toutes les murailles
intérieures, comme le sol lui-même , présentent des
inégalités et des aspérités de rochers, qui sépareni les
unes des autres des cavités plus ou moins profondes. Daus
quelques endroits la galerie est étroite et basse; il
faut ramper pour y passer; dans d'autres, au con-
traire, elle se présente comme un magnifique et splen-
dide salon, orné par uiîe multitude de stalactites et de
cristallisations d'un aspect souvent fort curieux, mais
trop souvent mutilées par la curiosité des voyageurs.
Dans l'un de ces salons , le plus grandiose , l'on re»
( J82)
marque un lac ou rivière souterraine , dont les eaux
sont très claires et froides. On suppose^ et probable-
ment avec raison « que cette eau communique sous
terre avec la rivière Paraguay , car on y a trouvé un
caïman , et parce que son niveau monte ou desc&ad
avec celui de la rivière.
A Fezception des montagnes , dont nous avons fait
une mention spéciale, les deux rives de la rivière Pa«-
raguay sont planes, dans quelques endroits maréclir-
geuses et entrecoupées de nombreuses lagunes. La
hauteur moyenne de ces rives atteint environ 2 mètresi
il est rare qu'elles excèdent 3 mètres.
On doit observer qu'en général le niveau des ter-
rains voisins est moins élevé que la rive, ce qui forme
le long de la rivière une langue de terre plus ou moins
grande, qui n'est pas couverte par Finondationi tandis
que celle-^i s'éteod au loin daos les campagnes adja»
centes. Nous avons déjà mentionné ces accidents du
terrain.
Des graminées et autres plantes herbacées ornent
ordinairement ces plaines au milieu desquelles (m voit
disséminées des forêts»
Jusqu'à Gonimbà, la rivière est extrêmement ai-*
nueuse et varie de largeur entre 100 et 200 mètres*
De ce point les lignes , plus ou moins droites de la
rivière» sont plus étendues; la largeur est presque
partout de AOO mètres» si l'on excepte un ou deux en-
droits où elle se resserre à 160 mètres.
A l'époque des plus grandes sécheresses» on ren-
contre dans le lit de la rivière un canal dont la moindre
profondeur est toujours de 2 mètres. Cependant, afin
( 88S )
de pouvoir naviguer en tout temps dan» cette rivière,
sans trouver de difficultés , il est bon de ne se servir
que d'embarcations n'exigeant pas plus de 1 1/2 mètre
de fond.
A partir de Coïmbra, on remarque quelques change-
ments. Les plaines sont moins couvertes de grands
herbages, les forêts sont plus rares. On voit apparaître
en plus grande abondance les bois de palmiers, appe~
lés Carandaê. Ces palmiers dans quelques parages
croissent pêle-mêle avec d'autres arbres, mais le plus
souvent ils ne laissent végéter au milieu d'eux aucun
autre arbre ni arbuste de quelque essence et de quel-
que classe qu'ils soient.
Sur les rives de la rivière , comme dans les lies de
ces parages, on voit apparaître une sorte de saule
riche en sel de soude. Les espaces de la rivière sans
sinuosités deviennent de plus en plus considérables. .
La largeur de la rivière est généralement de 600 mè-
tres.
Depuis le S. Lourenço jusqu'à Goimbra, les seuls
Indiens que l'on rencontre sont les pacifiques Guatos
dont nous avons longuement parlé, et les Indiens
Guanas , moitié civilisés , qui ne doivent inspirer au-
cune crainte et qui méritent bien toute la confiance des
voyageurs.
En descendant au-dessous de Coïmbra, il est néces-
saire de prendre plus de précautions, car dans ces pa-
rages il existe errantes plusvsurs nations d'Indiens à la
loyauté desquels il ne serait pas prudent de trop se
fier, bien que l'on puisse assurer que jamais ils n'at-
taquent ouvertement, même quand Us seraient supé-
( 38A )
rieuTb en nombre. Cenx qne l'on renconlre le plus
fréquemment dans cette navigation, sont les Cadiooés
dont la perfidie et la ruse ont été plus d'une fois fatales
aux Brésiliens et aux autres indigènes.
Les Cadioués sont une tribu jdes Guaycurùs Gabal-
leiros. Ces Indiens cavaliers sont célèbres par plusieurs
combats contre les conquérants et contre les premiers
étrangers qui habitèrent ces contrées.
La cnrieuse histoire des Cadioués se trouve dans la
Corographie brésiliewie^ qui donne des détails exacts et
circonstanciés sur leurs mœurs et coutumes.
En 18&5 , une horde de la nation Cadioués , ayant
son chef Tacadauana en tète , se rendit à Cuyabà et
manifesta l'intention de s'établir pacifiquement à Al-
buquerque. Le président de la province leur fit présent
de vêtements et de nombreux instruments d'agricul-
ture avec toutes les autorisations qu'ils demandaient.
Us s'en retournèrent fort satisfaits et se rendirent à
Albuquerque ; mais, au lieu de se livrer au travail et
de faire la moindre plantation , ils échangèrent tous
leurs instruments agricoles et même leurs vêtements
contre quelques verres d'eau-de-vie. L'un d'eux, ayant
été tué dans une querelle avec un Indien d'une autre
nation, ils se retirèrent tous à l'instant et n'ont plus
reparu à Albuquerque.
Ainsi que toutes les autres tribus de cette nation,
les Cadioués n'ont aucune résidence fixe et déterminée.
Us s'établissent temporair^ent tantôt dans un lieu,
tantôt dans un autre dans le voisinage de la rivière
et toujours entre Coïmbra et Fecho de Morros.
Les Cadioués sont en guerre ouverte et permanente
( 385 )
avec les Indiens Enimas , antre nation qui habite le
Chaco supérieur , rive droite de la rivière Paraguay.
C'est là sans doute le motif qui empêche les uns et les
autres de traverser la rivière. Les Enimas habitent
principalement les environs de la montagne de Olympo
où les Espagnols avaient posé leur détachement de
Borbones.
Bien que la nation Gadioués soit essentiellement
cavalière et n'aille guère qu'à cheval , ils possèdent
néanmoins des canots sur lesquels ils voyagent assez
souvent, surtout lors de la saison des inondations.
Indépendamment de l'arc, de la flèche, de la lance et
de la massue, qui sont leurs armes habituelles, les Ga-
dioués possèdent quelques armes à feu et plusieurs^ar-
•
mi eux sont de très habiles et de très adroits tireurs. Il
n'y arien à craindre, quand ces Indiens vous attaquent
en face, mais c'est contre leurs ruses et leurs trahisons
qu'il faut bien se tenir en garde. Le plus souvent, c'est
au milieu d'une démonstration d'une amitié en appa-
rence la plus passionnée, qu'ils ont fait subir aux Bré-
siliens et à la garnison de Goïmbra les plus odieux
traitements.
Quant aux autres nations indigènes que l'on ren-
contre dans la navigation du Paraguay , elles sont peu
importantes.
Ge qu Azara raconte des Gadioués, n'a nullement
trait à ces Indiens et ne peut se rapporter qu'aux Al-
bayas, autre nation du Ghaco. Du reste, dans tout ce
qu' Azara dit de ces Indiens , il a trop généralisé et il
a confondu sous le nom de Guaycurùs tous les indi-
gènes qui se servent du cheval, bien que le coursier
( 886 )
floit familier à des nations bien différentes par la
langne et l'origine.
A 80 kilomètres au-dessous de Coïmbra , la rivière
coulant sud-ouest avec peu de sinuosités, mais en for-
mant plusieurs lies, présente par les 20** Çf, sur la rive
droite la grande et majestueuse baie Bahia Negra, qui,
pendant longtemps, a été regardée comme une rivière et
qui se voit encore marquée ainsi dans quelques cartes
et descriptions géographiques. Voici ce qu'en disent
tes commissaires de la démarcation des limites :
« Nous partîmes de Coïmbra le 11 juillet, et. suivant
le cours du Paraguay pendant 40 lieues dans la direc-
tion sud-ouest jusqu'au 20° 10', nous trouvâmes une
largfe embouchure d'une eau courante; nous sûmes
que le capitaine Miguel José, alors qu'il passa par là,
lui avait donné le nom de Hio Nrgro, Nous entrâmes
dans cette voie, en remontant dans la direction nord
pendant (5 lieues, et surmontant un courant d'eau très
fort. Le fond était considérable et les deux rives
offraient l'aspect d'une rivière. Mais, à la fin de ces
6 lieues nous nous trouvâmes dans une large baie,
n'ayant pas moins de 5 lieues du nord au sud et de
6 lieues de l'est à l'ouest, à laquelle nous don-
nâmes le nom de Bahin Negta^ car c'est bien une baie
servant de réservoir à l'écoulement des eaux des plaines
environnantes.
«Voyant que ce supposé rio Negro n'est autre chose
qu'un réservoir de l'eau qui s'écoule d'une grande su-
perficie de terrains que les crues du Paraguay inondent
annuellement, nous poursuivîmes notre navigation à
travers ces plaines |)endant plus de 6 lieues, dans la
( J87)
direction nord« jusqu'à ce que nous fussions arrivés àun
terrain élevé et montagneux, qui est située au sud de
la chaîne de montagne qne Ton aperçoit depuis AI-
buquerque.
c( En suivant d'assez près le contour de ces terrains
élevés, nous tourn&mes à Test toujours par des
plaines inondées , et nous rentrâmes dans la rivière
Paraguay après un parcours de AO lieues, n
Au-dessous de Temboucbure de la Babia Negra^ Ik
rivière , offrant deux sinuosités très considérables, se
dirige du sud vers l'est au milieu de terrains cou*
verts de palmiers Carandus^ et arrive à la distance de
22 kilomètres à Capon Queimado ^ qui est un terrain
élevé sur la rive droite.
Les Indiens Ghamococos habitent les alentours df
Babia Negra et les rives du Paraguay jusqu'à Copùn
Queimadoé Ces Indiens ne sont pas hostiles et s6m-
blent| au contraire, fuir l'approche des voyageurs.
On aperçoit à l'est i mais à une grande distance^
la haute colline ou montagne, désignée sOus le nom de
Nabilequega.
La rivière continue durant 15 kilomètres à suivre
la direction sud jusqu'à l'embouchure de la petite
baie de Salinaa sur la rive droite. Elle porte le nom de
Salinas parce qu'avec une grande facilité on extrait des
bords de cette bûe une quantité de sel assez considè^
rable pour fournir à la moitié de la consommation de
la province»
Tout près de la baie de Salinas , et également près
de la rivière, se trouve le bouquet d'arbres qui porte
le nom de Capon de Salinas.
( S88 )
A àO kilomètres au-dessous, la rivière est bordée
par une élévation qui porte le nom de Barranco do
Raùo de Ema^ près de laquelle ou sur laquelle existe
un magnifique bouquet d'arbres.
Ces lieux, ainsi que ceux de Salinas et de Queimado
sont souvent visités par les Indiens Cadioués.
Dans ce dernier parcours de AO kilomètres la ri-
vière Paraguay offre plusieurs sinuosités, quoicjue
suivant généralement la direction sud.
On aperçoit sur la rive gauche, près de la rivière,
différentes collines et Ton reconnaît à une grande
distance des terrains marécageux qui bornent Tbori-
zon. Sur la rive droite , au contraire , ce sont des
plaines immenses et s' étendant à perte de vue, où par-
tout abondent les palmiers Carandas. On reconnaît
seulement vers le sud les montagnes d'Olympo.
A 6 kilomètres de Rabo de Ema, on rencontre, rive
gauche, la bouche de la petite rivière appelée Queima
de Paula ou Nabilequega, qui n'est autre chose que la
rivière que les premiers voyageurs avaient désignée
sous le nom de Teriris.
Cette rivière Queima de Paula dont l'embouchure a
70 à 80 mètres, est profonde ; elle parcourt des plaines
considérables; à peine est-on entré dans son cours,
que sa largeur diminue jusqu'à 20 mètres et bientôt
à 16 mètres et moins encore, et nous n'avions même
remonté que 2 ou 3 kilomètres qu'il nous fallut revenir
sur nos pas» ne trouvant pas 0,20 centimètres de tirant
d'eau.
Les Cadioués se rencontrent souvent dans ces pa-
rages qu'ils semblent affectionner depuis longtemps,
( 389 )
car les noms de Queima et de Paula appartiennent
aux Caciques qui, en 1791, vinrent de ces localités à
Mato- Grosso demander paix et amitié au capitaine gé-
néral Luiz de Albuquerque.
A 3 kilomètres au-dessous de la rivière Queima de
Paula se trouve, sur la même rive gauche, l'embouchure
du prétendu rio Branco, qui n'est qu'une petite baie
avec un canal d'écoulement. M. Leverger Ta parcourue
en 1846, sans y rencontrer la plus légère apparence de
courant ; il lui fallut revenir sur ses pas parce qu'il n'y
trouva pas assez d'eau pour un canot quoique très
plat et très léger.
Au-dessous de ladite embouchure, à la distance de
5 kOomètres sud-ouest, on voit, rive droite, le fort de
Olympo, autrefois Borbonès, placé à l'extrémité de la
plus petite des trois montagnes que les Espagnols dé-
signèrent sous le nom des Trois-Sœurs , las Très Her-
manas, et que les Portugais ont baptisées du nom de
Morros de Miguel José, par les 21° l' lat. sud.
Le petit fort de Olympo à été construit en 1792.
C'est l'établissement le plus septentrional que possède
la république du Paraguay ; il a été évacué en 1850,
Il n'offre d'autre utilité à cette république que celle de
faire constater une prise de possession de ces parages.
Il est construit en pierre de grès, roche extraite de la
petite montagne sar laquelle il est assis.
Sa forme est quadrangulaire avec une petite tour
carrée à chaque angle ; elle est garnie de trois canon-
nières. Il y a 2i mètres de côté. Les murailles sont
basses, peu épaisses et sans contreforts ni talus. Son
artillerie consistait alors en trois pièces de fer de douze
( >M )
de bfts calibre, et en deux petites pièces de campagne.
n n'y a aucune population à une très grande distance
dans tout le voisinage, et la garnison se composait en
1850, de trente à cinquante hommes qui vivaient con-
stamment isolés et presqne renfermés dans le fort. Les
munitions de bouche leur étaient envoyées du Para-
guay par convois de deux en deux mois. Cette garni-
son était parfois inquiétée par les Indiens du voisinage,
sortout les Enimas.
Un point très important, nommé Fecho de Horros,
existe à 82 iLilomètres au-dessous de Olympo. C'est
un groupe de montagnes qui bordent la rive gauche ;
il existe, en face, sur la rive droite, une montagne
isolée et une lie rocheuse qui divisent la rivière en
deux canaux, l'un et l'autre navigables pour les na-
vires d'un gros tonnage, bien que celui de gauche soit
parsemé de pierres. L'une de ces montagnes, par les
21* 26' lat. sud, est remarquable par son élévation et
sa forme conique qui Itd a valu le nom de Pain de Sucre,
Pâo de Assuear. C'est sous cette dénomination que les
Espagnols désignent ces parages.
^ C'est à cet endroit, le seul véritablement digne
d'être fortifié, que le capitaine général Luiz de Albu-
' querque avait ordonné l'établissement dn fort qui fat
élevé à Coïmbra. Il supposait, et c'était aussi l'opinion
de son lieutenant Ricardo Franco, que c'était là que se
limitait vers le sud, l'inondation périodique et que, par
conséquent, les embarcations qui devraient descendre
ou remonter la rivière , seraient dans la nécessité de
passer à moins d'une portée de fusil de la forteresse
que Ton y élèverait. Ce fort deviendrait un obstacle
( 391 )
contre la fuite des déserteurs portugais ou des esclaves,
comme aussi, contre toute entreprise qui viendrait des
pays espagnols ou du bas de la rivière.
Quant à ce qui est de l'inondation, nous l'avons vue
s'étendre beaucoup plus loin sur la rive gauche et
remonter jusque par les 27'' lat. sud, à peu de distance
du Paranâ; et pour la rive droite, nous citerons T opi-
nion de M. Leverger qui pense qu'elle s'étend fort loin
du côté du Chaco; il prétend qu'on la retrouve encore
par les 2S'' lat. sud.
Quoi qu'il en soit , ce Pain de Sucre ou Fecho de
Morros est un point militaire extrêmement important.
A 11 kilomètres au sud du Pain de Sucre on trouve,
rive gauche, une petite montagne , appelée Batatilha,
dont la base venant à resserrer la rivière, a fait donner
à ce lieu le nom de Passo do taruma.
On a vu plusieurs fois, et il y a quelques années en-
core , les Indiens Enimas du Chaco y venir échanger
des chevaux contre des bestiaux qu'on leur amenait de
Miranda.
A la distance de 7 kilomètres au-dessous, toujours
direction sud , se trouvent deux îles qui commencent
pour ainsi dire au même point , ce qui constitue de
nouveau Très Boccas*
A 8 kilomètres au-dessous la rive gauche offre une
baie , tandis que la rive opposée présente quelques
montagnes d'une médiocre élévation ; ce sont les Siete
Pontas.
C'est à cet endroit, que le lieutenant espagnol
B. José Antonio de Zavale place la petite rivière 7>-
poti. Le commissaire espagnol D. M. Antonio de Florès,
( âô2 )
dans son voyage de 1752, met l'embouchure de cette
même rivière par les 21° 47'. M. Leverger, ayant ob-
servé l'embouchure de ladite baie , a trouvé une lati-
tude de 21° 46' 60", d'où il supposa que ce devrait être
le réservoir des eaux de la rivière Tepoti ; mais, l'ayant
exploré, il n'y a trouvé aucun indice de rivière; d'où
il conclut que ce n'est qu'une baie.
Nous ajouterons que les investigations que nous
avons pu faire, confirment ces données, et nous devons
dire encore que le commandant du fort Olympo, faisant
mensuellement la navigation devant cette baie pour
aller de Concepcion à Olympo ou en revenir , nous a
assuré ne pas croire à l'existence 'de ladite rivière , et
n'avoir jamais vu là qu'une baie d'écoulement. Il nous
a assuré, en outre, que, vers l'ouest de Las Siete
Pontas, existait une tribu de Guanas assez pacifique.
Depuis ce point, la rivière suit la direction sud en
présentant de grandes sinuosités et en formant de nom-
breuses îles , durant 28 kilomètres jusqu'à l'embou-
chure du rio Apà, sur la rive gauche par les 22° 5' lat.
sud.
Les deux rives de la rivière Paraguay sont alors
basses, mais en face de la bouche de l'Apà on voit,
rive droite, deux petites élévations, et, un peu plus
éloignée de la rivière, une montagne de moyenne hau-
teur.
La rivière Apà que quelques géographes désignent
sous le nom de rio Corrientès, est divisée à son embou-
chure en deux bras par une île basse de peu d'éten-
due. Tout aussitôt après cette bifurcation, le rio Apà
a 80 mètres de largeur et forme un canal très profond,
( 398 )
mais étroit, et que quelques récifs obstruent de ma-*
Tiière à nuire à la navigation.
Le gouvernement du Paraguay possède à cette em-
bouchure de r Apâ un fort détachement militaire et un
bureau de douanes.
C'est ici que se termine, selon quelques-uns, pour le
côté oriental, la vaste et horizontale plaine visitée
annuellement par l'inondation. Nous l'avons vue s'éten-
dre plus loin.
A 2 kilomètres au-dessous de l'embouchure du ri
Apâ, la rivière Paraguay est bornée sur sa rive gauche
par la chaîne de montagnes de Itapucù-Assù. Viennent
ensuite las Siete Pontas d'après les uns, ou las Quinze
Pontas d'après Azara. Quoi qu'il en soit , ces petites
montagnes dans le sud-sud-est, occupent un espace
de 16 kilomètres. Dans quelques localités, comme
Itapucù, ces collines terminent la rivière par un rem-
part de pierres calcaires; dans d'autres lieux, on
trouve entre elles et la rivière un espace plus ou moins
considérable soumis à l'inondation. La pointe de ces
collines la plus méridionale porte le nom de Cerro Mo-
rado. De cette élévation on aperçoit sur la rive occi-
dentale une montagne , le Cerro Galion , qui parait
être distante de 6 à 8 kilomètres de la rivière.
A 10 kilomètres au-dessous de Cerro Morado est
l'île de Pena Hermosa, qui se termine dans son extré-
mité supérieure par une roche abrupte et escarpée.
En cet endroit se trouve une baie pour servir de
réservoir à six petites rivières qui, à peu de distance
les unes des autres, lui apportent des eaux, se déver-
sant dans le rio Paraguay. Cette baie doit être celle
I. MAI ET jmN. A. 26
( soi )
que quelques géographes désignent sous le nom de
rio Alborey ou Lapa, et que Zavala appelle rio Alconigo.
A la hauteur de Pena Herniosa commence , sur la
rive gauche, le littoral nommé Piedras partidas; il est
formé par de grosses pierres qui seoxblent avoir été
amoncelées les unes sur les autres, et qui n'occupent
pas moins de 8 kilomètres de rivage.
Cette côte est suivie de 9 kilomètres de terrains
pierreux, couvert de gros et grands arbres, c'est ce
qui porte le nom de Caapucù.
La rivière coulant ver^ le sud, arrivée à ce point, se
dirige vers l'est pendant un trajet de 11 kilomètres
pour aller baigner la base de la montagne qui forme
le Cerro de Itapucurù-Miri, donf la pointe principale
établit sur la rivière un rempart qui n'a pas moins de
2& mètres d'élévation, et qui parait entièrement formé
de pierre calcaire.
A cet endroit la.rivière Paraguay fait un énorme cir-
cuit. Les terrains environnants sont tous bas.
16 kilomètres au-dessous, dans la direction sud, se
trouve Arrecife, ainsi désigné, à cause d'une sorte de
banc de pierre qui traverse la rivière et qui rend ce
lieu dangereux même par les plus fortes eaux. On
peut dire que toute embarcation qui passe ledit Ar-
recife arrivera sans entrave jusqu'à Cuyabâ ou jusqu'à
villa Maria.
La villa Salvador est située 7 kilomètres plus loin,
sur une petite élévation d'une pente douce, qui, à par-
tir du rivage, s'étend à AOO ou 500 mètres dans la
plaine.
C'est ici qu'existait autrefois le presidio de Estevego
( 305 )
qui fat ensuite détruit par les Indiens. Le bourg de
Salvador a été édifié de nouveau à une époque récente.
Les maisons y sont peu nombreuses , petites , mal-
propres. Ce sont de chétifs et misérables rez de-chaus-
sée couverts de paille, et de branches de palmiers. Il
y existe une fabrique de tuiles dont la maison du corn*
mandant est couverte et carrelée. C'est partout la mi-
sère la plus affreuse. La population, dans la pauvreté
et le dénûment le plus complet , se compose de quel-
ques familles envoyées en exil par le gouvernement du
Paraguay, et de quelques gens de couleur. On leur dis-
tribue une très petite ration de viande, de maté et de
savon une fois par semaine. Ils manquent de toat. La
garnison elle-même est littéralement dans toute sa nu*
dite. La faim partout se montre ; il existe pourtant dans
le voisinage de très bons pâturages naturels pour
l'élève du bétail , ainsi que quelques belles forêts et
des salines qui donnent une excellente qualité de sel
que Ton extrait de la terre. L'arbre à maté se ren-
contre également dans les environs de ce bourg , et le
sol est très convenable pour la culture du tabac. Ce*
pendant le monopole absorbe tout et ne laisse que la
misère à son côté.
C'est à Salvador que se fabrique, avec la pierre tirée
deltapucurù-Miri, presque toute la chaux dont la capi*
taie de la république et les autres villes riveraines
font usage.
A 20 kilomètres de Salvador , la rive gauche de la
rivière Paraguay présente une baie qui reçoit les eaux
de la petite rivière Etagatia, et à 1 kilomètre plus baa
une autre baie reçoit la petite rivière Napeglô, et c'ett
1
( 396 )
à 1 kilomètre au-dessous qu'a été placé le piquet dei
gardes de Potrero Ponâ,
Observons que les piquets et corps de garde dont
nous avons à parler au Paraguay, sont des postes mili-
taires» établis principalement pour prévenir et répri-
mer les incursions que les Indiens du Chaco pour-^
raient faire sur le territoire de la république où ils
viennent quelquefois pour y voler le bétail, en faisant
toute sorte de dévastations dans les campagnes. Presque
tous ces postes sont élevés siu: les points culminants
de la rive orientale.
En 1851 , en descendant de TAssuncion , il n'en
existait que quatre sur la rive droite dans le territoire
du Chaco. Les deux plus importants étaient ceux
d'Orange et de Formoso. Ces deux derniers qui étaient
dans les conditions meilleures, se composaient d'une
cabane couverte de pailles et de branches de palmiers.
Cette cabane était entourée de pieux rectangulaires de
A à 6 mètres de hauteur , et flanquée de quatre gué-
rites élevées de 8 à 10 mètres, où la sentinelle se tenait
perchée. Cette cabane pouvait contenir 15 à 20 fusiliers.
Les corps de garde de la rive gauche sont construits
sur un modèle analogue , mais ce qui attire surtout
l'attention et la curiosité du voyageur, c'est la guérite
dont je viens de parler, élevée ici de 20 et quelques
mètres, et posée sur quatre poutres. Cette guérite
présente assez bien l'aspect d'un moulin à vent sans
ailes.
Ces guérites, ainsi haut montées, sont placées asses:
près les unes des autres, au-dessus de chaque corps
de garde , de manière que la vue de la sentinelle
( ^^7 )
puisse se reposer sur les guérites de droite et de
gauche et correspondre avec elles.
La garnison d'un corps de garde est ordinairement
de 25 à âO hommes , tandis que celle du piquet n'est
que de 10 à 12 hommes. Il arrive assez souvent qu'il
existe dans le voisinage une hacienda de bestiaux ap-
partenant à l'État et destinée à l'approvisionnement
du poste.
C'est au moyen de ces corps de garde que se trans-
mettent à la capitale, avec une grande rapidité, les
incidents les plus minimes.
Au bas de Potrero Ponâ , la rivière Paraguay fait
deux grands contours dans la direction générale sud-
est, et à la distance de 14 kilomètres, elle reçoit par la
rive gauche, dans un terrain bas et soumis à l'inonda-
tion, la rivière Aquidavan, autrefois appelée Pirahypar
quelques-uns, et Guararabara par d'autres.
Depuis Aquidavan, le rio Paraguay suit la direction
sud-sud- est et montre sur sa rive gauche de nom-
breuses plages pierreuses, avec des pierres qui s'avan-
cent jusqu'au milieu de la rivière. A 22 kilomètres au-
dessus , la même rive gauche reçoit les eaux de la
petite rivière Saladillo , et à 12 kilomètres plus bas
. s'élève villa Concepcion.
Il nous a été impossible de reconnaître le rio Verde,
qui, d'après quelques géographes, existe, rive droite,
parcourt le Chaco et viendrait à cette hauteur affluer
dans la rivière Paraguay. Pourtant on rencontre, entre
les 23° 20' et les 23^21', une petite embouchure, dans
laquelle des eaux, quoique peu volumineuses, ont un
courant vers le bas ; nous supposons que c'est un bras
(898)
du rio Paragnay, qui se sépare du lit principal à Fed-
droit appelé Nuvia.
Villa CoDcepcion a été établie par les ^S^ 2h' rive
gatiche, dans une plaine horizontale, très pea supé-
rieure aux fortes crues. Les mes sont larges, alignées
d'une manière régulière. Il existait cependant, en 1851 ,
peu de maisons en bon état , bien que le plus grand
nombre offrit toutes les commodités du confortable.
Ce sont des rez-de- chaussée couverts le plus grand
nombre en feuilles de palmiers.
A une autre époque , cette cité était beaucoup plus
peuplée et bien moins misérable. Le commerce du
tabac et surtout du maté lui donna une importance
commerciale telle, que la prospérité et le bien-être
partout y régnèrent et en firent la seconde ville de
rÉtat. Le monopole du tabac et du maté a amené la
misère générale. A une autre époque, en effet, c'était
de C.ODcepcion que le commerce expédiait ces articles
de culture, non-se lement pour le reste du pays, mais
encore pour toutes les contrées de la Plata.
7 kilomètres au-dessous de Concepcion arrive par
la rive gauche la rivière Ypané dont les sources sont les
contreversants de la belle rivière Iguatemi, qui se jette
dans le Paranâ. Un corps de garde existe à Tenibou-
chure du rio Ypané, et c'est à 15 kilomèties de ce
poste vers Tintérieur, que se trouve le bourg de Belem
où se cultive particulièrement le maté.
C'est un peu au-dessous de l'embouchure de l' Ypané
que commence, rive gauche, la haute côte de CaapucA,
qui se continue , en décrivant une courbe dans une
étendue de 16 kilomètres. C'est dans cette convexité
L
( 399 )
cst-sud-est qu'on remarque différentes élévations du
nom de Siete Pontas.
7 kilomètres i/2 plus haut se présente le rivage
élevé, nommé Barranco del Pedernal, qui n'a pas
moins de 3 kilomètres d'étendue. Il y a à son extré-
mité un corps de garde.
De Pedernal la rivière poursuit la direction sud, et
à kilomètres plus bas, toujours rive gauche, on arrive
au Barranco de Piripucù qui a 8 kilomètres d'étendue.
De ce point la rivière offre différents bras , qui se
réunissent ensuite à 16 kilomètres dans la direction
générale snd-sud-est. Alors le rio Paraguay longe
pendant A kilomètres une rive élevée qui porte encore
le nom de PotreraPonâ, et où se trouvent également un
corps de garde et une belle hacienda de TÉlat,
A 18 kilomètres au-dessous, la rivière courant au sud
avec quelques détours peu considérables, reçoit, même
rive gauche, la jolie et importante rivière de Jejuy sur
les rives de laquelle, à la distance de 25 kilomètres,
vers rintérieur, s'élève la belle ville de S. Pedro ou
Iguamandigu.
Peu après l'embouchure de Jejuy, commence, même
rive gauche, le rivage élevé , couvert de forêts qui,
après un parcours de 8 kilomètres vers le sud, se ter-
mine au bourg de Cavalleiro.
Pendant ce trajet on rencontre plusieurs îles dont
l'une offre à son milieu un passage qui porte le nom
de Passo del Urucuy. Dans ces parages les bas-fonds
obstruent le Ut de la rivière et lui donnent peu de
profondeur. Le Barmnco del Vrucuy se présente et est
bientôt suivi du Barranco de Sepoïti.
( AOO )
C'est au bas de ce rivage élevé que se voient quel-
ques petites lies et des bancs de terres , nuisibles à la
profondenr de la rivière » qui reçoit bientôt les eaux
de la petite rivière Quarepoti, dont l'embouchure est
à 2 A kilomëti^es de celle de Jejuy dans la direction
sud-sud est.
Azara dit que l'on rencontre par les Ib!" 2A' une ri-
vière que les Indiens désignent sous le nom de Tlagma-
Megtempela; nous n'avons pu trouver cette rivière, ni
obtenir aucun renseignement à cet égard.
C'est sur la rivière Quarepoti, à la distance de 3 ki-
lomètres vers l'intérieur, qu'existe la villa del Rosario.
Depuis l'embouchure du Quarepoti jusqu'à la garde
delpita, il y a, direction sud, 16 kilomètres de terrains
bas et soumis à l'inondation. Près de la garde d'Ipita,
au contraire, le rivage est élevé et entrecoupé de
petits ruisseaux, dont le plus important porte le nom
de rio Ipita.
Le corps de garde d'Araguayta est à 8 kilomètres
de là, et 25 kilomètres plus bas se voit le Barranco de
la Mercede, d'où, A kilomètres encore, la rivière jette,
rive gauche, un bras qui porte le nom de Paraguay-
Miri. Celui-ci reçoit lui-même par sa gauche la petite
rivière Mandubina.
On retrouve ici le phénomène que nous avons si*
gnalé en parlant du S. Lourenço, c'est-à-dire que
lorsque le rio Mandubina est plus plein que le Para-
guay, il repousse les eaux du Paraguay-Miri vers sa
partie supérieure, de sorte que l'eau afflue à la fois par
trois bouches en sens inverse. Cette petite rivière ou
bras de rivière a à peine ô kilomètres de cours. Aussi-
( 401 )
tôt après sa jonction dans le lit principal, on voit une
langTie de terre élevée, qui porte le nom de Itancoruby
où Ton a placé un corps de garde.
Dans la direction sud-sud- est, une étendue de ter- /
rain plane forme la chapada ou plaine d* Arecutacuan,
qui longe le rio Parjaguay pendant 12 kilomètres et
donne passage à la petite rivière Pirebobuy, vers la
gauche de laquelle a été planté le corps de garde de
Pirebobuy.
3 kilomètres au-dessous d'Arecutacuan, rive droite,
il y a un bas-fond près duquel une petite baie reçoit les
eaux de la petite rivière Mboy-Caem, en même temps
qu'à 9 kilomètres, dans la direction générale ouest-
sud-ouest, arrive une autre petite rivière du nom de
Saladillo, qui entre par la gauche après avoir suivi,
durant plusieurs kilomètres, le cours du rio Paraguay,
dont elle est séparée seulement par une langue de terre
de quelques mètres; ce lieu élevé où existe une garde,
porte le nom de Penon. Tout aussitôt après apparaît
rile de S. Francisco, qui n'a pas moins de 7 kilomètres
de longueur et qui, en face de son extrémité supérieure,
voit arriver par le rio Confuse les eaux d'écoulement
de 2 ou â kilomètres de terrains marécageux , qui
forment la rive droite.
Le bras oriental du rio Paraguay, formant l'Ile
S. Francisco, est borné par un rivage pierreux à l'ex-
trémité duquel arrive la petite rivière Suruby, pour
montrer un peu plus en avant les éminences des Gas-
tillos, au pied desquels il y a un récif facile à éviter.
Enfin à 7 kilomètres des Gastillos apparaît l'Assun-
cion, capitale de la république du Paraguay , par les
( 402 )
25* 29^ lat. sud et 60^ 55' long, située qu'elle est dans
une courbe sud-ouest de la rivière, sur une élévation
qui domine un espace bas de 3 kilomètres d'étendue,
et qui est sujet à l'inondation annuelle. La rivière court
alors ouest-sud-ouest et tourne ensuite an sud perpendi-
culairement à la côte basse sur laquelle est bâtie l'As-
suncion; elle prend ensuite la direction générale ouest.
Entre le rio Apâ et TAssuncion, on peut évaluer à
400 mètres la largeur moj'enne de la rivière Paraguay,
bien que cette largeur varie de 120 à 800 mètres.
On a dit et écrit que depuis le Fecho de Morros ou
Pain de Sucre, le rio Paraguay courait comme dans un
canal profond, sans offrir la moindre difficulté. C'est
là une erreur que ce mémoire peut servir à éclairer,
car on peut voir que depuis Itapicurii le lit de la ri-
vière est parsemé de bancs pierreux isolés , et qu*il
est souvent difficile de reconnaître et de suivre le ca-
nal principal de la rivière. J'ajouterai qu'il existe des
passages, où, à l'époque des basses eaux, on trouve à
peine 2 mètres de profondeur, mais on peut affirmer
que toute embarcation qui aura pu parvenir au Fecho
de Morros, pourra remonter la rivière jusqu'à villa
Maria, ou se diriger sur Cuyaba, comme nous l'avons
déjà dit.
Les Indiens Guaycurùs ou Mbayas , dont j'ai déjà
parlé, et qui habitent le Chaco , remontent jusqu'aux
hauteurs du rio Apâ. lisse montrent rarement dans la
république , et toujours par bandes nombreuses. Ils
portent ce pays en aversion. M. Leverger pense que
ces Indiens appartiennent à la nation Lenguas , tribu
des Guanas. Il est certain qu'ils ont beaucoup d'ana-
( 403 )
logîe avec cette nation. Nous les avons vos à Salvador,
où ils venaient échanger des chevaux contre des bœufe.
Rarement ils descendent au-dessous de ce point, ayant
peu de sympathie pour le Paraguay , comme je viens
de le dire.
La colline sur laquelle est posée la ville de YJssun^
cioriy a 3 ou â kilomètres d'étendue est à ouest; sur la
partie basse qui n'est guère au-dessous du niveau de
la rivière se trouvent la douane, les chantiers de con-
struction et l'arsenal de marine. C'est encore près de là
que se voient quelques cabanes d'Indiens Payaguas,
au nombre de cent à peine , qui approvisionnent la
ville de fourrage et de bois de chauffage , qu'ils vont
chercher sur la rive opposée. C'est, du reste, tout ce
qui reste de cette puissante et belliqueuse nation , de
laquelle le Paraguay atiré son nom, selon quelques uns,
et qui fut jadis célèbre dans les annales de ce pays, par
les lorgnes et sanglantes luttes qu'ils ont, à plusieurs
époques, vaillamment soutenues, et contre les Portu-
gais et contre les Espagnols.
Le castillan est la langue officielle du Paraguay ; son
usage est familier à tous les habitants des villes, même
dans la classe moyenne, néanmoins tout le monde
parle plus volontiers le guarani, et dans l'intérieur du
pays on ne parle que cette langue, la plus répandue
dans toute l'Amérique du Sud , et que l'on appelle
langue générale. Ainsi dans l'intérieur du Paraguay,
ce n'est qu'en parlant guarani que l'on peut se faire
comprendre même pour les choses les plus usuelles.
Bien que l' Assuncion ait été, durant de longues an-
nées, la capitale de toutes les possessions espagnoles
( hOh )
daos cette partie de F Amérique , elle est le résultat
d'nn provisoire qui a été définitif. Cette ville a été
construite , sans que l'on songeât à son élégance ni à
sa symétrie. La régularité qui s'observe dans toutes
les villes espagnoles , y manque complètement. Les
maisons furent élevées çà et là, sans ordre ni aligne-
ment , souvent isolées et séparées par des jardins ou
des espaces vides se succédant En un mot, on n'avsdt
pris aucune des dispositions nécessaires au rôle d'une
cité importante et capitale d'une immense vice-royauté.
Le hasard seul a fait son accroissement, car elle devait
être transportée dans une position bien plus conve-
nable à 7 kilomètres plus au sud. Les événements en
ont décidé autrement.
Le dictateur Frauda voubit remédier à cet état de
choses; il prescrivit un système d'alignement qui fit
abattre nombre de maisons. Sa dictature fit des ruines,
mais elle n'édifia rien. Le gouvernement actuel pour-
suit depuis vingt ans un plan d'alignement analogue, qui
subit les variations du sol, et s'il ne respecte pas toujours
les droits des propriétaires, il tend à embellir la cité.
Malgré cette ardeur de la volonté paraguayenne, on
voit, des rues que forment des murailles en terre et
souvent en taquaras (pieux plantés en terre) ; d'autres
cependant ont des arcades couvertes et sont bien con-
struites.
Le sol sur lequel est bâtie TAssuncion et qui l'en-
vironne, est sablonneux ; aussi n'est-il pas rare d'y voir
jaillir de petits filets d'eau qui nuisent à la circulation.
Les rues en 1851 n'étaient pas pavées, seulement quel-
ques-unes venaient d'être bordées par un trottoir étroit
pavé de pierre et de granit.
( 406 )
Les maisons n'avaient pour la plupart qu'un rez-dô*
chaussée ; elles étaient basses, assez larges avec des mu-
railles en terre ou en brique et couvertes de tuiles.
La maison du gouvernement , palais du président,
est un rez-de-chaussée assez vaste, isolé, avec deux
façades sur une place et bordé par deux rues ; il est
entouré d'un pérystile couvert.
Le palais du cabildo, commencé il y a de nom-
breuses années parles vice-rois, n'est pas encore ter-
miné. C'est un édifice relativement remarquable, maîà
il n'y a de solide que les prisons.
La cathédrale réédifiée il y a quelques années, offre
une architecture simple, sans grande élégance. Deux
anciennes églises tombaient en ruines.
Les casernes, dont deux étaient d'anciens couvents
bâtis par les jésuites, sont spacieuses et en bon état. Il
en est de même de l'hôpital militaire. L'arsenal ne
mérite pas ce nom, cependant ila.été augmenté depuis
quelques années. -
De r Assuncion par en bas, la rive gauche de la rivière
Paraguay traverse une série de mamelons dont quel-
ques-uns bordent la rivière, tandis que d'autres en sont
séparés par des plaines basses et où apparaît l'inonda-
tion. Combarite est le nom de la dernière de ces éléva-
tions que termine le corps de garde de Angostura»
A 7 kilomètres au-dessous de la capitale on voit la
petite montagne de Lambaré au pied de laquelle est la
population du même nom, qui s'occupe spécialement
et presque exclusivement de l'extraction du sel dont
la terre de ce parage abonde.
^ C'est à Lambaré que fut forcé de s'arrêter, en jan-
( AOO)
vier 18A6, malgré le commencement de la crae, en
dépit même de la rare habileté de son commandant,
M. le vice-amiral Treboaart, le Fulton^ bâtiment à
vapeur de notre marine qoi, alors, venait d'ouvrir le
Paranà par le beau fait d*armes d*Obligado. Le Fulion^
cependant, ne calait que 12 à 13 pieds; c'était, en
outre, le premier navire qui entrait dans les eaux in-
connuee du rio Paraguay.
A 3 kilomètres au-dessous, même rive gauche, vient
affluer la petite rivière Neembuy , auprès de laquelle on
a placé le corps de garde de S. Antonio. Sur le peu*
çbani sud de la colline Combarite, à 6 kilomètres de
l'embouchure de Santa-Rosa, se voit à 3 kilomètres le
joli bourg de la Yilleta.
La rive droite du rio Paraguay, basse, sujette à
l'inondation et entrecoupée de baies, reçoit un des bras
de la rivière Pilcomayo, dont l'embouchure n'a pas
moins de 50 mètres de largeur avec 6 mètres de pro-
fondeur.
Cette rivière, comme le Gochimoyo, son premier et
principal tributaire, a ses sources au milieu des mon-
tagnes boliviennes situées entre Oruro et Potosi. Elle
traverse le vaste territoire du Chaco en se dirigeant au
sud, puis à Test, pour venir apporter ses eaux au rio
Paraguay par deux embouchures, l'une par les 25'' 8'
etTautrepar les 25'' 32'.
Tous les efforts des Boliviens pour descendre la
rivière Pilcomayo ont été jusqu'à ce jour sans résultat.
Il est à croire que le principal obstacle à cette naviga-
tion se trouve dans le fait de la rivière elle-même, dont
lea eaux se répandent dans la plaine sans laisser de
(&07)
lit nulle part et sans même présenter aucun courant.
On dirait que l'eau disparaît jusqu'à ce qu'après plu-
sieurs kilomètres elle se réunisse de nouveau, pour
offrir un volume d'eau assez considérable avec un cou-
rant qui se divise et que nous voyons arriver dans le
rio Paraguay par deux embouchures.
Au-dessous de la Villeta, à 6 kilomètres, se présente
le détroit de Angostura où la rivière n'a pas plus de
80 mètres de largeur, mais avec une grande profondeur.
La rivière se continue étroite ainsi plus de 90 kilo-
mètres, en présentant quelques îles du côté du Chaco.
Le joli bourg de Villa-Oliva apparaît rive gauche
par les 26° l' lat. à 85 kilomètres de l'Assuncion, puis
un peu au-dessous, sur la rive droite, le second bras
ou la bouche méridionale du Pilcomayo. Disons que
tout le delta formé par cette rivière dans le Chaco est
bas, soumis à l'inondation, principalement dans la par-
tie qui avoisine le Paraguay.
Après avoir laissé derrière Sanjita, Agatape, Remo-
linos, dans un parcours de 20 kilomètres, vient ensuite
Villa-Franca sur la rive gauche par les 26° 19' lat., et
c'est là que se terminent les terrains élevés qui, sur la
rive gauche, bordent le Paraguay, car, depuis Villa-
Franca jusqu'à Neembucu, les terrains sont bas et les
petites rivières qui affluent de l'intérieur y forment, vers
le voisinage des embouchures et des lagunes tempo-
raires. A 15 kilomètres apparaît Herradura et son ter-
rain bas, puis 8 kilomètres plus bas par les 26'» 36' le
rio Tebiquary-
Enfin à '11 kilomètres au-dessous, se montre Neem-
bucu ou Villa delPilari par les 26" 52'. gros bourg sur
( 408 )
la berge même du rio Paraguay, qui fut longtemps le
canton du Paraguay ; il Tétait encore en 1851. Long-
temps le commerce extérieur s'est fait exclusivement à
Villa del Pilar, et sous aucun prétexte l'étranger ne pou-
vait franchir cette chétive cité. Depuis que le commerce
se fait en entier à l'Assuncion, Neembucù a beaucoup
perdu de son importance.
A quelques kilomètres au dessous de Neembucù, la
rive droite présente un brusque détour vers le nord-
ouest qui porte le nom de f^uelta de la Monterita. C'est
dans ce détour que vient, sur la rive droite, masqué
par une île, déboucher le rio Vermejo, dont les eaux
troubles, rougeâtres, saumâtres forment une démarca-
tion très visible avec les eaux de la rivière Paraguay,
Les eaux du Vermejo naissant dans l'intérieur de la
Bolivie, après avoir traversé une grande partie du nord
de la Confédération Argentine et tout le Chaco, vontse
jeter dans le Paraguay, mais sans se mêler, et elles
coulent ainsi plus de 100 kilomètres sur la bande
droite du Paraguay et du Paranâ avant de se con-
fondre dans l'immense courant que présente surtout ce
dernier fleuve.
A 9 kilomètres au-dessous de l'embouchure du Ver-
mejo, un autre détour de la rivière Paraguay encaissée
dans un canal de 200 mètres de largeur, forme la vuelta
de Humaïta.
Le gouvernement actuel du Paraguay vient de con-
struire dans ce lieu une série de petites batteries. Il a
profité de la disposition du sol en obligeant les navires
qui montent à se haler dans le coude que forme brus-
quement la rivière vers le sud. La berge est ici coupée
( 409 )
à pîc, avec 6 mètres d'élévation au-dessus du niveau
moyen de Teau. Malgré cette hauteur, Tinondation re-
couvre quelquefois cette position ; aussi, il y a quelques
années, les travaux de fortification récemment terminés
ont-ils été détruits par la force des eaux.
Enfin, 26 kilomètres au-dessous d'Humaïta, la rivière
Paraguay se jette dans le Paranâ par les 27* 16' lat.
et 60* ^O' long.
Deux îles, laissant au milieu un large canal, divisent
le Paraguay en trois bouches, très bocas.
La bouche principale, celle du milieu, porte le nom
de Bocade Humaïta ; c'est le rio Paraguay proprement
dit, elle n'a pas moins de 260 mètres de largeur.
Celle de Test est étroite, et débouche dans le Paranâ
à l'ancien Passe del Rey, aujourd'hui Passe de la Patria.
Le gouvernement de la république du Paraguay possède
un campement sur ce canal.
Enfin, la troisième bouche, celle de l'ouest, porte le
nom de Boca del Atajo, à cause de l'île de ce nom qui
est en face, et qui appartient au gouvernement argen-
tin. Corrientès y possède un petit détachement.
Dans l'île del Atajo une colline de 16 mètres d'élé-
vation portant le nom de Cerrito, présente une posi-
tion extrêmement favorable pour un bon établissement
maritime commandant l'entrée du fleuve.
Disons que la baie que forme le Paranâ, en recevant
les eaux du Paraguay n'a pas moins c!e h milles de
largeur. Il continue ainsi en prenant an volume de plus
en plus considérable jusqu'à ce qu'il se jette dans la
Plata.
Vers les sources du Paraguay et de ses premiers
MAI ET lUIN, 5, ' 27
{H6)
sdjacents jusque vers les hauteurs de Fecho de Mor^.
ros, avons-nous dit, les pluies commencent ordinaires
ment vers la fin d'octobre, pour se terminer en avrih
Elles arrivent à la suite d'orages qui ont lieti chaque
matin, et laissent la soirée belle et calme pour recom*
mencer le lendemain.
La crue d'eau est dand toute sa force en janvier dt
février et se termine complètement en juin ou jtiillet.
Les eaux baissent peu à peu depuis la fin dés pluies,
en mars ou avril.
Ces époques ne sont, malgré tout, pas exactement
fixes ; souvent elles sont phis précoces, plus puissantes;
d'autres fois elles sont plus tardives et moins étendues.
Aussi l'inondation dépend-elle de la plus ou moins
grande abondance des pluies et de leur durée.
• Il y a des années dans lesquelles le rio Paraguay ne
déborde pas, ou bien c'est à peine si la partie des ter-
rains les plus bas se trouve couverte. Dans d'autres
années, au contraire , l'inondation couvre d'immenses
distances.
On rapporte, et il est facile de le comprendre, qu'il
y a des inondations qui atteignent jusqu'à 10 mètres
au-dessus du niveau ordinaire; mais ce sont là des
crues extraordinaires.
Généralement la crue ne dépasse pas 5 mètres d'élé-
vation, et c'est, eh certains endroits , plus qu'il n'en
faut pour submerger de grands espaces.
Quant à la superficie du terrain inondé , nous n'en
pouvons assigner l'étendue par des chiflres.
Vers le Jaurù, dans le parallèle des 16° 22', on pense
que sur la rive droite elle s'étend à environ* 60 Itilo-
i ^1* )
itikfeô, et que silr la Hvè gauche, tet-s la hauteur dii
S. Lourenço et du Taquari , elle comprend plus de
80 kilomètres.
A partir du S. Loilrenço , rinotidatioil ne va pas
aussi loin , et aux environs du Fecho de Morros elle*
n'èmbtasse pas au delà de quel(Jues kilomètres.
Depuis Gbïinbra les terrains soumis à rinondatibu
âotit plus côtisidérables 6t atteignent ëtiviroii i Sô ki-
lomètres.
A l'époque des sécheresses lés eaux disparaissent,
mais on rencontre disséminés quelques points tnarë-
cagëux ou quelques laguties qui n'ont |)as le tempâ dé
se tarir complètement quâud arrive Ist nouvelle ferde.
Au moment de ce dessèchement, il seî forme de véri-
tables courants d'irrigation qui changent de place.
Je ne mentionnerai pas tous les aniuiâut qui peuplent
les rives de la rivière Paraguay et de ses alHueritS ;
qu'il suffise de citer le tigre qui s'annonce souvent de
loin par des hurlements formidables ; on le rencontre
aussi bien dans les plaines que dans les forêts:
Le capivara , ces troupes de sangliers oti dé potcS
des montagnes , les cerfs et chevreuils, l'antâ ou tapir;
lé pacca, le tamandua, le porc- épie ou ouriço, lé
t4°, publ. de la Société de géographie.
(2) Considérations sur les populations de VAfrique septentrionale
{Nouvelles annales des voyages, 6® série, 1859, 5* année, septembre,
p. 295).
(3) Fcrd. Hoefer {Empire du Maroc) est d'une opinion contraire. —
D'Avezac, Bulletin de la Scciélc de Gépgr., t. XUI, 2*^ série, p. 223.
( A3A )
On doit à fortiori rejeter l'iiypothèse mise en avant
^ar Salluste, qui ferait descendre les premiers habi-
tants du nord de l'Afrique, des Perses, Mèdes ou Ar-
méniens, composant l'année d'Hercule (libyen).
ÏX)rsque les Romains abordèrent dans ces parages,
les premiers habitants qu'ils rencontrèrent, furent ces
mêmes colons, phéniciens ou juifs , établis dans les
villes du littoral et dans quelques plaines voisines.
Ils les désignèrent sous le nom de Mauri ou Maures;
mai^ nous pensons, malgré l'avis contraire de M. Go-
dard (1), qu'ils n'ont jamais prétendu appliquer cette
dénomination aux populations de l'intérieur et des par-
ties montagneuses, qui étaient pour eux des barbares
et qui sont restés pour nous les Berbères. Aux Ro-
mains succédèrent les Vandales, dont le passage laissa
pe^i de traces. Leurs débris se confondirent avec les
Maures qui s'augmentèrent également des colons grecs,
venu3 de Constantinople à la suite des armées de Bé-
lisaire. Les Arabes qui succédèrent aux Byzantins dans
la possession du i^ahgreb, entrent pour une large p^rt
dans sa population ; mais surtout dans le Maroc, leurs
tribus ne se sont pas mélangées avec les tribus berbè-
res ; la séparation des deux races est encore aujourd'hiii
a-nssi tranchée qu'au temps de la conquête. Lorsque
les Arabes et les populations nord-africaines de toutes
races que les Espagnols avaient confondus sous le nom
de Maures , qu'ils tenaient des Romains , eurent été
chassés de l'Espagne , la civilisation avancée dont ils
y avaient joui les empêcha de retourner à la vie no-
made, et ils s'établirent de préférence dans les villes
(i) JDasoWpfion et Aistotra du Maroc, f part., chap. 2, p. fO.
( A35 )
du littoral. Ils furent dès lors en grande partie con-
fondus avec les véritables et anciens Maures dont ils
s'étaient approprié les habitudes sédentaires. Les Is-
raélites, depuis la prise de Jérusalem par Titus, se sont
répandus dans le monde entier, mais particulièrement
sur la côte septentrionale de l'Afrique, de l'Atlantique
à la Tripoli taine. Ces contrées leur servirent en outre
de refuge lorsqu'en lâ02 Ferdinand le Catholique et
par la suite ses successeurs les chassèrent d'Espagne.
Leurs descendants se sont considérablement multipliés
dans le Maroc.
La dernière race dont il existe dans cet empire un
grand nombre de représentants, est la race nègre. A
toutes les époques historiques , les caravanes ou les
armées berbères ou arabes qui traversaient le désert
ont amené les esclaves noirs du Sénégal et du Soudan
dans le Mahgreb. Tantôt ces esclaves se sont mariés
entre eux, tantôt ils se sont alliés aux Berbères, mais,
surtout au sud des grandes montagnes et dans les
oasis. Les Arabes seuls se sont refusés à. tout mélange
avec les nègres et ont conservé la pureté de leur sang.
On peut donc diviser la population du Maroc en
cinq classifications : trois grandes, les Berbères, les
Maures et les Arabes; deux moins importantes, les
Juifs et les nègres.
Les Berbères qui sont en Algérie les Kabyles et
qu'on nomme Zouaves dans la régence de Tunis, se
divisent dans le Maroc en deux branches qui parlent
une langue différente, mais d'origine commune (1),
(1) Washington, Notice of the empire of Marocco^ p. 141. Cet auteur
a donné une liste comparée de certains mots des deux langues. Suivant
( &36 )
les Cbelleub' on Chelloks et les Amazirgues. Les pre-
miers sont sans doute les plus anciens habitants du
pays, mais ils ont été refoulés dans l'ouest de l'empire,
près de l'Océan. Us peuplent la partie occidentale de
l'Atlas, et les pays de Sous , de Djezoula et de Drâa.
Les seconds, venus postérieurement de l'orient, se sont
établis dans le Riff, dans le grand massif de l'Atlas
jusqu'au 8* degré long, ouest environ, et dans tout le
pays au sud des montagnes et au nord du Tafilet entre
l'oued Drâa et l'oued Guir. Ces limites sont toutefois
en partie problématiques et les renseignements font
presque absolument défaut.
Aujourd'hui, les Berbères occupent plus particu-
lièrement les parties montagneuses de l'empire.
Ainsi, on les trouve sur la droite de laMulouya, sous
les noms de Beni-Snassen, de Beni-Hamelil, de Zek-
kara, de Beni-Chebel, de Beni-Ouragh et de Béni-
Ikoulal. Ils peuplent presque toutes les montagnes du
Riff, de l'oued Kert à Ceuta ; le massif de rihril-el-
Abhari d'où ils remontent vers le nord-ouest entre
l'oued Sebou et l'oued Bouregrag ; les pays de Tadla,
de Tifa, de Demnate, les environs delà ville de Maroc,
le Djebel-Idraren-Drânn et presque en entier les pays
de Sous et de Djezoula, Au sud des grandes montagnes
on les retrouve dans le pays de Figuig , sur l'oued
Saoura affluent de l'oued Guir, dans le pays des Aït-
Atta au nord du Tafilet, dans l'oasis et le pays de
le P. Godard (Note d'un voyageur au Maroc, p. 28), la répartition
des Berbères serait toute différente. La population du pays de Sous
représenterait les Amazirgues.
(487)
Drâa, et enfin dans toute la longueur du Touat (1).
Les Arabes, au contraire, habitent, sous les noms de
Ben-Thala, d'Ahmed-ben-Brahim , de Mezaouir, de
Sereir, les environs d'Oudjda , le long de la frontière
algérienne, et sous ceux de Beni-Bou-Yahi, de Beni-
Oukil, de Settout, d'Hadj et de Halafs, les plaines du
bassin de laMulouya. De là ils s'étendent vers l'ouest
entre Toued Sebou et le Riff; puis reprennent au
sud de l'oued Bouregrag et occupent le long de la mer
toutes les plaines au nord des grandes montagnes. On
retrouve quelques-unes de leurs tribus dans les pays
de Sous et de Djezoula. A l'ouest de l'oued Drâa ils
sont établis dans le pays de Sedrat, dans le Tafilet et
dans l'immense delta formé par l'oued Guir et son
affluent l'oued Saoura. Sous les noms de Tajakants,
d'Ida et d'Aribs, ils peuplent toute la partie du grand
désert au sud de l'oued Drâa.
Quant aux nègres, il a été dit plus haut que, comme
esclaves, on les rencontre dispersés dans tout l'empire,
mais qu'ils ne sont assez nombreux pour prendre le
caractère de peuple que dans la région des oasis.
Les croisements qui ont eu lieu avec les nègres , ont
cependant donné à la population marocaine, dit l'abbé
Godard (2) , des traits de barbarie prononcés. On y
remarque toutes les nuances de peau , depuis la cou-
leur d'ébène jusqu'au blanc incertain. Suivant le même
auteur, la famille impériale est mulâtresse.
(1) Pour cette classification des différentes races, nous nous servons
surtout de la belle carte de Fempire du Maroc, par M. le capitaine
d*état-ma]or Baudoin, publiée en 1848 par le dépAl de la guerre.
{2) Descript, et hUt, du Maroc ^ V partie, cbap. 2, p. 13,
( his )
Les Maures , comme les Juifs « occupent les gnmdes
villes, surtout celles du littoral. On trouve cependant
quelques villages et même quelques tribus Israélites,
au milieu des montagnes , chez les Berbères ou Ka-
byles qui , ayant moins de préjugés religieux que les
Arabes, leur montrent beaucoup moins de malveil-
lance. Ces Juifs, d'ailleurs, suivant la tradition locale,
seraient venus d'Orient bien avant notre ère; ils
parlent , dit-on , un chaldéen corrompu , intelligible
pour ceux qui comprennent le syro-cbaldaïque du
Talmud (1).
Il serait extrêmement difficile, pour ne pas dire im-
possible, de donner une nomenclature exacte des dif-
férentes provinces dans lesquelles se subdivise l'em-
pire du Maroc. Les délimitations intérieures n'ont pas
été établies régulièrement, comme en Europe, par des
actes administratifs, et les dénominations dont se
servent, soit les Marocains, soit les géographes étran-
gers, se rapportent tantôt à un ensemble de districts,
tantôt à un territoire occupé par une seule tribu. Ces
dénominations particulières, vraies sur quelques points,
sont en général purement hypothétiques; nous nous
bornerons donc pour le plus grand nombre des divi-
sions de Tempire à indiquer par quels peuples elles
sont habitées. Bien que les indigènes aient nommé
Amalat, suivant les uns, le territoire régi parun kaïd,
suivant les autres une circonscription financière , un
nom générique ne peut pas non plus s'appliquer là où
les termes employés n'ont pas une égale valeur.
(1) Description et histoire du Maroc, p. 15.
( Ââ9 )
Pour faciliter la description du pays , nous divise-
rons la totalité de Teiripire en quatre parties princi-
pales : les provinces de Test, le royaume de Fex, le
royaume de Maroc et les provinces du sud-est,
PROVINCES DE L'EST
AYANT FAIT PARTIE TANTÔT DU ROTAUllE DE FEZ,
TANTÔT DE LA RÉGENCE d'aLGER. '
Amalat-Oadjda,
Désert d^Angad.
ROYAUME DE FEZ.
Amalat-Theza.
Ri (T.
Amalat de Tetouan,
Amalat - Tandja.
~ El-Gharb.
Pays des BeDiBassao.
— Gérouan.
— Zemmoar- Chellah .
Province de Mékinès.
Amalat de Fez.
Pays des Aït-Thsegrouschen.
Pays des Aït-Youssi,
— Oulad-el-Hadj,
— Béni M'Guild,
— Zayane,
— AïtSeri ,
— A!t-louafelIah,
— Aït-Tillougout,
— Zaâères.
Amalat de R'bat,
Pays des Chaouia.
ROYAUME DE MAROC.
Pays des Dukkàla, Pays des Zemran,
Amalat Azemour, Amalat des Tadia,
— partie au roy. de Fez, — M'Tifslj
— — de Maroc, — Demnate,
Pays des Abda, Pays des M'Touga,
— Ahmar, — Haha,
-^ Chiadma, — Ida-Mahmcd,
-^ Rahamma ou Amalat de — Ida-Ziki.
Maroc, Amalat de Sous.
•^ Seragrhna, Pays de Djezoula et d*0aed Noua.
( &iO )
PAYS DU SUD-EST.
Pays de Dràa. Pays entre Tooed Gair et Poaed
Pays des Alt- A tta , Namous ,
Pays de Tafilet, Pays de Tooat.
PROVINCES DE LEST.
Uamalat Oudjda , en partie montagneuse, s'étend
de la frontière algérienne à Test jusqu'à la rive
droite de la Mulouya à l'ouest. Quoique le traité du
18 mars ISAô ait attribué au Maroc cette province et
une partie de l'amalat Theza, elle est en quelque sorte
une dépendance de l'Algérie, ayant presque toujours
fait partie du royaume de Tlemcen, dépendant lui-
même de la régence d'Alger. La ville ou plutôt le vil-
lage qui lui donne son nom, renferme habituellement
5 à 600 habitants, mais aux époques des marchés ce
nombre s'élève jusqu'à 5 ou 6000. Les maisons y sont
en terre et fort mal construites. Quoique accidenté, ce
pays est extrêmement fertile, mais peu cultivé.
Dans la région des hauts plateaux est situé le désert
d!Àngad. Les trois quarts de ce désert appartiennent
à l'Algérie. Il sépare l'amalat Oudjda des provinces du
sud-est.
DIVISIONS DU ROYAUME DE FEZ.
La plus orientale de ces divisions est l'amalat de
Theza qui, outre la portion déjà citée sur la rive
droite de la Mulouya, s'étend le long de la rive gauche
de cette rivière jusqu'à la Méditerranée. Les îles Zaf-
farines, possessions espagnoles, oii Suffren proposait
autrefois d'établir un port français, font partie de cette
( 441 )
province qui contient un grand nombre de plaines et
de vallées d'une extrême fertilité. « Les îles Zaffarines,
dit M. Godard (1), étaient vacantes en 18i7. Le géné-
ral Cavaignac , envoyé alors pour en prendre posses-
sion , les trouva occupées depuis quelques jours par
une garnison espagnole. Dès 1833, continue le même
auteur, MM.'Bérard et Dortet de Tessan avaient fait
connaître Timportance du mouillage des Zaffarines,
où alors la France pouvait et aurait dû s'établir, soit
parce que les mauvais temps obligent les navires de
Djerama-Ghazouat à s'y réfugier, soit parce que les
frontières de l'Algérie s'étendront un jour forcément
à la Mulouya, dont l'embouchure est voisine de trois
îlots. )) Le sud de l'amalat Theza , traversé par la
grande chaîne des montagnes, est à peu près indépen-
dant. Sa capitale est la ville de Theza, située au pied
même des grandes montagnes. Léon l'Africain , qui
nous en a laissé une description, estimait qu'elle pou-
vait contenir 5000 feux. D'après lui, elle aurait été la
troisième ville de l'empire ; ses temples , ses palais
étaient regardés comme de très beaux monuments ; elle
renfermait plusieurs collèges. Ses habitants étaient
riches, à cause de l'extrême fertilité des terres envi-
ronnantes. Theza, renommée pour la pureté de l'air et
la bonté de l'eau, est probablement encore le marché
de grains où viennent s'approvisionner la plupart des
tribus des rives de l'oued Ziz et particulièrement du
pays de Tafilet.
La province du Riff^ à l'ouest de l'amalat Theza, se
(1) Descript* et hist. du Maroc, 1" partie, p. 70,
I. MAI ET JUm, 7. 29
( &iO )
PAYS DU SUD-EST.
Pays de Dràa. Pays entre Toued Gair et Toaed
Pays des Alt- A tta , Namous »
Pays de Tafilet, Pays de Tooat.
PROVINCES DE LEST.
Uamalat Oudjda , en partie montagneuse, s'étend
de la frontière algérienne à Test jusqu'à la rive
droite de la Mulouya à l'ouest. Quoique le traité du
18 mars ISAô ait attribué au Maroc cette province et
une partie de l'amalat Theza, elle est en quelque sorte
une dépendance de l'Algérie, ayant presque toujours
fait partie du royaume de Tlemcen, dépendant lui-
même de la régence d'Alger. La ville ou plutôt le vil-
lage qui lui donne son nom, renferme habituellement
5 à 600 habitants, mais aux époques des marchés ce
nombre s'élève jusqu'à 5 ou 6000. Les maisons y sont
en terre et fort mal construites. Quoique accidenté, ce
pays est extrêmement fertile, mais peu cultivé.
Dans la région des hauts plateaux est situé le désert
d Angad, Les trois quarts de ce désert appartiennent
à l'Algérie. Il sépare l'amalat Oudjda des provinces du
sud-est.
DIVISIONS DU ROYAUME DE FEZ.
La plus orientale de ces divisions est l'amalat de
Theza qui, outre la portion déjà citée sur la rive
droite de la Mulouya, s'étend le long de la rive gauche
de cette rivière jusqu'à la Méditerranée. Les îles Zaf-
farines, possessions espagnoles, où Suffren proposait
autrefois d'établir un port français, font partie de cette
( 441 )
province qui contient un grand nombre de plaines et
de vallées d'une extrême fertilité. « Les îles Zaffarines,
dit M. Godard (1), étaient vacantes en 18i7. Le géné-
ral Cavaignac , envoyé alors pour en prendre posses-
sion , les trouva occupées depuis quelques jours par
une garnison espagnole. Dès 1833, continue le même
auteur , MM. 'Bérard et Dortet de Tessan avaient fait
connaître l'importance du mouillage des Zaffarines,
où alors la France pouvait et aurait dû s'établir, soit
parce que les mauvais temps obligent les navires de
Djerama-Ghazouat à s'y réfugier, soit parce que les
frontières de l'Algérie s'étendront un jour forcément
à la Mulouya, dont l'embouchure est voisine de trois
îlots. » Le sud de l'amalat Theza , traversé par la
grande chaîne des montagnes, est à peu près indépen-
dant. Sa capitale est la ville de Theza, située au pied
même des grandes montagnes. Léon l'Africain , qui
nous en a laissé une description, estimait qu'elle pou-
vait contenir 5000 feux. D'après lui, elle aurait été la
troisième ville de l'empire ; ses temples , ses palais
étaient regardés comme de très beaux monuments ; elle
renfermait plusieurs collèges. Ses habitants étaient
riches, à cause de l'extrême fertilité des terres envi-
ronnantes. Theza, renommée pour la pureté de l'air et
la bonté de l'eau, est probablement encore le marché
de grains où viennent s'approvisionner la plupart des
tribus des rives de l'oued Ziz et particulièrement du
pays de Tafilet.
La province du Riff^ à l'ouest de l'amalat Theza, se
(1) Descript» et hist» du Maroc ^ i" partie, p. 70,
I. MAI ET JUm, 7. 29
( Ai2 )
divise en l'ama/a/ duRi/feien YamalaideTétoiian{i)»
Oo y reoooDtre pen de plaines ; c'est upe région moo-
tagneuse et des plus accidentées, les bailleurs y sont
généralement séparées par de profonds ravins. L'inté-
rieur en est à peu près inconnu , on sait seulement
qu'elle renferme une population exti:ômement belli-
queuse » presque entièrement composée de Kabyles*
Elle produit beaucoup de blé et Ton y élève de nom-
breux troupeaux, soit dans les vallons, soit sur le pen-
chant des collines. Les fruits de tous genres y mûrissent
parfaitement et acquièrent une extrême saveur. Les
villes principales sont : Melillia (2) ou Mélilla (Mlîla),
préside espagnol , conquise en 1496 sur les Maures
par le duc de Médina-Sidonia (3) . Attaquée sans cesse
par les Marocains, elle fut en 177i assiégée par l'em-
pereur lui-même. La population de cette ville est de
2000 à SOOO âmes. M. Grâberg de Hemso prétend
qu'elle fut fondée par les Carthaginois. Les Romains
la nommaient Ryssadirium. Elle est située un peu au
sud du cap Ras-ed-dir , Rusadir , que )es Espagnols
appellent Très Forças. Au dire de Léon l'Africain, il
y avait aux environs des pêcheries de perles fines. On
trouve sur le territoire voisin des mines de fer très pro-
ductives. Le miel de Melillia est renommé.
(1) Le mot Riff ou er Rif vient de ripa, lUtoral, rivage {empire du
Maroc, par Fcrd. Hoefer, dans V Univers piUoresque).
(2) D*après le capitaine Beaudoin.
(3) Diaprés M. Gr'àbcrg de Hemso, le préside espagnol serait situé
dini 000 lie eo face du continent auquel il serait joint par po poot-
levis {['• part., p. 43). M. Tabbé Godard ditégalement que la ville de
Melillia occupe une presqu'île reliée au contluent par uo isthipç roc^eai*
{ 4« )
jUi) pçu à youièst dç rembouchure âe Foued Ri$ eâH
située flans une petite île , au fond de la baie des Al*
hucemas, le comptoir espagnol d'Hadjerat en Nekour;
puis à 35 kilomètres environ vers Touest de ce dernier
point , aussi dans une île , el penôn de Vêlez , égale*
ment possession espagnole, renfermant 850 habitants.
Près d'Hadjerat on trouve à quelque distance dans Tia-
térieur, au îon^ d'une petite baie, la ville maure d»
Badis ou Badès , apcienne Parietina , nommée par le|
Espagnols Vêlez de la Gomera. C'est une très vieiilfe
cité. Elle renferme 600 maisons.
Par un traité conclu le 2A août 1859 et ratifié à la
fin de la guerre, l'Espagne a obtenu pour les trois
points de Melilla, el penôn et Alhucemas' ou Hadjerat
certains privilèges avantageux aux chrétiens.
La fondation de Tétouan , ville principale de l'amar
lat aie ce nom , remonte au temps des Romains qui i^
nommaient Jagath. Elle est située à 6 kilomètres
de la mer ou plutôt d'une baie que forme i'embou^
cbure de la rivière Martil. Tétouan est encora um
ville ço^jisidérable, le nombre de ses maisons s'jélèv«
à li^OO, dont 170 forment ce que les Vénitiens nomL*
meraient la Guidesca ou quai^tier des Juifs. Elle est
peuplée par 16,000 habitants : 0000 Maures, A20i9
Juifs , 2000 noirs et 800 Berbères ou Riffiens (1) . Uû
grand nombre dénies, et surtout les rues marchandes,
y sont couvertes de toits ou de berceaux de vigne et
autres plantes grimpantes qui en font de longs et
(1) Grâberg de Hemsd, p. 41 . M. Godard porte à 30 000 le QOiQ^rf
des habitants de Tétouan.
( &Ai )
obscurs passages, obstrués par des immondices de tous
genres. M, Godard y compte 40 mosquées. Tétouan
est entourée d'une ancienne et haute muraille flanquée
de tours carrées , mais une montagne la domine. A
Tembouchure du Martil s'élèvent deux grands forts en
briques revêtues de chaux que M. T amiral Romain-
Desfossés vient d'anéantir après trois quarts d'heure
de canonnade, en punition d'une insulte faite par leur
garnison au vaisseau français le Saint-Louis. La rivière
Martil n'est navigable que pendant 3 kilomètres , et
encore une barre, formée à son embouchure, n'en per-
met l'entrée qu'à des embarcations ne tirant pas plus
d'un mètre d'eau. Le rivage en face de Tétouan est
sablonneux (1). Le pays environnant est fort beau et
cultivé sur un grand nombre de points. Cette ville est
interdite aux Européens depuis 1770 ; M. de Hemso
prétend qu'il faut chercher la cause de cette interdic-
tion en ce que les femmes y sont les plus avenantes de
tout l'empire ; mais on doit penser qu'elle se trouve
plutôt dans ce fait, qu'en 1770, un Anglais ayant tué
un Maure, les consuls européens qui y résidaient, re-
çurent l'ordre de la quitter et de s'établir à Tanger.
Jusqu'à la dernière guerre avec l'Espagne, les puis-
sances européennes n'avaient plus pour représentants
à Tétouan que des agents pris parmi les juifs. Le com-
merce ne manque pas d'une certaine activité, les na-
(l)yoir la carte de la côte de Tétouan, dressée en 1853, par
MM. Duchaxel, Ollivier, Tirard, ofGciers de la marine impériale, et
C. Vincendon-Damoulin, professeur d'hydrographie, à bord de Tayiso
à vapeur le Pétrel, commandé par M. Duveyrier, capitaine de frégate,
publiée en 1837 par le dépôt général de la marine,
( â45 )
vires abondent dans deux petites baies extérieures à
remboiichure du Martil , et la garnison anglaise de
Gibraltar prend sur ces points une partie de ses ap-
provisionnements. Ces ports sont très fréquentés par
les Espagnols ; de loin en loin on y voit quelque na-
vire français ou italien. Les principaux articles sont
à l'exportation : la laine, Torge, la soie, les ceintures,
les cuirs bruts et ouvrés, les babouches, les bœufs et
les mules, ainsi que Técorce de chêne ; à Timportation :
les soiries, la poudre à canon, les armes à feu, la po-
terie, les briques et les tuiles. Tétouan est, au dire de
M. Godard, la plus grande fabrique d'armes à feu in-
digène.
Dans une presqu'île de 4 kilomètres de longueur,
située un peu au sud du cap Blanca, est placée
la ville de Ceuta (Septa) , qui doit son nom à sept
montagnes nommées par les Romains Septem Praires.
Elle est construite au pied du mont Abyla, aujourd'hui
El-Acho, qui, avec la montagne de Calpe (Gibraltar)
formait les célèbres colonnes d'Hercule. La forteresse
de Ceuta couronne le mont Acho ; une forte redoute
occupe l'entrée de la presqu'île vers le continent. Tour
à tour soumise aux Romains, aux Vandales, aux
Goths, aux Arabes, aux Génois, aux Portugais, cette
ville est possession espagnole depuis 1640. Les attaques
sans cesse renouvelées des populations belliqueuses du
voisinage qui brûlent de s'en emparer, sont une des
causes de la guerre que l'Espagne vient de faire au
Maroc. Ceuta renferme, d'après les documents oflSciels
espagnols, de 5 à 6000 habitants. En temps ordinaire
( ftâ«)
avant la deinière guerre, elle n'était défendue qne
par une faible garnison. Le g-mTemement en avait
fait un lien de transportation. Son port est petit
et mauvais , mais il pourrait être beaucoup amélioré.
Par sa position à l'entrée de la Méditerranée , Ceuta,
convenablement fortifiée , serait entre les mains des
Espagnols le contre-poids de Gibraltar et annihilerait
en partie cette redoutable citadelle.
Par le dernier traité conclu entre le maréchal O'Don-
nell et Muley el Abbas , l'empereur du Maroc cède à
la reine des Espagnes, à perpétuité et en pleine pro-
priété et souveraineté, tout le territoire compris depuis
la mer, en suivant les hauteurs de la Sierra-Ballones,
jusqu'au chemin d'Anghera.
Dans la partie la plus étroite du détroit, dit M. Go-
dard (1), se trouve le village d'Alcazar ou Ksar-es-
Segber, le petit château, où s'embarquaient autrefois
les souverains du Maroc pour leurs expéditions en
Espagne «
Vamalat Tamtja s'étend le long de l'océan Atlan-
tique à l'ouest de l'amalat Tétouan. Sa population est
presque entièrement de race arabe. Les deux princi-
pales villes de cette province sont Tanger et Larache.
Tanger, située à Test du cap Spartel et l'un des deux
ports du Maroc les plus fréquentés par les Européens,
est une vilaine ville construite sur les versants oppo-
sés de deux collines et dans le vallon qui les sépare.
Gomme Alger, vue de la mer, elle se présente en anà*
■
(i) Betcript» et hUt, eu Maroù^ f* pari., p, 56.
phîthéâtre. Les seules maisons un peu remarqua-
bles y sont celles des consuls européens, pour là
plupart entourées de vastes jardins ; les autres, con-
struites sans fenêtres extérieures comme les maisonè
arabes en général, donnent à la ville la plus triste ap-
parence. Les rues sont sales, étroites et tortueuses, sauf
la principale (j[uî traverse la ville dans toute la longueur.
La grande mosquée est d'une belle construction. Les
moines espagnols de Saint-François possèdent un cou-
veiit à Tanger. La citadelle ou kasba offre quelque in^
térêt par les ruines romaines ou arabes qu'elle ren-
ferme \ mais elle est aujourd'hui dans le plus complet
délabreraeht. Le mur d'enceinte de la ville tient à peine
debout, surtout depuis le bombardement du 6 août
1844, car les empereurs ne font presque aucune dépense
pour Tanger qu'ils regardent comme une ville mau-
dite depuis que les Nazaréens (chrétiens) y ont acquis
une influence dominante par la présence de leurs con-
suls. La baie de Tanger est défendue par sept ou huit
forts ou batteries assez mal établis et complètement
isolés les uns des autres, tels que ceux de la pointe
Malabâtà, d'Achmet et d'el-Arabi-el-Saidi. Son port,
formé par une série de récifs qui s'avancent dans la
baie, est peu spacieux, mais quelques tt-avaut sulfl-
raierit pour en faire uti refuge excellent ; il sefaît, du
reste, très passable, dit M. Godard, si les Anglais, en
évacuant cette vWe, n'avaient fait sauter le môle dont
les vestiges se voient encore à fleur d'eau. La baie est
très étendue, trop étendue peut-êtrei pour offrir une
protection suffisante en toutes saisons ; le fond y est en
général de sable mêlé de gravier et de bancs de co-
( AA8 )
raux (1). La population de Tanger s'élève à 9500
âmes dont 2500 Juifs, l&OO noirs, 300 Berbères ou
Riffiens et une centaine de chrétiens. Suivant le lieute-
nant Washington, Tanger n'aurait que 7 à 8000 âmes, et
suivant M. Delaporte, 5 ou 6000; M. Godard, lui en
donne 10 000. Cette ville fut successivement au pou-
voir des Romains, des Goths, des Arabes qui la con-
servèrent plus de sept siècles, et des Portugais qui,
après deux siècles de possession, la cédèrent aux An-
glais, comme dot de la princesse Catherine, femme
de Charles II, en 1662. Ces derniers l'occupèrent vingt-
deux ans, puis l'abandonnèrent en ayant soin de dé-
truire le môle et les fortifications. Depuis cette époque,
elle est restée à l'empereur du Maroc.
Le commerce de Tanger n'est considérable que pour
l'importation européenne, sa position isolée des parties
les plus fertiles de l'empire ne permettant pas à l'ex-
portation d'y chercher un débouché lucratif. Les mar-
chés ne sont alimentés que par les seuls produits de la
presqu'île au nord de laquelle elle est située, qui, ac-
caparés par les Anglais, contribuent à nourrir la gar -
nison dé Gibraltar. Il s'y fait aussi des affaires assez
importantes, sur la vente des sangsues. A l'importation^
ce sont les soies grèges qui tiennent le premier rang.
Sur la côte de l'amalat Tandja, entre le cap Spartel
(1) Voir le plan de la baie de Tanger lev^ en 1835 par M. Le
Sauloier de Vauhello, capitaioe de corvette, commandant le brick It
YoKXqtWy publié en 1837 par le dépôt général de la marine. Consul-
ter également sur Tanger, Washington, Gcographical notice of Ihe
empire of Marocco (Journal ofthe royal geographical Society of Lon-
don, 1831, vol. l*',p. 123).
( m )
et Larache, est située la ville ou village, on peut même
dire sans crainte la ruine d'Arzilla, Zilia des Cartha-
ginois, Gonstantia Zilis des Romains, qui, après la
chute de Tempire, appartint tour à tour aux Goths,
aux mahométans et aux Portugais qui T abandonnèrent
aux Maures vers la fin du xvi' siècle (1) .
Larache ou el-Araiche, le jardin des fleurs^ à Tem-
bouchure de Toued el-Kous, placée sur la route qui
mène de Tanger à Maroc en longeant l'Atlantique et
en passant par Azemour, est une ville assez malsaine
dont la fondation remonte tout au plus au xv« siècle.
Elle s'élève sur la rive gauche au bord même du Kous.
Ce petit fleuve forme un port intérieur de 6 à 7 mètres
de profondeur qui est devenu à peu près inutile, les
sables ayant réduit à 2 mètres la hauteur de Teau à son
embouchure. La rade est vaste et ouverte à tous les
vents (2j. Larache fut occupée par les Espagnols de
1610 à 1689. Elle est mieux construite que la plupart
des villes maures, elle renferme quelques anciens édi-
fices chrétiens, et ses fortifications, œuvre des Espa-
gnols, sont bien préférables à celles de Tangoj:. Trois
batteries défendent l'entrée du fleuve vers le sud, mais
au nord il n'existe aucun moyen de défense (3). Les
(1) J. Drammond Hay, Le Maroc et ses tribus nomades, traduction
de madame Louise Belloc, chap. 6, p. 69. — Godard, Descr^t. et
hist- du Maroc, 1'® part., p. 75.
(2) Voir le plan de la rade de Larache levé en 1853 par M. Vin-
ccndon-Dumoulin , ingénieur hydrographe à hord de la corvette k
vapeur le Newton commandée par M. Simonet de Maisonneuve, pu-
blié en 1855 par le dépôt général de la marine.
^3) Griberg de Hemso, Specchio deW impero diMarocco, p. 46.
( 450 )
UDS lui donnent AOOO habitants, dont 2700 Maures et
1800 flébreux (1) ; les autres 2000 seulement. Son
port a été à certaines époques le siège d'un commerce
âssea! étendu ; mais aujourd'hui son importance a beau-
coup diminué. « On y voit, amarrés à Tembouchure de
la rivière, dit M. Drummond Hay (2), des navires mar-
chands, anglais, français et espagnols, attendant leurs
cargaisons composées principalement de laine , de *
peaux, d'écorce de chêne, de fèves, de haricots et de
grains de différentes espèces que Ton exporte en échange
de fer, de drap, de cotonnades, de mousselines, de su-
cre et de thé.
En face de Larache, sur la rive droite de l'oued el-
kous, on remarque encore les ruines de l'ancienne
ville roimaine de Lixus qui donnait soii nom au fleuve.
Le pays environnant est extrêmement pittoresque et
d'une gfande fertilité, mais marécageux ; il renferme
surtout 4e belles forêts où domine lé chêne-liége. On y
cultivé beaucoup de coton et on y élève une race de
chevaux très remarqtiable. Il existe autour de là vilîë ,
de nlagftifiquès jardins où Ton signale un grand luxe
dé fleurs (3).
En remontant l'oued el-Kous, ot trouve vers le 35* de-
(f) GrSbprg de HemsS, Specchh dell' impero éi Marocco^ p. 45.
M. Drumntond Hay attribue à Larache 3000 habitants. — Le Heulenarit
W. Ârleil de la marine royale d*Angleierre (Description de la côté
d* Afrique du cap Sparlel au cap Bojador) oe lui donne que 2500 âmes.
(2) Le Maroc ei ses tribm nomades, traduction de madame Louise
Belloc, ebap. t5, p. 186.
(3) LieuL Washington. Geog» notice ofihe empire of Maroeco {Jour^
nal ofthe roy *geog* Saokty of LondBn, 1831 ^ t. 1«'^ p» 1^5)«
( â51 )
gré latit. stid la ville •d*El-Kessar-el-Kebîr(le grand pa-
lais) qui se trouve à la jonction de la roate de Fez aveè
celles de Tétouan, de Tanger et de Laràche. Elle doit
son origine au calife El-Mansor qui s'y fit construire
un |)alais autour duquel s'élevèrent bientôt un grand
tiombre de maisons en brique. Cette ville, située' au mi-
lieu de pâturages inondés une partie de Tannée, est
très inalsaine, il y règne des fièvres In tertnitteii tes. Elle
renferme à ou âOOO habitants. Ses murailles sont au-
jourd'hui en ruine.
Vdmaldt el Gliarb situé etitre l'amalat Tandja et
l'oued Sebou, s'étend, en longueur, depuis TAtlan-
tîcjtie jusqu'aux montagnes du Rîffi Sa populatioflj de
race arabe dans presque toute son étendue, est de race
berbère en approchant des montagnes. C'est eô géné-
ral un pays dé plaines où le sol, d'une grande fertilité
dans l'intérieur, devient sablonneux et marécageux
en se rapprochant de la côte. Le long de la mer on
remarqué plusieurs grandes lagunes. La principale tribu
qui peuple ce district est celle des Beni-Melel-Sefian, de
f cite arabe. **
Entre l'oued Sebou et l'otled Bouregrag est situé le
jpàysdes Dèni-Bassan^ tribu arabe qui ne respecte pas
toujours les volontés de l'empereur. C'est une contrée
extrêmement basse et par conséquent malsaine, où
l'oùedBehtj ne trouvant pas de débouché, forrtie d'ini-
menses marais. L'espace entre ces marais et la mer est
occupé en partie par la grande forêt de Mamôrâ, véri-
table repaire de bêtes féroces. On y remarque aussi le
port de Mehedia, ancienne Mamôra, possession portu-
gaise etrefuge de pirates» occupé aujourd'hui par d«B
( 452 )
pècbeors. Des raines de fontaines, d*aquedncs, d'égli-
ses et d'une double mnraUle attestent l'ancienne im-
portance de cette viUe (1).
Le port de Salé est situé dans le pays des Beni-Bas-
san, mais comme il se confond avec celui de R'bat, nous
nous en occuperons en parlant de ce dernier. La route
de Fez à Salé traverse le pays des Beni-Bassan, ainsi
que celui des Gerouan^ placé plus à l'est. Les Gerouan
sont de race berbère. Au sud-est des Beni-Bassan s'é-
tend le pays des Zemmour-Chellah^ Berbères à peu près
indépendants. C'est une région très peu habitée dans
laquelle on ne connaît aucune ville. Les parties basses
y sont rendues marécageuses par le passage de l'oued
Beht.
Un peu an nord des Zemmour-Gbellah, entre leur ter-
ritoire, celui des Gerouan et l'amalat de Fez, est situé le
district de Mekinès^ belle ville et résidence d'été de
l'empereur. Quoique le pays soit très humide, Mekinès,
placée sur Tun des contre-forts de T Atlas, est saine pen-
dant la belle saison. Son enceinte assez bien conservée
a quinze portes monumentales. On y voit aussi douze
mosquées. Le palais de l'empereur, construit en partie
avec des marbres de France et d'Italie, monument très
vaste, en est le principal édifice, et renferme, dit-on,
le trésor impérial ; avec ses jardins, il a 2 milles de
tour. On évalue la population de Mekinès à 15 000
(1) Lieut. Washington, Notice of the empire of Marocco^ p. 128.
Cette notice a été traduite en partie dans le Bulletin de la Société de
Géographiede Paris^ par M.Albert Montémunt, t. XVII, 1832, p. 117.
Cette traduction est accompagnée d'une carte. — E. îienou, Desoript.
géographique de l* empire du Maroc , p. 23.
( 453 )
âmes (1) ; mais M. Grâberg de Hemso (2) la porte à
55 000, dont 89 000 Maures ou Arabes, 9,000 nègres
presque tous soldats, 5,000 hébreux et 1,700 Berbères
ou Kabyles. La différence de ces deux appréciations
peut s expliquer en ce que la première représenterait la
population propre à la ville, tandis que la seconde se rap-
porterait à Tépoque du séjour du sultan qui, à Tinstar
des autres souverains musulmans, ne marche qu'avec un
véritable corps d'armée. Metinès est entourée de jar-
dins qui passent pour les plus beaux du Maroc. Le pays
voisin est couvert d'oliviers. Dans le sud et à peu de
distance de cette ville, commence le grand massif mon-
tagneux peuplé de tribus berbères où Tautorité de l'em-
pereur est entièrement méconnue et dans lequel ses
soldats ne peuvent pénétrer sans combattre. Les habi-
tants de cette contrée dévastent quelquefois le pays
jusqu'aux portes de Mekinès.
Uamalatde Fez^ une des parties les plus fertiles de
l'empire, est traversé par l'oued Sebou dont les nom-
breux affluents entretiennent une fraîcheur salutaire.
Ce pays, plus élevé que les districts de la côte
occidentale, n'est pas fiévreux comme eux; il est
généralement très sain. Sa capitale peut passer pour
la ville la plus importante de l'empire, quoiqu'à
titre de résidence impériale elle ne vienne qu'au second
rang. C'est de Fez, la ville sainte de l'occident, que
partaient autrefois les grandes caravanes qui parcou-
(1) Ferd. Hoefer, V empire du Maroc (Univers piltoresque); d'après
M. d'AugustiDy Marokko, in scinen gcographischen, historischen, elc,
Pestb, 1845.
- (2; Specchio deW impero di Marocco, p; 50.
( hU )
raient tout le pord de l'Afrique pour se rendre anii
villes saintes de l'orient, échangeant sur leur parcours
les produits manufacturés du Maroc contre ceux des
pays qu elles traversaient. Cette ville fut fondée au
comln^nce(nent du ix° siècle de notre ère parEdris-ben-
Edris. Deux fois déjà ce prince avait commencé Tédi-
fication de sa nouvelle capitale, mais des torrents im-
pétueux ou les crues du Sebou avaient dévasté les
travaux , lorsqu'il chargea son ministre Omar-ben-
Mosshabel-Houzdi de chercher un nouvel emplace-
ment. Omar parcourut Fahs-Assaïs et s'arrêta sur les
bords de la rivière de Fez dans un vallon situé entre
deux hautes montagnes richement boisées et arrosées
par de nombreux ruisseaux. Ce lieu lui paraissant ap-
proprié à la fondation d'une grande ville, il retourna
près d' Edris et lui rendit compte de ce- qu'il avaij v.u,
aL'iman enchanté demanda à qui appartenait cette
propriété I... A la tribu des Zouaga qu'on appelle ai^ssi
6efli-el-Rheïr (enfants du bien), répondit Omar. — Ce
Qom est de bonne augure, dit Edris, et aussitôt il en-
voya chez les enfants du bien acheter l'emplacement
de la ville qu'il leur paya 6,000 di'abem ; ce dont il fit
dresser acte (1).» Fez paraît avoir atteint vers le xvi» siè-
cle son plus haut degré de splendeur, mais aujourd'hui
elle est bien déchue ; c'est cependant encore le plu§
grand centre commercial de l'ouest deMahgreb. Sa po-
pulation qui, au XVI* siècle, s'élevait à environ AO 000
(1) Abju Mohananaed Saieh Ben Abd-el-Khalim de Grenade, Bist.
des souverains du Maghreb et de la ville de Fez, écrile à Fez en Tao
726 de Thégire (1325). Traduction manuscrite d*Auguste Beaumier,
agent vice-consul de Fronce à Rabat et Salé, 1858.
(ASM
fap^illes, plus AOOO Juifs, n'est, au 4ire de M- Qrk-
berg de Hemso, que de 8S 000 âmes qui se répartjs^
sent ainsi : GôOOO Maures et A;*abes, 10 000 Oerbëres,
9000 Hébreux et AOOO nègres (I). M. Renou n# portQ
cette population qu'à 30 ou AO^OOO âmes (2), tandis
que M. Godard la fait remonter à 80 000 (3). La se-
conde capitale de Fempire se divise en ancien Fez o\t
yille basse, et nouveau Fez ou ville haute. Les Juifs r^r
sident dans cette dernièJre, pu se trouve également 1%
palais de l'empereur, vaste enceinte renferniant plur
sieurs cours et de nombreux jardins. Les EuropéiQQ^
n'ont jamais pénétré dans les appartements de ce vaste
palais dont les trois quarts ne forment qu'un amas de
ruines (A). On compte à Fez un nombre immense de
mosquées dont la plupart sont surmontées de minarets ;
quelques relations parlent de 360, quelques autres de
700 mosquées dans les deux villes. Les rues sont étrçi-
tes, tortueuses et non pavées; aussi à l'époque des
pluies forment-elles de véritables ruisseaux de boue
auxquels viennent encore s'ajouter des imujondices de
toutes natures. Des bandes de chiens féroces Jâchés la
nuit sont seuls chargés de les débarrasser des cada--
yres d'animaux qui les encombrent et d'enjpêcher le
pillagedes boutiques par les maraudeurs. Les maison^^
en général très élevées, ont leurs étages supérieurs en
saillie, ce qui retire aux rues l'air et le soleil. Les voies
publiques sont en outre obstruées de loin en loin p^r
(1) Specchio delV impero di MaroccOf !*• partie, p. 48.
(2) Description de l'empire du Maroc^ p. 379.
(3) Descript, et hist. du MaroCy V^ partie, p. 48.
(4) F^j|. Boifer, Uempirp du Marœ, p. aO| iOpfvi/frs ptl^r^f^ue).
( 456 )
des murailles très hautes, percées d'arceaux qui sépa-
rent les quartiers et qu'on ferme pendant la nuit. Le
mur d'enceinte qui entoure les deux villes tombe en
ruine sur bien des points. Le seul système de défense
que l'on connaisse à Fez consiste en deux mauvais châ-
teaux forts, l'un à l'est, l'autre à l'ouest. Fez est tra-
versée par plusieurs ruisseaux qui lui fournissent de
très bonne eau et font tourner une grande quantité de
moulins où les populations du pays environnant, très
abondant en blé, font moudre leur grain. Léon l'Afri-
cain estimait leur nombre à 400. On remarque aussi à
Fez beaucoup d'hôtelleries ou caravansérails et de trai-
teurs dans le genre de nos restaurants, ce qui donne à
certaines parties de cette ville un franc aspect de
cité européenne. 11 existe des bains publics dans cha-
que quartier. La vie est, dans cette capitale, extrême-
ment bon marché, on y vend surtout à très "bas prix
la viande de bœuf et de mouton, la volaille et le pain.
Les montagnards du voisinage y portent d'excellent
miel et de très bonne cire. Non-seulement Fez était la
ville sainte par excellence, mais encore l'université la
plus célèbre de tout le Maghreb. Elle possédait autre-
fois plusieurs écoles ou collèges dans lesquels l'étude
des lettres et des sciences était poussée fort loin. La
mosquée del Caroubin renfermait une magnifique bi-
bliothèque, où, dit M. de Hemso, on eût peut-être re-
trouvé les livres perdus de Tite-Live et d'autres
auteurs grecs et latins ! Malheureusement il reste au-
jourd'hui peu de vestiges de ces établisseinents scien-
tifiques.
Au temps de sa splendeur, Fez était surtout une ville
(â67)
commerçante ; et quoique l'activité de son marché soit
bien tombée, c'est encore ce qui la recommande le plus
à l'attention des étrangers. 11 y existe plusieurs manu-
factures dehaïcks en laine, de ceintures et de mouchoirs
en soie, de cuirs admirablement tannés avec lesquels
on y confectionne des babouches, des selles, des cous-
sins renommés dans l'Europe entière. On y fabrique
aussi des bonnels de laine rouge, de la bonne toile de
lin, de magnifiques tapis, de mauvaise faïence et de la
bijouterie grossière.
Au sud de l'amalat de Fez conunence le massif mon-
tagneux du centre de l'empire du Maroc. La partie de
cette contrée où sont situées les sources de l'oued Se-
bou est habitée par les tribus berbères des Ait- Tkse-
grouschen et des Aït-Youssi^ qui sont gouvernées par
un mêmekaïd résidant à Safrou, village placé en avant
des montagnes. Le territoire des Aït-Youssi est tra-
versé par la route qui mène directement de Fez au Ta-
lifet, en passant par la plaine d'Outate, le défilé de
Tizin-Tinrount et les rives de l'oued Ziz. C'est une des
voies les plus fréquentées du Maroc, car elle ouvre aux
* produits manufacturés de Fez et aux marchandises an-
glaises, venues par les ports du nord, l'immense débou-
ché du Soudan. Les Aït-Youssi usent largement de cette
bonne aubaine en rançonnant à plusieurs reprises, sous
prétexte de les défendre, les caravanes qui franchis-
sent leurs montagnes. Si les Aït-Thsegrouschen et les
Aït-Youssi sont de race berbère, les OuIad-eUHadj
qui occupent au sud-est de lem: pays la vallée de la
haute Mulouyà sont de race arabe. A l'ouest des Aït-
Youssi on retrouve au contraire la race berbère chez les
I. MAI ET JUIN. 8. 30
( 468 )
Béni' M' GiUld qui occupent la partieibasse d'une longue
et étroite vallée traversée par l'oued Behtet s'étendant
des hautes montagnes de l'ibril el-Abhari au pays des
Zeinmour-Ghellah. La partie de massif montagneux à
l'ouest des Beni-M'Guild est peuplée pai; les Zayane^
les Ait'Serl^ les Ait' Joua fellah et les Aït-T^illougoat
également de race berbère. Les habitudes de tputes ces
tribus dont le territoire est à peine connu, naême de
l'administration marocaine, sont celles de tous les mon-
(
tagnards pasteurs. Us viennent à certaines époques
vendre leurs denrées sur les marchés du bas pays.
Au sud de l'oued Bouregrag pn trouve le pays fertile
mais sans villes remarquables des Zaaëres et Vamalat
de Rbat OU Rabat ^ peuplé par les tribus arabes, des
Sebbah et des Daghrma. R'bat est située à rem^bou-
chure de l'oued Bouregrag, en face et à peu de distance
de la ville de Salé avec laquelle elle forme pour ainsi
dire une seule et même cité. Autrefois, ces deux villes
réunies constituaient une petite république indépen-
dante des souverains de Fez et de Maroc.
Salé, colonie carthaginoise, qui, suivant M. Godard,
fut tour à tour occupée par les Romains, les Grecs, les
« » ' ' ' '""
Wisigoths et les Castillans , est une des villes maro-
caines dont le nom est le plus connu en Europe. Elle doit
cette renommée à ce qu'elle formait, surtout pendant
les XV* et XVI* siècles, le centre le plus actif de la pira-
■• . . . 'i -,
terie sur la côte occidentale du Mahgreb. Grâce aux
nombreuses prises effectuées par ses corsaires sur les
nations chrétiennes , elle était parvenue durant cette
période à un haut degré de splendeur. En 1629 , le
cardinal de Richelieu, exaspéré des pertes que les pirates
( 4^9 ))
^dë Sale faisaient âtiBir aux négociants fratiçais, envoya
contre eux une flotte sous le commandement . du
cîievalier de Razilly. Ce marin, venant s'établir àVentrée
dii port, prit et brûla 10 navires mahométansj en
avaria un grand nombre et força les habitans à deman-
der la paix. îl obtient que tous les esclaves fran'çais
lui seraient rendus et que dorénavant les navires de
notre nation seraient respectés. Bien qu'elle soit encore
le siégé d'un commerce as^ez étendu, l^alë, devenue
^possession de l'empereur du Maroc , est àujourdTim
singulièrement déchue. Cette ville forme un rectangle
d'à peu ^rès 1600 mètres sur 600, s' étendant le long
du fleuve dont elle n'est séparée que par des bancs de
sable de peu de largeur. Les deux coins de la ville
tournés vers la mer sont défendus par deux batteries
dont l'une est casematée. Ses murailles flanquées de
tours tombent en ruine. Elle compte cependant encore
23 000 habitants (1), presque tous Arabes ou Maures,
qui sont restés les ennemis les plus déclarés des chré^
tiens, et qui ne permettent à aucun d'eux de s'établir
dans l'enceinte de leur vîUe. Quoique placée dans une
contrée extrêmement fertile , Salé a perdu son impor-
tance du jour où les sables ont commencé à envahir
l'embouchure de l'oued Bouregrag dont l'entrée n'est
plus possible aujourd'hui qu'à des navires jaugeant
imoins de 150 tonneaux.
La ville de Rbat ou Rabat est d'une origine beau-
coup plus récente qu.e celle de Salé ; elle est construite
(l)6rabergdeHem8b,p, 51. Le lieutenant Washington ne lui eii
donne que 9000, M. Aïlett 14 000.
< AOO)
dans on goût plus moderne et ses maisons cmt me
apparence très confortable. Placée sur le penchant
d'une colline et s'étendant d*nn côté jusqa'aa rivage
de la mer» de l'autre jnsqa'au bord de l'oued Bonregrag,
profond à cet endroit de 3 à 5 mètres , elle jonit d'un
aspect assez pittoresque ; mais ses mes en pentes sont
étroites et inconunodes comme celles de presque toutes
les yiUes maures. Elle occupe une étendue beaucoup
moins grande que Salé. La forteresse d'El-lîansour
bâtie au XII* siècle sur une petite langue de terre qui
s'avance dans l'Océan et surmontée d'une haute tour
se présente assez bien ; mus l'intérieur ne répond pas
à l'idée que peuvent s'en faire ceux qui arrivent par
mer et ses hautes murailles lézardées ne résisteraient
pas à quelques bordée3 d'un de nos vaisseaux. R'bat
se divise en plusieurs quartiers dont un exclusivement
réservé aux juifs (1). Elle est défendue par des batteries
en mauvais état et entourée d'une ceinture de magni-
fiques jardins. Sa population s'élève à 27 ou 28 000
habitans dont 7000 hébreux. Ces habitants , parmi
lesquels on remarque un assez grand nombre de fa-
milles espagnoles ou portugaises, sont plus actifs, plus
intelligents et plus industrieux que ceux des autres
ports marocains. Autrefois R'bat unie à Salé formait
après Fez la ville la plus considérable et la plus com-
merçante de l'empire ; mais depuis que l'embouchure
de l'oued Bouregrag s'est ensablée et que les empe-
(1) Voir le plan de Rabat et de Salé levé en 1852, par M. C. A.
VioceodoD-Dumoulia, iagéaieur hydrographe à bord de la corvette à
vapeur le Newton, commaDdée par M. Simooet de Mabooneuve, pu-
blié en 1855 par le Dépôt général de la marine. ,
( 461 )
reurs ont voulu établir d'abord à Agadir ou Sainte*
Croix , puis à Soueïra ou Mogador le centre du com-
merce maritime du Maroc, son importance s* est
beaucoup amoindrie ; comme industrie, elle a cepen-
dant conservé son rang immédiatement après Fez.
Malgré les causes de ruines accumulées autour d'elle,
son avenir est encore très beau, et située au milieu de
provinces fertiles, R'bat restera toujours l'entrepôt
d'une grande partie du commerce de Fez et de Mekinès;
qui assure aux produits européens un des principaux
débouchés vers l'Afrique centrale (1). L'industrie y
est en outre très développée, on y faitun grand nombre
de tapis de toutes qualités ; ce sont les femmes qui
s'occupent de ce travail. On y fabrique aussi des cou-
vertures de laine et des burnous ; des étoffes imper-
méables à la pluie nommées djellabia ; des haîks soit
de laine pure , soit de laine et soie ; des glands, des
cordelières de soie , des nattes, del'orfévreriegrossière,
de la poterie et de la sellerie. On y remarque beaucoup
de teinturiers et de tanneurs. Les cuirs dits maroquins
y sont inférieurs à ceux de Fez. L'empereur vient
d'établir à R'bat une fabrique de monnaie de cuivre,
mais cette monnaie est très mal frappée (2) .
Les plaines qui avoisinent R'bat sont d'une rare
fécondité et on trouve réunies aux portes mêmes de la
ville la plupart des productions qui croissent dans les
diverses parties du Maroc : On y cultive le blé, l'orge,
le maïs, le lin, le doura, les fèves. Il y a en outre de
(1) Graberg de Hemso, l'« partie, p. 51.
(2) Jnnaks du commerce extérieur ^ septembre et octobre 1847,
(4«2)
magnifiques jardins d'orangers, des potiers qni pror.
duisent beaucoup de légumes et de fruits. II existe
aux aleotours une espèce de trnflfe sans parfum, mais
d'un goût agréable. Les plants de vigue y sont con-
sidérables et les raisins de bonne qualité. Les juifs font
d'excellent vin , mais en très petite quantité. Les mû-
riers et les oliviers prennent dans les environs un assez
grand développement. A quelques lieues de la ville sur
la rive droite du fleuve s'étendent de vastes forêts de
chêne. L'écorce de cet arbre est une source importante
de commerce, et ses énormes glands remplacent nos
châtaignes dans l'alimentation publique. \u delà la vue
embrasse d'immenses pâturages couverts de troupeaux
de gros et de menu bétail , les plus beaux du Maroc.
Les brebis ont de riches toisons et leur laine est très
• ...
«
estimée.
La rosée suffit pour faire des environs de R'bat un
pays d'une extrême humidité quoique la pluiQ y soit
inconnue pendant Tété (1).
^es Annales dii commerce extérieur nous fournissent
■« • • -
les renseignements suivants sur le commerce par iner
des villes réunies de R'bat et de Salé. En 1857, là
sonune des importations s'est élevée à 2 295 000 fr. et
celle des exportations à 1 86 A 000 fr. , soit & 159 000 fr.
Le total des importations a atteint en 1858, 1 197 000 fr.
et celui des exportations 588 OÔO fr.^ soit 1 785 000 fr.
Ce commerce avait pris, pour les laines seulement, un
assez grand essor en 1857 (2) ; mais des révoltes qui
(1) Ànnaiesdu commerce eoDlirieur^ septembre et octobre 1847.
(2).LieatenaDt WafhiagtÔQ,Nolic0 oflhe empire of MaroccOf p. 139.
L ^Za
ont eu lieu dans Tintérieur du pays l'ont paralysé en
1858, Cette même année, la Grande-Bretagne, par son
entrepôt 'de Gibraltar a figuré aux importations dans
ces deux villes pour 1179 000 fr. ne laissant que
7000 fr. au port de Marseille, 2000 fr. au Portugal et
3000 fr. aux autres ports marocains. Quant aux expor-
tations, Gibraltar figure pour 453 000 fr. et Mar-
seille pour 135 000 fr. ; les autres pays n'y prennent
pas part.
Les principaux articles qui ont été l'objet ''de ce
commerce, sont, à l'exportation: l'huile d'olive, les
amandes, les laines lavées, la cire, les peaux de
chèvres et d^ veaux et le maïs.
Au sud-ouest de l'amalat de R'bat et du pays des
Zaaëres s'étend le vaste pays des Chaouia, population
de race arabe, qui se subdivise en une foule de petites
tribus. Leur pays, quoique assez accidenté, est riche et
fertile. Il est séparé en quatre gouvernements : celui
des kaïd Oulid-el-Medjatia qui réside à la kasba Ali-
ben-Lassen, un peu à l'est du 10» degré longitude
ouest ; celui du kaïd Oulid-Touzert qui réside au vil-
lage de Touzert à l'est du 9* degré longitude ouest;
celui du kaïd Ound R'child qui réside à la kasba du
même nom sur' la route directe de R'bat à Maroc; et
enfin, celui du kaïd el Baloule qui réside à la kasba
de Zettat à l'ouest du 9* degré latitude ouest.
(i6A)
Analjicst ■kapp^rto) ete.
RAPPORT
SUR LE TOME PREMIER DES Mémoires et Bulletin
DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE GENÈVE,
1860.
Notre Société doit être heureuse d'acclamer la nou-
velle sœur qui vient de faire son apparition dans le
champ des travaux géographiques. Cette petite mais
glorieuse Genève, qui, seule parmi toutes les villes
secondaires où se parle notre langue, a eu pendant
plus de trois siècles F insigne honneur de partager avec
Paris la souveraineté littéraire et scientifique, cette
ville qui dans la pléiade de ses grands citoyens compte
un nombre considérable d'excellents géographes, ne
possédait pas encore de Société de géographie propre-
ment dite. Au nom de la science, nous félicitons les
hommes qui ont comblé cette étonnante lacune, et
notre Société, justement fière du droit que lui donne
sa primogéniture, souhaite joyeuse bienvenue à cette
Société jeune, avec laquelle elle n'aura d'autre rivalité
que celle de l'émulation.
La Société de géographie de Genève a déjà fait im-
primer deux cahiers formant le tome 1" de ses publi-
cations. Chacun de ces cahiers est divisé en deux
( A65 )
parties, dont Tune renferme les mémoires d'une certaine
étendue, tandis que l'autre est spécialernent consacrée
aux comptes rendus des travaux de la Société, aux
résumés des principales revues géographiques, aux
nouvelles et correspondances. Les mémoires les plus
importants, dont, grâce à la Société de Genève, la
littérature géographique vient de s'enrichir, sont :
1° Une excellente étude de M. J. Chappuis sur les
lignes de commerce^ Alexandrie ^ Suez et les côtes de la
mer Rouge,
2° Le récit d'une insite à Ciman de Mascate^ par le
même voyageur.
3** Un rapport extrait du Bulletin de la Société de
géographie de Saint-Pétersbourg sur les Essais d*a'
griculiure tentés dans le Kamtchatka»
4* Deux articles de M . Paul Chaix sur les explora-
tions arctiques et principalement sur le docteur Elisha
Rane et sur le capitaine Mac-Clintock.
5° Une Notice sur les îles Havaï^ par M, Charles
Galopin.
6* Une description de la Zaouïa de Chellntah^ ou
récit d'une excursion faite chez les Zouaoua de la
Haute-Kabylie, par notre collaborateur Henri Auca-
pitaine.
Eu outre, le Bulletin proprement dit nous offre un
article d'un grand intérêt sur le territoire américain de
Nevada et sur les mines argentifères de Washoe et de
Carson-valley. Dans une prochaine livraison, les
rédacteurs du Bulletin nous donneront une carte
détaillée dé ce territoire si curieux au point de vue
géographique et cependant si peu connu ; en attendant,
(460)
i|s se contentent de reproduire un simple croquis suffi-
sant pour fixer les idées.
Uais de beaucoup le travail le plus digne d'attention
qu'ait publié la Société de Genève, est un mémoire de
H* Paul Gbaix sur \ ethnographie de t AJrique^ accom-
pagné de trois belles cartes figurant la distribution des
peuples dans l'Afrique orientale, l'Afrique occidentale
et l'Afrique méridionale. C'est une excellente idée
d'avoir voulu dresser le bilan de nos connaissances sur
les races qui habitent ce continent naguère si mys-
térieux ; mais, tout en applaudissant à la tentative
hardie de M. Chsdx, nous nous garderons bien, dans
ce rapport, de hasarder une opinion sur la valeur de
tputes les délimitations ethnographiques tracées par
le savant géographe de Genève : les théories trop sou-
vent préconçues pour les besoins de leur cause par les
polygénistes et les monogénistes, |eurs généra^sations
trop catégoriques appuyées sur les témoignages conr
(ra^ictoires op incomplets des voyageurs, rendraient
notre tâche trop délicate ; nous préférons nous conten-
ter de signaler ce travail important à l'attention de nos
confrères qui s'occupent spécialement de l'ethnographie
africaine. Pu reste, im travail de cette nature est né-
cessairement hypothétique en grande partie, et rien
par exemple n'est plus vague que la division adoptée
par M. Ghaix entre les peuples nègres et les peuples
imparfaitement nègres. Nous ferons aussi à M. Ghaix
]e reproche de ne pas avoir fait concorder s»
carte avec le texte qui l'accompagne ; il affirme en
plusieurs endroits que les Fellatahs ne doivent pas
être confondus avec les nègres, et se rattachent ^ux
( A«7 )
peuples de l'Afrique septentrionale, cependant la carte
montre l'empire des Fellatahs recouvert de la teinte
unifprme qui doit indiquer la race nègre.
Pans la préface du tome I" de leurs Mémoires, les
mem})res de la Çocîété géographique de Genève npu^
promettent de publier des récits de découvertes faites
dans les pays lointains, de recueillir des documents
statistiques utiles au commerce, des renseignements
précis sur les débouchés qu'on pourrait ouvrir aux
produits industriels de la Suisse. Certainement toutes
ces études sur l'Afrique, l'Asie centrale, l'Amérique
du Sud, rOcéanie et l'Australie, seront les bienve-
nues et contribueront à la connaissance de la terre,
mais ue poAvoûs-nous espérer aussi que la Société de
géographie de Genève s'occupera de sa patrie, cette
admirable Suisse où, dans un espace si restreint, la
nature se montre sous de si nombreux aspects, où tant
de problèmes de la géographie physique sont encore
à l'étude attendant leur solution ? Sans dépasser les
bornes de Thorizon qui entoure leur ville, les savants
genevois peuvent nous révéler bien des secrets sur ces
phénomènes imposants dont l'étude attentive a suffi
pour rendre glorieux les noms d'Agassiz, de Charpen-
tier, de Deluc, de Tyndall, de Forbes, de Hiigi, de
Desor. En se vouant à l'exploration du sol de sa patrie,
le géographe rend autant de services à la science qu'en
étudiant tour à tour les pays les plus lointains ; il fait
connaître les phénomènes dans ce qu'ils ont d'intime
et de profond, tandis que les voyages accomplis à tra-
vers les vastes continents, ont presque toujours quelque
chose de superficiel et d'incomplet. On se figure aisé-
( 468 ) •
ment que le pays où l'on réside est trop connu pour
qu*on l'étudié de nouveau ; mais la France et la Suisse,
si souvent découvertes, sont encore à découvrir, et le
savant qui en aura parfaitement compris la géographie,
sera bien près de connaître les lois qui régissent les
continents eux-mêmes. Le Genevois de Saussure, en
étudiant une seule partie de la chaîne des Alpes, n'a
pas fait moins (jue tout autre savant pour l'étude de
la terre entière, et bien qu'il n'ait pas visité les régions
d'outremer, sa gloire est immortelle comme celle de
Barth, de Rane et des Schlagintweit. Son nom reste à
jamais gravé sur les rochers du mont Blanc
Elisée Reglus.
( m )
IVoavellei et communlcattoiM.
EXTRAIT
d'une lettre de m. FERDINAND LAFARGUE
A M. lOMARD, MEMBRE DE l' INSTITUT.
Khartoum, 15 septembre 1860.
Monsieur,
Après une période écoulée de vingt-cinq années,
parmi lesquelles dix-sept ont été passées en voyages
dans le Soudan, il peut bien m*être permis, monsieur,
de rappeler à votre souvenir le professeur de l'Ecole
de médecine vétérinaire d'Abouzabel qui, en 1835,
quittait la France avec un contrat pour entrer au ser-
vice du vice-roi d'Egypte.
Je n'ai point aujourd'hui la prétention d'abuser de
vos moments précieux pour vous exposer mes labeurs
et mes campagnes pendant cette longue période de
dix-sept années ; mon unique but est d'attirer votre
attention et celle des explorateurs qui se destinent aux
longs voyages dans l'Afrique orientale et centrale par
la voie du Nil sur l'emploi delà vapeur dont des essais
viennent d'être faits, et qui ne laissent aucun doute
sur la possibilité d'accomplir en trois ou quatre années
les meilleurs résultats qu'il soit possible d'espérer.
( i76 )
Conviûncu que c'est par le Bahr el Abiad que doi-
vent être dirigées les expéditions vers ces contrées en-
core peu connues; très convaincu» d'autre part, que
la navigation à voiles est impuissante à faire parvenir
ces expéditions au delà d'une certaine limite, à cause
de la constitution météorologique du Soudan, je con-
çus le projet d'essayer si un petit vnpenr de la force de
20 à 25 chevaux ne remplirait pas tnieut le but que
les bateaux à voiles , et je résolus immédiatement
de mettre la main à T œuvre pour l'expérimentation
projetée.
Le gouvernement égyptien ne permettant point aux
Européens de posséder sur le Nil des bateaux à vapeur
pour leur propre compte, je m'adressai à S. A. le prince
Haiim Pacha à qui je fis part de mes projets et qui les
accepta. Le vapeur me fut donc accordé par le prince
avec cette bonne grâce et cette haute bienveillance qui
c i • j • 1 ' • . • ' f •• •■* T" \
rappellent les quahtés éminentes de son illustre père.
Le plan de campagne discuté et approuvé par le
prince était donc celui-ci : 1** conduire le ^vapeur au
Soudan ; 2° faire des essais d'exploration sur les trois
grands cours d'eau qui forment le système du Bôhr
el Abiad.
N'ayant personne à bord qui fût plus capable qiie
moi de prendre une latitude ou une longitude, je m'en-
gageai seulement à rédiger un journal de route'; au
reste notie intention bien nettement formulée n'était
autre que de préparer les voies à d'autres explorations
mieux organisées sous le rapport scientifique, et nous
pensions qu'après avoir conduit le vapeur au Soudan
et avoir fîût des expériences de navigation sur l'ud
( 471 )
des trois cours (î'eau dont j'ai i)arlè, nous auHons ac-
quis une série de faits utiles à la solution de la (Juès-
tion qui nous occupait.
Partis du palais de Choubra le 22 septembre ^857,
nous étions rendus à Méraouéh, haute Nubie, le 25 dé-
cembre. Les eaux du Nil excessivement basses nous
obligèrent d'ajourner la continuation de notre vôyagel
Le 1" août 1858, nous partîmes de Méraouéh, et le 21
du même mois nous étions rendus à Berber.
Je passe sous silence le passage des cataractes ; tes
obstacles furent franchis sans avarie sérieuse. Cebenf-
dant nous eûmes fort à faire pour obtenir le bon résul-
tat qui nous était réservé.
Ce fut dans le petit voyage de Berber à Khartoum,
en septembre, que nous essayâmes le bois comme com-
bustible. Nos prévisions ne furent point démenties ; le
bois du Soudan, toujours très dur et très pesant, nous
donna un degré de chaleur égal à celui du charbon de
terre.
Arrivés à Khartoum le 21 septembre, nous y sé-
journâmes jusqu'au 22 octobre, jour de nott^ départ
pour le haut du fleuve Blanc.
Voici quelles étaient les conditions de notre voyagé :
le vapeur remorquait deux énormes bateaux du Sou-
dan qui portaient chacun en provisions et en verrote-
ries un poids équivalent à 200 ardeb de grain ; je dois
ajouter qu'avec le poids de ces deux bateaux, le p^i-
peur ne pouvait faire qu'une lieue à Theure.
Libre de toute remorque, notre vapeur^ chauffé avec
du bois, faisait quatre lieues à l'heure.
" Nous étions rendus à Gondokoro le 26 novembre ;
(472)
pendant ce voyage nous avions perdu nne semaine pour
organiser un poste de chasseurs d'éléphants, et faire
des expériences sur les nouvelles balles explosibles.
Repartis de Gondokoro le 29 novembre, nous étions
de retour à Khartoum le 25 décembre, après avoir
perdu une autre semaine pour la continuation des ex-
périences précédentes sur les balles explosibles.
Pendant ce long trajet de Khartoum à Gondokoro
et pendant le retour, le combustible ne nous a jamais
manqué ; nous n'avons eu à signaler d'autre inconvé-
nient que celui de Fintroduction des plantes maréca-
geuses, en suspension dans l'eau, dans l'extrémité du
tube de la pompe à eau qui alimente la chaudière.
Lorsque ce tube était bouché, ce qui arrivait assez fré-
quemment, le bateau s'arrêtait, il fallait immédiate-
ment enlever ces herbages ; il serait facile de prévenir
cet inconvénient en faisant un grillage autour de l'ex-
trémité de ce tube.
Tel est, monsieur, le seul voyage qu'il m'ait été per-
mis de faire avec ce sapeur. Les maladies d'un côté,
quelques misérables intrigues de l'autre m'ont fait
abandonner la continuation des expériences projetées ;
en attendant qu'elles soient reprises, qu'il me soit per-
mis, monsieur,, de vous soumettre quelques observa-
tions sur le parti qu'on pourrait tirer de ce vapeur ^o\xv
résoudre le difficile problème des voyages dans l'inté-
rieur de la contrée.
La navigation à voiles, soumise aux nécessités du
vent, ne peut être utile qu'à certaines époques de l'an-
née et pendant un temps très limité. Les vents du nord
ne se font sentir ici, à Khartoum, que vers la fin d'oc-»
( 473 )
tobre, et c'est en novembre seulement qu'ils sont forts
et réguliers ; mais à cette époque les eaux du Nil ont
déjà baissé de plusieurs mètres, et cette baisse se con-
tinue jusqu'à l'époque des pluies qui est aussi celle du
retour des vents du sud ; ces deux espèces de vents se
partagent presque l'année. S'ils soufflaient en sens
inverse, la solution du problème aurait déjà eu lieu
depuis longtemps.
Je dois avouer que , malgré ce grand obstacle , le
commerce a fait des efforts prodigieux pour étendre
ses exploitations ; c'est surtout le Bahr-el-Ghazal qui
est largement et utilement parcouru ; c'est la contrée
qui donne la plus grande quantité d'ivoire. Les négo-
ciants de Khartoum ont des établissements dans le
Fertit, chez les JSamnam; ils se mêlent aux Gellabs
qui viennent par la voie du Dârfour, et leur font une
concurrence désastreuse ; c'est que pour parvenir au
Fertit par le fleuve, il faut bien moins de frais que
par la route que ces Gellabs suivent. 11 est incon-
testable que dans peu d'années le commerce de l'ivoire
qui faisait la richesse du Darfour se fera désormais par
la voie du Nil.
Voici, d'après les informations que je viens de prendre
auprès d'un négociant, le nommé Ali Oumouri, le
nombre de journées qu'il emploie pour parvenir à son
établissement du Fertit,
Parti de Khartoum par un bon vent , il lui faut de
treize à quatorze jours pour arriver au Rek qui est le
rendez-vous général de tous les bateaux.
A Rek est un lac profond et vaste , limité dans sa
partie occidentale par des marécages couverts de hautes
l, MAI ET JUIN. 9, 31
(47A)
plantes OÙ se perdent et disparaissent les diverses cours
d'eau dont on a constaté l'existence. Ces cours d'eau
sont au nombre de cinq dont trois principaux : l"* celui
qui vient de l'ouest et que les négociants désignent
sous le nom de rivière des Arabes, à cause des Arabes
Kézégat qui en occupent les rives ; 2* celui qui passe
au Fertit et qu'on appelle Bahr et Giour à cause de
la tribu des Giours : ce cours d'eau est remarquable
par la pureté de son eau qui est limpide et qui en
toute saison a un courant continu; mais pendant
l'hiver, cette petite rivière, qui est considérable dans
la saison des pluies, n'a pas assez de profondeur pour
permettre à un bateau de la remonter; 3° enfin, on a
constaté l'existence d'un autre cours d'eau qui viendrait
du sud et qui, comme les deux précédents , ne serait
navigable que pendant les hautes eaux. On m'a dit
que certains négociants avaient suivi à pied ce dernier
cours d'eau, et étaient parvenus à la hauteur de Gon-
dokoro sans en avoir vu la fin.
Parvenus dans le lac de Rek, après treize ou quatorze
jours, nos négociants abandonnent leurs bateaux et con-
tinuent à pied leur voyage. Du Rék chez les Nègres
Giours, ils mettent six journées, et des Giours au Fertit,
sept journées.
Le territoire des Namnam touche celui de Fertit,
et ces deux races bien distinctes sont toujours en guerre.
Les Namnarn sont réellement anthropophages ; la par-
tie du corps humain qu'ils recherchent le plus est le
pied qui, disent-ils, est un mets délicat; ils ne sont
pas aussi noirs que leurs voisins du Fertit ; leur cou-
leur est plus claire.
( 476 )
Je n'en finirais pas , monsieur , si je voulais con-
signer dans cette lettre toutes les notes que j'ai prises
au sujet de ces races; je reviens à mon sujet dont je
me suis un peu écarté en voulant vous exposer les
efforts que fait le commerce pour étendre les limites
de ses échanges.
Le vapeur dont il s'agit a la force de 20 à 25 chevaux.
Sa machine, d'origine anglaise et à basse pression, ne
laisse rien à désirer. Les magasins de ce vapeur peu-
vent contenir du bois coupé et bien arrimé pour trente
heures de marche ; malgré le poids de ce combustible,
celui des provisions, etc. , il ne prend que 85 centimètres
d'eau. Ses aménagements sont tels que, outre les loge-
ments du mécanicien et de son second , quatre per-
sonnes peuvent être confortablement logées dans son
intérieur. Les magasins pour les provisions de bouche
peuvent aussi suffire pour dix à douze mois ; mais il se-
rait impossible de mettre dans ce vapeur les appro vision-
nements en grain pour le personnel qui accompagnerait
une expédition et qui se composerait, au moins , de
soixante personnes, sans y comprendre les hommes em-
ployés au service de la machine. 11 faudrait donc ad-
joindre à ce vapeur une barque légère, qu'on nomme ici
sandal, pouvant porter un poids équivalent à celui de
150 ardebs dedourah, ayant sa voilure et une douzaine
d'avirons.
Remorquant cette barque chargée d'hommes et de
provisions, le vapeur pourrait faire deux lieues à
l'heure. Or, en admettant que pendant un mois et en
faisant une large part au temps perdu pour le coupage
du bois ou pour d'autres causes imprévues, le vapeur
(47«)
puisse marcher pendant vingt joars , et chaque jour
pendant quatorze heures , il est évident qu'au bout de
trente jours il aura franchi une distance de 580 lieues.
Les expériences que nous avons déjà faites ne nous
liûssent aucun doute sur l'exactitude du précédent
calcul; et quant au rombustible ^ le voyage que nous
avons déjà exécuté et les renseignements les plus pré-
cis que nous nous sommes procurés , nous permettent
de pouvoir assurer qu'il ne manquera jamais, quelque
soit le cours d'eau que l'on veuille explorer.
Pour continuer et compléter la carte de M. d'Arnaud
au delà du point où le voyageur s'est arrêté , il serait
indispensable que l'expédition partit de Kbartoumvers
le 15 octobre. Sa durée serait au plus de douze à qua-
torze mois; elle serait rendue à Gondokoro dans la
première quinzaine de novembre ; elle y séjournerait
jusqu'au mois d'avril suivant. Dans cet intervalle le ba-
teau à voiles serait envoyé chez les nègres Nouers pour
augmenter la provision de dourab ; car le grain acheté
à Rhartoum ne saurait être, à cause de la capacité du
sandal, suffisant pour toute la durée de l'expédition.
Après avoir déposé à Gondokoro une partie des pro-
visions nécessaires aux besoins du retour, l'expédition
se remettra en voyage le !•' mai qui est l'époque de
la crue nouvelle. Les oscillations de crue et de baisse
observées dans les mois de mars et d'avril, résultant
des pluies passagères qui ont lieu sous cette latitude
pendant tout l'hiver, l'expédition pourra donc voyager
pendant quatre mois au moins, et s'il est vrai, comme
on l'assure, qu'avec son tirant d'eau de 85 centimètres ;
le vapeur ne puisse parcourir que l'espace de h ou
( A77 )
5 degrés, il est certain que le bateau qui le suit, et qui
prendra au plus 45 centimètres avec ses 80 hommes
et ses provisions pour deux mois , devra nécessaire-
ment parvenir avec le secours des avirons aux der-
nières limites navigables du fleuve Blanc.
Je ne parlerai pas de la prétendue cataracte qui est
au-dessus de l'île Janguer ; je Fai moi-même visitée et
ma barque l'a traversée quatre fois sans jamais avoir
touché à un rocher.
Revenue à Gondokoro dans le mois de septembre,
l'expédition serait facilement à Khartoum au mois
d'octobre.
Sur la branche qu'on appelle Bahr-el-Ghazal il y a
tout à faire ; c'est ici que le vapeur serait d'une grande
utilité.
L'expédition, dont le personnel serait le même que
pour le Nil blanc, pourvue de six mois de vivres, parti-
rait de Khartoum le 20 juin et se rendrait au Rek qui est
le rendez-vous général des cours d'eau dont nous avons
parlé ; elle attendrait le moment de pouvoir passer par
dessus les herbages qui obstruent l'entrée des cours
d'eau, chose possible et facile, surtout à cette époque
de l'année où les pluies torrentielles qui ont lieu ont
élevé le niveau du lac. Cette petite difficulté enlevée,
l'expédition aurait donc les mois de juillet, d'août,
de septembre jusqu'au 10 octobre environ à pouvoir
' voyager. Or, pouvant faire chaque mois 580 lieues,
je laisse à penser quelle magnifique moisson de dé-
couvertes elle pourrait faire.
Il en serait de même pour le Saubat : l'expédition
partirait à la même époque, 20 juin, et devrait être de
( â78 )
retour comme la précédente au commencement du
mois d'octobre.
Cette branche est encore digne d'une grande consi-
dération ; les négociants qui en ont parcouru une par-
tie, prétendent avoir remonté des cours d'eau qui
descendent des montagnes d'Abyssinie; ils ont acheté,
chez les nègres riverains, des toiles rayées de bleu
venant de Goiidar, des verroteries et du cuivre qui y
avaient été apportés par des marchands venus de Test.
11 est certain que si le départ des marchands abyssins
et de ceux de Khartoum avait eu lieu à la même épo-
que, ils se seraient rencontrés chez ces nègres inter-
médiaires, comme cela a eu lieu au Fertit entre les
Jellabs du Dârfour et les négociants de Khartoum.
Enfin, s'il est vrai que le cours d'eau qui passe chez
les Berris, à trois journées à l'est de Gondokoro, soit
toujours la suite du Saubat, et s'il est encore vrai,
ainsi que me l'ont assuré les nègres de Koumetrou,
que le Saubat et le fleuve Blanc aient une même
origine , on ne pourra disconvenir que si de sé-
rieuses explorations étaient dirigées sur cette branche
considérable , elles ne soient suivies d'importants
résultats.
Tels sont, monsieur, les travaux que l'on pourrait
accomplir en trois ou quatre années avec l'aide du va-
peur qui est aujourd'hui au mouillage de Khartoum,
et qui attend des hommes résolus et intelligents pour
les conduire vers des pays inconnus aux géographes.
La question de dépenses pour ces quatre années de
voyages ne serait pas non plus effrayante. D'après mes
calculs elles ne s'élèveraient pas au delà de 100000
(479 )
francs, plus 50000 francs pour Tacquisition du vapeur^
ce qui porterait le chiffre à 150000 francs.
Dans ces dépenses ne seraient point comprises celle
des instruments de précision , les frais de voyage à
Khartoum et de retour en France des personnes char-
gées de la partie scientifique, tous frais dont je n'ai pas
la moindre idée : je ne parie que des dépenses à faire
ici, à Khartoum , pendant toute la durée des expéditions.
L'excessive longueur de cette lettre m'empêche d'en-
trer dans de plus longs détails au sujet de toutes ces
dépenses; mais si, plus tard, ces détails vous étaient
nécessaires, je m'empresserais, monsieur, de vous les
faire parvenir.
Enfin, si cette lettre pouvait, dans un avenir plus ou
moins prochain , contribuer à réaliser ce projet de
voyages dans Tintérieurde l'Afrique orientale et cen-
trale, avec ce vapeiu\ et si pour réunir les fonds néces-
saires à toutes ces dépenses, la Société de géographie
de Paris croyait devoir provoquer une souscription,
convaincu qu'après avoir prêché parla parole, il faut
aussi prêcher par l'exemple, je vous prierai, monsieur,
de vouloir bien placer mon nom en tête de la liste
pour la somme de 5000 francs.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Ferdinand Lafargue.
(480)
NOTE
sut DE» rOIIIT5 DE L'AHCUiniE fiÉOGKAPHU
jx. l'asie OUERTALE,
PAt M. TITODI DK SAUrr-llARTIIf.
M. Vî%'ieii de Saint-Martin , en offrant à la Société
son troisième mémoire sur la géographie de Tlnde
aiicienne, dans lequel il s'est proposé d'éclaircir les
notions grecques el romaines par les données sanscrites,
et récipioquemenl , a voulu appeler l'attention de ses
collègues sur deux points qu'il regarde comme ayant
une iniportance particulière dans l'étude de la géo-
graphie classique : premièrement , la question de la
Sérique, qui fait dans le mémoire l'objet d'un appen-
dice étendu ; en second lieu, la véritable circonscription
de ce que Ptolémée nomme Klnde au delà du Gange.
La question de la Sérique n'a donné lieu à tant de
discussions confuses, contradictoires, sans résultats
arrêtés, que faute d'y avoir reconnu deux éléments
tout à fait distincts, l'élément historique et Télément
géographique. Le premier a été emprunté par Ptolémée
à son prédécessem; Marin (de Tyr) , lequel rapportait
l'itinéraire de certains marchands macédoniens qui
avaient traversé de l'ouest à l'est une grande partie de
TA^ moyenne pour se rendre dans une contrée connue
'-^s le nom de Sérique, bien loin au delà de l'Imaizs.
Il est reconnu depuis longtemps , et Klaproth l'a dé-
( A81 )
montré avec la dernière évidence , que le mot Sérlque
n'a jamais été en réalité le nom d*un pays, mais seule-
ment une appellation créée par les Grecs pour désigner
une contrée orientale productrice de la soie [set) ; et,
d'un autre côté, il. ressort de l'itinéraire recueilli par
Marin (de Tyr) que cette contrée n'était autre que le
nord, ou plutôt le nord-ouest de la Chine. Voilà pour
la Sérique et sa position ; mais quant aux peuples que
Ptolémée y a placés, c'est tout autre chose. L'itinéraire
de Marin n'en indiquait aucun , et ce n'est pas de là
que le géographe alexandrin les a tirés. La véritable
source de ces noms de peuples a été révélée à M. Vivien
de Saint-Martin, lorsqu'il les a tous retrouvés dans les
documents sanscrits. Dans les grands poëmes , dans
les listes pouraniques et dans d'autres livres indiens,
ces noms figurent en effet parmi ceux que les Brahma-
nes connaissaient à. l'extrême limite nord-ouest de
l'Inde ; et ce qui complète la démonstration , c'est
qu'aujourd'hui encore ils y existent pour la plupart.
Ce sont les tribus qui habitent les hautes vallées de
l'Hindou-koh oriental, ou qui s'étendent entre le Kach-
mir et Yarkand, à l'est de l'ancien Imaûs. Toutes ces
tribus gardent encore, sauf la légère modification des
prononciations vulgaires, les noms sous lesquels elles
figurent parallèlement dans les listes sanscrites et dans
les tables de Ptolémée. Ainsi, d'une part, Ptolémée a
inscrit sur ses cartes, à l'extrémité la plus orientale de
l'Asie, les noms de Sevica. et de Sera Metropolls^ d'après
l'itinéraire macédonien de Marin (de Tyr); et, d'autre
part , ayant à placer au nord de l'Inde et au delà de
r Imaûs une série de noms de peuples que lui fournis-
saient des matériaux d'origine indienne , il n'a rien
( 482 )
trouyé de mieux que de les répartir daDs le vaste
espace que lui ouvrait de ce côté sa Serica regio. De
là la coDrusioD.
Quelque chose de pareil s'est produit à l'orient de
riude , dans Ylntim extra Gangem du géographe
alexandrin. Dans la table ptoléméenne, une partie de
cette Inde extra-gangétique est comprise entre le
Gange et l'Himalaya , et on y retrouve en effet , tant
dans les listes sanscrites que dans l'ethnographie
actuelle, l'identification de tous les peuples mentionnés ;
une autre partie s'étend plus à l'orient , par delà les
bouches du Gange. Dans Ptolémée , les nombreuses
tribus de cette seconde catégorie sont répandues sur
tout l'espace compris entre le delta du Gange et ce
que le géographe alexandrin nonmie le Sûius magnus^
qui est notre golfe de Siam, de sorte qu'elles couvrent
au hasard toute une moitié de la vaste péninsule que
nous désignons sous le nom d'Indo-Chine. Dans la
réalité, leur domaine est infiniment plus restreint. Ici
encore c'est la synonymie qui lès a resserrées dans
leurs véritables limites. L'auteur du mémoire les a re-
trouvées à peu près toutes dans la vallée moyenne du
Brahmapoutra(leDihong des aborigènes, X^Daonasde^
Ptolémée), c'est-à-dire dans l'Assam. Quelques-unes
seulement descendent plus au sud, en longeant la côte
orientale du golfe du Bengale.
Cette double rectification de deux chapitres consi-
dérables de Ptolémée a cela de particulièrement im-
portant, que depuis llmaûs jusqu'au Grand Golfe elle
rétablit la véritable limite de la mappemonde gréco-
romaine.
( 488 )
NOTICE NÉCROLOGIQUE
SUR M. EUGÈNE N0££, MEMBRE DE lA SOCIÉTÉ.
Notre Société a perdu le 16 février dernier un de
ses membres les plus nouveaux, et Tun de ceux dont
la participation à ses travaux pouvait lui devenir fort
utile.
M. Eugène Noël, ingénieur en chef des ponts et
chaussées, admis dans la séance du 6 juillet 1860,
rendait compte, dans celle du 18 janvier dernier, des
savantes explorations de M. d'Abbadie en Ethiopie, et
:Un mois à peine après cette lecture il succombait aux
suites d'un cruel accident.
Dans le seul travail qu'ait pu faire pour la Société
notre regretté collègue, il nous donnait déjà la mesure
.de ce que nous pouvions attendre de son concours. La
finesse de ses aperçus, la rigueur de ses appréciations
scientifiques dénotaient un esprit depuis longtemps ha
bitiié à traiter des questions délicates , et il semble,
en lisant ces courtes pages, qu'on ne pouvait exposer
avec plus de simplicité et de justesse les procédés in-
génieux de la géodésie moderne et le résultat des pé-
nibles recherches de l'intrépide voyageur.
La Société fait donc en lui une perte réelle, et il nous
a paru que nous devions consigner ici un témoignage
de ses regrets.
Mazimin Deloghe.
{ 48i }
LA HAUTE CAZAMANCE
AU-DESSUS DE s£d'bIOC,
nnuT D'en l
A bord du DiatmaOt, m rade Ae Goréc, le 31 HTrier 1860.
Je sûsis avec empressement l'occasion qtù m'est
doDDée par l'expédition de la haate Cazamance ponr
compléter les renseignements géographiques que j'îû
déjù eu l'iionneur de vous soumettre sur cette rivière.
— Le brave et malheureux enseigne de vùsseau Par-
chappe, capitaine de l'aviso à vapeur fe Griffon, qui
vient de mourir victime de ses fatigues, abord du
Dialmaiji, il y a à peine quelques jours, et qui s'occu-
pait de l'hydrographie de la Cazamance, m'avait, par
reconnaissance pour les conseils que je lui'donnai, fût
hommage de son travail sur la rivière au-dessus de
Séd'hiou. — Ce bout de carte complètela Cazamance,
et place les importants et populeux villages mandin-
gues du haut pays. — Le fleuve remonte encore une
vingtaine de milles au-dessus de Diannah, mais il n'y
je pour des pirogues,
siiua, dirigée par M. le comman-
de, a été tellement heureuse dans
rciaux, qu'elle ne peut manquer
mentàParis ; peut-être serez-vous
répondre aux questions qui vous
et, et j'ose vous garantir les ren-
( 485 )
seignements que vous donne le commandant de la flo-
tille expéditionnaire^ titre sonore que peut prendre en
cette circonstance votre dévoué et respectueux servi-
teur.
Au-dessus de Séd'hiou, village principal du pays de
Boudhié, rive droite, s'étend le Yacine', pays mandin-
gue musulman, qui remonte dans le N.-O jusqu'à la ri-
vière Songrogon, affluent de laCazaraance. Mandinaen
est le chef-lieu. — Toujours sur la même rive, et à
Test du Yacine, se développe le Packao, qui sépare la
Cazamance de la Gambie ; c'est un riche pays," moitié
mandingue, moitié sarracolet, et surtout rendu culti-
vateur par la présence de nombreuses immigrations de
ce dernier peuple agriculteur. Le Packao est le grenier
des arachides qui alimentent le commerce de la haute
Cazamance.
Le Souna, rive gauche, en face de Séd'hiou, au nord
du pays inculte des Balantes idolâtres, dont il est sé-
paré par le petit marigot de Bissari, le Souna vit moins
par son commerce que par sa réputation de sainteté, et
par les tributs que prélèvent ses marabouts sur tous ses
voisins, auxquels ils débitent leurs grisgris préserva-
teurs.
Karantabâ est la ville sainte du haut pays ; les ma-
rabouts de Karantabâ passent pour de vrais apôtres
noirs.
Le Balmadou avoisine le Souna à l'est ; et ces cinq
petits pays, tous unis par les liens de la famille et de la
religion, représentent dans la haute Cazamance l'avant-
garde du mahométisme conquérant qui, le Coran
d'une main, un glaive de l'autre, soumet l'indigène
( A86 )
idolâtre et le refoule sur l'Océan» où il ne trouve plus
(l'auU'e asile que des marais empestés d'où il disparaî-
tra avant peu. — Ainsi, dans toute t Afrique^ la lu-
mière religieuse se fait au centre, rayonne et repousse
à la mer tout ce qui lui fait obstacle. — Nos efforts de
résistance sur le littoral, sont de bien peu d'effet;
quelques courageux missionnaires ne peuvent que mou-
rir échelonnés sur la côte, sans que leur voix ait péné-
tré à l'intérieur de l'Afrique, et le jour s'approche où
tout ce pays sera soumis à la loi de Mahomet.
C'est au Souna que nous venons d'avoir affaire ; au
Sonna qui depuis dix ans voit arrêter sa marche par
notre comptoir fortifié de Séd'hiou,etne nous pardonne
ni notre religion, ni la protection que nous étendons
sur les idolâtres cultivateurs qui fournissent à notre
coçamerce. — Après dix années de menaces, nous ve-
nons de réduire ce pays, dont la soumission radicale a
entraîné celle du Packao, du Yacine et du Balmadou.
Ce sont là aujourd'hui des pays français, aussi riches
que fertiles, où notre commerce ne doit pas tarder à
tripler. lï se charge à Séd'hiou plus de vingt navires
par an. — Si la guerre a son côté cruel, elle devient
légitime contre les fanatiques qui la provoquent, sourds
à toutes les raisons préalables ; et lorsque, comme dans
le Souna, elle ne fait que châtier des voleurs et des as-
sassins, et rétablir la liberté de la production et du
commerce, elle devient un vrai bienfait.
Il est impossible d'imaginer un plus beau pays que
celui que vient de parcourir la colonne expéditionnaire.
— Rivières, prairies couvertes de troupeaux, grands
et beaux villages, plaines d'arachides, forêts de pal-
( à^-f )
mîers et de bois de toutes les essences, sources natu-
relles, fleuve imposant ps^r sa largeur, richesses de
toutes sortes, vrai panorama de fantaisie que la nature
s'est plu à décorer de ses plus chatoyantes couleurs,
telle est notre nouvelle et rapide conquête. — Et
la vieille Europe saura gré aux pionniers de son com-
merce et de sa civilisation qui lui font un pareil ca-
deau.
J'étendrais davantage mon sujet, si je ne devais le
restreindre à de sérieuses appréciations, telles qu'elles
puissent être agréées de vous. — Je porte sur la petite
carte que je vous adresse et qui doit s'ajouter au cours
déjà connu de la Cazamance, un itinéraire de notre
marche victorieuse pendant les quatre jours qu'a duré
l'expédition du Souna.
( A88 )
Iketcm de la Soelété.
EXTRAITS DES PROCÈS -VERBAUX DES SfeAKCES
Séance du 3 mai 1861.
M. le secrétaire de la Société philotechnique adresse
plusieurs billets d'invitation pour la prochaine séance
de cette Société.
M. F. Coello, membre correspondant de la Société,
lui adresse une Carte de TEspagne qu'il vient de ter-
miner, ainsi qu'un volume renfermant des Renseigne-
ments géographiques, géologiques et agricoles sur
l'Espagne. M. de la Roquette est prié de rendre compte
de ces deux ouvrages.
M. Constantin de Sàbir fait hommage d'un nouvel
exemplaire de la carte jointe à son ouvrage sur le fleuve
Amour ; les teintes indiquent les nouvelles divisions
administratives établies dans ce pays par le gouverne-
ment russe.
M. Malte-Rrun présente, delà part de M. Henri Auca-
pitaine, une notice extraite de la Reçue africnine, sur la
tribu des Aït Fraoucen qui se dit d'origine française.
M. Vivien de Saint-Martin offre à la Société son
troisième mémoire sur la géographie grecque et latine
de rinde , et donne verbalement quelques expli-
cations sur un ou deux points qu'il regarde comme-
ayant une importance particulière pour fixer la limite
( 489 )
de la mappemonde gréco-romaine dans l'Asie orientale.
(Voir ci- dessus p. 480.)
M. d'Avezac dépose sur le bureau un numéro du
Journal le Times^ qui lui a été envoyé par M. Norton-
Shaw, et qui renferme plusieurs lettres intéressantes
adressées par le docteur Livingstone au président dé
la Société royale géographique de Londres.
M. Jomard, président, offre delà part de M. de Kha-
nikoff le plan de la ville de lezd, destiné à être joint
à la carte de la province de Khorassan.
Au nom de M. de Montigny, il annonce que MM. les
membres de la Société sont invités à visiter sa collec-
tion, au quartier Beaujon, rue du Centre, n° 13, tous
les jours de la semaine. M. de Montigny avertira la
Société de l'arrivée à Toulon des ambassadeurs de la
Cochincbine , personnages au-devant desquels il est
allé par ordre de Y Empereur.
Le même lit une notice sur feu M. Delaporte, an-
cien consul de France à Tripoli et à Mogador, récem-
ment décédé à Paris, qui a fourni des matériaux au
Recueil des mémoires publiés par la Société, et qui
recueillit à Tanger le voyageur Caillié, arrivant de
Tombouctou.
A cette occasion, M. Garnier exprime le regret que
la modestie du vénérable président lui ait interdit de
dire la part considérable qu'il eut lui-même à faire con-
naître les mérites de l'infatigable voyageur, et à lui as-
surer cette renommée qui a été en majeure partie la
seule récompense des périls qu'il venait d'affronter.
La Commission centrale s'associe aux sentiments
I. MAI ET lUIN. 10. 32
( h90 )
exprimés par M. Garnier, et désire que l'expression en
soit consignée au procès-verbal.
Le président annonce ensuite que la deuxième partie
du tome VII est à l'impression; elle commencera par
le mémoire de M. de Khanikoffsur le Kborassan, et
sera suivie de l'édition complète promise par M. D' Ave-
sac, du traité de l'aimant composé au xiii' siècle par
Pierre de Maricourt auquel il voudra bien joindre pro-
bablement son mémoire sur la variation de l'aiguille
ûmantée.
Enfin, M. Jomard informe la Société de la présence
à Marseille, de M. Pégboux capitaine an long cours,
compagnon de voyage de M. Miani, et ajoute qu'il l'a
invité à communiquer ses observations et à tracer une
esquisse de son voyage au-dessus de Kbartoum, jus-
qu'au moment oix il s'est séparé de M. Miani.
M. le secrétaire général donne lecture de la liste des
ouvrages offerts à la Société ; il dépose ensuite sur le
bureau, la première feuille du mémoire de M. de Kha-
nikoff, destiné à compléter le tome VII des Mémoires
fie la Société.
M. Gabriel Lafond développe, au nom de la section
de correspondance, quelques aperçus touchant le bas-
sin de l'Orénoque sur lequel des instructions ont été
demandées par M. Grellet, ingénieur des mines, qui
se propose d'entreprendre un voyage dans ce pays.
M. Cortambert ajoute quelques considérations qui trou-
veront place dans le projet d'instructions à transmettre
à M. Grellet.
MM. Francisco et Ramon Merino-Ballesteros, frères,
sont présentés pour faire partie de la Société, par
( 491 )
MM. Jomard et de Sabir. Les mêmes membres présen-
tent également M. Beaubrun-Ardoiiîn, ministre ré-
sident de Haïti à Paris, et auteur d'une géographie de
nie de Haïti, et d'une étude sur l'histoire de Haïti ; ce
dernier ouvrage se compose de 11 volumes in-S**.
La Commission centrale procède à la nomination de
deux membres adjoints et de deux correspondants
étrangers.
Les membres adjoints élus sont MM. Deloche et de
Rostaing; les correspondants étrangers, MM. Norton-
Shaw, secrétaire de la Société royale géographique de
Londres, et Foetterlé, secrétaire de la Société impé-
riale et royale géographique de Vienne.
M. Jager met sous les yeux de l'assemblée une table
ou appareil géographique dont il est l'inventeur, et qui
a pour but de faciliter à la jeunesse l'étude de la géo-
graphie astronomique et mathématique. M. Cortambert
est prié d'examiner cet appareil et d'en rendre compte
à la Société.
M. Elisée Reclus lit un rapport sur les travaux de la
Société géographique de Genève. — Renvoi au Bulletin,
M. d'Avezac donne lecture de quelques notes jointes
à son travail sur la déclinaison de Taiguille aimantée,
et dans lesquelles il a rejeté certaines remarques de
détail qui répondent d'avance au désir manifesté par
M. d'Abbadie d'une restriction à une confiance trop
absolue dans la supériorité des appareils magnétiques
de Gauss.
M. Le docteur Moure commence la lecture d'une
notice sur la rivière Paraguay. — Renvoi au Bulletin.
(492 )
Séance du Yl mai 1861.
M. le vicomte de Rostaing écrit à la Commission
centrale pour la remercier de sa nomination de membre
adjoint.
M. Espina remercie également la Société de son ad*
mission comme membre, et il annonce qu'il rendra
compte des voyages et des travaux scientifiques actuel-
lement en cours d'exécution dans la Tunisie.
M. Ant. d'Abbadie transmet à la Commission cen-
trale deux communications qui lui ont été faites par
Mgr Massaja et par le père Léon des Avanchers, au
sujet des pays du haut Nil et du cours du fleuve Blanc.
— Renvoi au Bulletin, après quelques observations de
MM. Jomard, Vivien de Saint-Martin, Trémaux, de la
Roquette et Lourmand.
Sont nommés membres de la Société : MM. Ramon
et Francisco Merino-Ballesteros, et M. Beaubrun Ar-
douin ministre résident de Haïti à Paris, présentés par
MM. Jomard et de Sabir. M. Tissot, consul de France
à Andrinople, est présenté pour faire partie de la So-
ciété, par MM. Jomard et Espina.
M. le président donne lecture des instructions adres-
sées à M. Grellet, ingénieur des mines, qui se propose
de faire un voyage dans le bassin de TOrénoque.
M. Garnier annonce que M. d'Avezac l'a prié de faire
excuser son absence, causée par une raison de santé.
M. Barbie du Bocage termine la lecture de son tra-
vail sur le Maroc.
"S .. .
( 493 )
M. F. Lavallée lit une notice sur l'île de Puerto -Rico.
Au sujet de la culture des bananiers dans cette île,
dont parle M. Lavallée, M. Deloche annonce que l'ad-
ministration centrale de la pépinière d'Alger fait de
grands efforts pour naturaliser cette culture en Algérie.
M. le docteur Moure continue la lecture de sa notice
sur le cours du Paraguay.
Séance du 1 juin 1861.
S. E. M. le ministre de l'Instruction publique annonce
à la Société que S. E. le ministre d'État a bien voulu,
sur sa demande, accorder à la Société la collection da
Journal des sauants^ à partir de l'année 1830.
S. E. M. le ministre de la marine et des colonies fait
don également à la Société d'une Carte du Sénégal,
de la Falémé et de la Gambie, dressée en 1861, et pu-
bliée par son département sous la direction de M. le
colonel Faidherbè, par M. Brossard de Corbigny, ainsi
que d'un Album des p(willons, guidons, flammes de
toutes les puissances maritimes, par M. A. Le Gras.
M. Beaubrun-Ardouin remercie la Société d'avoir
bien voulu l'admettre au nombre de ses membres, et
la prie d'accepter, comme témoignage de gratitude,
plusieurs de ses ouvrages sur l'histoire et la géographie
de Haïti. M. Francisco Ménno-Ballesteros remercie
également la Société de sa nomination.
M^ le colonel J. Schaffner, dans une lettre adressée
( à9h )
au secrétaire général, réclame le concours des observa-
tions de la Société de géographie de Paris, relativement
à son projet d'établissement d'un télégraphe électrique
devant joindre l'Europe à l'Amérique par l'Islande et
le Groenland. Il envoie en outre trois opuscules con-
tenant les documents qui servent de base à son projet,
et les observations et discussions qu'il a déjà soulevées
devant plusieurs corps savants de l'Angleterre. —
Renvoi des opuscules à M. Jules Duval.
M. Malte-Brun annonce qu'il a reçu une lettre de
M. le docteur Barth, dans laquelle le savant explora-
teur témoigne de l'intérêt qu'il porte aux voyageurs
français actuellement en Afrique , et notamment à
M. Henry Duveyrier aux observations duquel il attache
une grande importance.
M. de la Roquette offre, de la part de M. Sédillot,
un recueil de diverses pièces de littérature orientale
de M. Sylvestre de Sacy, précédé de l'éloge de l'auteur,
par M. le duc de.Broglie. M. Sédillot, l'éditeur de cet
ouvrage, y a ajouté quelques notes, ainsi qu'une courte
préface.
M. Jomard profite de cette circonstance pour rap-
peler les services rendus à la science par M. Sylvestre
de Sacy père, et fait particulièrement l'éloge de sa
traduction d'Abd-AUatif.
M. E. Cortambert dépose sur le bureau un exem-
olaire du tirage à part d'un article qu'il vient de pu-
olier dans le Bulletin de la Société sous le titre de
Coup cCœil sur les productions et sur les peuplades géo-
phages et les autres populations des bords de l* Orénoque.
M. le vicomte de Rostaing dépose sur le bureau un
( 495 )
numéro du Moniteur de la flotte^ qui contient l'analyse
du dernier Bulletin de la Société.
M. E. Cortambert lit un rapport sur la table géo-
graphique de M. Jager. — Renvoi au Bulletin.
M. le président dépose sur le bureau, de la part de
M. de Khanikoff, un plan de la ville de Kirman, des-
tiné, ainsi que celui de lezd, remis à une précédente
séance, à accompagner le récit de son voyage dans le
Khorassan, publié dans le tome VII des Mémoires de
la Société.
M. le docteur Moure termine la lecture de sa notice
sur le cours du Paraguay.
M. Alfred Jacobs donne d'intéressants détails sur la
question d'Alesia. Il est prié de rédiger sur ce sujet
une note pour le Bulletin.
M. le président exprime à M. le comte d'Escayrac
de Lauture, présent à la séance, tout l'intérêt que la
Société a pris aux événements qui ont signalé son
voyage en Chine, à la suite de l'expédition française.
( 496 )
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
SÉANCES DE MAI ET JUIN 1861.
EUROPE.
Rese&u geogréfica , geolôgica y igrioola de Espana , redactadaf por
D. Fraociico Coello, D. Francisco de Loiân y D. Agostia Pascqàl.
T publtcadas por la coroision de estadisca général del reino en el
annarto correspondiente à 1858. Madrid 1859, 1 vol in-4.
M' Fbancisco Cobllo.
Portugalis monumenta historica -a ssculo octavo post Christam usqae
ad qatntamdecimam iussu académie scientiarum olisiponentis
édita. Leges et consuetudines, volamen I, Fasciculus 11. Scriptûres,
Yolumen I, fasciculi II et III. Olitipooe 1^58, 1860 et 1861.
3 vol. in-fol. Académie de» sciences de I^isbohne.
Portogali» inscriptiones romanas edidit Levy Maria Jordâo. volamen 1.
Olisipone. 1859, 1 vol. io-4. Académie des sciences db Lisbonne.
Qaadro elementar das relaçôes polilicas e diplomaticas de Portugal
com as diversas potencias do mundo, desde o principio do xvi se-
colo da monarchia portogueza aie aos nossos dias cotligido e coor-
denado pelo visconde de Santarem, e conliouado e dirigido peto
socia da Academia real das scieacias de Lisboa Laiz Aagbsto Rebelle
da Silva. Improsso por ordem do governo de Portugal. Lisboa, 1858,
1859 et 1860. Vol. xvi, xvii, xviii.
Académie des sciences de Lisbonne.
La Cornooaille et CorisopUum, réponse à la brochure des Curiso-
Utes de César et des CorisopUes de la notice des Provinces par M. de
Courson, à la nouvelle ophiioir de M. La Borderie sur le nom de
Corisopitum et la colonisation de la Cornouaille et à ses éléments
de rhistoire de Bretagne, par E. Halléguen. Paris, 1861. 1 broch.
in-8. M. E. Halléguen.
ASIE.
Lendas da India por Gaspar Correa publicadas de ordem da classe de
^icteneias moraes» politicas e bellas lettras da Academia real das
( 497 )
sciencias de Litboa et sob a direccâo de Rodrigo José de Lima Felncr,
socio effecfivo da mesma Academia. Obra subsidiada pelo goveroo
de Portugal, tomo I, parte I et II, tomoll, parte I. Lisboa, 1858,
i 859 et 1860, 3 vol. in- 4. Académie des sciences de Lisbonne.
Recherches sur la topographie de Tyr, par P. A. Poulain de Bossay.
Parts, 1861, 1 broch. in-8. M. P. A. Poulain de Bossat.
AMÉRIQUE.
Études sur Thistoire de Haïti, par B. Ardouin, ancien ministre d*Haliti
près le gouvernement français. Paris, 1855-1860, 11 vol. in-8. —
Géogra^b'ie de Tlle ^e Haïti, précédée du précis et de la date des
évë^me'nts les plus remarquables de son histoire, par M. Ardbuin.
Port-au-Prinee, 1856, 1 vol. tb-8. — Histoire des caciqàes d^Haïti,
par le baron Emile Nau. Pdrt-au-Printe, 1855, 1 vol in-8.
M. B. Ardouin.
Coup d'œil sur les productions et sur les peuplades géophages et les
àtltres pbpi^latîonè des bords de POrénoque. Rédigé principalement
sur >stiotes de M. le D^ L. Plassard, par M. E. Cortambert. (Ex-
trait do Bulletin de la Société de géographie). Paris, 1861, broch.
in-8. M. E. Cortambert.
pissertation sur les races qui composaient l'ancienne population du
Pérou, par L. A. Gosse^ de Genève, docteur en médecine. Paris,
1861, 1 broch. in-8. M. L. A. Gosse.
OUVRAGES GÉNÉRAUX, MÉLANGES.
Silvestre de Sacy. — Mélanges de littérature orientale, précédés de
r>r4toge de Pauteur, par M; le duc M. Is» GeOFFAOT SAINff-HiLAiRE.
Album des pavillons, guidons, flammes de toutes les puissances mari-
times,' avec texte, {ter M. A* Le Gras, capitaine de frégate, publié
iova Ie4iiiaiatèr0 deS. E. Taiiiiral Hamelin. Paris, 1856^. '
> Lk MllimtRB DB itA MARINS BT DES COLOmBS.
( A98 )
Relations hiiloriques et théorie des imagef photo-électriqaef de la
foudre, observées depuis l'an 360 de notre ère jusqu'en 1860, par
M. Andrès Poey (2« édition). Paris, 1861, 1 broch. in-18.
M. Andrès Pobt.
Loi de la coloration et de la décoloration des étoiles, du soleil et
des planètes, par Andrès Pocy. (Extrait de l'Annuaire de la Société
météorologique de Franco.) 1861, broch. grand in-8.
M. Andrès Pobt.
Résumé des observations recaeillies en 1860 dans le bassin de la
Saône, par les soins de la commission bydrométrique de Lyon.
Memoria sobre el éclipse de sol de 18 julio de 1S60, par D. Francisco
dePaula Marquez. Madrid, 1861, 1 vol. gr. in 8.
D. F. DE Padla Marquez.
The norlh atlantic telegraph via the Fœrbe isles, Iceland, and Green-
land. 3 broch. in 8. London, 1861. M. le colonel Shaffmbr.
Essai sur les croisements ethniques, par M. J. A.-N. Perier, 2 broch.
iD-8. M. J. A-N. Perier.
A TLAS ET CARTES.
Carte du Sénégal, de la Falénié et de la Gambie, jusqu'aux limites où
ces rivières ont été explorées, dressée sous la direction du colonel
du génie L. Faidherbe, gouverneur du Sénégal et dépendances, par
le baron Brossard de Corbigny, capitaine de frégate, publiée par
ordre de TEmpcreur, sons le ministère de S. E. M. le comte P. de
Chasseloup-Laubat, 1861.
. Le ministre de la karine et des colonies.
Empire romain, dressé par A. H. Dufour. Paris, 1861. 1 feuille avec
texte. — Suisse et nord de Pltalie, dressé par A. H. Dufour. Paris,
1861. 1 feuille avec texte. M. A. Le Chevalier.
Peninsula espanola por don Francisco Coello, escala l/lOOOOOO*'. Ma-
drid, 1861. 4 feuilles. M. Francisco Coello.
Atlas der Alpenlânder. Scbweiz, Savoyen, Piémont, Sud-Bayern,
Tirol, Salzburg, Erzherzogthum OEsterreich, Steyermark, Illyrien,
Ober-Italien, etc. Nach den neuesten Materialicn bearbeitet, von
J.-G. Mayr. Drille Lieferung, Section III, und VI. Gotha.
M. J. G. Matr.
( 499 )
Carte militaire des Pays-Bas» feuilles de Steenwijk, Goedereede»
Wellemstad. 3 feuilles. Ministère de la guerre néerlandais.
MÉMOIRES DES ACÂÔÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES,
RECUEILS PÉBIODIQUES.
Proceedings ofthe Royal Geographical Society ofLondonf vol. V, n* 1.
Exlracts from a letler from D' Shaw on a proposed exploration
in North-Westcrn Australia under M. F. T. Gregory, 29 août 1860.
— Exploration of thc districts near the Burdekin, Suttor, and
Belyaado rivers, in N. E. Australia, by M. E. Dalrymple, — Ex-
ploration of Central Australia frorn Melbourne, via CooperCreek. —
Abstracts from letters from tbe East Afriean expédition under
Captains Speke and Grant. — Notes on South Africa, by M. J.
Chapman, — Consul Petherick's, Expédition up the Wbite Nile.
— On the physical Geography of the Sea, in connection with the
Antarciic Régions, by Capt M. F, Maury, U. S. N. — Mémoran-
dum of a journey from Khartum by the White Nile, Bahr-el-
Ghazai, and in the interior of Central Africa, during the years
1857-58, by J.Petkeriek.
Proceedings ofthe Royal Society, n" 43, Janvier-mars.
The Transactions of the royal irish Academy , vol. XXIV, part. I.
Mittheilungen de Petermann. 1861, n*' 5.
Expédition de M. Heuglin dans Tintérieur de TAfrique. Lettres
d*Alexandrie, 17 mars 1861. — Journal du voyage de J. Mac D
iin MabriMjf
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PIERRE DAUSSY
Frcsidcnl l^':;w^^lre de !a Société de Cêo^raphie ,
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,mbre de l'Academit des Saences « du Bureau des Lonjjludes (;
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Ha. Trihiis- Hakoiéis peuplr tf.4llntiav
B. MU/uftrx Houivu.f ou Sheàioni .
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CRooris
I des pays liomiés fKir le» rivières
llMHIt-niNLO ET ItMÊ
affluenU
DU GABOJ^
et de la conlrée
sitaéo a l'Est de ces deux rivières
et arrosée
par le Fleuve Ogo-Uwaï
jai ]f Riuouezec lient* deV"
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Itttp Jamvn ti.H..hi4oinf Un h
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Sociète d^' OcÀ
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au dessus de Sed'hiou
i'après le travail de^ Parchappe
Enseigrne de Vaisseaa,
£cb«llede5ilUles mariiu.
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Crave'chéX Ertuiti
Paru Imp.Jantvn^6JL4niotn»Jhihoir.